m AGENT SECRET LA REVOLUTION ET L'EMPIRE LE COMTE D'ANTRAIGUES L'auteur ot los éditeurs tion et de traduction en Ce volume librairie) a été dériarent réserver leurs droits de reproduc- France et à l'étranger. déposé au ministère de lintérieur section de en janvier 1893. PARIS. TYP. DE E. PLON, ^0URR1T ET C'% RUE GàRA>ClÈRE, 8. la - ^ ^ï- '^i'SîS^-'Sî-^ Hél.oift.lmp.Le I.E COMTE D'ANTRAIGUES (1795) d'après un portrait appartenaxit à M. le Comte dAlbon m AGENT SECRET SOUS LA REVOLUTION ET L'EMPIRE // LE COMTE D'ANTRAIGUES LEONCE PINGAUD Ouvrage accompagné de trois portraits en héliogravure PARIS LIBRAIRIE PLON E. PLON, NOURRIT et G% IMPRIMEURS-ÉDITEURS RUE GARANCIERE, 1893 Tous droits réservés 10 ; /r^^ S INTRODUCTION A la veille de 1789, parmi les Mémoire sur qui sollicitaient l'opinion, un généraux se partagea brochure de Sieyès sur le faveur avec le tiers état; la il les écrits États fameuse était signé : comte D.A.N.T.R.A.I.G.U.E.S. En l'an d'État du partout_, la la innombrables V, pour le Directoire, 18 comme fructidor, Pièce trouvée à afficher fit preuve delà justifier le « et coup répandre conspiration royale», Venise dans le portefeuille de d'Antraigues En 1803, ce même nom de d'Antraigues, pro- noncé avec menaces parle Premier Consul à Paris, et répété à Dresde et à Pétersbourg, sert à carac- tériser un des prétextes de France et la Russie. En juillet 1812, \q la rupture entre Moniteur enregistre la comme un événement important, à côté du dixième Bulletin de la Grande armée, et de sa femme, réfugiés en Angleterre. l'assassinat Le personnage qui apparaît du comte d'Antraigues ainsi d'une façon in- INTRODUCTION 2 termiltente et toujours inattendue, çà et là, sur la scène politique, pendant les grandes années de la Révolution cl de l'Empire, a été de son vivant assez justement apprécié, mais assez mal connu. Sous la république, on croyait saisir partout, en toute circonstance, la trace de ce dangereux conspirateur et plus tard Napoléon le nommait dès , qu'il daignait s'inquiéter de ceux qui n'avaient pas fléchi devant lui. Ses papiers, s'il était possible de les réunir dans leur intégrité, lèveraient tous les voiles de sa vie; mais beaucoup ont été détruits par d'autres ont été après sa lui de son vivant, mort mis au pillage par des curieux, dispersés par un héritier négligent ou épurés par des mains intéressées aies détruire. Ses brochures, publiées en divers pays, sont pour la plupart anonymes et quelques-unes fort rares ou introuvables. Ses correspondances eussent rempli une bibliothèque à notre ministère des Affaires ; étrangères, bien que aient disparu, à toutes les séries complètes deux exceptions près, elles n'en remplissent pas moins dix-sept volumes. Les lettres ou mémoires qu'il a travers l'Europe répandus pendant vingt ans à dorment aux archives de Moscou, de Pétersbourg, de Vienne^ au Record Office British Muséum au de Londres. Nos Archives natio- nales conservent le talie, et la et fameux portefeuille enlevé en bibliothèque de Dijon quelques dossiers I INTRODUCTION de famille dont le fils 3 de d'Antraigues était resté en possession. Nous ne nous Qattons pas d'avoir tout découvert, retrouvera probablement encore beaucoup et l'on de lettres, peut-être intarissable. d'ouvrages dus à cette plume Ceux que nous avons réunis forment déjà un ensemble considérable, et difficile à interpréter, à cause des lacunes qu'ils offrent, des hypo- thèses qu'ils suggèrent, des assertions controversées ou exagérées L'homme dont qu'ils contiennent. émanent n'a cessé d'écrire, et c'est ils un gascon des Cévennes, souvent dupe de ses propres mensonges, Son pays natal a conservé sur lui quelques souvenirs intéressants; ailleurs la tradition a passé vite à l'état de légende, par suite du mystère planer à dessein sur ses actions qu'il a comme laissé sur ses écrits. D'Antraigues appartient, périodes diverses : par sa à vie, trois l'ancien régime, la Révolution, l'Empire. Sous le règne de Louis XVI, il se révèle un voyageur curieux, un gentilhomme sible, ami de Jean-Jacques Rousseau une reine de coulisses. En 1 789, il comme lettré et senet attaché à devient au service de sa province et de son ordre un publiciste et un homme politique, et, après avoir joui quelques instants d'une popularité éclatante et équivoque, il , INTRODUCTION 4 montre aux États généraux se constituante le découragé du quitté la vieil France des frontières, défenseur il et l'Assemblée à impuissant et bientôt ordre de choses. Dès 1790, qu'il ne reverra plus, consacre à la et, il a au delà cause de la contre- révolution royaliste ses talents et son esprit d'intrigue. Pendant cinq ans, en sous Italie, d'une légation espagnole ou russe, loin En aux Bourbons ses informations 1797, il est rejoint à Trieste il le couvert prodigue de et ses conseils. et fait prisonnier par ses compatriotes, mis en présence de Bonaparte, et son attitude pendant sa captivité paraît, après son évasion, assez suspecte pour faire tomber sur lui la disgrâce de son maître. Traité en faux frère par les chefs de l'émigration, il se transforme en un politicien cosmopolite, utile parfois, importun le plus souvent aux hommes d'État autrichiens russes ou anglais qui l'emploient. Serviteur de la réaction européenne, et serviteur il payé de toutes mains, va d'abord de Venise à Vienne, puis de Vienne à Dresde, de Dresde à Londres, tissant son inextricable et impuissante toile d'araignée autour de la France, fournissant aux cabinets et aux ministres des idées, des renseignements, des plans de manifestes et et de négociations. Son odyssée mystérieuse famélique, traversée à la romanesques et fois par des aventures des préoccupations littéraires, se clôt INTRODUCTION 5 par une catastrophe tragique et a été en définitive d'Antraigues, sauf quelques stérile. Elle n'a valu à passagères d'amour-propre, que satisfactions des déceptions, des humiliations, et la réputation équi- voque qui demeure attachée à son nom. Cette vie est pourtant intéressante, hommes des comme celle qui ont toujours lutté, toujours été vaincus, et n'ont jamais voulu avouer leur défaite. Elle se qu'elle recommande aussi par les grands événements a traversés, par les vies illustres dont elle demeure inséparable. Certes, les contemporains de d'Antraigues ont été durs à son endroit; Bonaparte l'a traité de «polisson» Louis XVIIl, après absolue, on l'a et d'« insolent», et, lui avoir appelé « charlatan « »^ coquin fieffé (3) » un intrigant lui « le et (2) « pour . En accordé une confiance la fieur des Pour l'Espagnol d'Azara, il autour de drôles a été un l'Autrichien « véritable Thugut un Russie, Golovkine a vu en déhonté (4) », et Razoumovsky plus mauvais sujet qui existe sur le globe cependant (1) ». les plus habiles ont talents, les plus puissants n'ont pas (5) » ; mis à profit ses dédaigné de le combattre. Certaines chancelleries ont apprécié sa Note de d'Avaray. (A. F., France, vol. 596, f. 2.) Froment, Précis de mes opérations, etc., p. 120. Vertrauliche Briefe des Freiherrn von Thugut, note (3) VivENOT, 88 à la fin du 1" volume. (4j Th. Golovkine, Souvenirs manuscrits. (G. P.) (5) Wassiltchikov, la Famille Razoumovsky (en russe), t. III, p. 437. (1) (2) INTRODUCTION 6 « plume de quence et s'est fait temps amis feu », certains salons ont cru à son élol'ont un grand homme. proclamé beaucoup d'ennemis, et des partout fidèles. En France il gardé en tout a admirateurs il S'il sincères, des a connu, sans être consi- déré trop au-dessous d'eux, Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, pendant l'étranger, sa vie, il les et Maury. l'abbé A vingt dernières années de a été le confident, l'auxiliaire line Mirabeau de Louis XYÏIÎ, de le correspondant ou la reine Marie-Caro- de Naples, de diplomates, de publicistes et d'hommes d'État de tout pays, de Thugut et de Cobenzl, de Panine et de Czartoryski, de Jean de Millier et de Gentz, d'Armfeltet de Canning. Sa vie, qui est celle d'un aventurier politique et littéraire, est donc en un certain sens l'histoire d'une caste, d'un parti, d'une époque. La noblesse française à la fin de l'ancien régime, la royauté des Bourbons poursuivie par la république triomphante, l'Europe aux prises avec l'empire napoléonien, tels sont les êtres de raison qui, sous le couvert de d'Antraigues, remplissent ce livre. On trouvera mes signalées ainsi, dans principales sources de mon travail notes, les : Archives des Affaires étrangères de France. A. F. Archives de Cour et d'État, Archives de i\roscou. à Vienne. A. V. A. M. INTRODUCTION 7 Archives de Saint-Pétersbourg". A. P. Record R. O. British Office, à Londres. Muséum, B. M. à Londres. Bibliothèque publique de Dijon. B. D. Collections particulières. C. P. Les volumes des Archives des affaires étrangères m'ont principalement servi sont qui les volumes France^ 628-644 (papiers de d'Antraigues), général tous les volumes du fonds Bourbons dit en et ; puis certaines séries de la correspondance [Venise, de 1794 à 1797; Saxe, de 1802 à 1806; Russie, de 1803 à 1804). A la Moscou, mes recherches ont été haute bienveillance de S. Exe. directeur général des Archives^ et mon pressé de facilitées par le baron Bûhler, le concours em- compatriote M, Fondet de Montus- saint, professeur à l'Institut Sainte-Catherine. Parmi je les collections particulières dois surtout mentionner celle oi^i où j'ai puisé, j'avais déjà recueilli les éléments de la Correspondance intime comte de Vaudreuil été ouverte avec et constante et du comte d'Artois ; elle du m'a une libéralité spontanée, une haute sympathie pour mon œuvre, dont je demeure profondément reconnaissant. M. le connaît marquis d'Albon; M. Frédéric Masson, qui si bien toute la période révolutionnaire et impériale; M. Emilio Motta^ bibliothécaire à Milan, INTRODUCTION 8 m'ont aidé à éclaircir quelques points obscurs entre tous dans la vie que j'avais à raconter. J'ai reçu en outre beaucoup de communications intéressantes MM. des compatriotes de d'Antraigues, de à Largentière ; chalde, àVals-les-Bains à Antraigues Doize, à Saint-Chaptes (Gard) le ; ; baron de ; je prie tous teurs d'agréer ici la Henry VasChadenède, Haymond de Gigord, Sainl-Mouline-Prunet (Ardèche) à Toulouse ; Mazon, mes ; à Firmin Boissin, obligeants collabora- mes remerciements. UN AGENT SECRET sous LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE LE COMTE D'ANTRMGUES CHAPITRE PREMIER D'ANTRAIGUES JUSQU'EN I. 1789 — Le Vivarais au siècle. — — Naissance, jeunesse, éducation de d'Antraigues. — Son caractère dépeint par sa mère. — Années de service militaire. — Relations avec philosophes. — Un ami inconnu de Premières années (1753-1778). La xviii" famille d'Antraigues. les Jean-Jacques Rousseau. n. Voyage en Orient (1778-1779).— D'Antraigues ennemi des prêtres et des rois. Son départ pour l'Orient. Séjour à Constantinople. La princesse Alexandrine Ghika. Excursion en Egypte et au Sinaï. Retour en France par la Pologne et l'Autriche. Caractère des récits de d'Antraigues sur l'Orient libertinage et libre pensée. — — — — — — : in. Vie à Paris et en province (1779-1788). — Versailles. de lettres — : — D'Antraigues exclu de Ses rapports avec les savants, les publicistes, les gens Montgolfîer, Mirabeau, Malesherbes, Bernardin de Saint- Ses amis à l'étranger. — — Ses bonnes fortunes. La SaintLeur correspondance. HubertJ^ D'Antraigues en Vivarais. Le château de la Bastide. Le châtelain, ses occupations, ses revenus. Pierre. — — — La belle Henriette. — — CHAPITRE PREMIER 10 I PREMIÈRES ANNÉES (1753-1778) Louis-Emmanuel-Henri-Alexandre de Launai, comte d'Antraigues, était originaire du Yivarais. Cette contrée, avant-garde vers le nord de la France méridionale, a toujours eu, entre ses étroites frontières, une physionomie et un caractère profondément remué par de la nature, les les troubles et les à part. Dans ce pays, bouleversements primitifs hommes, par leurs luttes, ont perpétué révolutions. Les guerres religieu- les ses du XYi^ siècle y furent longues et acharnées. Jacques Roure y souleva les paysans, au plus beau temps du règne du grand roi. Sous Louis XY, Antoine Court en sortit des pour relever les chaires protestantes au désert, désordres renouvelés du moyen âge y les rigueurs gne au de Grands-Jours siècle précédent. tels Dès 1783, et appelèrent que ceux d'Auverles « hommes mas- qués » qui s'y répandent, soulevés contre la rapacité des gens de aux titres loi, et féodaux, faisant la guerre aux chartriers et précèdent de six ans la Jacquerie rurale contemporaine delà Révolution. De temps immémorial, la famille d'Antraigues habi- région montagneuse située autour d'Aubenas tait la ses résidences seigneuriales dominaient les ; vallées abruptes, sillonnées de chaussées basaltiques et labou- PREMIÈRES ANNÉES (1753-1778) 11 rées par des coulées de lave éteinte, où la Yolane et la Bezorgue viennent unir leurs eaux à celles de l'Ardè- un certain Trophime che. Là, sous le règne d'Henri IV, de Launai, financier de profession, huguenot de reli- gion, peut-être suisse d'origine, épousa Marie de Cayres, dernière des d'Antraigues, et recueillit héritière leurs biens et leur nom Son (l). fils réputation d'un tyranneau féodal, des dire En revanche, paysans. avec honneur dans Jacques laissa vrai « diable son petit-fils armées de Louis XIV, les et la au », servit en 16G8 obtint l'érection de sa terre d'Antraigues en comté. Vers la fin de ce siècle, cette famille était rentrée dans l'église catholique. En son chef, 17^32, touchait à la soixantaine, Jules-Alexandre, qui épousait une des de filles l'intendant du Languedoc, Sophie de Saint-Priest, âgée de quinze ans. 2.J De décembre 1753, ce mariage naquit à Montpellier, le le personnage singulier dont on va lire la vie (2). Louis d'Antraigues perdit son père avant d'arriver à l'âge d'homme, en 1763. Sa mère ternel et son grand-père ma- achevèrent son éducation; son précepteur l'abbé Maydieu, place dans l'histoire littéraire provinciale teur (1) et traducteur (3). Haag. France protesta7ife, pp. 391-392; t. VI, p. fut chanoine de Troyes. qui a sa petite 2.5; cette famille, écrit Ghérin, t. comme au- L'enfant compléta ses études à art. Launai. IX, p. 376. — « Cf. le même On ne peut ouvrage, t. V, rien assurer sur avant 1396. »(Bibl.Nat., Cabinet des du volume. Archives communales de Montpellier. Registres de titres.) Y. la Généalogie d la fin (2) la paroisse No. tro-Dame (GG. 271, f. 6). mais f3) On a dit que l'abbé Maury avait été un de ses maîtres Maury n'avait que sept ans de plus que lui, et passa seulement quel; CHAPITRE PREMIER 12 Paris, au colJège d'Harcourt, et s'y imprégna, comme tous ses contemporains, des enseignements de l'antiquité grecque et romaine. Jeune, il emprunta à Plutarque et à Cicéron la passion théorique de la liberté et l'horreur de toutes les tyrannies. Vieux, ses un goût de écrits peu pédantesque sa vie agitée, il et il leur devait encore dans citations et d'allusions quelque nullement aristocratique, et durant heureux ni mieux n'a jamais été ni plus à sa place que devant une table de travail, en tète à tète avec les historiens et les Doué d'une un caractère pre, et philosophes de l'antiquité. intelligence vive, difficile, dont le il révéla de bonne heure fonds était l'amour-pro- un penchant marqué à tout tourner au tragique Un sentimentprécoced'indépendance et à l'exagération. lui faisait traiter en importuns ou en ennemis ses pa- rents les plus proches, sa mère, sa nois, son oncle et protecteur le Avec ce dernier il comte rêt personnel de La M°'^ de Vien- de Saint-Priest se brouilla plus d'une fois, l'accusant d'ambition, d'orgueil et d'égoïsme réconcilier. sœur part vieille d'autre et ; mais quelque inté- finit toujours par les comtesse d'Antraigues, encore peu de temps avant de mourir, repassait mentalement les défauts insupportables çait de loin « Ah î si de son et les je pouvais que temps dans sa famille dénon- lui avec une tendre et amère franchise de toute autre manière : vous refondre, je vous pétrirais ; de l'esprit à lèche-doigt, mais comme précepteur de sa jeune sœur, depuis à d'Antraigues, 14 juillet 180G. Mme de Viennois. (Mme je Viennois B. D.) fils — PREMIÈRES ANNÉES 13 (1753-1778) sur toute chose amour-propre raisonnable sans le moindre orgueil... Je vous crois presque toujours agité ; vous ne vous contentez pas de mépriserle genre humain, mais vous haïssez quarts les trois de ceux que vous connaissez, et vous les méprisez... Si vous aviez eu par moitié en jugement ce que vous avez en esprit, nous aurions été vous et moi plus heureux... Vous êtes toujours en garde contre des ennemis que vous n'avez pas vous vous rongez à combattre des chimères... Si et du mal de moi, vous en seriez très en co- l'on disait lère, mais si l'on m'accusait de vous, vous le croiriez... quelque chose Il suffit quelque chose pour ne pas que vous ayez promis le tenir. .. De votre n'avez connu les attentions que pour les vous étiez amoureux le res années du règne de Louis hommes vie vous femmes dont (1)... » D'Antraigues entra dans ses relatif à monde durant les derniè- XV. Les jeunes gentils- contemporains commençaient à perdre, avec l'occasion de combattre, cet esprit militaire qui avait été la raison d'être de leur caste. On cite ceux qui allèrent bientôt après, en désespoir de cause, se battre au loin pour la gloire de la Russie ou la liberté de l'Amérique. Quelques-uns se mêlaient, avec la prétention de devenir à leur tour auteurs ou inventeurs, aux savants, aux philosophes et aux économistes. Toutefois M'"' d'Antraigues mère à son fils, 4 janvier 1804, 25 mai 1803, novembre 1802,7 mars, 25 mai et 18 octobre 1803, 18 mars... (B. D.) Est modus in rébus, disait fréquemment et inutilement l'intendant (1) 10 — de Saint-Priest à son petit-fils. CHAPITRE PREMIER 14 ceux-là même no se croyaient point, au début de leur carrière, dispensés de porter l'épée. Fils de soldat, d'iVnlraigues entra à quatorze ans gardes du corps ; à seize, fut placé il comme sous-lieu- tenant aux carabiniers, sauf à se livrer, quand sortit, au seul accès de joie expansive qu'il durant sa morose jeunesse comme quelques années (1). Pourtant il aux en il ait trahi servit encore capitaine au Royal-Piémont- cavalerie, et nous le trouvons successivement en garni- son aux deux bouts de la France, à Verdun louse. se 11 fit qu'il avait du ciieval. a su si lui rendait impos- Ses ennemis ont raconté depuis dû quitter son régiment, après une provoca- tion en duel à laquelle Il à Tou- mettre, dès qu'il le put décemment, en réforme, sous prétexte que sa santé sible l'usage et il avait refusé de répondre (2). bien depuis éviter toute occasion de tirer l'é- pée qu'on doit accorder quelque créance à cette accusation. Il de bon cœur quand même, dit à l'état militaire un adieu que sa famille trouvait prématuré: lez du service que par acquit, tuteur Saint-Pricst (1) fâcheuses, et aurait donc, dans des circonstances M-os ; soit « lui disait Vous ne vouson oncle et que vous vous négligiez dans d'Antraigues mère à son M. d'A... fils, 23 novembre 1802. (B. D.) dans son régiment (du baron de Talleyrand); j'ignorais que son amour pour les belles-lettres, joint à une terreur invincible qu'il a toujours éprouvée à l'aspect d'une épée bors du fourreau, l'avaient forcé de quitter le service pour philosopliersans danger dans le château de ses pères... » (Froment, Précis Cf. MontgaillarDj it7émo/re5 de mes opérations, etc., pp. o4-o3, 74. (2) « J'iynorais que avait servi — secrets, p. 84.) PREMIÈRES ANNÉES (17o3-lT78) 15 que vous l'abandonniez, vous per- votre métier, soit drez toute considération dans le monde, parce qu'il n'y en a pas pour qui ne tient à rien. Vous croyez que l'esprit, les belles-lettres trompez Dans suppléent à cela, et vous vous (1). » sa jeunesse, d'Antraigues eût encore leure figure à Versailles qu'à l'armée. connu de longue date dans le monde marquise de Verneuil Phalaris, l'avaient meil- Son nom était de la cour. compagnons de guerre d'Henri IV, célèbres, la fait et Un des deux favorites duchesse de et la porté; mais le comte de Launay d'Antraigues, bien qu'il montrât à l'occasion une gé- néalogie remontant en ligne directe à l'an 1300, ne pouvait se rattachera aucune des familles homonymes de la sienne, originaires du Forez, du Rouergue ou dans l'émigration, ses ennemis leurs. Depuis, contesté son titre et jusqu'à son de mauvaise c'est que, foi parchemins n'ayant pas ses dans par goût, les il il ont fit été reconnus ne fut point admis à mon- carrosses du roi, se lui C'était faire acte ou d'ignorance. Ce qui demeure exact, d'une antiquité suffisante, ter nom. d'ail- citoyen de la et, par dépit autant que grande république des lettres, alors toute-puissante. Sa vie jusqu'en 1789 se passa en études, en voyages et en plaisirs. En 1775, on le trouve en Suisse, venait consulter sur sa santé Tissot, le célèbre (1) Saiut-Priest à d'Antraigues, 8 février 1777. Les au nombre de plus de cent (A. constituent une des sources les plus importantes pour Priest à son neveu, d'Antraigues. oii il méde- F., de SaintFrance, 642), la biographie de lettres 16 CHAPITRE PREMIER • cin (le Lausanne. Au retour de ce voyap^e, mois à Ferney l'hospitalité de Voltaire, et une belle édition cette visite illustrée il reçut trois rapporta de de la Pucelle^ cadeau du patriarche; mais son admiration et ses soins allèrent plus volontiers à Jean-Jacques Rousseau. s'était lié Il avec l'auteur du Contrat social, proba- blement à Bourgoin le marquis de et dans la région du Lyonnais, chez Tourette, leur ami la Anglanier de Saint-Germain, le commun, ou chez pieux catholique qui eut le privilège de ne jamais porter ombrage au philo- sophe genevois. Leurs relations, bien qu'étroites, passèrent inaperçues pour les contemporains, car d'Antrai- gues a été dit le et il titre le seul à nous les faire connaître (1). Il s'est dernier ami, le dernier disciple de Jean-Jacques, en l'a été effet, de 1771 à 1778. Il reçut de lui à ce de deux cents lettres, aujourd'hui perdues, plus et recueillit, dans des pages qui ont également disparu, ses dernières vues sur la politique et la religion. Rous- seau n'épargna point au jeune gentilhomme les injustes soupçons dont leurs amis, et conseils ; il il lui il était coutumier envers ses meil- prodigua les rebuffades refusa d'aller continuerauprès de comme lui, les en Vi- promeneur solitaire », mais il fréquemment dans sa mansarde de la rue Plâ- varais, les « rêveries d'un le reçut trière,etlui donna, en signe d'amitié, un dessin de Lesueur (1) Musset-Pathay, qui a dressé dans son Histoire de la vie et des œuvres deJ.-J. Rousseau, une longue liste des personnes ayant été en relations suivies d'Anlraiaues. ou même passagères avec Rousseau, ne nomme pas PREMIERES ANNEES représentant la mort de Socrate lui (1753-1778) en attendant (1), qu'il léguât quelques-uns de ses manuscrits, des traduc- une suite du Contrat, tions de Salluste et de Tacite et social. D'Antraigues lui offrit en retour était il 17 représenté sous le un portrait o\i costume allégorique de Pyg- malion. Peut-être avait-il interprété à Lyon, sur quel- que théâtre seau de société, la Pygmalion intitulée voulut-il et , peler à l'auteur une circonstance consacré leur amitié. Jusqu'à la autre tera monde de Rous- scène lyrique qui avait décidé ou fin de sa vie, dans un sous l'empire d'autres opinions, et rap- ainsi un admirateur indulgent de Rousseau ; il lui il res- adres- sera mentalement l'apostrophe qui s'est trouvée un jour sous la plume de Robespierre « : Je t'ai vu dans tes derniers jours, et ce souvenir est pour moi la source d'une joie orgueilleuse Rousseau venait le (2). » d'écrire, dans ses gouvernement de Pologne, un périmentale. vail Il Le jeune homme recueillir sur fit et lui mieux; place les éléments. quelque temps un voyage en le de politique ex- traité suggéra à d'Antraigues semblable sur l'empire turc, le plan. Considérations sur Italie ; il l'idée d'un tra- en traça même résolut d'en aller Il méditait depuis un amour contrarié, regret d'une liaison brisée se joignirent à la curio- (1) Ce dessin, qui a passé en vente à Paris le 15 juin 1878, porte sur marge ces mots de la main de d'Antraigues « Ce dessin de Lesueur m'a été donné le 14 mars 1774 par J.-J. Rousseau, qui l'avait reçu de Ms"" le prince de Gonti en 1770. » Rousseau le lui aurait offert en disant: « Ce dessin pourrait me donner l'envie d'en posséder d'autres, ce qui augmenterait mes besoins. » sa : (2) Hamel, Histoire de Robespierre, t. 1, p. 22. 2 CFIAl'lTRE 18 silo PREMIER pour réloignci* encore davantage de son pays. décida à suivre en Orient son oncle Priest, nommé ambassadeur Ce voyage donna qui est le lieu à du un le se comte de Saint- auprès de roi Il la Porte. demeuré manuscrit, livre^ premier de son auteur en date, en étendue et peut-être en intérêt. II VOYAGE EN ORIE.NT (1778-1779) D'Antraigues, à l'âge de vingt-cinq ans, se posait en homme de la nature, concevant la politique selon le Contrat social :\b. religion selon Vicaire Savoî/a?'d, cl le l'amour selon la Nouvelle Héloïse ; il déclamait volon- tiers contre la superstition et le despotisme_, et un peu plus ouvertement que ses illustres contempo- monarchie française. rains, contre le christianisme et la La première page de même, ses récits sur l'Orient révèle clairement sa pensée. Là, le jeune ami de Rousseau re- prend sur la. le mode philosophique Fraîice-Tiirquie.YiHivQ, le l'Orient décrépit il de thème huguenot de royaume de Louis XVI Il se considère comme sans que dans son pays une certaine urbanité mœurs et la constance de quelques usages frein et ne voit point de difTérence, pas plus qu'entre le sujet et l'esclave. patrie, depuis le du despotisme; il se sont le seul demande en conséquence: VOYAGE EN ORIENT Est-il inutile d'offrir à « Est-il superflu, philosophie rude au moins Comme et et le fier. il ferme à laquelle moyen de la Il doit, sinon la il recouvTer? le comme ; dues à Savary et j) premier ouvrage n'ajoute rien aux publications de esprit, la reli- apprendre à adorer cette lui catéchisme philosophique, même de delà tyrannie?... et de d'Antraigues n'a plus de valeur l'Orient, faibles, le en l'avertissant des écueils que gion sème sous ses pas, de liberté, âmes les vices des servitude la 19 un peuple léger, insouciant, à un peuple habitue à tous hideux tableau de (1778-1779) peinture de môme date à Choiseul-Gouf- demeure donc uniquement intéressant C(jmme témoignage des pensées pendant la et des croyances de l'auteur première période de sa vie Quelques semaines avant la (1). mort de son maître, 11 juin 1778, d'Antraigues s'était le embarqué à Toulon sur le vaisseau le Caton. Par un singulier hasard, la première côte celle d'Utique, et romaine, il dans la Méditerranée qu'il entrevit comme se il croyait alors une ne manqua pas de saluer de loin la mémoire du dernier républicain de l'antiquité. huitième siècle reparut bien vite en après, devant Cythère, à le ressaisirent. Il alla carrières de Paros et à ruines de Troie. Deux dix- Quelques jours îles de l'Archipel, du paganisme élégant des songer à Phidias dans Homère fois L'homme du lui. travers les les souvenirs des beaux-arts, Grecs fut âme les sur l'emplacement des pourtant on le voit s'arra- cher à ses contemplations esthétiques ou à ses reciier(l) V, la Bihliogi'ap/ae, à la fin du volume, H, 1. CHAPITRE PREMIER 20 chos crudités; il nue pour nous, pense alors à femme aimée, la incon- vient de perdre, et grave son qu'il sur un bloc d'albùtre. Bel exemple de nom fidélité, dira-t- on. L'image qui lui arrachait encore des larmes dansla grotte d'Antiparos s'effaça au spectacle de Constanti- nople pour ne plus reparaître. Malgré ses liens avec l'ambassade française, voyageur ne paraît avec son oncle, caractère le homme mit vite, et la peste, de plaisir qu'il pire turc, les ni de son plein gré, à quelques semaines de réclusion forcée à Thérapia, à cause de en jeune avec ses autres compatriotes. Son ni ombrageux l'écart, et après le avoir vécu en bonne intelligence monuments il étudia, en curieux et était, les institutions et les mœurs del'em- de Constanti- nople. Peu de temps après son daine de Rousseau : arrivée, aurait il même il apprit la fin sou- reçu une lettre d'a- dieux que son illustre ami, tourmenté par de tristes avant de pressentiments, lui aurait adressée trois jours mourir. Pour faire honneur à cette chère mémoire, commença mais ses études politiques et sociales, s'aidant de la plus singulière collaboration. il en venait de Il se lier avec unebelle Grecque, la princesse Alexandrine Ghika, et il dit sigisbé en titre. avoir été accueilli par elle Usant du jargon à nous vanter sa vertu : la comme mode, il son a osé vertu étrange, qui n'était, de son propre aveu, qu'un composé des grâces d'Aspasie et des vices de Sapho. dame » La princesse Ghika, a belle et selon la formule de Brantôme, avait honneste fait valoir VOYAGE EN ORIENT au sérail ses séductions et (1778-1779) 21 son esprit d'intrigue; au fond de son kiosque de Thérapia, elle entremêlait sa vie active et voluptueuse de distractions intelligentes, demandait à Plutai-que et inimitable que le les souvenirs de la deCléopàtre. Connaissant » tation de sa les main sur les usages des anciens Égyptiens. comme bon mot précieux le : « cheval sur son caractère, à peu près écuyer sur une rosse. mieux et ce jugement, cité par d'Antraigues, sur l'ambassadeur anglais Ainslies dit mieux hiéroglyphes, ou acceptait une disser- Enfin elle cultivait à ses heures satirique, vie par son amant un grec, elle se laissait lire mémoire sur le français « » Son esprit est à comme un bon Le prince de Ligne n'eût pas (1). Grâce à cette rouée d'Orient, l'ami de Rousseau put visiter Constantinople à fond et en tous sens. Il parcourut les bazars, les bains publics, les bibliothèques, et tra sous un déguisement dans époque aux Il minée pendant les nuits (1) les lieux interdits à cette chrétiens, tels que les dins du sérail. péné- mosquées et les jar- eut le spectacle de Sainte-Sophie illu- du Ramazan, et fut initié, autant D'Antraigues ne nous donne aucun renseignement sur sa famille. probablement de Roxane (en français Alexandrine) Rangabé, de Jacques Rizo-Rangabé, et ari'ière-petile-fille de Constantin Brancovano, prince de Valachie, décapité à Constantinople en 1714. Il s'agit fille épousé Alexandre Ghika, qui fut lui-même prince de Valachie de 1766 à 1768, et pouvait par conséquent être âgée de trente à trentecinq ans. D'Antraigues a parlé d'elle, à mainte page de son Voyage, avec une liberté assez indiscrète, mais peut-être, par fatuité ou par désir de donner à ses récits une teinte romanesque, a-l-il inventé ou exagéré une partie des faits qu'il raconte. Elle avait CIIAPITHE PREMIER 22 qu'un lùiropoon pouvait harem aux honlcux socrcls du IV'lro, impérial. Avant de l'année, noire voyageur, ayant ras- la fin sasié sa curiosité à Constantinople, la porta en Egypte. D'Alexandrie au Caire, du Caire à Suez la dispersa sans Tépuiser, auprès des vernaient qu'il le pays et dont et Sinaï, sur le Nil, ; remonta en bateau jusqu'à Antinoopolis, fut arrêté par des partis armés, Thèbes; dans il pachas qui gou- eut audience il au et où il sans pouvoir atteindre les villes et les villages, qu'il parcourut en observateur attentif aux moindres détails de mœurs; dans les couvents, oii précieux, et ment offert oii il cherchait quelque manuscrit il avoir découvert et inutile- affirme d'acheterunTite-Livecompleten arabe, ainsi qu'un Diodore de Sicileégalemcnt complet; au pied des Pyramides et des autres égyptienne, lisation monuments de qu'il la vieille contempla avec le désir contrôler les assertions des voyageurs anciens et dernes, d'Hérodote et de Thévenot. Le civi- Marseillais de moMa- gallon, alors sans titre le principal représentant de la l'accueillit avec empressement et lui servit çà et là d'interprète et de guide. L'Egypte France dansces contrées, était déjà à la mode en France, etd'Antraigues conquit sur le Nil cette réputation géographique qui devait pré- céder dans les salons parisiens, oii l'hellénisme faisait concurrence à l'américanisme, sa réputation politique. Dès le printemps de 1779, après avoir Chio, visité Smyrne et les ruines de retour à Constantinople. Le (j mai^ fait escale à d'Éphèse, il il reprit le était che- VOYAGE EN ORIENT min de France par la (1778-1779) 23 au milieu de terre, la plus sin- gulière caravane. Il compagnons de voyage un bourgeois avait pour hollandais l'envoyé , de Suède ché de l'ambassade française, en Turquie, un attaet enfin la princesse Ghika, qui se plut à reconduire, flanquée de son aumônier, amant jusqu'en Pologne. son Cette petite troupe cheminait en trois carrosses, suivie de nombreux bagages, avec un firman et une escorte accordés par Sa Hautesse. Nos voyageurs étaient donc gens d'importance, qui avaient droit à tous les croyaient permises toutes les licences. hommages On lé's et se recevait avec pompe à l'entrée des villages; des jeunes filles venaient jeter du leurs froment sous chevaux en signe de bienvenue, et misère des populations chés à la chaque étape. Un les pieds de des présents arraattendaient les à jour leur conducteur ou cavasse, en chargeant brulalement la foule empressée autour do écrasa et leurs voitures, leurs yeux. « Constantinople, Hautesse que fit expirer une Notre voyage, fait écrivait autant de mal la princesse à l'empire de la dévastation des Infidèles. C'était pourtant, femme sous à Sa » en dépit de ces malencontreux épi- sodes, un voyage à la fois pittoresque et sentimental. D'Antraigues goûtait chemin faisant les beautés de nature orientale finir, et les jouissances d'une liaison près de témoin cette page : « La princesse et moi nous étions à cheval, empressés de parcourir sauvages la et délicieuses. Le chant du ces retraites rossignol, celui CFIAPITRE l'REMIER 9A tous les autres habitants des bois nous rappelaient (le heureux. Nous des jours plus nous écarter dans les bois mourions d'envie de de retrouver dans ces et bosquet de vastes solitudes le palais d'Armide ou le vainement nous mais Julie, renoncer, le désirâmes, le il fallut y rempli de voleurs, et on ne bois étant permettait à personne de perdre les voitures de vue. Effectivement, de loin nous en vîmes une troupe postée sur une éminence, qui « C'est, dit-elle, que je fais Phanariote d'effusions où offrir et le Ainsi c'était toujours, la fidélité perte me les ; entre survivant à séparation prochaine n'entrait pour rien ferme de moi jeune voyageur, un échange pensée de la une Quand « : yeux, disait la première, je ne sens que quand : un hommage plus mais au moins quelque chose restera dans ce désert. » la belle un arbre pendit à le une offrande aux nymphes du pays. J'aurais voulu leur digne d'elles, La à notre approche. s'enfuit princesse détacha son ruban et je les ouvre, je ne je ma vois plus que ce qui reste. » Cette habituée du sérail, cieuse. Le soir, à la halte, on voit, était le elle salon sous la tenait tente ou dans le taudis qui les abritait une pré- ; elle oubliait alors ou faisait oublier les fatigues de la journée et les incommodités du gîte. D'Antraigues se peint dans une de ces réunions, lisant quelques pages de Rousseau déclamant la dernière lettre qu'il a Après avoir traversé les reçue de Balkans et le et lui. Danube, et souhaité en vain d'aller en pèlerinage à la tombe d'O- VOYAGE EN ORIENT vide, les 25 (1778-1779] voyageurs arrivèrent en Pologne, où dispersèrent. Un se ils matin, à Léopol, d'Antraigues trouva à son chevet une lettre d'adieux en style d'héroïde, ré- digée par la princesse en vue de lui épargner l'épreuve d'une dernière entrevue. constance exhalée en Allemagne Une fois sa et apaisée, il douleur de cir- reprit en Pologne et cours de ses observations philosophi- le ques, politiques et économiques. A Varsovie, audience du roi Stanislas- Auguste, et visita obtint il dans leurs palais et leurs maisons de plaisance les principales milles du royaume, les Lubomirski, les Czartoryski. Il s'indigna, avec fa- Potocki, les une colère que ne par- tageaient certainement pas ses amis parisiens, contre le démembrement de 1772 en démêla sur place il ; les origines, et bien qu'il en attribuât la principale responsabilité au roi de Prusse, ramis du Nord, montrer cœur le plus existé ». Déjà en Turquie il la Sémi- « l'àmc comme des philosophes, l'idole la plus atroce, le se plut à il corrompu qui ait jamais avait dénoncé, à cause de leurs excès ou de leurs fautes, ces conquérants russes, transformés trop aisément par Voltaire et ses disciples en libérateurs de l'Orient. De Pologne, après avoir visité les fameuses salines de Wicliczka, notre voyageur vint à Vienne, bassadeur de France le présenta à Kaunitz oii et meilleures sociétés. Cette ville lui plut peu; l'am- dans il les croyait sentir partout autour de lui l'esprit de superstition et de routine, et pensait avec colère qu'il avait dû mettre sous scellés, à son entrée dans l'empire, les œuvres CHAPITRE PREMIER 2G de l{ousscau, sauf à on recouvrer l'usage hors des étals de la par la dévote impératrice. regagna enlin Il la France Bavière, dans les derniers mois de 1779. Los notes prises sur sa route, les lettres écrites d'Egypte ou do Pologne à ses amis de Constantinople composent un recueil qui devait former partie de ses mémoires. Au point de vue une œuvre médiocre et la première littéraire, c'est incohérente. L'érudition qui s'y amateur intelligent, apte à vérifier sur place les connaissances d'aulrui, nullement à les étale est colle d'un accroître. Les hommes, et surtout les assez maltraités; les femmes, depuis la Français, y sont princesse Ghika jusqu'à la dernière odalisque, sont toutes peintes avec indulgence. L'auteur a visité l'Orient l'âme pleine dos pensées de Jean-Jacques. Sans négliger les ruines les manuscrits, et les a étudiéprincipalementlos institutions il mœurs; do une succession de scènes tantôt là voluptueuses, tantôt violentes, scène, avec prompt aux oii il se met souvent en tempérament exubérant son belles factices de tendresse , toujours phrases, aux caresses, aux accès ou d'indignation. Ce philosophe armé contre toute tyrannie politique religieuse a trouvé chezles et à s'irriter. Un et jour il et Turcsample matière à gémir a vu pendre dans sa maison, au milieu dos siens, un paysan coupable d'avoir disputé son cheval à des eunuques ; un autre jour il a aperçu le grand-visir bàtonnant et clouant par l'oroille contre sa porte un boulanger poids, et la colère soupçonné d'avoir vendu à faux ici et là s'est emparée de son ànio, VOYAGE EN ORIENT (1778-1779) 27 Ailleurs, c'est la pitié qui l'emporte, en présence d'une Egyptienne écrasant sous ses piedsl'enfantdont on vient de lui enlever'" la dans le Nil homme, subsistance, et précipitée par ceux-mêmes qui l'ont dépouillée s'écrie-t-il, spectacle « : fait Quel peut n'être pas athée devant un tel ? » D'Antraigues était alors, ne l'oublions pas, fervent des libres penseurs. comme de ce les Il méprisait les le plus chrétiens Turcs, et parmi les chrétiens les Latins autant que les Grecs. Hostile non seulement aux couvents, mais à toute religion révélée, il Koran estimait le bien plus favorable que l'Évangile à l'épanouissement des facultés et des passions humaines. ne se souvint Tl jamais de sa religion au milieu des Infidèles que pour re- marquer combien fessaient. elle valait d'avanies à Lui-même se considérait ceux qui sérieusement la pro- comme humilié lorsqu'on l'obligeait, devant l'autel de quelque monastère, à se prosterner devant des reliques. Il n'estime saint Antoine qu'à cause de la Tentation de Callot, et quant aux moines contemporains, boutade : « Si discordants, Macaire, il il Dieu aime les il les salue estomacs à jeun doit être satisfait. » a trouvé, il de cette et les cris Au couvent de Saint- lui faut l'avouer, l'hospitalité la plus touchante, la plus empressée, mais ces soins l'é- tonnent, l'obligation qu'il en Iji doit avoir lui pèse, et semble que sa gratitude sera moins lourde compagne de sa s'il il l'ac- pitié. Heureux du moins quand il rencontre sous un sceptique irrévérencieux à sa manière En 1 le turban allant du CHAPITRE PREMIER 28 Cairo à l'ancienne Héliopolis, nnusulman esprit-fort qui a il fait route avec un consommer, à vient de la Mecque même, toute une caisse de liqueurs fortes; pro- voqué par sur la question lui parle jamais, » a-t-il valu cette réplique ne croit pas plus : « religieuse répondu. Ce Quand tu rencontres Mahomet que en toi qui phèmes a en Jésus-Christ, ? » Et tous prétexte de s'éclairer, font assaut de blas- de plaisanteries sacrilèges contre et n'en lui un Turc qui ne peux-tu causer de toutes ces bagatelles deux, sous Je « : d'abord le culte de leurs ancêtres. Par contre, devant une odalisque avec laquelle s'est mis en frais il de galanterie, c'est avec une gravité ironique qu'il se transforme en disciple du Prophète « En Je baisai sa main, elle temps, tien. et Je me me dit qu'elle lui fis dire qu'elle se consolât, elle que mon cœur, Turquie sans me con- la que je n'osais l'avouer, mais que que j'espérais me c'était me promettait de courir dans bras au jour du grand jugement. le musulmans ou les si abus des chrétiens, autant paraît indulgent pour les vices de la société. dans ces histoires de harem mes » Autant d'Antraigues juge condamnables et si dans la voir. Elle se livra à toute sa joie, dit qu'elle gouvernements, j'étais chré- mais musulman au fond de que je n'avais pu vivre dans vertir, m'aimerait long- répéta ses regrets de ce que j'étais chré- tien à l'extérieur, ciel : la voyant pleurer, je fus prêt à répandre des pleurs. Il il se délecte fréquemment racontées goûtées au dix-huitième siècle. VOYAGE EN ORIENT Personnellement, des mœurs n'accepta qu'à moitié la liberté il orientales. A l'en croire, été toutes platoniques. Un bouquet de a jeté en passant qu'il a convenue d'avance, bazar, avec mée et une sultane serait il demeuré bonnes fortunes auraient fidèle à sa princesse, et ses entrevue 29 (1778-1779) roses qu'on tendrement baisé; une mais muette, qui, plus dans un étonnée que char- par l'aspect de ce Franc au teint pâle et aux yeux envoyé éteints, lui a cadeaux pliments et ; le lendemain quelques menus en a été remerciée par de merveilleux comtels souvenirs galants, celui sont les seuls de la princesse Gliika mis à part, que d'Antraigues conservés pour En revanche, le il a parlé avec une liberté complaisante ne comprend pas que Le réalisme de ses dans les formes d'un jargon chez un lecteur monde oriental ; lois violent la justice, et les ne proteste que du bout des lèvres la nature. ait public de son séjour sur le Bosphore. de certaines corruptions propres au il lui si les mœurs violent peintures, enveloppé sentimental, de Diderot, mais serait s'explique difficilement accepté du lecteur,même aujourd'hui (1). IVontesquieu, par la bouche des orientaux qu'il pro- mène à travers la France de son temps, sème sur les ta- bleaux licencieux ses railleries contre les religions positives, leurs légendes et leurs cérémonies. D'Antraigues a été lui-même, à Constantinople et au Caire, une sorte au moins piquant de comparer ces récits, peut-être emquant au fond et certainement licencieux quant à la forme, aux pages romanesques, mais vécues, que de notre temps le romancier (1)11 serait bellis Pierre Loti a consacrées à « Azyadé ». CIIAl'ITRE l'REMlER 30 d'Usbck OU do Rica ciircLicii ou plutôt encore : cet Anténor, libertin d'esprit et de a été il que Lantier, coîur, vingt ans plus tard, faisait voyager en héros de boudoir à travers la Grèce et l'Asie. fut Ce dernier nom lui donné par ses adversaires politiques en 1789; on peut déjà le lui attribuer au vu du vaste recueil, philo- sophique et romanesque, descriptif et déclamatoire, oiîil a consigné les souvenirs de son voyage en Orient. III A PARIS ET EN PROVINCE (1779-1788) VIE Rentré France, d'Antraigues réussit à obtenir, en comme une récompense due à le brevet et le sa campagne scientifique, rang de colonel de cavalerie; bien abhorrât la profession des armes, toute sa vie le goût des plus reparaître au il avait et il qu'il garda honneurs qu'elle procure. Sans régiment, il partagea sa vie entre Paris et ses domaines du Vivarais. A la cour, il fréquentait des amis puissants, tels que d'Angiviller, le surintendant des bâtiments, les Poli- gnac il et leur inséparable s'était commensal Yaudreuil. AParis, logé au coin de la rue de Miromesnil, en vue des Champs-Elysées, chez le spirituel vicomte do Ségur, et il recherchait, en mémo temps (jue corlains VIE A PARIS ET EN PROVINCE gentilshommes d'esprit hardi gens de de théâtre lettres, et et de (1779-1788) mœurs 31 faciles, les de finances. De belle figure et de noble prestance., très goûté dans les salons pour sa conversation, il se sentait attiré vers tous les genres de curiosité, de jouissance ou d'ambition, et ses succès comme homme du monde bel-esprit et sem- blaient lui présager, les circonstances aidant, des triom- phes politiques. 11 convenait d'être lui dans ses aspirations avec s'aboucher apprendre de lui un autre jour, le et de paraître encyclopédique Un jour, on le voit Rome de Lisle pour et ses études. physicien à mesurer l'altitude de ses montagnes il au Jardin des Plantes recueille ; les savants aperçus de Buffon sur les races humaines; de là il passe à des cours de chirurgie, dans l'atelier de dans Greuze, d'Hennin. Il son mieux . cabinet d'estampes et salua avec les Montgolfîer le enthousiasme de médailles et favorisa de travaux de ses compatriotes, les frères Les premières expériences aérostatiques avaient eu lieu en présence des États du Vivarais (juin 1783) ; elles se poursuivirent à Paris l'année suivante. Tandis que Faujas de Saint-Fond publiait deux volumes on l'honneur des ballons, d'Antraigues talité aux inventeurs; dans les airs à il se hasardait, côté d'eux, et il offrait l'hospi- non sans frayeur, les soutenait de sa parole et de son crédit, surtout contre la concurrence de Pilàtre de Rozier. Enfin il pressait Galonné accorder une subvention importante, indignation, il se vit marchander la et, de leur à sa grande somme qu'il dési- CHAPITRE PREMIER 82 rail par un qu'aux Son esprit plus accessible aux ministre hommes courtisans de science (1). remuant comme sa facilité de mœurs l'as- socièrent à ces gens épicuriens et affairés qui s'initiaient aux secrets de la liante finance auprès do Panchaud, le compatriote et le rival de Necker (2). Les rapports de sa famille avec celle de Talleyrand lui firent connaître Un dès 1779 l'abbé de Périgord, le futur diplomate. peu plus tard, se lia avec il Mirabeau ; celui-ci était venu à Paris, au commencement de 1784, en appeler devant le Conseil d'Etat du jugement qui avait prononcé contre lui la séparation de corps avec sa femme. L'opi- nion publique lui était peu favorable ; et le garde des sceaux supprimait un mémoire rédigé en sa faveur, à cause d'une pièce diffamatoire qui y était D'Antraigues se dans fit les salons où il contenue. avait accès le défenseur officieux de Mirabeau, et chercha à faire dé- noncer à l'ordre des avocats des sceaux; mais il l'acte arbitraire du garde eut beau déployer le zèle qu'on eût pu attendre d'une amitié déjà ancienne; Mirabeau sa requête en appel rejetée, qui lui était offerte en gagner l'Angleterre. A et, Vivarais, vit déclinant l'hospitalité il estima prudent de son retour, trois ans après, il rendait à son nouvel ami ce témoignage qu'il lui devait en partie les consolations et la fin de son exil (3). (1) Arch. Nat. ,AF., 111,44. Pièce intitulée Avant -propos, par lecomte cTAntraigues. C'est une de celles qui furent saisies à Trieste eni797. (2) (3) De Loménie, les Mirabeau, t. III, pp. 621-622. D'Antraigues à M"» Saint-Huberly, 16 avril (1784) (C. P.). — Mi- VIE A PARIS ET EN PROVINCE Parmi mag-istrats, d'Antraigues cultivait surtout les la société de Malesherbes, en pensée, ami des Malesherbes lui comme études spéculatives. cadeau d'un manuscrit fit qu'il serait c'étaient des réflexions, quieu; et plus tard, sous la Terreur, comme un et lui léguait, il envoyait à lui héritage, en Montes- sur X Esprit des lois de cahiers in-folio, Venise révolutionnaire lui livres et des intéressant de connaître; dix 33 (1779-1788) ses papiers les plus précieux. Dans le Laharpe et camp philosophique, d'Antraigues Chamfort ses amis, et était il le appelait bienvenu auprès de d'Alembert et du groupe des Encyclopédistes. Il se montra particulièrement empressé auprès de Ber- nardin de amis de Rousseau rêts comme Saint-Pierre, et populaires. Mais d'un caractère commun, « inté- se trouvait en face encore ici difficile et défiant, il » bien qu'il eût offert et le portrait récriminations accueillait les boutades de Il et gens de qualité. des d'accueillir de telles il de leur maître un jour accuser dans sa personne l'entendit despotisme un des derniers un défenseur théorique des à Bernardin un autographe le lui Il lui en coûtait comme Vaudreuil Chamfort, par l'indifférence. écrivit à l'ombrageux écrivain une lettre propre à la fois à le désarmer et à citer tout entière. Il excuses le confondre, et qui serait à y mêlait avec un art consommé et les leçons, les critiques et les concluait ainsi : « Il hommages, de France, p. et faut conserver le souvenir de ce rabeau à d'Antraigues, 28 avril 1787 (dans l'Adresse à l'ordre de blesse les 47, uote). 3 la no- . CHAPITRE l'RKMIER 34 neplusnous qui nous plut dans l'un et l'autre, et voir... Veuillez n'avoir aucun regret de ce qui s'est passé entre nous. Veuillez croire qu'il n'existe pas vous estime plus sincèrement que moi vous vous connaître, désiré vous. Le ne ciel l'a aimer un homme et qui ait et être qui autant aimé de pas voulu; mais nous nous aime- rons encorepar nos ouvrages, et nous y retrouverons, je l'espère, avec de nouveaux motifs pour nous estimer, de nouveaux regrets de n'avoir pu nous aimer. Adieu, vertueux Saint-Pierre. Le « » vertueux); Saint-Pierre ne tint pas devant ce ten- dre réquisitoire, et sa réponse, que nous n'avons pas, lui valut cette réplique, écrite au le Vivarais : « A mon moment retour, je sens que ramènera où vous habitez que des Européens, d'Antraigues avait le connu le mon cœur me (1).» Se souvenant que son maître avait ses relations autant d'un départ pour écrit s'était fait : Il n'y a plus Européen pai' que par ses voyages. En Pologne, comte SéverinPotocki, qui vint à son tour voir en Vivarais. x4. Montpellier, de tout temps rendez- vous d'une colonie anglaise, il avait pu admirer et peut- être courtiser la célèbre Georgina, duchesse de hire. le il il En Angleterre même, des sujets Devons- communs d'étude mirent en correspondance avec l'historien Robertson; y trouva des amis chers à son cœur entre tous, dont a souvent parlé, mais dont les jusqu'à nous (1) noms ne il sont pas venus (2) D'Antraigues à Bernardin de Saint-Pierre, 23 janvier et 17 février 1789 (G. P.). (2) Dans une lettre de 1803, il parie de son vieil ami de trente-quatre VIE A PARIS ET EN PROVINCE La sensibilité <i était » (1779-1788) une des vertus 35 essentielles philosophe. D'Antraigues exerça la sienne un pou hasard, et de manière à en imposer Sur ce sujet toire. délicat, il le souvenir à du au l'his- faut entendre encore sa mère : faillit à vous faire devenir fou... Elle vous coûta votre L'Anglaise « duchesse (la de Devonshire?) argent, encore celle-là n'était pas méchante; mais rap- pelez-vous M"^" de Montalembert, la comtesse de B,.., compter tout ce que sans perdre fait manière état, j'ai ignoré. Elles vous ont fortune, mariage, la plus fâcheuse, exposé à vous faire tuer (1). » Certaines discrètes de sa correspondance le l'adorateur préféré d'une grande Cour même et nette, et ]\|me la mort, la et indications montrent vers 1788 dame appartenant à la à l'entourage familier de Marie-Antoi- cependant il était alors en liaison avouée avec Saint-Huberty, première chanteuse de l'Opéra. On a écrit un volume sur cette reine de théâtre, qui inspira nifia compromis de rendu malade à un madrigal au lieutenant Bonaparte, un jour aux yeux de Chateaubriand la célèbre et imaginaire Lucile. les et person- charmes de Née à Strasbourg, fille de musiciens ambulants, Marie-Antoinette Clavel avait été la femme, bientôt divorcée, d'un aventurier nommé Saint-Huberty. Point belle, mais d'une physionomie fort expressive, sur la scène elle était sans rivale dans les opéras de Gluck pour l'expression de son chant, la lar- ans, railord duc de R... (né en 1784, (1) M"»» mort en Il s'agit probablement du duc de Richniond 1806). d'Antraigues mère à son fils, 22 octobre 1796 (B. D.)- . CHAPITRE PREMIER 36 noblesse de ses attitudes. Avec ses geur de son jeu et la camarades se montrait elle humeur jalousie et son peu accommodante par sa capricieuse ; elle tyrannisait et troublait la république de l'Opéra, jusqu'à mériter d'être mise à Force. Dans le monde, on l'appelait, en la la confondant avec les héroïnes ou les divinités fabuleuses qu'elle personnifiait à la scène, tour à tour Didon, Ar- Ses galanteries n'allèrent pas toutefois mide, Sapho. jusqu'au scandale éclatant et permanent; Mirabeau seul, mélomane libertin à la ses femme qui adressait à la fois ses et à la cantatrice, premiers succéda, se adorateurs dit attiré mérite une mention parmi (1). D'Antraigues, qui que par femme célèbre autant l'artiste séductions de la apprécier en elle l'esprit proprement les femmes, enfant, il disait-il, lui pratique dont aimable. dit, manquait lui-même, et Sans qui est chez comme un rasoir aux mains reconnaissait le jugement il lui vers la Saint-Huberty et retenu auprès d'elle parla simplicité de les hommages sain, le il d'un sens demeura de longues années sousle charme de cette domination impérieuse et familière (2). Leurs premières relations paraissent dater de 1783 De LoMÉxiE, ; Brissot, dans t. III, pp. 621-623, 647. que Mirabeau a aimé, entre Sophie de Monnier et M'"» de Nehra, « une comédienne laide, mais riche, aux dépens de laquelle il a trop vécu » (2) « M"" Saint-Huberty est une femme dont on commence, il est vrai, par admirer les talents ; quand on la connaît, on les oublie, parce qu'elle a une belle âme, et cela vaut mieux que les talents les plus distingués. » (Lettre du 17 juillet 1784. Gâtai, d'autographes Gharavay. Vente du 9 mai 1892.) (1) les Mirabeau, ses Mémoires, raconte — VIE A PARIS ET EN PROVINCE elles Un devinrent intimes vers la fils en naquit, qui le boudoir de 37 de l'année suivante. mourut jeune. Le Pygmalion qui figurait jadis dans la orner fin (1779-1788) mansarde do Rousseau vint La Saint-Huberty semble l'artiste. homme qu'elle avait Mon bien-aimé si tu avoir été sincèrement attachée à cet dompté et qu'elle appelait « : m'obéis, ou vilain ours mal léché De fréquentes absences de la tendresse si tu regimbes (1). » part et d'autre ravivèrent D'Antraigues se de cette liaison. retirait durant de longs mois dans ses terres, la Saint-Huberty faisait chaque année des tournées théâtrales en province delà une correspondance dont offrent, au moins sous la les : fragments conservés plume delà chanteuse, un sin- gulier mélange de descriptions pittoresques, d'anecdotes libres ou malignes, de nouvelles locales surtout aux approches de la Révolution, et enfin de protestations amoureuses plus câlines que tendres tantôt en tantôt en italien. De son français, côté, d'Antraigues, était à sa maîtresse une sorte d'éducateur intellectuel.il l'initiait volontiers et savait l'intéresser aux inventions de Montgolfier comme aux imaginations de Bernardin de Saint- Pierre. Les deux amants, malgré leurs invocations à la vertu copiées dans la Nouvelle Iléloise, étaient évidemment des gens de morale peu scrupuleuse. de Metz, durant ses voyages, (1) De GoxcoL'RT, la Saint-Huherly, la De Bordeaux ou Saint-Huberty no par- p. 189. D'Antraigues remplit la dernière partie de ce livre. Les renseignements recueillis sur curieux, mais très incomplets et parfois inexacts. lui sont CHAPITRE PREMIER 38 lait point à son ar^orateur préféré le langage d'Alceste ou de Pénélope, sait et d'Antraigues de son côté ne suppo- pas pour lui-même et pour les autres qu'une mondaines restât absolument selon les convenances inflexible. Un fidélité comte de Turconi, qui habitait certain alors Paris, paraît avoir été pendant plusieurs années le témoin autorisé de ces gcntilliomme tête-à-tête. italien, g-rand était un amateur, ainsi que d'Antrai- gues, en toutes choses, en sciences Il Ce Turconi comme en voyages. avait visité l'Allemagne et la Pologne, traduit un livre sur la constitution anglaise, et on le disait pas- sionné pour philosophale l'alchimie (1). recherche de la pierre et la Cet admirateur, qu'on voudrait croire désintéressé, de la Saint-Huberty l'avait gratifiée d'une agréable maison de campagne à Groslay, et d'Antrai- gues ne protestait point; bien mieux, tentation d'y venir prendre vulgaire que blesse caprice, gîte (2). même, dans une France comme liaison passagères dames de Paris, les danseuses pas moins, et la lui il est n'a pas Saint-Huberty donnait parmi les nobles les rivales les villageoises à la née d'un tiers, en Orient, et dû dissimuler bien soigneusement à qu'il lui cédait Cette délicatesse une complicité survenant en inconnue en il du théâtre de Lyon ou du Yivarais. Leur liaison n'en diffère heureusement, de celles qui encombrent de leurs souvenirs les pages indiscrètes des mémoires ou des nouvelles à la main. Elle (1) Giovio, Gli Uomini illmlri délia (2) De Concourt, fut durable, aboutit Comasca la Saint-Huberty, p. ITT. diocesi, pp. 265-266. VIE A PARIS ET EN PROVINCE à un mariage de vingt ans après, de même la Dans raison, et le jour main, par ses terres, où il traigues n'était plus le tout « (1779-1788) 39 parut consacrée encore oij elle fut rompue violemment, la mort. séjournait le plus souvent, d'An- même homme; il se disait avant baron de Jaujac, deMayras, seigneur d'Aizac, Ju- vinas, Asperjoc, Lachamp-Rosas. Genestelle, Prades, La Souche, Fabras, Saint-Cergues de Prades^ Nicigles, co-scigneur de Vais, Mézillac, Saint-Andéol, Ailhou, Mcrcuer autres places (1) et ». Entre ses châteaux de Castre vieille, de Bruget et de la Bastide, préférence près d'un le dernier, véritable il habitait de ermitage féodal situé hameau du même nom, sur la Bezorgue, à l'ex- trémité supérieure d'une gorge tortueuse et sauvage. là, l'œil scories et de lave et mal déguisés sous la verdure sombre clairsemée des mûriers et des châtaigniers rugueuse et ^'horizon. Au vait sur ; coupe la ébréchée du volcan éteint d'Aizac fermait milieu de ce cirque naturel, le château une sorte de promontoire formé par nières coulées d'un autre ancien volcan. ses quatre tours carrées et de ses més de canons de parade ses De ne rencontrait que blocs degranit,monceauxde murs semblaient le lit Il s'éle- der- les dominait de deux ponts-levis ar- encaissé du torrent, et se prolonger sous terre avec les parois à pic, tapissées de plantes sauvages, du roc basaltique qui supportait tout l'édiflce. Aujourd'hui encore, lorsque, traversantle grossier pontde pierre qui y donne (1) J'emprunte V Ardèclie .) cette nomenclature ù un acte de 1776. {Arch. dép. de CHAPITRE PREMIER 40 accès, et longeant un reste d'avenue en pente, on arrive à l'informe amas de pierres éparses sur l'emplacement du château détruit lorsqu'on ; parcourt ces terrasses croulantes sur lesquelles une pauvre filature de soie a conservé la vie et le travail humain, on croirait visiter repaire abandonné de quelque baron malfaisant le peuple et rebelle au roi (1). Le châtelain du dernier était très attaché veau devant fiques (2). le Il siècle, malgré sa philosophie, à certaines prérogatives qu'il tenait de coutume féodale; la au il avait fait homologuer de nou- Parlement de Toulouse ses droits honori- se plaisait toujours à recevoir le premier l'aspersion ou l'encens, à passer le premier à l'ofïrande ou aux processions; veillait à ce il vassaux fussent enfermés du l'intérêt de ses récoltes et l^r que les chiens mai au i^^ trois jours mais, à l'exemple du marquis de Mirabeau, ce féodal se Yami lettré, en philanthrope. avait su introduire à la Bastide les jardins chantés par Delille. Il agréments des avait dirigé et discipliné les eaux, planté des bosquets, dessiné des allées sur flanc escarpé de la ; des comportait dans l'intérieur de son logis en mondain, en Il août dans de son gibier, et à ce que ses vendanges précédassent toutes autres de hommes^ de ses le montagne, sans oublier un ermitage, en souvenir de Jean-Jacques. Il jouissait d'une galerie de tableaux, d'un cabinet d'histoire naturelle, d'une riche (1) Du Boys, Album du Vivarais, pi. 24. Ce dessin, qui date de 1842, absolument exact les débiis de tours encore debout ont disparu. (2) Arrêt (imprimé) du 13 mai 1785. (Comm. par M. Mazon.) n'est plus : alors VIE A PARIS ET EN PROVINCE (1779-1788) 41 bibliothèque. Les souvenirs de son voyage l'entouraient, depuis les riches pelisses reçues de la Cour ottomane jusqu'aux momies portées d'Egypte. liste et aux curiosités minéralogiques rap- Ici, écrivait « un visiteur, le natura- a de quoi faire de belles études, le peintre y trouve curieux points de vue, l'homme sensible les plus mélancolique peut y faire les rêves les plus extraordi- monter naires, et le poète le plus froid y trouve de quoi son imagination. L'Arioste était sans doute dans un lieu pareil lorsqu'il créa les aventures singulières rables de son Roland et admi- et (1), » Confiné dans son cabinet la plus grande partie de ses journées, d'Antraigues rédigea en 1780 les derniers chapitres de son voyage en Orient; le tout, il revit corrigea en vue d'une publication possible, mais sans cesse reculée, dans l'automne de 1785. hôtes se succédaient de près lui. De nombreux Tantôt s'entretenait de géologie avec Faujas de le et le châtelain Saint-Fond, savant dauphinois, ou d'histoire avec des religieux du voisinage, dom Lobi caire à Antraigues (1) (Ms. ; dom et tantôt il Faujas ue Saixt-Fond, Second comm.par M. méridionale, triote de t. II, des Gouttes, ould'his- fameux abbé Soulavie, toiro naturelle avec le alors vi- remuait de plus vivants livide du journal de mes voyages. Doize.) Cf. Soulavie, Histoire naturelle de la p. 469, et un article signé France le Pa- B' Francus, dans VArdeche, 7 janvier 1887. Le château de la Bastide, tel qu'il existait au siécls dernier, fait pen- demeure seigneuriale de la région, celle des Vogué, décrite avec tant de charme et de couleur par M. Rousse. (Réponse au discours de réception de M. E.-M de Vogué à V Académie française, ser à cette autre . 7 juin 1889. CHAPITRE PREMIER 42 problèmes en têtc-à-lète avec le prieur de Nieigles, Ma- losse,uncle ces prêtres philosophes, philanthropes, patriotes comme la Révolution de 1789 en fit tant connaître. Sans exercer aucune fonction publique, il s'étaitmôlé spontanément à diverses entreprises utiles à la prospé- du Vivarais. rité par Louis XVI Il dit quelque part de former Pure gasconnade; car il avait-il contribué à la trans- formation du collège de cette en ville école militaire. qui est plus certain, c'est qu'il exploitait avec succès, comme et ». n'y a jamais eu d'Université à Tournon; mais peut-être Ce avoir été chargé (1) «Université de Tournon 1" propriétaire, les de Jaujac, et qu'il mines de Nieigles, de Prades reçut de ce fait, à deux reprises, des États du Vivarais, une gratification de 1.200 livres. Sa mère retirée vivait non château de Laulagnct. Tout en d'une ardente piété, une famille avec elle de la Bastide, au loin se livrant aux pratiques s'occupait des affaires de la sollicitude que les mauvais procédés ne décourageaient pas. Elle se bornait à accuser tout bas dans son la conduite fils : « la De sécheresse du cœur sang-froid, lui écrivait-elle encore longtemps après, quelle douceur goùtiez-vous à Vous tide? ennuyeux (1) et peut-être fort sotte et tourmentant vos domesti- vous-même par Dans son Mémoire sur Bas; une maîtresse des bavards, bête, faisant l'impertinente, ques la un homme de mérite des n'y voyiez pas et de et les écarts la nécessité ses prétentions (2). » d'un enseignemeyit national en Russie. (2) M"" d'Antraigues mère à son fils, 18 février 1803. (A. F., France, vol. 633.) Cette lettre est la seule de M'"^ d'Antraigues qui se trouve aux I VIE A PARIS ET EN PROVINCE 43 (1779-1788) Cette Saint-Hiiberty rustique, qui remplissait l'inter- règne de sa rivale parisienne, lée Marianne André, core dans le pays. une paysanne appe- était « la belle Son maître Henriette, » lui avait fait dit-on en- donner quel- dans un pensionnat de Montélimart, que éducation puis l'avait installée à la Bastide en qualité de « lingère» Elle s'asseyait à sa table, et avait carte blancbe au château. que La renommée populaire, moins sévère envers elle dame deLaulagnet, la affirme qu'elle usait au profit des vassaux de son infiuence sur le seigneur, et qu'elle était aimée de tous. Vingt ans plus tard, dans son lorsqu'il exil agité de Dresde, ce temps de sa vie, d'Antraigues songeait à s'attendrissait volontiers : Tout ce « qu'il a vu, fait, l'environne, disait-il en parlant de lui-môme; mence sa vie en s'en occupant sans cesse... pas qu'il pense à Paris ; il aimé recom- Ne croyez cela ne lui arrive jamais. C'est en Vivarais, c'est sur ce pays qu'errent ses pensées, c'est là qu'est rivé son cœur. Il n'a aucun désir de le revoir par la certitude de n'y retrouver aucun habitant dont l'esprit lui plût, mais il aime à s'en occuper; dès qu'il peut lui tomber sous la main pays, il n'est aucun service trop sévère avec lui. qu'il lui de sa plus rende sans être » grande prospérité, d'Antrai- Affaires étrangères; toutes les autres, au nombre de prés de à la Ribliothèque de Dijon. (1) D'Antraigues à sa mère, être de ce Qui n'a pas eu besoin d'indul- gence en ces temps de délire (1)? Au moment ne un et 1 février 1804. (B. D.) cent, sont CHAPITRR PREMIER 44 giies avait des revenus consistant presque entièrement en redevances féodales livres de rente (1). Il au plus, jouissait de quarante mille sous et vivait le poids de dettes de famille s'élevant au delà de 300.000 livres. Dans testament mère sa rédigea en 1782, après avoir attribué à qu'il d'usage et institué sa sœur pour hé- la légitime universelle, ritière le aucun des legs n'oubliait il par les convenances de sa situation, reconnaissance la de 24.000 livres aux et l'humanité. Il distribuait près pauvres de ses paroisses dictés et à l'église de la Bastide, et accordait des pensions viagères à tous ses serviteurs, depuis l'homme d'affaires au valet de oublier a Marianne André, Marie Jeanny, née à Freycenet feu Jean à fille chambre, sans (2) André et à ». Ce testament, œuvre sans doute d'un jour de maladie et de mélancolie, ne devait pas être mis à exécution, que d'Antraigues jugeait déjà close, et cette carrière, commençait seulement à s'ouvrir pour lui, aux appro- ches d'une révolution générale. Non une bicoque seigneuriale d'Au- loin de lui, dans vergne, vivait alors se et exemple un homme qui tés du caractère (1) D'Antraigues et fils de lui la écrit à consumait sur place à son ressemble par les étrange- conduite, le comte de MontloTessier : « Dans un vieux calepin de mon père écrit de sa main je trouve article par article que son revenu de 1780 à 1790 s'élevait annuellement à 38.008 francs. » Dans cette somme, dont suit le détail, les redevances seigneuriales entrent pour 27.750 francs. (Lettre (2) Ce testament est du 10 septembre la 4" d'Antraigues, publiée par 70 p.) 1824. Gomm. par M. des Pièces justificatives M. de la Vasclialde. (Privas, Roure, Doize.) Notice sur 1882, in-8, VIE A PARIS ET EN PROVINCE sier. Durant sa triste 4o (1779-1788) jeunesse, Montlosier a eu, comme son voisin du Vivarais, la passion du travail intellectuel poussé en tous sens et à outrance, et une haine con- centrée, vivace, contre le despotisme de Versailles. L'un et l'autre s'instruisent et s'arment à l'écart pour tes politiques qui se préparent. et en émigration, ils A l'Assemblée constituante se tiendront obstinément à part de tous par leurs opinions et leur attitude; certains les lut- moments pour ils seront à leur parti une puissance, avant d'en devenir sur leurs vieux jours l'effroi et presque le scandale. Après avoir sacrifié dans leur jeunesse, mier au jansénisme, finiront, défendre le en face de la Révolution la le pre- second au philosophisme, monarcliic et la et religion ils de l'Empire, par sans les servir utilement ni l'une ni l'autre, et sans mériter leur gratitude. CHAPITRE DEUXIEME D'ANTRAIGUES DÉPUTÉ — Une apologiede Necker. Le Mémoire sur les États généraux (1788). D'Antraigues défenseur des Origines du Mémoire sur les Etats. franchises du Vivarais contre la Cour, contre les États du Languedoc. Double caractère do son livre théories générales, revenSa doctrine du gouvernement direct par le dications pratiques. peuple. Sa conception traditionnelle et féodale de la liberté. D'Antraigues mal vu à la II. La Chambre de la noblesse ;1788-1789). Son mémoire contre les Etats du Cour sa popularité passagère. Languedoc. L'Assemblée des trois ordres du Vivarais. D'AntraiIl est élu député. gues rédige le cahier de la noblesse. Ses La vérification des pouvoirs; premiers actes aux États généraux. D'Antraigues commissaire de la le vote par ordre ou par tête. D'Antraigues entre à noblesse. Gonféreuces enti-e les ordres. I. — — — : — — — — : — — — — — — — — l'Assemblée constituante. (1789-1790). — Nombreuses brochures — Anténor. — Ses répliques. — Discours a l'Asveto royal. — Ses travaux dans seûiblée sur les Droits de l'homme, les Comités. — Sou attitude passive. — Dernières relations avec Mirabeau. — Brochures sur les questions du jour. — Lettre du 6 vrier 1790. — Départ pour la Suisse. — Débats du H mars à son sujet. — Royalistes et révolutionnaires en Vivarais. — Pillage et in- III. L'Assemblée constituante contre d'Antraigues. le fé- cendie de la Bastide. I LE MÉMOIRE SUR LES Au était pied des Cévennes ÉTATS GÉNÉRAUX (1788) comme à Paris, d'Antraigues un mécontent. Après avoir déclamé dans les sa- CHAPITRE DEUXIÈME 48 Ions contre les despotes de l'Asie et de l'Afrique, ditait ; des enrichissait il ses récits nouvelles tirades contre la tyrannie de voyages de est arabes et songeait à la liberté des déserts il des montagnes helléniques, et II mé- au milieu de ses vassaux sur l'émancipation des hommes a il pour nous, je moyens pour recouvrer : encore, écrivait-il en 1785, le crois la liberté sans recourir à la voie extrême, mais légitime, de l'insurrection. Plus heu- reux que les générales Turcs, nous avons eu jadis des assemblées oii la nation réunie par ses représentants Que opposait à la royauté de redoutables barrières. la nation se pénètre de l'absolue nécessité de rassembler les États seul généraux, moyen et qu'elle sente qu'il d'éviter la tyrannie. n'est Les Etats » que ce qu'il rêve sont bien ceux qu'on verra à l'œuvre en 1789, abattant les ordres et les privilèges dit-il en toutes lettres, : « La noblesse héréditaire, estunfléau quidévore ma patrie. » C'est selon lui la seule supériorité des Orientaux sur les chrétiens de ne la pas connaître. par avance dans nobles, et il L'honneur ce soi-disant prévoit et il flétrit frein des monarchies : aussi, s'écrie-t-il, conduirait les nobles sur les foyers de leurs pères, les Il crise prochaine la conduite des s'emporte contre Montesquieu et sa théorie sur l'honneur, (( la de leurs citoyens. L'honneur armerait contre leur patrie pour soutenir la volonté d'un despote ...» Quel beau jeu auraient eu contre lui ceux qui, plus tard, le virent attiser les passions de l'émigration, s'ils avaient connu ces pages, perdues au milieu dune des- LE MÉMOIRE SUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX cription de l'Orient 49 (1788) Et plus encore ceux qui l'entendi- ! rent pendant dix ans vanter l'ancienne constitution française, s'ils avaient pu antérieures à 1789 avec vos lui « : opposer Que voulez-vous donc nous donc, ces lois dont tout le ? ne connaît? Vous vous avilissez jusqu'à louer comme constitution, qui doit s'il conserver la dire Où sont-elles? Citez-les monde parle et que personne fondamentales lois les lignes suivantes, notre pouvait en exister quand celui commande à cent mille nobles prêts à cimenter de leur sang le trône des tyrans (1) ? Dès 1781, avait risqué il une première nifestation de ses sentiments; il avait pris place, parmi ceux qui préparaient écrivain, en critiquant de quitter le et timide la » ma- comme Révolution abus de la monarchie. Necker venait les contrôle général avec les apparences de la disgrâce, entouré d'une popularité bruyante et presque factieuse. D'Antraigues alla le voir dans sa retraite près de Montpellier, réponse à je ne et, sans se nommer, sais quel libelle, gétique. Cet ouvrage parut assez répandu pour que donnât ainsi à le une brochure apolobien fait et fut assez mise au pilon. L'auteur obtint frais les félicitations et la réputation en premier ministre Maurepas en or- la saisie et la peu de lui consacra, du ministre déchu d'un publiciste suspect au pouvoir, par conséquent populaire (2). citations qui précèdent sont extraites du manuscrit des (1) Les Voyages en Orient, et de pages ajoutées par l'auteur lors de la revision de son ouvrage ea 1783. (2) M'"e léon D'Antraigues (à M-^^ Saint-Huberty), 21 février 1782 (C. P.). — Necker à d'Antraigues, 28 mars 1782 (dans Sainsbcrv, fhe Napo- Muséum, p. 146}. 4 CHAPITRE DEUXIÈME 50 Pendantles années suivantes, nous le voyons devenir, avec une parfaite désinvolture, un g:rand partisan de Galonné, en même Polignac terie l'arrivée de (1). temps qu'un des familiers de Galonné tombé, Loménie-Brienne aux hommes l'approbateur intrépide des il la co- salua avec espoir affaires (2) en place, ; il devenu demeu- en théorie l'adversaire du gouvernement. C'était rait son ami imiter souriait Vaudreuil, ce parfait courtisan, qui aux épigrammes frondeuses de Ghamfort, et donnait à l'entourage royal la primeur du Mariage de Figaro. D'Antraigues fit mieux livre applaudi avec fureur par : il publia en 1788 un ceux qui préparaient la chute de l'ancien régime. Disciple de Rousseau, citoyen du monde, il n'attendait que l'occasion pour s'épancher en idées générales que politique; en sentences de haute métaphysi- restait il philosophique, et néanmoins, sous son enveloppe un gentilhomme de province, enviant tout bas lo sort des nobles de cour et haïssant leur des- potisme (3). Il se fût en lui-même, (1) a II M. Necker le reconnu, s'il eût daigné descendre descendant légitime des frondeurs, des commença et à se faire connaître par des brochures pour continua sous M, de Galonné, par d'autres brochures si bien payées qu'un jour res de Maurepas, t. le comte en emporta dOO.ÛÛO livres. » (Mémoi- IV, p. 254.) Ces mémoires ont été rédigés dans le mais compatriote de d'Antraigues et on no peut mieux informé à son égard. (2) « Enfin l'archevêque dcToulouse est chef du conseil des finances... Il est l'ami intime de mon oncle et fort attaché à mes amis dans ce pays-ci. » (D'Antraigues au baron delaChadenéde, 8 mail787. —G, P.) cabinet de Soulavie, auteur très (3) « On était si las de la cour suspect, et des ministres que la plupart deg nobles étaient ce qu'on a appelé depuis démocrates. moires.) » (FEnniÈREs, Mé- LE MÉMOIRE SUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX huguenots, des barons du moyen 51 (1788) âge, voire des Icudes mérovingiens. De plus, né en s'indigiiait des rale. Languedoc, habitant comme abus locaux le Vivarais, il de la tyrannie géné- Or, que voyait-il autour de lui? Le Languedoc était gouverné par une oligarchie toute-puissante, personnifiée dans assemblée, les Etats. Cette composée de vingt-trois évèques, de vingt-trois barons investis héré- ditairement de leurs mandats depuis 1560, des consuls ou maires non électifs comme en droit, bon illégale plaisir royal avec sagesse : en de quelques villes, était fait. elle passait Elle avait pour un simple bureau d'en- naturel, l'ennemi éternel de ordres aux États généraux. pellier, le mouvement, les l'ennemi la membres du députés Cette des trois Contre cette prétention, Cour des aides de Mont- Parlement de Toulouse, non barons, « l'esprit public (1) ». allait, disait-on, élire les tout se mit en au beau administrer registrement, en proie à l'esprit de corps, assemblée regardée comme absolument soumise les gentilshommes tiers état. Il leur fallait à tout prix obtenir la nomination des députés par les trois ordres réunis à. chaque chef-lieu de bailliage. D'Antrai- gues se jeta dans la mêlée, on va voir avec quelle har- diesse et quel éclat. Il Il avait également à cœur les franchises du Vivarais. a affirmé avoir combattu certaines entreprises, que nous ignorons, du baron do Breteuil, ministre de (1) — Cf. Trouvé, Mémoire sur les États généraux, p. 5. les États généraux du Languedoc, t. que sur l, la Essai, histori- pp. 307-30'J. CHAPITRE DEUXIÈME 52 maison du compatriotes. torts contre les droits et les intérêts de ses roi, « II avait, a-t-il écrit, fait à mon pays des graves que les souffrir eût été une lâcheté si je aies réparer par la crainte que je ne publiasse le forçai sa conduite basse et avide pour humiliante (1). » D'Antraigues estimait gens du Vivarais l'obligation de les porter leurs causes en appel devant le présidial de et ; non devant le Parlement de Toulouse pour lui-même de ne ; il point siéger aux États. Ceux-ci comme ceux du Languedoc, étaient en effet, Nîmes souffrait fermés à gentilshommes; douze barons héréditaires la foule des y avaient seuls entrée. On voit maintenant quels sentiments divers et plexes agitaient toute la France chaine. allait les d'Antraigues, lorsqu'il un des boutefeux de la com- devint pour Révolution pro- Les Droits de l'homme étant à la mode, il invoquer, avec une sincérité de circonstance, en faveur des électeurs du Vivarais et du Languedoc, et par surcroît de tous les Français. Pendant l'été de 1788, les événements précurseurs d'une grande crise se précipitaient. Ce furent d'abord l'exil des Parlements, appelés alors par toutle monde les remparts des libertés publiques puis l'annonce des États ; généraux, affaires. la chute de Brienneet leretourdeNecker aux Factums, journaux, remontrances, brochures pleuvaient, entretenant l'agitation dans les esprits, allu- mant (1) à certains jours l'émeute dans les rues. D'Antrai- Réflexions sw notre position, etc. (A. F., France, vol. 634.) LE MÉMOIRE SUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX gues entendait non loin de lui, ; il avait n3 en Dauphiné, les députés rassemblés à Vizille parler haut pour France entière (178S) pays le et pour vu son ami d'Esprémesnil la saisi sur son siège par la force armée, et son autre ami Mira- beau lui écrivait « : Les États généraux sont devenus inévitables, autant qu'ils sont nécessaires pour rétablir notre constitution monarcliif|ue(l). «-Atteint, au fond de son château, par la fièvre générale, il maudit à son tour Brienne,et rédigea, pendant les mois de mai, juin et juillet 1 7 8 8 s o n , et la Mémo iï^e sur les Etats généra ux manière de losse, et les convoquer Son ami . peut-être aussi eurent part à cet ouvrage et vite sa sœur (2). Il fut , le u rs dro its prieur le Viennois, de |M'"'' imprimé à Avignon, distingué au milieu des innombrables sollicitaient l'opinion. Du Ma- écrits qui jour au lendemain, à la fa- veur d'un anonyme transparent^ l'auteur fut célèbre, quatorze éditions de son livre se succédèrent Les pages qui provoquèrent ments ou le le et . plus les applaudisse- scandale sont celles qu'il devait contredire ou expliquer dans ses écrits ultérieurs, sa conduite. Sa première et démentir par phrase est celle-ci : « Ce fut sans doute pour donner aux plus héroïques vertus une patrie digne des d'elles républiques. » peut désigner de ce que Il le peuple voulut est en effet républicain, nom Mirabeau à d'Antraigues,17 août 1788 à son fils, 27 mai 1802. un roi, [AdSi'&X Adresse de France, p. 44, note). (2) A l'ordre de la noblesse du Vivarais, p. mère y eut si l'on tout adversaire d'un régime absolu. Cet audacieux sujet dénie à (1) qu'il 8. — M""= surtout à à la noblesse d'Antraigues U CHAPITRE DEUXIEME un roi héréditaire, le cours des foyers quement « cialement que a législatif. corruption, Il appelle les noblesse la une espèce de nation particulière un épouvantable dans est France. pouvoir de l'air si Il l'avait fléau so- et », Mais sa républi- ». veut, en l'on politi- tout cas hors de vue en Suisse, au milieu de [a.La7ids- gemeinde de Schwyz ou c'est-à-dire chez d'Uri, des populations simples,[réunies sur un territoire restreint, se gouvernant par elles-mêmes, sans de députés élus. Jean-Jacques; il Celle-là, avait il même l'intermédiaire l'admirait, sur la foi de reçu en héritage de son maître un écrit consacré aux états démocratiques non représentatifs. Après lui, comme lui, il manifeste plus de confiance dans la droiture du simple citoyen, né bon, que dans les plus sublimes talents des députés. Aussi craint-il, pour ceux qui vont renouveler France, des pouvoirs sans limites. Il des mandats strictementimpératifs, et d'avance (1). Ne la faut leur conférer pourun tempsfixé pourraient-ils pas, loin de leurs élec- teurs, et réunis, se croire à l'abri de tout contrôle, et exercer à leur tour le despotisme, après l'avoir brisé Sur ce thème, d'Antraigues jamais ; il ? est inépuisable, etne variera pressent, dirait-on, les oublis, les entraîne- ments, les illusions qui se produisirent à l'Assemblée nationale, et qui, changeant le siège de la tyrannie, précipitèrent la Révolution (2). (1) « Si votre doctrine était adoptée, lui disait Mounier, il serait ab- solument inutile de rassembler les représentants de la nation. Il serait alors beaucoup plus simple de n'envoyer que des cahiers. « (Nouvelles observations sur les États généraux, p. 230.) (2) Il se rencontre ici avec Robespierre, qui disait un jour au club LE MÉxMOIRE SUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX Ennemi du gouvernement gues Bien mieux, quoi tenant du passé. 11 en qu'il restait féodal déclamations contre à-tète, représentatif, d'Antrai- donc hostile par avance au mouvement de était 1789. S5 (1788) un alors, c'était dît dans l'âme, malgré ses en la féodalité. 11 avait écrit tète- non seulement avec Rousseau, mais avec toute une bibliothèque. L'épigraphe de son mule hautaine, justicier vieille livre était la for- par laquelle de cinq siècles, d'Aragon s'engageait envers son roi promettons maintenez nos droits Or, quel moins sous et privilèges avait été le les ; « Nous si vous : gouvernement, d'obéir à votre le sinon, non. » gouvernement en France, au descendants de Hugues Capet? C'est que d'Antraigues, laissant les ici formules tranchantes et abstraites, se posait en érudit, familier avec les vieilles lois et les vieux auteurs. Dans honteuse et barbare, Etienne Marcel, et ne il deux le moyen discernait rois seulement, âge, période qu'un héros, Louis Xll et Henri IV, étaient épargnés dans les périodes postérieures. Contre les derniers Bourbons, que dans le style pamphlétaire jacobin. « XIV acheva des Jacobins : « Que le s'exprimait prestel autre Richelieu avait courbé tous les courages, Mazarin les détruisit, Louis il La Vicomterie ou de de et le long règne de de gangrener toutes les âmes despotisme n'ait qu'une tète ou qu'il en (1). » ait sept cents, c'est toujours le despotisme. Je ne connais rien d'aussi effrayant l'idée d'un pouvoir illimité remis à une assemblée nombreuse qui au-dessus des lois, fùt-elle une assemblée de sages. » Il faut débourhonnailler (1) Mémoire sur lesÈtats généraux, p. 212. la France, s'écriait alors d'Esprémesnil, depuis si hostile à la Révolu- que est — tion, CHAPITRE DEUXIÈME 56 Au-dessus de ce gouvernement, antérieurement à lui, a existé la constitution française. D'Antraigues, à force do enfin lire, l'a découverte. Pour la trouver, dit-il, consultez Grégoire de Tours, Aimoin. les Capitulaires reportez-vous aux décisions des États la chose publique, aux des cours souveraines; conservateurs intermittents de remontrances plus que sont c'est là récentes les titres imprescriptibles des libertés nationales. Au doux Louis XVI justice C'est légal, puisque je le veux, : « peler Clotaire II ; généraux, ces s'oubliant à dire en » il lit de faut rap- déclarant ne pouvoir rien faire sansle consentement de ses leudes. De l'époque présente il faut rétrograder, politiquement parlant, à l'époque idéale, celle de Charlemagne. Cette thèse est devenue celle des publicistesde l'émigration, lorsqu'ils prétendaient opposer aux constitutions de 1791 et de l'an vraie, la seule constitution française. III l'antique, la Avant eux, d'An- traiguesa déployé au service de ce paradoxe une érudition très variée et quelque peu confuse. Philippe Pot, Bodin, Boulainvilliers lui Beaumanoir, servent de cor- tège, et son dernier témoin, celui qu'il apostrophe avec une éloquence émue, c'est d'Esprémosnil, alors un tribun populaire, qui depuis... En somme, d'Antraigues était déjà plutôt avec les dogmatiques de l'école historique et parlementaire qu'avec les défenseurs des Droits de l'homme rédigé, sur le ton des publicistes à la trance oiiil avait juxtaposé les et les citations savantes. Il ; il avait mode, une remon- maximes philosophiques demandait, sous forme de LE MÉMOIRE SUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX S7 (1788) révolution, une restauration. Cette tendance s'accuse particulièrement dans les dernières pages, il loppe, par voie de digression, sa thèse A grand renfort de textes, lever à des États illégaux la il démontre déve- la nécessité d'en- comme ceux du Languedoc nomination des députés de clore et oii d'intérêt local. province. Puis, pour la recommander son véhément plaidoyer, de nouvelles avances au parti des réformes. Il il fait propose de substituer à l'armée royale, instrument de despo- une armée tisme, contre l'étranger la presse; peuple est faut Il il citoyenne « il : s'écrie la : réclame sans réserves a Le le il ; nombre de de est l'État lui-même... ses moins celui des deux autres ordres cune sorte de désordre qui ne quillité funeste la liberté tiers état est le peuple, et le base de l'État donc que purement défensive », que procure députés égale au réunis... Il n'est au soit préférable à la tran- le pouvoir absolu (1).» A la faveur de telles déclarations, l'auteur se voyait déjà jouant un grand rôle; et il songeait, j'imagine, Mirabeau qu'à lui-même quand la prochaine assemblée un il homme voyait se levant dans éloquent, un prédi- cateur infaillible de la science politique, aux passions, unissant les moins à commandant cœurs, les résolutions et les espérances. Mirabeau pourtant prédisait avec plus de raison son propre avenir, en disant vers le à ses compatriotes dans les la : « grande assemblée de Mémoire sur les temps Quelque grande voix s'élèvera abus qui vous oppriment. (1) même . . la nation pour dénoncer » États généraux, pp. 24C-247, 2S1. CITAPITIU'] S8 DEUXIÈME II LA CHAMBRE DE LA NOBLESSE (1788-1789) A cause de ses digressions étourdies ou calculées plus qu'en raison de son sur et les inspiration véritable, le Mémoire Etats généraux fut'jugé diversement à la Cour parmi ceux qui régentaient alors l'opinion. Au milieu de l'enivrement de son succès, l'auteur apprit que son oncle Saint-Priest venait de prendre place dans les conseils si la de la couronne. Ils'empressa de le féliciter, comme présence de Saint-Priest auprès du roi eût pu donner quelque crédit à ses propres idées. Pour toute réponse son oncle l'invita à cesser jusqu'à nouvel ordre ses relations avec lui, et Louis XVI lui trer à Versailles : « Le fit défendre de se mon- roi, aurait dit alors est le maître de m'interdire l'entrée de s'il son palais ;mais m'envoyait un ordre qui pût hors de ma liberté, je me d'Antraigues, là restreindre croirais en droit de no pas lui obéir(l).)) Tout plein de sa gloire factieuse, il attendait peut-être contre sa personne cachet, qui ne vint pas (2). annonçait, une lettre il de Qu'avait-il à craindre de la Correspondance secrète publiée par de Lescure, t. II, p. 313. Discours de Ganion dans le Moniteur du 9 brumaire an IV. Cf. la leUre de Boissy-d'Anglas, après la réunion des trois oi'dres du Haut« Je rne conduis bien, et j'irai aux États généraux ou à la Vivarais (1) (2) : Bastille peut-être. » (Dans la revue /a Révolution française, i. I, p. 125.) LA CHAMBRE DE LA NOBLESSE 59 (1788-1789) Cour? Avec tout le dehors de sa part de souveraineté. Atout le il d'elle, monde, il jouissait impunément, en monde comme l'émule do Publicola et des Graccomme un des bienfaiteurs politiques de la nation apparaissait ques, régénérée. Dans certains conciliabules, on récitait avec componction autour du buste de Necker laCredo d'An^ra2^we5 Son compatriote Soulavie (1). dédiait lui (il a depuis effacé son nom) une brochure intitulée ÏAiHstocratie enchaînée et surveillée Mirabeau lui par la îiation et le roi. demandait des conseils au moment de se présenter à la députation. Les électeurs parisiens du tiers parlaient de mettre sur leur le liste à côté de l'abbé Sieyès, et d'associer ainsi deux bruyants transfuges du clergé et de la noblesse à leurs revendications. D'Antraigues, fort de cette popularité, propagea dans sa province l'agitation qui, chez ses voisins du Dauphiné, Romans, avait abouti aux assemblées de à des résolutions trois ordres Vizille et de si hardies. Le 28 octobre 1788, du Yivarais réunis arrêté par lequel ils à les Annonay rendirent un réclamaient un nombre suffisant de députés aux Etats généraux, élus par eux, aux chefslieux de leurs deux sénéchaussées. Ils se rassemblèrent de nouveau à Privas du 17 au 19 décembre, mèrent pour l'assemblée future leur province la Dauphiné (1) le vote par et Là récla- tète, et pour forme d'administration accordée au (2). Mémoires de Co}idorcet, t. I, p. 263. — Lettre à M. le comte d'Anlraigues, etc., p. 2. (2) Procès-verbal de rassemblée générale des trois ordres du Vivarais, CHAPITRE DEUXIÈME 60 D'Antraigues avait imprimer à Paris, et sig-nc leur arrêté; présenter aux ministres revenant à sa polémique locale, et tandis ; que le (1). même Puis, lança un second mé- il moire expressément dirigé contre guedoc le fit il les États du Lan- Parlement de Toulouse et la Cour des aides de Montpellier continuaient à dénoncer cette comme illégale, lui assemblée à élire les aurons, la déclarait inhabile députés aux États généraux s'écriait-il, le Ou nous « : choix libre de nos représentants dans chacune de nos sénéchaussées, ou nous n'aurons pas de représentants légaux aux États généraux, et en ce cas, ne coopérant point à leurs décrets, pour nous. point obligatoires 24 janvier lui donna » satisfaction ils ne sont L'arrêt 'du conseil du il ; décida que, dans toute la France, les députés seraient élus par les électeurs de chacun des trois ordres, au chef-lieu de chaque bailliage. D'Antraigues était toujours ses déclarations, comme un sur la foi de des meneurs futurs de la révolution bourgeoise; mais ouvertement son Mémoire. regardé, A déjà il reniait presque part sa haine contre les États du Languedoc, aucun des sentiments qui l'avaient inspiré ne survivait en lui. pas bien haut: il ne s'en rappelait pas moins tout à coup que l'existence politique de immémorial, un tenue à Privas la noblesse était, article essentiel les 17, 18, i9 décembre 1789 Andéol, Guillet, in-8, 148 pp. (1) lien envoie copie à Paris n» 326.) Sa noblesse ne remontait le de temps de l'ancienne consti(lire J788). — Bourg Saint- 30 décembre. (Arch. Nat., AA 44, LA CEÎAMBRE DE LA NOBLESSE Comme tution. l'égalité Necker, il d'avance au tiers accordait de tous devant l'impôt, 61 (1788-1789) et se figurait par cette concession réduire au silence, dans les prochains États, ennemis de l'ancien régime. Beaucoup de nobles, à les son exemple, qui naguère tonnaient contre Cour dans la les clubs élégants de l'époque, revinrent ainsi ment, durant les brusque- premiers jours de 1789, à l'adoration du passé. D'Antraigues se décida à décliner (il avait cité en secret, assure-t-il, par lui était offert l'avis le tiers état même de un député des communes lui : ; il il les passerait remercia (1). un porte-drapeau, comme Mirabeau ne voulait pas entrer, mandat qui ses compatriotes voulaient faire Eùt-il conçu l'espoir de devenir des rangs où roi) le de Paris. Dans sa pro- vince, comédie du solli- et Sieyès, bon gré malgré pour un il dans trans- fuge. Le 26 mars, les Villeneuve-de-Berg ordres du Bas-Vivarais réunis à procédèrent à la confection des cahiers et à la nomination des députés. D'Antraigues avait sans doute rassuré ses collègues de la noblesse sur la valeur de son soi-disant manifeste par eux comme car il fut choisi secrétaire de son ordre, et par quent chargé de la rédaction du cahier Ce cahier, ; qu'il est curieux de consé- (2). parcourir après le fameux Mémoire^ nous présente le programme politique de l'auteur réduit à des proportions raisonnables, déga(Gomm. par M. Mazou]. du Bas-Vi26 mars 1789. — Bourg Saint-An- (1) Delichères, Histoire ms. d'Aubenas (2) Procès-verbal de l'assemblée générale des trois ordres varais, tenue àVilleneuve-de-Berg le déol, imp. Guillet, in-4, lOS p. CHAPITRE DEUXIÈME 62 gc de toute bout à vue systématique l'autre, chimérique et son style et ses idées D'un (1). y sont reconnais- sablés. Ce programme, fondé sur pératif, se divise les pouvoirs, du mandat im- la doctrine en deux parties. La première en d'autres termes spécifie contient réformes les nécessaires, celles que le député devra solliciter et voter atout prix. Elle comprend la destruction et la re- fonte des États du Lang^uedoc et du Vivarais, la liberté réglée de la presse, la responsabilité des des lettres l'abolition ministres, de cachet, la suppression des môme privilèges judiciaires et provinciaux si elle est universelle, le concours des États au vote des subsides, des emprunts et des lois en général, et enfin l'adhésion de la noblesse au principe de l'égalité devant l'impôt. La seconde mentionne appliquer terpréter, cette dernière réformes désirables, les forme d'instructions que le député au gré des circonstances. catégorie sous devra méditer, in- figurent diverses Dans mesures secondaires, de l'ordre financier, judiciaire, militaire ou administratif, et favorables tant à l'ordre de la noblesse qu'à la province du Vivarais. on reconnaît la Le cahier marque du rédacteur des États généraux; il réclame (et ici surtout principal, se défie la cessation des des députés au bout d'une année, et proteste pouvoirs avec la dernière énergie contre l'établissement possible d'une commission intermédiaire de l'assemblée. (1) Ce cahier pp. 177-182. est imprimé dans les Archives parlementaires, l. VI> LA CHAMBRE DE LA NOBLESSE (1788-1789) D'Antraig-iies avait gardé avec intention sur la question du vote par tète, devant l'impôt saire silence le sur l'abolition de et certains droits féodaux; d'autre part principale réforme 63 fit il ressortir consentie par son ordre, cette renonciation lui paraissait néces- : pour prévenir toute attaque ultérieure aux lèges politiques de la noblesse. Le 28 mars il alla à privila tête de ses collègues donner acte à ses compatriotes du de cette renonciation. Le 2 avril, l'avocat Espic, à son tour le haranguer, lui disait années, votre vie n'a été et d'actes utiles province ; quun la nation : tiers venant Depuis plusieurs « tissu de travaux précieux vous doit ses lumières, la sa régénération prochaine, et nous une re- connaissance éternelle. Arriva la l'égalité le moment nommer deux » des élections. La noblesse avait à députés, et d'Antraigues trouvait devant les comtes de Vogué manœuvrer adroitement, lui deux concurrents redoutables, et de Jovyac. Il lui fallait pour évincer l'un d'eux. Vogué passa au premier tour de scrutin. La seconde place fut l'objet de débats pas- sionnés. D'Antraigues fut cependant et nommé (4 avril), après un arrangement entre les prétentions en pré- sence (1). Les plus chauds compliments core d'Espic et de ses amis; il lui vinrent les accueillit en- par ces mots, qui montraient bien cette fois le fond de sa pen- — Ses collègues du clergé Ghomeyras, et l'abbé de Pampelonne, archidiacre de Viviers. Ceux du tiers étaient Espic, avocat à Aubenas, Madier de Montjau (de Bourg Saint-Andéol), Dubois-Maurin et Defrance, (1) Delichères, Histoire ms. cVAubenas. étaient Ghouvet, curé de avocat à Privas. CHAPITRE DEUXIEME 64 sée: « Mon collègue et moi concourrons avec vos dépu- tés à la défense des droits du peuple, qui dès cet instant sont à jamais unis à ceux de notre ordre.» C'était vouloir établir, en dépit de l'affirmation célèbre de Sieyès, une solidarité entre les privilégiés et le tiers, risait, Peu de jours On que la loi auto- mais quel'opinion publique avaitdétruite d'avance. après, il se mit en route pour Paris. conte encore dans le pays qu'à son départ de la Bastide la belle Henriette l'accompagna jusqu'au de Chastagnet, et que là, avant de se séparer, ils pont gra- vèrent leurs initiales sur un noyer, àl'instar des bergers de Florian. D'Antraigues fermait sur cet adieu idyllique première partie de son existence la ; il ne devait plus revoir ni Marianne André ni le Vivarais, et condamné aux travaux il demeurait forcés de la politique pour le reste de sa vie. Il du arriva à Versailles le 26 avril. Se sachant exclu palais, il demanda à ne tation des députés. Il lui fut point assister à la présen- répondu verbalement n'y avait plus de préventions contre lui, mais lait il qu'il lui fal- davantage, une preuve authentique de sa rentrée en grâce, et il l'obtint quelques semaines après lorsque, ayant refusé de pénétrer dans tions de commissaire de le château, où ses fonc- la noblesse l'appelaient, il re- çut enfin une lettre écrite de la part de la reine, qui lui assurait l'oubli de ses déclamations téméraires et invo- quait pour l'avenir ses services. L'unique pensée du nouveau député, en prenant lan- gue avec ses collègues, était pour la destruction de LA CHAMBRE DE LA >JOBLESSE 65 (1788-1789) l'administration du Languedoc. Il gouvernement, voulant consoler les Etats se souvenait que le de cette pro- vince de n'avoir pas désigné les députés aux Etats gé- néraux, leur avait promis d'appeler à Versailles, pen- dant la tenue de l'Assemblée, une députation tirée de leur sein. Dès le 10 mai, quatre jours après la séance royale, il réunit chez lui, sans distinction d'ordres, soixante-dix-huit députés de sa province, et dans un dis- cours très applaudi posa la question en ces termes qui demander Au roi «A : ladestruction de cette assemblée illégale? ou aux États généraux ? » La majorité adopta ce dernier parti. Dans une seconde réunion, le surlende- main, une défense des États du Languedoc rédigée par leur président-né, l'archevêque de Narbonne, fut mise en discussion, et d'Antraigues se fit nommer un des huit commissaires chargés de la réplique. Ce débat même d'intérêt local ne devait pas troduit, car être un autre bien plus grave venait de qui tenait à la constitution des États généraux. rification des trois ordres pouvoirs serait-elle faite dans sa chambre, ou en sentait bien, en commun le 6 comme tiers état, et le membres que commun, la fusion donna ; elle la vérification aurait pour conséquence nécessaire libération en vé- commun? LaCham- mai, 237 de ses le La par chacun des bre de la noblesse était du premier avis, en validant, dès in- surgir, la dé- des ordres dans une Assemblée nationale. La Chambre du clergé souhaitait la conciliation, sans trop savoir tre des prétentions si opposées. comment l'établir en- CHAPITRE DEUXIÈME GG Au milieu de ses collègues, soudain les évoques et les avec Boutliillier, Cazalès, Luxembourg, à la résistance. le parti On le croyait si et on écrivait lui prendre place seul, sur commune la salle (1). les de la tête bien encore de cœur avec populaire que sa défection un exemple, oubliant d'Antraigues, barons languedociens, se mit, était comme attendue pour l'exhorter à venir bancs de son ordre, dans Mais autant dans son Mémoire il avait été agressif contre certains abus provinciaux et contre la plupart des institutions existantes par autant croît, il allait se sur- montrer attaché à l'ensemble d'usages mal définis et de précédents souvent surannés qui composaient l'ancienne constitution . Il s'en tint donc à cette idée que la séparation des ordres ayant veto l'un sur l'autre dans les États était un des principes essentiels de la monarchie, cours qui fut et prononça le 10 mai un dis- pour l'avenir sa profession de demandait que, jusqu'à la solution foi. Il y du différend sur la délibération par ordre ou par tête, les précédents fus- sent maintenus, et que la Chambre, pour les droits mieux affirmer de l'ordre de la noblesse, rédigeât aussitôt un règlement spécial à son usage. Sa voix fut entendue toutefois ses collègues, en tant leur existence tirent à débattre ; comme attes- corps indépendant, consen- avec les représentants des autres ordres la question de vérification des pouvoirs. D'Antraigues fut (I) un des commissaires nommés. Bien qu'élu Lellre ch Louis d'Antraigues à M. des...^ p. 18. LA CHAMBRE DE LA NOBLESSE le dernier, La veille il Necker parmi eux un rôle prépondérant prit des conférences, le 22, annoncer que le 5 impôt consenti dans rendre s'il se disait-il, donné par tiers le les Etats votant condescendre au vœu popu- responsable de l'inaction des refuse, en échange de concession, la cette Les États du Languedoc, vérification séparée. il eût dû s'en souvenir, n'avaient pas sauvé leurs privilèges yeux du roi Le aux par une concession semblable. Deux conférences tenues aboutir. (1). autoriser à fit la noblesse, suivant le conseil par ordre. Ce sera, États, il mai, renonçait à ses privilèges pécuniaires, et paierait tout laire, et 67 (1788-1789) les 23 et 25 mai ne purent 28, nous retrouvons d'Antraigues exiiortant ses collègues à tenir doit être cherchée « bon dans ; il leur expose que la liberté la constitution même des divi- sions du pouvoir national qui, alternativement obstacles et médiateurs, arrêtent l'impulsion du pouvoir exécutif, qui tend au despotisme, et les attaques du pouvoir du peuple, qui tendent à la démocratie, qui, dans empire, n'est autre chose que l'anarchie. du peuple, dit-il la constitution, Et en efTet le clara, sur la par ordre encore, c'est nous qui, en maintenant maintiendrons ses plus justes droits. même jour » Chambre de la noblesse dé- motion de Bouthillier, que la délibération était une la loi constitutive Ces concessions illusoires de la monarchie. et ces théories subtiles pouvaient arrêter les prétentions du il un grand — Défenseurs tiers. ne Les confé- (1) Il obtint 81 voix sur 237 votants. A une seconde élection, passa ravant-dcruici' (IGl vois sur 225). le 7 juin, CHAPITRK DEUXIÈME 68 reiices reprirent cependant le 30 mai sur le désir de Louis XVI. Un mémoire de d'Antraigues, où celui-ci avait colligé les précédents de 1355, de 15(30, de 1588, de 1614, servit de base à une discussion de plusieurs jours sans résultats. Les conférences furent de nouveau rompues le 9 juin, les commissaires de la noblesse n'ayant accueilli un plan conciliatoire de Necker qu'avec des restrictions inacceptables. On sait les événements qui suivirent :1a constitution communes en Assemblée nationale (17 juin), la protestation de la Chambre de la noblesse adressée au roi des (19 juin), la déclaration royale du23, qui, en supprimant beaucoup d'abus, maintenait enfin le serment du Jeu de Paume. Le 25, jour où quarante-six sur les la division des ordres, et gentilshommes allèrent prendre séance bancs des communes, d'Antraigues sonnait devant ses collègues comme une l'honneur de leur ordre vaincu ; il dernière fanfare en couvrait la retraite par des protestations qui n'étaient pas sans mais qui restèrent sans écho; des opinions » il signalait « la valeur, tyrannie prête à succéder au despotisme; puis il concluait en prêchant la résignation aux volontés du roi: «S'il faut sacrifier sa vie Bacrifier tout paix. » (1) dans disait-il, ce qui ne les altère pas au désir il faut de la Aussi ne s'associa-t-il point aux suprêmes pro- testations de son let (1); aux principes, il ordre, attestées par l'arrêté du 3 juil- n'adhéra même pas aux déclarations réser- Cet arrêté, approuvé par 89 membres, a été publié pai- Mirabeau Seizième lettre à mes conmiettans, p. 34. la LA CHAMBRE DE LA NOBLESSE 09 (1788-1780) vatoires déposées le 30 juin par plus de cent de ses col- Son cahier lègues. accomplis, il l'autorisant à se résigner laissa, le 1" juillet, valider pouvoirs par l'Assemblée nationale, le 13*' Il bureau de nouveau ses place dans et prit moins hautement incrédule aux théories constitutionnelles, aux projets qui dans lui, les États demeurait à ses yeux le ou alfectée, point de départ des réformes à dogme accomplir. Sur ce s'agitaient généraux transformés. Sa dans l'ancienne constitution, sincère foi faits (1). n'en restait pas autour de aux politique, il ne variera ja- mais; en 1799, alors que Louis XVIII, se croyant près de son triomphe, traçait un il se relâchait quelque plan de gouvernement où peu de sa formule primitive : L'ancien régime moins les abus, d'Antraigues, fidèle à son libéralisme aristocratique, continuait à tenir pour non avenue comme un la fusion des ordres « : J'ai aussi tout autre l'esprit novateur, écrivait-il à son oncle Saint-Priest, et je trouve qu'il y a dans la constitution française des choses qui et qui seraient chose, que je me comme j'ai même déplaisent, qui me gênent, mieux pour moi; autrement en général une constitution ticulier me qui, de seigneur de province et de par- suis, me de France ou autre commode pour moi; mais dans les autres les mêmes désirs paraîtrait trouvé ferait pair plus «Soyez sûrs que je conque de trahir les intérêts de mon ordre. » (Lettre publiée dans le Bas-Vivarais, 20 décembre 1873.) Cf. les délibérations approbatives de la noblesse du Vivarais, {Arc/i. Nat., AA 49, (1) Le jour, il écrivait à ses électeurs sentirais plutôt à perdre la vie nM39.) : CHAPITRE DEUXIÈME 70 qu'à moi, et que j'ai mais de créer, béir, chaos, c'est de anciennes lois et que je n'en vois résulter que cœur et d'esprit ma mon patrie, qui de milier, et sont partout trouve la volonté non d'o- héritage le me soumets aux que je me protègent sans m'hucomme celui de tous mes concitoyens. Hors delà, je ne vois que tyrannie fatale à tous (1)... » III l'assemblée constituante (1789-1790) D'Antraigues entrait à l'A ssemblée nationale précédé par cette renommée équivoque quelui avaient créée suc- cessivement son manifeste révolutionnaire de 1788 et ses ment ques Chambre de la noblesse. Com- même homme avait-il pu, dans l'espace de mois, écrire comme Sieyès et parler comme quel- récents discours dans la le prémesnil? Parmi les d'Es- vainqueurs du jour, la clameur fut générale contre lui. Cette brusque volte-face, cette amende honorable faite à l'ancien régime expirant exas- pérèrent ses admirateurs de la veille. Il s'est puis d'avoir reçu des menaces de mort. m'assassiner, aurait-il dit, Si vanté del'on veut on devrait se presser, car je craindrais qu'un squirre au foie n'eût seul la gloire de (1) D'Antraigues à Saint-Priest, 24 septembre 1799 (A. F.). L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE m'avoir vaincu. c'était un titre Il 71 (1789.1790) aimait à accuser sa mauvaise santé; de plus à l'intérêt d'autrui Nul ne songeait à attenter à sa vie, mais un déluge de brochures, les unes écrites sur un ton pathétique, ou indignées, les autres ironiques auteurs de la s'abattit sur lui. Galerie des Etats généraux dessinè- rent, avec leur malice ordinaire, le portrait suivant, chacun reconnut : « Anténor Lui-môme républicain. Les qu'il pense... (Il) est né courtisan que et se croit n'est pas encore bien siir de ce épouse ardeur av'ec intérêts de les ceux qui jouent un certain rôle; mais si par maladresse ou par imprudence que, alors il les mettent contre eux ils la voix publi- condamne, donnant pour raison qu'il ne doit pas soutenir des gens qui ne savent pas eux- mêmes se maintenir.. nor? Rien de bien . Quels sont saillant, les moyens d'Anté- mais plusieurs choses au- dessus du médiocre; de l'esprit à dose ordinaire, une éloquence verbeuse, mais cependant au-dessus de son style. Il y a pour sible entre les observateurs une nuance très sen- une imagination montée l'àme, entre les vœux du caractère, entre soutenus de l'ambition et la franchise et le cher, entre les déclamations contre la ment senti de ce genre de vie. férences sont au désavantage « Le courage qu'il courage de et le montre, Eh il sant... nerf besoin de s'épan- Cour et l'éloigne- bien! toutes ces dif- d' Anténor... le zèle qu'il déploie, le projet qu'il développe sont très sincères dans le mais le sera un jour tout aussi sincère en moment, les détrui- N'ayant pas une manière de voir prodigieuse- CHAPITRE DEUXIÈME 72 ment étendue, lui présente, il se livre de bonne s'enflamme, il est plus éclairé arrive, on lui foi s'agite il à ce que l'objet : l'instant où montre un autre ordre de choses, la discussion étend ses idées, agrandit sa nière de voir : alors son il ma- imagination s'échauffe plus encore, elle agit avec de nouvelles forces, détruit ses premières opérations, opposé et ; dominante, homme comme il la l'entraîne dans et manie de dans l'opinion publique (c'était briller est sa passion ; « un citoyen Rivarol) crayonna sur le (1). et même modèle une g i^ands un inconnu hardi répandit certaine Lettre du comte de Mirabeau au comte disait » ci-devant actif, esquisse ironique dans le Petit dictionnaire des hommes ; un qu'elles tueraient le ; à plus forte raison... D'une main plus légère, )> parti tout oublie que les contradictions perdent talent le plus décidé rien un crûment au destinataire : « d'Antraigiies, oii il Votre généalogie est fausse, et votre talent emprunté homme, livre qui a fait votre réputation. » ni l'auteur du ; vous n'êtes ni gentil- A certains traits de ce pamphlet, on croyait reconnaître le redoutable tribun de la Constituante. Mirabeau pro- testa publiquement. ami de la veille Huitième lettre Il lui suffisait d'avoir exécuté son dans sa Sixième, à mes commettans, et surtout et regard, à l'aide de citations bien choisies, les (1) Galerie des États généraux, 1. 1, dans sa d'avoir mis en « pp. 104-109. Ce portrait est prinle déve- loppement de celui qu'on trouve, sous ce titre VInconstant, dans les Chevaux au manège, ouvrage trouvé dans le portefeuille de M. le prince de Lambesc, grand écuyer de France, etc., pp. 8 et 9, et qui débute ainsi « Ce cheval croyait être républicain, il n'est que courtisan, : : etc. )) L'ASSEMBLEE CONSTITUANTE M. d'Antraigues en 1788 cipes de de M. d'Antraigues en 1789 A 73 (1789-1790) » et les « principes ». rencontre de Mirabeau, Bernardin de Saint-Pierre ne se crut pas dégagé de ses liens envers l'auteur du Mémoire sur à le seul d'un en lui Etats généraux, les époque, d'un mot, sans oser écrire son saluait encore il nom en toutes défenseur des droits populaires. lettres, le Aces Vœux rendre bon témoignage. Dans ses solitaire., publiés à cette lui, face. et fut peut-être alors attaques multiples, d'Antraigues essayade faire La tâcbe dépassait ses forces ; comment en effet détourner de sa personne cette puissance offensive de l'opinion avait qu'il facilement si déchaînée d'autres et de plus redoutables que lui ? Il contre n'entendait ni avoir abandonné la cause des libertés publiques ni contradiction avec lui-même, et la préoccu- en être pation de sa défense à cet égard la il fin le poursuivra jusqu'à de sa vie. Dès lors, dans plusieurs brochures, s'attacha à expliquer, ou plutôt à atténuer certaines assertions de son Blémoire. ment contre les égaré sa plume abus de soutint que le ressenti- pouvoir de Brienne avait et outré l'expression de sa véritable n'avait prétendu pensée. Il que gens de cour les Il ; attaquer parmi les nobles dans le présent, il affirmait servir le peuple en résistant à ses caprices, et fessait avoir appris blée ce que la méditation solitaire n'avait pu lui connaître (1) (1). En con- parle spectacle d'une grande assem- définitive, il faire demeurait député de la V. entre autres suLeltre de Louis d'Antraigues, etc., pp. 3ti-39, et GIIAPITRK DEUXIÈME 74 noblesse, toujours prêt à se retrancher derrière les volontés de ses commettants. D'Antraigues est en effet à législateur dépaysé, ou l'Assemblée nationale un mieux un homme d'autrefois, qui se résigne avec peine à dépouiller les apparences d'un homme nouveau. Le 3 août, lorsqu'on discute Déclaration des droits, majorité, il essaie de faire chorus avec la parle de la majesté du peuple et de la crainte il du despotisme, do toute-puissance de l'opinion la des lois immuables de la nature, était la comme si et Rousseau toujours son guide. Quelques jours après, dans une discussion de finances, publique et enfin ; le 2 sion sur le veto royal, s'apitoie sur il misère la septembre, ouvrant la discusc'est rence toute démocratique par des raisons d'appa- qu'il défend veto le absolu. Sieyès rejetait tout veto; Mirabeau se prononçait pour un veto suspensif ment le ; d'Antraigues soutint courageuse- maintien absolu delà prérogative royale. peut être utile, disait-il, elle défendra le Elle peuple à l'oc- de ses représentants. Les casion contre la tyrannie idées politiques d'alors n'admettaient pas, celles d'au- jourd'hui admettent à peine cette possibilité d'un férendum ré- royal. D'Antraigues fut jugé tout simplement un défenseur hypocrite du despotisme. être considéré comme tel, Il suffisait, pour de ne pas consentir à faire table rase de toutes les institutions. On voit bien l'esprit qui l'animait, en constatant sa lettre p. 209. de septembre 1809 dans Guiijiermy , Papiers d'un son émic/ré, L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE absence à la nuit du 4 août. a allégué, pour Texpli- Il quer^ des raisons d'ordre très secondaire dit, qui, : c'était, a-t-il une comédie préparée d'avance par des meneurs malgré lui, firent brusquement Il 73 (1789-]790) ; c'était le règlement son rôle tout à lui États du Languedoc. désigné dans Un autre gentilhomme, le baron se tint à l'écart, il Quant à (2). d'abord pour être à son cahier, qui lui interdisait toute clamation cette de demander la suppression des de Marguerittes, accomplit cette mission d'Antraigues, changer et président pourarriver à leurs fins (1). le avait pourtant pièce modifier « fidèle adhésion par ac- ensuite pour ne pas être complice de ce », et qu'il jugeait être la ruine de l'ancienne constitution. L'existence politique de la noblesse, et par suite la propriété féodale, lui paraissait un des articles fondamentaux de cette constitution; entre son maintien et la mise en action téméraire et hâtive du Cont/^at socia/ ,\hVhés'daiit plus désormais. Depuis plus son le mois de septembre 1789, on ne retrouve nom parmi L'insuffisance de ses peut-être aussi le ceux des orateurs de l'Assemblée. moyens, le prétexte de sa santé, dépit de n'être pas écouté l'écartèrent de la tribune. Après les journées d'octobre, (1) il demanda Lettre de Louis' d'Antraigues, etc., pp. Go-67. Une nouvelle réunion des députés du Languedoc s'organisa encore au mois d'août. D'Antraigues, un des secrétaires, rédigea sans doute les protestations (23 août) des membres de ce club contre la commission intermédiaire des États, qui prétendait présenter au roi le cahier des doléances delà province. Il obtint gain de cause, car (2) le roi Étals. fit savoir (3 septembre) qu'il ne recevrait aucune députation des CHAPITRE DEUXIÈME 70 un passeport, à l'exemple de Mounier constitutionnels attendre encore quand : l'eut et des en main, il se reprenait à croire il ; il premiers se décida à que l'Assem- blée venue à résipiscence abrogerait ses premiers décrets. Toutefois se réduisit dès lors au rôle de témoin il ; avec son opinion sur les mandats impératifs, iln'en pouvait plus guère tenir d'autre. Talleyrand avait proposé d'annuler ces mandats. Sieyès avait réclamé au moins pour les scrupuleux la liberté de s'abstenir dans les votes. D'Antraigues s'abstint, même sur le décret de confiscation des biens du clergé (1). Sa nature séances, il défendait d'être inactif lui parut dans les comités. Au ; absent des comité féodal, il soumit plusieurs mémoires destinés à atténuer la portée des décrets du 4 août, et à améliorer, surtout en Vivarais, la situation des possesseurs de pas non plus qu'à la fiefs. Il n'oubliait destruction des provinces le Viva- son indépendance du Languedoc et une rais gagnait sorte d'autonomie commissaires ; aussi se laissa-t-il chargés d'organiser le nommer un des département de l'Ardèche. Au côté droit, où forme, il fut et pratiqua il ne siégeait plus que pour la mêlé à certaines intrigues parlementaires, pour son compte que ses amis croyaient cette politique la seule propre à du pis-aller, finir, en l'u- sant, la Révolution. Selon lui, lorsqu'on discuta la ques- suis utile ù nos assemblées (1) « Je reste ici sans y voter, mais je languedociennes. » (D'Antraigues au notaire Vigne, 29 octobre (1789) Comm. par M. Vaschalde.) L'ASSKMBLÉE CONSTITUANTE deux Chambres, Mirabeau vint tion des 77 (1789-1790) le trouver, exploita son attachement superstitieux aux vieux privilèges de la noblesse, et obtint implicitement de lui, contre la future souhaitait (i). Chambre des pairs, Un difficile à croire, peu plus tard, mais de audaces sont croyables, — la part — le vote négatif qu'il ceci nous semble plus de Mirabeau toutes les Mirabeau aurait songé à donner Calonne pour successeur à Nocker. Avec Talleyrand, il aurait commander droit. cette demandé à son ancien ami de re- combinaison aux membres du côté D'Antraigues aurait subordonné son concours à une acceptation de Calonne, qui ne vint pas. En tout cas, cette singulière négociation avec l'homme qui l'Assemblée était alors le termina ses relations maître tout-puissant de (2). Disgracié en quelque sorte et tenu à distance par la majorité de ses collègues, d'Antraigues fit de nouveau appel à l'opinion publique dans des brochures. époque datent son Mémoire dats impératifs, esprit, De pour la défense des cette man- développement d'une thèse chère à son mais désormais discréditée sans retour ses Obser; vations sur le divorce, oii l'ami de la Saint-Huberty trahit ses préoccupations intimes velle division du royaume, ; quelques pages sur et enfin la nou- deux Discours ano- nymes, antérieurs au départ du duc d'Orléans pour l'Angleterre ; car l'auteur, en appréciant dans son ensemble — De Loménie, les Adresse à la Jioblesse de France, pp. 44-48. t. V, pp. 44-45. M. de (2) Réflexions sur notre position que je soumets au jugement de Las Casas, etc. (A. F., France, vol. 634, f. 14 et suiv.) (1) Mirabeau, CFIAPITRE DEUXIÈME 78 l'œuvre législative en élaboration, du Palais-Royal sur ces réformes précipi- l'influence tées. En comme outre, si vivement accuse écrivait il sur place, au jour le jour, l'on eût touché à la fin de la crise, une his- toire vivante, malheureusement perdue pour nous, delà première année de vait-il à un de se porter la Révolution. quand on Aces occupations porte, écri- travaille dix heures par jour sans variées il (1). l'existence journées d'octobre, » faut joindre ses relations clandestines avec la Cour, dont dont me Je ses compatriotes, aussi bien que l'on peut avoir pu demander de vacances mais « le détail nous échappe, Depuis certaine. paraît les résigné à la pensée de le roi s'était ruiner la Révolution par ses propres excès, comme à la perspective de faire intervenir l'étranger dans ses affaires. Il envoyait l'agent secret Fonbrune en mission à Madrid, et il ni restrictions commençait à signer sans observations aucunes les décrets les plus hardis l'Assemblée. D'Antraigues s'est vanté de lui avoir de fait sur ce dernier point des représentations inutiles. Bien mieux, le 4 février 1790, Louis XVI se présentait so- lennellement à l'Assemblée, et y adhérait à tous les décrets rendus ou à rendre. tation, le fut exigé A la suite de cette manifes^ serment de fidélité à de tous les députés. la nation, à la loi, D'Antraigues plus que jamais dans une situation fausse, à garder; (l) le bruit D'Antraigues M. Vaschalde.) au de ses intrigues avec notaire Vigne, 20 août la roi, était alors impossible Cour 1789. au s'accré- (Gomm. par L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ditait. Dans le 79 (lT8iJ-1790) procès intenté au marquis de Favras, qui avait pour but de pénétrer les entreprises supposées des amis de l'ancien régime contre un témoin avait attribué ces paroles traigues et l'abbé Maury sont ment conquérir Mirabeau(l). le à l'accusé à nous, et » régime nouveau, : « M. d'An- nous savons com- En réponse à cette incul- pation, d'Antraigues allait disant qu'il ne demandait qu'à comparaître, à rendre témoignage à l'innocence de Favras ; et secrètement situation gênante. Il il une se préparait à se dérober à avait beau lire dans le Contrat so- cial qu'on ne quitte pas sa patrie lorsqu'elle a besoin de nous : sa seule patrie était désormais le roi, et il estimait ne plus pouvoir le servir utilement qu'au delà des frontières. Depuis un mois, il était muni d'un nou- veau congé, nécessaire, disait-il, à sa santé ébranlée. Le 6 février 1790, lorsque son tour vint de prêter le civique, il l'envoya par écrit, et à la fin serment de sa lettre ré- serva son droit de dénoncer ultérieurement les imperfections du nouveau pacte social. Cette protestation, si discrète qu'elle fût, contre l'infaillibilité de l'Assemblée excita de vifs murmures. Malouet et Charles de Lameth eurent beau essayer de prendre sa défense. cidé, sur la motion de Goupilleau, que le Il fut dé- serment de ce député irrévérencieux ne serait reçu qu'après avoir été prêté verbalement, à la tribune. Quelques jours après, le 27 février, sans autre répli- que, d'Antraigues partait pour Lausanne. Sa sortie de (1) Correspondance secrète publiée par de Lescure, t. II, p. 418. CHAPITRE DEUXIÈME 80 France donna encore lieu à un incident parlementaire. Le 11 mars, lui un acte d'accusation sous Populus, député de l'Ain, déposa contre . la forme d'une lettre si- gnée Durand, aubergiste à Bourg. D'Antraigues, passant dans cette ville, avait détourné ce citoyen de verser sa contribution patriotique « : Nous touchons à route et à la guerre civile, lui avait-il argent. dit, la banque- gardez votre Ces mots, rapportés à la municipalité de » Bourg, provoquèrent une enquête dont le procès-verbal remplit plus de deux cents pages. D'Antraigues envoya de Lausanne une défense assez embarrassée, où, sans nier les propos qu'on restreindre la portée son opinion, il lui, attribuait, il s'appliquait à en tout en revendiquant la liberté de ; protestait rester soumis à L'af- la loi. faire n'eut pas d'autres suites. Son congé expiré, d'Antraigues sceaux pour en de réponse, le solliciter le écrivit au garde des renouvellement, et, faute prolongea indéfiniment. Désespéré de la marche des événements, il trouvait dans sa santé un prétexte plausible à sa retraite. Ce qu'il pensait de l'immense révolution légale en voie de s'accomplir, il essaya de le dire par sa brochure Quelle est la situation de l'Assemblée nationale? Là, tout en proclamant de nouveau l'ancien régime un des- potisme vermoulu, en appelant mêmel'abolition des vilèges un bienfait, il partis, l'un qu'on accusait qui était pri- montrait désormais aux prises deux de vouloir tout détruire, l'autre censé vouloir tout arrêter. l'exemple de Cazalès, de sauver Il proposait, à les institutions encore L'ASSEMBLEE CONSTITUANTE debout comme les {i789-1790) 81 réformes acquises, d'appeler une autre législature, desdéputés chargés de reviseren 1791 l'œuvre compromise fidèle à son mandat, et avortée dès 1789. Fier d'être resté il n'en tressaillait pas moins de loin au spectacle de l'enthousiasme monarchique réveillé par les fêtes de la Fédération. se disait prêt à repasser, Il Le 21 mai seuil de l'Assemblée. s'il le fallait, le envoya son adhésion à la Déclaration chantla religion (17 avril), 1790, il du côté droit tou- et sa protestation publique contre tous les actes de l'Assemblée, datée du lende- main de la clôture des séances, atteste qu'il s'était re- gardé jusqu'au bout comme député de la noblesse du Bas-Vivarais. Quant à la masse de ses compatriotes, à ceux qui l'acclamaient encore au printemps de 1789, taient depuis volution, et ils le trai- longtemps en adversaire décidé de ils l'atteignirent là où ils la Ré- pouvaient, c'est- à-dire dans ses revenus et ses propriétés. Déjà, en août 1789, on parlait de lui dans son bailliage conspirateur préparant avec lareine et retour du despotisme (1) le collègue du tiers, lui ; les le comme d'un comte d'Artois lettres d'Espic, son confirmèrent cette réputation. eut beau adresser à la municipalité Il d'Aizac (dont dé- pendait la Bastide) sa déclaration pour la contribution patriotique et, ; ses redevances ne lui furent plus faute d'oser poursuivre Paris aux dépens de {{) ses débiteurs, il payées, dut vivre à ses amis. Bientôt, pour protéger Arthur Young, Voyages en France, 19 août 1789. CHAPITRE DEUXIÈME 82 domaines SCS et maintenir la paix publique, envoyer des détachements de troupes à Les deux Antraigues. la il fallut Bastide et à de son revenu se compo- tiers saient de cens remboursables, en vertu même des dé- crets de l'Assemblée. Ces décrets furent volontairement oubliés, et ceux qui firent afficher en public la défense de les exécuter restèrent impunis. Partout, à Jaujac, à Mayras, à Antraigues, l'ancien seigneur avait été mis hors la et les loi, ses agents et ses fermiers étaient menacés, communautés qui retenaient ses cens les impo- saient au taux le plus rigoureux, faisant ainsi payer au propriétaire dépossédé la taxe sur auprès du Directoire de l'Ardèche, ministres du roi, d'acquitter sa quement nom se et, disant les maîtresse de ses biens L'Ardèche l'agitation il requit ironi- ; commune (1). Quant renvoya sans façon à la nation, (2). était alors royaliste auprès des municipaux d'Aizac de placer son les officiers sur la liste des pauvres de la il soit désormais hors d'état contribution patriotique, à ses créanciers, qu'elles D'Antraigues réclama en vain^ refusaient d'acquitter. soit un revenu un des principaux centres de les partis jadis l'enseigne catholique ou protestante gré des passions politiques ; aux prises sous y renaissaient au la résistance à la Révolu- tion s'y affirma d'une manière passive, mais énergique, (1) Déclaration datée M. Mazon.) d'Antraigues, (2) « M. de Parme, 19 février 1791. (Gomm. par l'iiomme d'affaires Viguier à M. de novembre 1792), est dans l'impossibilité de payer ses créanciers la nation s'est emparée de ses biens; c'est à elle l'aire face aux dettes. » (Comm. par M. Raymond de Gigord.) Marcha j l'i écrit Saiat-Pierrcville (21 L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE 83 (1789-1790) par les trois fédérations armées dites du camp de Jalès, qui se succédèrent de 1790 à 1792. D'Antraigues n'in- tervint pas directement a attribué à tort la mais un de ses rédaction hommes On du manifeste de même s'y associait la Bastide, 1791 ; lui- par des pouvoirs envoyés à l'abbé un des et ce des renseigne- par agitateurs, ments transmis à Coblence, fut ses avis que les princes ajournèrent toute prise d'armes lui d'affaires, l'avocat Viguier, un des principaux meneurs de l'entreprise; était de dans leur formation. en partie d'après (l*^"" décembre 1791) en Vivarais, jusqu'à la formation attendue d'une_coalition entre les États du sud de l'Europe, sous la protection de la Russie (1), D'Antraigues avait sur l'insurrection de ses opinion que la diriger, et, qui de se tenait immobile, lui écrivait qu'une chimère. De môme maréchal de camp Conway, désigné par pour les princes il le compatriotes la « : Chambéry, où Ce n'est au fond » sa participation à ces complots inoffensifs, d'An- traigues fut vassaux. néanmoins puni sans Déjà^ Varennes, au lendemain pitié de par ses anciens l'événement de la municipalité d'Aizac avait fait enlever les deux canons qui gardaient la porte de la Bastide. Au printemps de 1792, la Jacquerie rurale déchaînée dans le Vivarais s'en prit surtout, sur des ordres secrets venus, disait-on, du cénacle orléaniste de Paris, à d'Antraigues, à tout ce qui, hommes et choses, lui tenait de Les paysans envahirent ses châteaux, (1) A. F., France, vol. 636, f. 76. les près. hommes ar- CHAPITRE DEUXIÈME 84 mes de de marteaux, de pioches, les femmes leviers, munies de sacs A au Bruget, Castrevieille et battre les ne fut de paniers pour emporter et le butin. se contentèrent d'a- ils tours; à Laulagnet (28 mars), tout ce qui pas volé fut brisé ou brûlé ; on n'épargna pas plus les objets d'art que les meubles et les provisions on anéantit jusqu'aux portes ; aux fenêtres. Les com- et missaires du département arrivèrent pour les contenir (c'était l'usage alors) Une «A partie des la Bastide quand poussa ensuite pillards !»Un des commissaires, conventionnel, essaya par des insultes tocrate tout étaitfini. et vous nous cachez ; la démolition des châteaux terne. Deux » cinq étaient villages tide. « Vous lui êtes les décrets qui ; un brigands environnants, quand la lan- partirent se passa à piller le château L'incendie dura toute la nuit la ils ; tous assaillirent ils aris- ordonnent cents le lendemain, venus de le feu. répondit on vous mettra à cents de ces La journée on y mit : : Gleizal, le futur de les arrêter; on des menaces de le cri les Bas- le soir, ; ; si bien qu'on se demandait jusqu'à Aubenas, à la vue de l'horizon enflammé, éteint si ce n'était ranimait. qui se villages voisins, entre pas quelque cratère là Le lendemain, autres ceux les gens des d'Antraigues, se rassemblèrent sous prétexte de chasser les pillards, vinrent achever l'œuvre de dévastation (1) Simon Bhugal, In Révolution, t. I, la Jacquerie dans le et de ruine (1). Vivarais (dans la Revue de pp. 369-366). Cf. Viguier à d'Antraigues, 1792. (A. F., France, vol. 643.) et 2, 4, 9 avril CHAPITRE TROISIÈME D'ANTRAIGUES AGENT ROYALISTE I. — — Premières intrigues (1790-1792). Séjour à Lausanne. Mariage. Naissance d'un fils. Brochures contre-révolutionnaires. Point cV accommodement L'Adresse à la noblesse de France. Un manuscrit de Jean-Jacques. Premières menées de d'Antraigues. Las Casas. L'Avis aux Suisses. Projets d'intervention espagnole. Relations avec Galonné. Jugement sur la cour de Coblence. . — — — — — — — — — — — Les agences de Paris et de Venise (1792-1796). D'Antraigues attaché à la légation espagnole de Venise. Établissement dans cette ville. L'agence Brotier à Paris. Rapports avec les agents étrangers. Lizakévitch et Golovkine. Fin du service espagnol. D'Antraigues au service russe Mordvinov. Les émigrés à Venise. Vie intime. L'abbé Dufour, Goujon. Correspondance avec M'" d'Antraigues mère. Noël et Lallemant. (1793-1795). III. Travail à l'intérieur de la France Intrigues en Corse, en Languedoc, en Vivarais. — Tentative sur la frontière du Les agents de Paris et Louis XVIII. Jura. Le manifeste de juilLe roi sera-t-il reconnu? Fin de l'agence Brotier. let 1795. Gamon. Le parti espagnol et le parti anglais en Vendée. D'Antraigues, Puisaye et Charette. II. — — — — — — — ; — — — — — — — — — — — — IV. D'Antraigues et ses — D'Antraigues jugé par sa mère. — — Le Maral de la contrede Saint-Just. — Manque de véracité, de ennemis. Défauts de sa situation et de son caractère. — Le Rapport désintéressemenL Les accusateurs, Montlosier, Froment, d'Avaray. Opinion de Louis XVIII. D'Antraigues entre ses deux maîtres. Les papiers de Malesherbes. révolution. — — — — PREMIÈRES INTRIGUES (1790-1792) Le premier séjour de d'Antraigues à l'étranger fut CHAPITRE TROISIÈME 86 une campagne, près de cette ville de Lausanne où le soin de sa santé l'avait [amené déjà quinze ans auparavant. y demeura jusque vers Il la fin de 1790, y régla de et la façon la plus inattendue ses affaires domestiques. A sa mère, alarmée de sa longue liaison avec laSaint- Huberty, avait dit il un joiu' « : J'épouserai cette femme dès qu'elle sera suffisamment riche et pourra quitter le Oron ne théâtre. » lui payait plus ses cens, et les droits seigneuriaux étaient abolis sans indemnité devenait pauvre. Il était sorti : lui-même de France avec quelques centaines de louis, sans espoir de plus jamais recevoir un sol La Saint-Huberty, de ses vassaux affranchis. tout porte à le croire, mit à profit cette situation pour se faire donner un nom en échange de l'aisance matérielle amant. Elle qu'elle assurait à son comme le rappelait plus tard traigues mère, et arriva à La dans alla le chercher, avec amertume M™= d'An- Lausanne en mai 1790. jalousie entrait peut-être aussi pour quelque chose démarche. Cette grande dame de Versailles, cette cette rivale qu'elle ne nir A-euve ; pouvaitpas ignorer, venait de deve- M"^ Saint-Huberty craignit-elle qu'on n^es- sayât de légitimer cette liaison par un mariage? Peut-être prit-elle les devants, lier servant et le d'une suprême dis que la enlevant ainsi à la mérite d'un retour au devoir, infidélité grande dame la frontière. fois à Dans dont son cavaet le tort elle eût été victime. restait en Tan- France, l'actrice passa l'automne de quitta Lausanne, et se réfugia avec 1790, d'Antraigues elle à l'extrémité de la Suisse, dans les bailliages italiens sujets d'Uri, à PREMIÈRES INTRIGUES Mendrisio. ami commun dans habitèrent Ils comme maison appartenant, le 87 (1790-1792) bourgade une cette celle de Groslay, à leur comte Turconi Le 29 décembre, (1). leur mariage fut béni, avec dispense de publications de dans bans, du village de Castello San Pietro. l'église chagrin D'Antraigues savait le mère union devait-elle être aussi ; tenue secrète cette qu'il allait causer à sa fut-ello et La pendant plusieurs années. Saint- Huberty revint à Paris l'année suivante arranger puis, au printemps de nitivement ses afTaires, afin de cacher tablir à Milan cette ville une grossesse déjà avancée, (2). Le 26 juin, un ou aux environs, chambre déclara comme baptisé sous le nom elle défi- 1792, elle alla s'é- mit au monde, dans Une femme de fils. néanmoins sien l'enfant, qui fut paternel. Tels furent les débuts de ce singulier ménage, où. la bénédiction du prêtre mit la régularité, sinon la paix. Tout en aimant sincèrement désormais celle qui portait son nom, d'Antraigues ne se crut pas toujours astreint à une fidélité rigoureuse. du choix qu'il avait Il fait, eût été tenu, en raison à une réserve de (1) De GoNCODRT, la Saint-Hubert y, pp. 21G-220. Barthélémy, t. III, p. 376. Turconi a aujourd'hui sa statue à Mendrisio ; de cette ville et le il nature à Kaolek, Papiers de a été le bienfaiteur fondateur de son hôpital. Son habitation Loverciano, près de Castello San Pietro. (2) — Il mourut «Depuis avant-hier nous possédons à Milan même était à à Paris en 180o. M. d'Antraigues... tous ses pas jusqu'à cette heure ont été quelques visites à des Français, du temps chez M"' Saint-Huberti, qui, depuis jeune docteur Moscati, comme son ancien amant. Il parait que la visite n'est que pour elle, mais à bon compte, il est surveillé... » (L'archiduc Ferdinand à l'empereur A. V.) Léopold, 11 février 1792. et tout le reste un mois, est ici l'actrice malade, logée chez — le CHAPITRE TROISIÈME 88 relever l'un et l'autre aux yeux du il paraît avoir ni nulle chose qui soit et cependant Tl ne faut les malheureusement part chercher dans cette vie quelque absolument droit ou absolument pur. des idées infati- L'intellig-ence est brillante, l'activité gable, mais ; donné à sa femme, dans sa maison, rivales les plus vulgaires. jamais monde l'élévation du cœur, la fermeté du caractère, la dignité de la conduite sont trop souvent absentes. A l'étranger, d'Antraigues fut d'abord contre-révolutionnaire, puis XVI émissaires de Louis ciations il devint secrètes publiciste un des nombreux et des princes plus ou moins un dans leurs négo- avec les puissances étrangères. De 1790 à 1792, il annonça à grand bruit la publi- cation d'un compte rendu à ses commettants, qui ne vint jamais ; plus que son l'avenir de la propre passé, monarchie et il le préoccupait développa dans une série de brochures les récriminations, les plaintes, les protestations du parti non sans peine en France, et royaliste. Italie, Ces écrits, imprimés pénétraient difficilement opposaient un faible contrepoids à en la publicité des journaux et des pamphlets révolutionnaires. Quel- ques-uns furent traduits en italien combattre la et devaient servir à propagande, déjà sensible à l'étranger, des idées françaises. D'unbout à l'autre de ces ouvrages improvisés on trouve retournées en tous sens deux ou trois pensées tivité et : la cap- par conséquent la déchéance morale du roi, l'excellence de l'ancienne constitution, la responsabilité PREMIÈRES INTRIGUES 89 (1700-1792) des philosophes dans l'œuvre de 1789, et surtout faillibilité de l'auteur mise en regard des erreurs de ses moins autant déplace que les théories et les discussions de principes. D'Antraigues se disait sans doute : ne séparons jamais dans une question intrinsèque de cette hommes Parmi au tiennent antagonistes politiques. Les personnes y Burke l'in- comme la valeur question et la valeur morale des qui s'identifient avec elle. les meneurs de la Constituante, il s'en prit surtout à ses anciennes connaissances, à Necker, à Tal- leyrand, à Mirabeau. Necker est àses yeux leplushabile « des financiers au milieu des gens de lettres, et très supérieuren littérature, Il s'est fait l'héritier, secte encyclopédique. au milieu des financiers ainsi l'ordre C'est lui du clergé et assuré l'autorité royale, est l'apostat dont ce car il » qui, sous l'empire de monarchie le succès du tiers état. un renégat qui a porté plus haut que est personne Pour de ) appelé les curés aux élections, a divisé Mirabeau « (1 l'exécuteur testamentaire de la ses préjugés huguenots, a frappé à la fois la et la religion, a un homme l'argent, il même et qui depuis... Talleyrand Mirabeau écrivait autrefois vendrait son àme, et troquerait son fumier contre de il : aurait raison, l'or. » Derrière euxd'Antraigues distingue en passant certaines figures insupportables à son souvenir, les Target, Camus, Volney, le duc d'Orléans. Il Lameth, s'en prend surtout, — l'homme des Cévennes reparaissait en — aux députés calvinistes en portant à et ici lui, (1) qui, Dénonciation aux Français catholiques, pp. 41-42. la tri- CHAPITRE TROISIÈME 90 bunc les griefs de leurs coreligionnaires, avoir rallumé la guerre civile: Saint-Etienne A et traite le semblaient peint en noir Rabaut Barnave de ce groupe réprouvé de Brienne, il lui Néron « (1) ». a joint après coup il despote légal de 1788, devenu en un évèque parjure. Sur celui-ci dirige il nom au de l'Église, et se réjouit 1791 une invective en style direct, une pliilippique cicéronienne; la leçon Loménie il lui fait hautement de ce que l'ancien ministre ait volontairement perdu l'oc- casion de se réhabiliter devant les hommes, en repous- sant la Constitution civile du clergé. Entre toutes, les brochures Point d' accommodement et Adresse à la noblesse de France ï\veni de leur auteur porte-voix de l'émigration naissante. le de 1791, entre l'événement de fut écrite pendant Yarennes et la dispersion l'été La première de l'Assemblée constituante. Les Feuillants débordés par leurs amis de gauche voulaient se rapprocher de leurs ennemis de droite, transiger avec eux et à refondre dans chique la constitution considérer comme truction de inachevée; mais définitives la ruine la noblesse et un sens monarils persistaient à du clergé, la des- des Parlements, sauf à dis- cuter la création éventuelle d'une cet quitte à chambre des pairs. A ultimatum suppliant d'Antraigues répliqua par une hautaine fin de non-recevoir et par la menace d'une in- vasion européenne. sives, le (i) code de Il fit lire, en cinq éditions succes- la politique enfantine et violente Dénonciation aux Français catholif/ues, pp. 101-105, dont IT ii CREDIT PREMIÈRES INTRIGUES manifeste le (1790-1792) Brunswick devait de 91 suprême être la expression. Tel est aussi blesse de le sens général de son Adresse à la France (novembre IIQ!) où, sous prétexte de défendre l'ancienne Constitution, il soutien nécessaire de la monarciiie l'Etat comme présente le fondement de et le un ordre de citoyens qui vient de disparaître dans la loi et dans la société. Ne lui parlez pas d'une cham- haute, et du fâcheux pis-aller d'une constitution à bre l'anglaise ; ne lui parlez plus surtout des républiques confédérées dont la France est menacée; tenant leur existence chimérique, publicain en théorie, s'il la vérité historique, — croit il et s'il est admire Brutus, — tus, l'ennemi des rois, un ?io- main- encore ré- c'est que Bru- et ici le politique rétablissait au fond un conservateur était et aristocrate. Des pensées religieuses autant que profanes alimentaient sa verve. titieux ni de Son royalisme mystique ; il n'avait rien de supers- niait la doctrine du droit di- confessait que la raison d'être du pouvoir royal vin; il était simplement l'intérêt de tous, et les arguments qui parlent au cœur la fortifier par des considérations tirées de l'intérêt faisant défaut à sa thèse, gieux. Déj'à, à la tribune de l' Assemblée, il il en libre penseur pénitent du catholicisme plus ferme appui des empii-es; depuis il cherchait à reli- avait parlé comme du parla en docteur de l'Église des affaires du clergé, et dénonça la conspiration ourdie de longue date par les philosophes contre le trône et l'autel, la coalition des impies, des jansé- 92 CFiAPiTRi-: ïroisii-:me nistes et des protestants; jusque dans la division en dé- partements, dans voyait la réalisation des plans combinés il synodes huguenots du xvi« les composait une vie d'Henri YIII, il siècle. Entre temps oii exécutait le il schisme constitutionnel sousl'enveloppedu schisme anglican. C'est ainsi que cet esprit-fort, naguère fertile en déclamations et dissertait sur le en sarcasmes contre le christianisme, thème par l'abbé Barruel. Pères fesser sa foi et de huguenot il il se Il citait le Nouveau Testament,, même et les conciles, parlait la religion et largement développé depuis si mourir pour devenu de disait « le très Au Il était elle. la religion éprouvait le besoin de l'écrire, fils (1) à l'occasion de con- humble, devenu de comme de la monarchie tombée, était les son aïeul du roi triomphant, même au pape, dont très obéissant et très dévot ». milieu de ses palinodies raisonnées, d'Antraigues restait fidèle à son passé par un seul sentiment, sa vé- nération envers Jean-Jacques. Il ne craignait pas d'insé- rer son apologie dans des écrits en faveur de la religion et de la monarchie, de le présenter en ennemi des En- cyclopédistes et des athées. ce roman d'un beau génie ; Il excusaLilleConfî^at social, il se souvenait que l'auteur donné de sages conseils aux Polonais avait et insisté, dans son Jugement sur la Polysynodie^ sur pour (1) AF était honteux deshom- Minute de III, danger des commentaires d'un Robespierre et de toucher à lui le 44.) la monarchie française. lettre datée Il deMendrisio, 18 octobre 1791. (Arch. Nat., PREMIÈRES INTRIGUES mages de l'Assemblée 93 (1790-1792) nationale, et il se décida alors à détruire un manuscrit complémentaire du Contrat social qu'il possédait; riciens il craignait, disait-il, que les théo- du moment n'en tirassent des conséquences pro- près à aggraver encore la crise présente (1). Tel est du moins l'on songe que motif qu'il a invoqué; mais le si l'ouvrage détruit par lui développait sa thèse favorite sur l'inanité des formes parlementaires et la nécessité des mandats impératifs, on peut craindre qu'il n'en mis à profit nom sous son les principaux passages, ait et voulu se dérober ainsi à une trop juste accu- qu'il n'ait sation de plagiat. Du rôle de à publiciste d'agent royaliste la celui transition était insensible; d'Antraigues l'eut bientôt franchie. Un agent, dans la langue et les usages de l'émigra- tion, est un personnage à part. d'action par certains côtés, l'opposé de tout cela. pour la Il il Ecrivain est négocie, par il ou certains autres plaide, il voyage cause d'un roi détrôné; mais c'est d'ordinaire un important, d'autant plus pénétré de sa valeur croit supérieure à sa situation et à celle de Il homme dédaigne ou il son maître. hait ses collaborateurs, les brouillons, d'intrigants, presque de qu'il la traite de traîtres, lui seul ayant la probité, la clairvoyance, par conséquent l'espoir du succès et le droit vailler sans bruit, (1) il aux récompenses. Obligé de ne peut attester les qualités Quelle esl la siluation de l'Assemblée nationale, p. 60. traet note complém., CHAPITRE TROISIÈME 94 les inoyons qu'il s'attribue que par des ou des s'estime exagérations. l'avenir, sauf à tifier ces Il descendre dans visées, au rôle Ses talents, un sauveur dans présent, afin de jus- d'espion. trouve, servent aux secrets étrangères. le indiscrétions Ses idées, s'il en desseins des ciiancelleries en s'il consument dans a, se des publications anonymes, des écho en articles sans Europe, des mémoires dont ses supérieurs d'occasion En répandant beaucoup ne tiennent guère compte. d'argent et d'encre, il pouvoir conduire croit nements; peu estimé de ceux d'ailleurs les leur rend leur dédain par toutes les formes de titude, calomnies, plaintes amères et évé- qu'il sert, même il l'ingra- vulgaires tentatives de chantage. Dans ce métier, où l'intelligence est parfois son inverse de la de hiérarchie. En probité, bas, salaire se y a des degrés, une sorte trouve l'agent même à trahir son vénal, prêt à tout, moyennant il ; en rai- purement maître delà veille plus haut, est l'agent qu'une con- viction sincère d'accord avec ses intérêts a mis au ser- vice d'un l'agent homme ou qui touche d'un parti ; plus haut encore, est au diplomate, qui s'autorise, au moins en paroles, de certains principes, de certaines traditions. D'Antraigues se rangea parmi ces derniers clama bien haut son dévouement à tique dont le roi patrie, « n'était qu'une il pro- un système poli- ; des pièces, et où la au sens moderne du mot, n'entrait pour Lapatrie,a-t-il écrit, est rien. un mot vide de sens quand ce PREMIÈRES INTRIGUES mot n'offre pas la réunion des a vécu aux ; la patrie sous lesquelles on lois voilà ce qui forme la patrie. territoires quand tudes, c'est une ne dit rien elle La bornée patrie hommes; aimer au cœur des perd ses 95 (1790-1792) usages, ses habi- lois, ses idolâtrie absurde, c'est celle des tiens qui adoraient des brutes. pour moi qu'un cadavre et La France Égyp- sans roi n'est on n'aime des morts que leurs souvenirs (1). » Ce théoricien de la monarchie française commença de 1790 à 1792 sa carrière de politicien cosmopolite. mena alors entre le Piémont, le Milanais et la Suisse existence agitée, errante et mystérieuse. Un Il une siècle au- paravant, son arrière-grand'lante, Philiberte d'Antrai- Vaud épouser Ben- gues, était venue dans le pays de jamin Micheli, seigneur de Dullit; des parents pour l'accueinir et en y trouva donc il même temps l'idée du pseudonyme qui favorisa le secret de ses correspondances et de ses incessants voyages. Sa restaient cachés à fils sous le nom Mendrisio; quant à de Marco-Paolo Philiberti, mouche bourdonnant sans la femme cesse française aux oreilles des Piémontais, il sur son et lui, déguisé était comme la des frontière Suisses ou des émigrés, et s'épuisant à faire franchir les Alpes et le Jura au coche embourbé et disloqué de la contre- révolution. Parmi les adversaires de la France nouvelle, il se montra d'abord partisan du système intérieur; en d'autres (1) termes il n'admettait au combat contre la Révolu- Xole datée de 1796. (B. M., Add. rasïi.SObb, f. 62.) CHAPITRE TROISIÈME 96 tion, à côté de ses compatriotes, Bourbons et alliés des deux que les princes parents nos clients et aussi les Suisses, fois séculaires. Il voyait dans cette intervention de puissances liées au roi par la Paix perpétuelle de 1516 ou le moyen de neu- Pacte de famille de 1761 un traliser l'influence des de la France. Il ennemis naturels et héréditaires protestait encore contretoute immixtion des grandes puissances européennes dans nos affaires. « Ils (nos ennemis) ne seront pas assez impolitiques pour nous distraire du soin de nous déchirer de nos propres mains en nous présentant des armes étrangères qui pourront nous asservir l'Espagne, (1). en se mettant à » Enfin la tête de monarchique, se relèverait elle-même, pas à nous seuls, disait-il déclarait que il la croisade car ce n'est « avec raison, qu'en veut la pohtique des cours, c'est à la prépondérance de la maison de Bourbon en Europe Ainsi pensait Louis XVI ». qui, dès le lendemain des journées d'octobre, avait dépêché Fonbrune en mission secrète auprès de son cousin Charles IV. D'Antraigues dut de son côté s'aboucher avec Las Casas, l'envoyé espagnol à Venise, drid, sous la et par ce canal faire passer à Ma- parure de son éloquence, les demandes du roi prisonnier. Las Casas a tenu pendant quelques années une grande place dans lui en Italie de d'Antraigues. d'une amitié étroite, et jusqu'à sa mort. (1) la vie A lui Il se lia très avec resta attaché l'exemple des émigrés français, Quelle nst la situation de l'Assemblée nationale, p. IT. il PREMIÈRES INTRIGUES (1790-1792) 97 poussait en matière politique Tardeur jusqu'à l'aveug-le- ment, 11 jusqu'à l'irrévérence. et parfois aussi la liberté l'homme de avait en lui, sous le diplomate et y un parti, sceptique jetant par-dessus bord, dans le secret de sa correspondance, les préjugés inséparables de sa situation. Il souhaitait en public le succès des paladins de Coblence et leur entrée triomphante à Paris, sauf à murmurer à l'oreille de son ami vous de bonne foi que notre noble armée en comte ble ? que notre cher Sorel à ses côtés, soit comme France Maîtresse en tète et Tout ce qui est à confesseur en queue (1). » Il les intrigues au Temple, et il mes (2). » dieux î N'y aura-t-il et ne dit que des finir par une partis qui n'en ont au- il régence « A » du comte de Marie-Antoinette, se surprenait à plus que ses amis. du Vengeur, ? bleue. poussait les illusions de l'émigration jus- qu'à craindre pour la vence garde part des royalistes ? la Coblence ne parle guerre de religion entre deux cune cwec sa du sang. Le tout pourra et Agnès à faire la conquête de la (VII) pas des cruautés horribles de vengeances soit capa- d'Artois, ayant son homme Charles Croyez- a : la s'écrie de Pro- prisonnière admirer ses adversaires pensée des marins légendaires : « Ce ne sont plus des hom- Le duc d'Enghien ajoutera : « Ce sont des » — La correspon(1) Las Casas à d'Antraigues, 10 déc. 1791 (A. F.)dance de Las Casas avec d'Antraigues, qui va de 1791 à 1798, comprend plusieurs centaines de lettres, presque toutes intéressantes par le fond France, vol. 637-(i39.) Las Casas à d'Antraigues, 1-"' juillet 1794. et la forme. (A. F., (2) 7 98 TUOlSlIvME CflAl'lTRF:: A eux (Jeux. d'Aulraigues et Las Casas prétendirent XVI, conduire, selon les intentions secrètes de Louis Ja politique étrangère de l'émigration naissante ils ; étaient secondés et couverts auprès des princes par les conseils discrets de Bernis et de Vaudreuil. Malheur à qui voulait Ce marcher dans leur fut le cas événements avaient fait les royaliste en Languedoc. quand le chef du parti eut l'imprudence de se faire Il Coblence une mission directe pour Naples à voulut l'accomplir, il 1 de Froment, un bourgeois remuant de Nîmes, dont donner sillon, sur leurs brisées ; de heurta partout à se il sourdes résistances. D'Antraigues et Las Casas, ne le jugeant pas assez souple pour travailler sous leur di- rection, le dénoncèrent comme nuisant par son quand isolée au plan général, et il se présenta à eux, malgré ses apparences de soumission ils lui firent perdre l'empêchèrent d'aller et agir l'amusèrent et qu'ils Quant à eux. leur rêve était action et de bon vouloir, bien si où il son voulait temps (1). de décider l'intervention des puissances voisines de la France, et de provoquer une triple étales démonstration militaire sur Pyrénées. Comme le Jura, les Alpes député, d'Antraigues s'était obligé à réclamer pour les étrangers au service du roi le serment de ne jamais porter citoyens; comme émigré, un serment contraire. Il il les armes contre les s'employait à obtenir d'eux répandait, sous le pseudonyme Froment, Précis de mes opérations, etc., pp. 60-61, 65, 71-73, malveillante remise sur Froment à d'Antraigues par Solliès, conseiller à la cour des aides de Montpellier (A. F., France, (1) 75. — Cf. une note vol. G3r,, f. 91.) PREMIÈRES liSTRIGUES 99 (1790-1792) d'Henry-Alexandre Stauffach, son ylt^/5 aux Suisses, où il XVI au France. On proposait de lier la mise en liberté de Louis renouvellement des capitulations avec l'entend dès la fin la de 1790 annoncer que tout Berne est acquis à la cause royale ;et deux ans après employé par Las Casas à était encore cantons catho- solliciter des liques une levée de douze mille il hommes que l'Espagne, alors en guerre ouverte avec la France, voulait prendre à son service A Madrid, (1). ses premières négociations se résument dans un mémoire adressé au ministre Florida-Blanca, et portant les conclusions suivantes rant comprimer les : Louis XYI, dési- factieux et octroyer librement à son peuple une constitution raisonnable, avait besoin d'un noyau de troupes étrangères propre à rallier ses sujets et soldats fidèles. Il demandait qu'en novembre 1790 24.000 Espagnols marchassent sur Perpignan, puis sur Toulouse, où le roi viendrait au devant d'eux. Ce projet était adopté et l'expédition résolue, lorsque Flo- rida-Blanca fit comme un casus en France; savoir que l'Angleterre belli l'entrée d'un seul elle se refusait à terminer considérait Espagnol armé le conflit pendant entre elle et le cabinet de Madrid au sujet de la baie de Nootka, tant qu'elle n'aurait pas l'assurance du désintéressement complet de Charles IV au sujet des affai- res de France (2). Correspondance intime de Vaudreuilet du comte d'Artois, t. I,p. 331. (chargé d'affaires russe à Gènes) au comte Osterinau, 12/23 mars 1793 (A. M.). (1) — Lizakévitch (2) Mémoire du 16 novembre 1804 (A. P. et A. V.). CHAPITRE TROISIÈME 100 D'Antraigues essaya au moins de mettre à profit les dispositions des royalistes sur cecôtédes frontières françaises. En novembre 1791 gouverneur de il expédiait auprès de Lascy, Catalogne, l'abbé Froment, frère de Nîmois, chargé de solliciter un l'agitateur concours quelconque au mouvement militaire qu'on supposait en préparation à Perpignan. Mais ce sit par à un complot d'officiers le mouvement soutenus ni qui, n'étant peuple ni par leurs propres se rédui- soldats, durent se disperser et émigrer avant d'avoir tiré l'épée. La cour de Madrid restait inerte, sans indifférente. Elle avait organisé dès 1791 dance secrète à Paris, qui jusqu'à la se montrer une correspon- mort de Louis XVI circula directement de cette ville à Madrid. Despomelles, un réformateur guère vanté militaire les plans, et dont d'Antraigues avait na- Lemaître,un avocat jadis mêlé aux intrigues de l'opposition parlementaire, la rédigè- rent les premiers avec l'assentiment du prisonnier des Tuileries (1). Cette correspondance aux frais du gouver- nement espagnol languit lorsque d'Aranda eut remplacé Florida-Blanca à la tête des affaires étrangères (février 1792). D'Aranda était de sympathies, même un sceptique qui ne se piquait pas en paroles, pour les malheurs des Bourbons de France. D'Antraigues dut alors regarder surtout du côté de Coblence, et s'employer à seconder sur les Alpes l'offensive qui se préparait sur le Rhin (1) On peut croire que la lettre du 10 mai 1791, citée par Vaudreuil écrivant au comte d'Artois [Correspondance, etc., nait déjà à cette correspondance. t. I, p. 371), apparte- PREMIÈRES INTRIGUES contre A monarchiens les 101 (d':90-1792) et les républicains Coblence, ses services n'avaient pas acceptés sans appréhensions (1). Deux de de Paris. d'abord été ses amis, bien en cour auprès du comte d'Artois, Sérent et Vaudreuil, obtinrent cependant la confiance. Lui de son côté se lui mit à exalter Galonné et ses plans chimériques de restauration. aux accusations s'associa Il comme taient Marie-Antoinette son pouvoir de 1787, impatiente de ressaisir comme Breteuil et qui représen- l'instrument d'une réaction où dominerait l'influence autrichienne. n'en appréciait pas moins avec sévérité l'entourage Il des princes, et tous ces importants, courtisans ou bra- vaches, qui se préoccupaient moins de restaurer la monarchie que de s'y préparer une bonne place au lende- main de « On On veut, si plus qu'on n'a pour avoir de l'air on épie des on comme on intrigue à Coblence, sailles... fait et la restauration. fait, fait. faire. secrets, les confie et on on Si On les on ne fait Ver- que l'on a pas, on s'agite donne de l'importance, se devine ou on on se remue jour et nuit Les plus médiocres sont d'être utile. intriguait à qu'on sache les imagine, pour avoir les plus l'air diligents à se montrer : besogne par un autre... Bref, c'est une vraie peste faite pour notre dans (1) ils parti le vide, cherchent à supplanter, à saisir une que ces agitateurs nageant mais présentant une atmosphère bourdon- Las Casas à d'Antraigues, 27 août 1790. time de Vaudreuil et du comte d' Ar lois , du comte d'Artois du séum, p. 161). d'affaires 2 janvier 1792 i. Cf. Correspondance in- I,pp. Io3,[172,340, et la lettre (dans Sainsbury, the Napoléon Mu- CHAPITRE TROISIÈME 102 En peignant ainsi ses émules, en les jugeant aussi dangereux que les jaco- bins, d'Antraigues ne voyait déjà leur nante et piquante parfois meilleur modèle. (1). n'est pas Il )> pas qu'il était un des faiseurs de l'émi- gration qui n'ait dénoncé et déploré l'esprit d'intrigue, et qui, en accusant prononcé sa propre les autres, n'ait sentence. D'Antraigues put se croire, dans de devenir un grand personnage. en Champagne avec « l'été A les Prussiens, de 1792, la veille Galonné lui écrivait: Les princes ontplusde remercîments à vous d'instructions à vous donner (2). voyait déjà prenant à dos les » faire que L'ami de Las Casas se rebelles « près d'entrer Paris, et se repliant vers le midi avec » leurs chassés de dernières espérances. II LES AGENCES DE VENISE ET DE PARIS (1792-1 TOC) Les désastres de la coalition en 1792 avaient brisé, sans les anéantir, les espérances des émigrés. L'exécution de Louis XYI les listes réfugiés dans la ranima, car à l'étranger en elle constitua les parti politique, roya- ayant personne du comte de Provence un chef décoré (1) Réflexions sur noire position (2) Caloniio à d'Antraigues, 12 juillet 1792. (A. F., France, vol. 630.) , etc. (A. F., France, vol. 634.) LES AGENCES DE VENISE ET DE PARIS successivement des s'étant insurp^é au titres nom courut d'AIlemag'ne comme dans une établir de régent et de de Louis XVII, le en Italie, 103 1792-1790) roi. Toulon régent « » ac- avec la pensée de s'y La capitale provisoire. ville étant retombée au pouvoir des républicains (5 septem- bre 1793), il dut s'arrêter à Turin, de remettre le pied sur demain, gues il et renoncer à l'espoir le sol français. Incertain du len- venait d'arriver à Vérone, lorsque d'Antrai- lui offrit directement ses conseils et ses services. Depuis plusieurs mois, d'Antraigues quement sous un pavillon étranger tiques et politiques. avait déclaré à la France. L'ami de Las Casas 1793) : on la légation lui abritait publi- menées diploma- Godoï ayant succédé comme mi- nistre à d'Aranda, l'Espagne lement dans ses était la entré guerre officiel- espagnole de Venise (25 juin octroya depuis une pension de 50.000 réaux, puis (14 janvier 1795) la croix de Cbarles III et des lettres de naturalisation espagnole. Ainsi couvert, d'Antraigues voulut faire bénéficier de sa nouvelle situation son ancien maître. mandé d'avance à Il était recom- Monsieur par certain Mémoire sur la régence publié au lendemain du 21 janvier (1); de plus, il s'était fait désigner pour représenter diplomatique- ment Cbarles IV à Toulon auprès du prince S'il eût cru son nouveau conseiller, français. Monsieur eût alors à tout prix renversé les obstacles qui le retenaient (1) « Le baron de Brcleiiil a fait passer à la cour de Madrid un mémoire contre mes droits à la régence... C'est pour répondre à ce mémoire que M. de Las Casas a engagé M. d'Anlraigues à faire le sien. » (Louis XVIII à Flachslanden, s. date. C. P.) — CHAPITRE TROISIÈME 104 dans les États vénitiens, et eût passé en Espagne. récompensa qu'il donna Il bon gré mal gré n'osa ou ne put suivre l'avis, mais l'auteur. La première il en croix de Saint-Louis de qualité qui fut attribuée à ce publiciste n'avait jamais tiré l'épée. D'Antraigues souhaitait entre toutes cette distinction, peut-être parce qu'il était tenté moins que personne de la conquérir selon les règles. Le contraste est complet entre lui et un autre grand conspirateur de l'époque, le baron de mérairement chercher Batz. Batz allait té- les jacobins ciiez eux, et sut les braver impunément jusque dans leur capitale. D'Antraigues, à l'exemple du comte d'Artois, s'est tenu tou- jours aussi loin que possible de leur atteinte, et a mis au bout de sa plume, à distance, tout ce d'éloquence Au et qu'il avait de courage. lieu d'aller à l'armée de que de faveur, il Condé justifier cette se mit à la disposition du « pour une campagne diplomatique. Monsieur mar- régent » désirait avant tout se donner un semblant de représentation auprès des gouvernements reconnaissance formelle italiens, et arriver ainsi à et efficace valier de Poulpry alla en son Venise (1); vement de l'Espagne, puis et Il de la Russie, secrètement reconnu, dédaigné en apparence par un gouver- nait le rôle à défaut F. Le che- le terrain à y vécut, sous la protection de nement légalement en paix avec (1) titre. sonder d'Antraigues y fut ensuite ciiargé définiti- ses intérêts. mais ignoré de son nom une la Convention. Il te- du rang. HéDia à Lebrun, 2 mars 1793, (A. F., Venise, vol. 250, f. 102.) LES AGENCES DE VENISE ET DE PARIS Venise en novembre 1793, Arrivé à maison, il donna comme et se de France Tout caractère w. le du taire d'État « régent » , il y loua une représentant du lui officiel devint, sous son titre espagnol, une sorte de secré- attirant à lui la correspon- en Toscane, l'abbé de Jons, de Pons. tellux, l'abbé Il « roi étant refusé, dance des agents royalistes en Piémont, dans Siciles, lOS (1792-1796) fut le les Deux- comte de Chas- surtout l'intermédiaire principal de la correspondance entre la cour de Madrid de Paris, après que la guerre eut fermé et ses ag'ents hermétiquement la barrière des Pyrénées. Les lettres étaient adressées de France, tantôt à un habitant de Bellinzona ou de Mendrisio, tantôt directement à Venise à « Marco-Paolo Philiberti ». Le vaguemestre de la lé- gation espagnole allait les prendre à la poste, où les inquisiteurs d'Etat avaient donné des ordres spéciaux pour leur remise immédiate. D'Antraigues les mettait en état d'être lues, et sance, les Madrid Las Casas, après en avoir pris connais- transmettait, par Gênes, (1). L'abbé Brotier vernede Presles, maître. à Barcelone et à Ils et Sourdat, puis Lavilleurnois et Du- s'étaient joints à Despomelles et à Le- envoyaient de longues pages écrites en encre sympathique et quelquefois de plus en chiffres, couvertes de lignes apparentes en style jacobin et consacrées à des nouvelles sans intérêt, déjà connues; et aux plus mau- (1) Tout le mécanisme de cette agence de Paris a été décrit par d'Antraigues dans des pièces qu'il rédigea bien plus tard, en 1809, lors de sa campagne, de concert avec Puisaye, contre d'Àvaray. (A. F., France, vol. 628, S. 23 et suiv., vol. G41, if. 275-279.) CEIAPITRE PREMIER lOG moments, vais c'était employait aussi ce style qu'on pour annoncer sans y paraître ce qu'on jugeait utile à faire savoir. exactement est difficile d'apprécier aujourd'hui Il la valeur de ces informations. Les ingrédients chimiques qui les ont révélés un instant aux yeux de d'Anlraigues les ont fait disparaître et presque totalement aux nôtres, n'ont laissé subsister que la prose de convention desti- née à les dissimuler. Brotier et ses collaborateurs étaient moins moins perspicaces influents, paraître c'étaient : un peu « des qu'ils ne voulaient hommes de paille qui voient des clochers dans la lune (1)«. Leurs lettres se composaient, ce semble, d'on-dit recueillis au hasard ou empruntés auxjournaux, etde considérations prétentieuses, inopportunes ou simplement banales. D'Antrai- gues n'oubliait pas de faire ressortir louange le 7 : passages à sa bien inconvenable, se laissait-il écrire « Il est pluviôse an les II, que ce mâtin d'Antraigues tinuellement aux trousses des Jacobins en soit con- Italie, au point qu'il ne puisse passer aucun courrier dans le pays no qu'il terrible jour la les que celui-là, et s'il ; qu'il ne fît aller à vau c'est un pouvait gagner un confiance de ces imbéciles de rois, m'emporte mais au moins de ses papiers saisisse homme l'eau la le diable république ; vues personnelles des puissances, leur mons- trueuse coalition, qui n'est qu'une maussade et incohérente démocratie, et leur jalousie les empêcheront tou- (1) Mallet du Pan, Mémoires même Correspondance el Correspondance, avec la cour de Vienne, t. II, t. II, p. p. 217. 214. Cf. du LES AGENCES DE VENISE ET DE PARIS de suivre les jours Comme s'était il Mallet du d'un grand conseils Pan (1792-1796) à Berne, le « 107 homme! homme grand » » mis en rapports avec les agents étrangers dont préjugeait les sympathies pour sa cause ou souhaitait la coopération. De l'Autriche il n'attendait rien, et en toute occasion signalait la politique indécise et égoïste de cette puissance au sujet des affaires de France Il se fiait peu aux Anglais, coupables selon riser indistinctement les tionnels ; toutefois il lui royalistes purs et lui fallait admettre de les consti- de leur l'utilité concours dans la Méditerranée, en Vendée (1). favo- en Bre- et tagne. Aussi était-il empressé auprès de Worsley, leur ministre à Venise, et entretenait-il une correspondance suivie avec Drake, consul à Livourne. Italie un rôle intriguant, analogue à celui de semant Drake jouait en Wickham à Berne, l'argent, réduisant l'art de la diplo- matie à un Delenda Carthago conivQ la France. D'Antraigues cherchait avant tout à capter la bienveillance, plus hautement annoncée que sérieusement effi- Las Casas cace, de la Russie pour les princes français. lui servit d'introducteur auprès des représentants de cette puissance, Lizakévitch à Gênes, Golovkine à Naples. Lizakévitch, placé près de la frontière française., entretenait avec. sa cour, une correspondance pendant très les années 1792 active, et et 1793, curieuse par les l'Autriche à genoux de(1) Von ihni stammt das berûhmte Wort vant l'or de l'Angleterre, die Klagen der undankbaren Emigranten ûbcr : OEsterreich. (Vivenot, Vertrauliche Brie fe des Frelherrnvon Tliugut, noXe 88 à lafin du 1" volume, qui commence par ces mots Der beriiclitigte Graf Antraigues, cin Emigrant der schlimmsten sorte, etc.) : CHAPITRE TROISIÈME 108 détails qu'elle le renferme sur siège de Toulon, Son Midi. les troubles en général et les de Marseille, événements di^ important, lorsque Sémonville rôle devint arriva à Gênes, épiant l'occasion favorable pour gagner Constantinople, et y exciter le Divan contre la Russie. Lizakévitch faisait suivre pas à pas l'envoyé français, et travaillait de son mieux à empêcher son départ et à pénétrer ses projets. De Venise, d'Antraigues un concours inattendu porta effet et utile. au diplomate russe des pièces on ne sait comment ; une allait le qu'il avait surprises secrètes des lettres de ; ap- passer en fit des instructions adressées de Paris à Sémonville Hénin, Il lui Félix d'affaires républicain à Venise, qui chargé lui-même peu de temps après être envoyé à Cons- tantinople, et enfin un plan de guerre civile à l'intérieur de la Russie signé Angely. L'auteur de ce plan à la Convention disait avoir vécu dans rentrer, et d'y le pays; il offrait provoquer une révolte analogue à comme de Pugatchev. Les républicains de 1792, d'y celle jadis Louis XV, comme plus tard Bonaparte, se ménageaient sans scrupule des alliés contre l'autocratie russe, parmi les courtisans mécontents ou les paysans rebelles. D'Antraigues avait d'abord prié bourg qu'on tùt à Péters- l'origine de ces révélations, puis torisa Lizakévitch à il se ravisa, au- prononcer son nom, et, avec une indiscrétion qu'explique seule son ignorance des usages du pays, il sollicita veurs de l'État On ne lui et une récompense réservée aux sau- aux adressa favoris^ le portrait de la souveraine môme pas ! un remerciement banal, LES AGENCES DE VENISE ET DE PARIS et plus tard il se plaig-naitavec Modeste par calcul et amertume de dont il ce silence. présomptueux par nature, maginait être une puissance occulte dans diplomatique, et 109 (1792-1796) était tout juste les puissants se servent, et il s'i- monde le un de ces instruments qu'ils ^dédaignent ou rejettent après s'en être servis (1). Déçu, sans être découragé, d'Antraigues tourna de nouveau ses espérances du côté de Ja Russie en 1795, lorsque l'Espagne se fut retirée de la coalition. vrier, Las Casas avril, la était transféré cour de Madrid signait république. D'Antraigues, sans nouvelle nationalité, sous quel pavillon la paix à s'abriter? Il attendu à Londres, où certains amis l'attiraient; fé- Bâle avec la renoncé à avoir remercié de fut allait-il En de Venise à Londres; en ses sa services ; disait ^bien être comme Cazalès mais au lieu de servir un cabinet dont dénonçait depuis deux ans les vues égoïstes, il trouva il plus simple de changer de déguisement sans changer de résidence. suggéra à Louis XVIII Il l'idée de deman- der son agrégation à la légation russe de Venise. Dans ce nouveau poste, il espérait devenir important entre son maître De là et un intermédiaire Catherine l'empressement avec lequel II. répondit aux il avances de Golovkine. Ce ministre avait entendu parler favorablement de pensa se lui faire valoir à la en demandant à cet informé des détails sur (1) cour des Deux-Siciles l'intérieur de la Lizakéwitcli à Osterrnan, 3 ot 14 posé de ma homme novembre 1793 si France (A. M.). ; il bien et le — Ex- conduite aoec la cour de Russie (par d'Antraigues) (A. F.). no CHAPITRE TROISIÈME parti royaliste, sur les relations avec blic il en lit tielles : Turquie la et la du Comité de Pologne, et, les ayant reçus, part à l'impératrice dans deux lettres confiden- en parlant de son correspon- C'est, ajoutait-il « un des meilleurs serviteurs du dant, salut pu- roi de France, fort différent des petits faiseurs dont ce prince est entouré. » Il sollicitait en conséquence pour tion flatteuse ou quelque La recommandation Le 25 août lui quelque distinc- marque de bienveillance (1). vint à point et porta ses fruits. 1795, Louis XYIII adressa au ministre russe àVenise, Mordvinov, unelettre oiijavecl'autorisaLion de Catherine II, il accréditait d'Antraigues auprès delui. nouvel attaché recevait en des lettres pleines même temps de Pétersbourg d'éloges et de promesses laissait espérer entre autres ce Le ; on lui grade de colonel dont avait joui en France, et qui flattait son il amour-propre plus encore qu'un titre diplomatique (2). pepsait en attendant recevoir Il lant de son nouveau un accueil en tête-à-tète avec une danseuse tiré, bienveil- chef, qu'il savait vivant assez re- comme lui-même avec l'ex-reine de l'Opéra. Mordvinov ne parut pas goûter cet auxiliaire inattendu : rendre régulièrela fonction il attendit quatre qu'il devait lui reconnaître, et ne se résigna à le présenter D'Autraigues à Golovkiue. (A. mois pour F., au Sénat vénitien que France, vol. 034, f. 64). lovkine à l'impératrice Catherine, mai et août 1795 (A. M.). — le — Go- Azara Froment, 2 mars 1796. (Lettre citée par Froment dans ses Observations sur la Russie par rapport à la Révolution de France, p. 16, à note.) (2; (A, à d'Antraigues, 9 décembre 1796, Il janvier D'Antraigues à Mordvinov, 31 janvier 1797 (A. M.). Saint'Priest F.). — 1797 LES AGENCES DE VEXISE ET DE PARIS jour (11 avril 1796) où (1). Les Vénitiens, de leur côté firent des façons, et n'agréèrent le nouvel attaché qu'a- près l'avoir obligé à transporter, au moins ment, son domicile à 111 nom un dut demander en son il passeport pour Vérone (1702-1796) la légation russe. garda néanmoins ses entrées chez le momentanéD'Antraigues successeur de Las Casas, Campos, qui venait volontiers le voir et s'entre- tenir avec lui. Venise donnait alors certains l'appelaient asile à de nombreux émigrés ; un nouveau Coblence. On y compta un moment jusqu'à huit cents Français, encombrant les salons et la place Saint-Marc, partout fêtés, remplis- sant les gazettes d'articles contre la Convention, et les boutiques d'estampes représentant les défaites, vraies ou fausses, des républicains. son renom littéraire et sa malgré D'Antraigues, faveur apparente auprès de Louis XVIII, recherchait peu ses compatriotes, tait n'avoir pas leur demeurait précaire confiance. et sa En eff"et, et sen- sa situation mission ressemblait fort à une aventure. L'homme relevait au premier abord l'une et l'autre par sa grande mine, par la séduction de ses manières, par l'étourdissante assurance de son langage. un portrait de lui qui nous semble dater Il existe de cette dire do l'euvoyé français Lallemant (Lettre (1) Mordvinov, qui, au au ministre Delacroix, floréal au IIIj, faisait sur son compte des rapports peu avantageux, appréciait au moins en lui un informateur utile. « Le comte d'Antrai(v. st.) 1797) 11 écrit à Osterman (24 janvier gues... a toujours mis le plus grand zèle à me communiquer pour : notre cour impériale les nouvelles utiles qu'il recevait de sa (A. M.) patrie. » U2 CHAPITRE TROISIÈME époque fier, le : front élevé et dégarni, le regard calme et le nez une intelligence de vulgaire et haut du visage accuse droit, tout le fin et déliée et active, et fait oublier ce qu'a de lourd la partie inférieure. La figure est portée sur une épaisse cravate blanciie encadrée elle- même dans un ample manteau noir à collet droit, assez grands Jésuites du semblable à celui des D'Antraigues, en fin xvi" siècle. de compte, ressemblait autrement que par ce détail de costume aux premiers compagnons du blessé de Pampelune; sée, de tout son talent il pour guerroyait de toute sa pen- monarchie en proie à la pour la Révolution, ainsi qu'ils avaient mutilée par la Réforme. avait leur zèle, leur entregent, Il fait la chrétienté leur habileté à mêler la politique et la religion, leur passion d'embrasser l'Europe entière dans leurs desseins il lui manquait leur humilité, et à l'occasion leur courage. Il la pureté de leurs abritait derrière les lagu- nes vénitiennes, sans jamais affronter son ennemi, intrigues et ; mœurs son ménage d'apparence louche et ses comme sa mission. Sa femme, ne portant pas son nom, vivait ce- pendant sous son le toit, et Louis XVIII cordon de Saint-Michel. Elle espagnole, était lui avait reçue à et fréquentait d'autre part le octroyé la légation monde des arts et des théâtres (1). Les auxiliaires du soi-disant diplomate ne prédisposaient pas non plus en sa faveur. C'était d'abord un (4) Les passages des lettres de Las Casas à d'Antraigues relatifs au séjour de M"» Saint-Huberty à Venise ont été publiés par De Goncourt, la Saint-Huberty, pp. 2o3-2j7. LES AGENCES DE VENISE ET DE PARIS abbé famélique nommé sio. Ce Dufour, comme 113 Dufour, pauvre hère que d'An- la un jour mendiant, errant et traigues avait recueilli d'automne de 1792, à (1792-1796) porte de sa maison de Mendri- tous les agents subalternes, finit par se croire un personnage, et par abuser des secrets qu'on lui avait confiés maître et lui il ou qu'il avait surpris. y eut échange de Entre son lettres aigres-douces, puis de récriminations violentes. Dufour fut chassé, se vengea, Un comme il put, par les plus basses médisances. Goujon, autre auxiliaire était meur pétulante et provoquante conflit sultant ; bruyamment sur la prète Venture, qu'il rencontra amener un faillit il la France Saint-Marc place bons mais Goujon gea en un jour son patron comme fut Un jeune homme in- l'intertri- du mi- offices nistre espagnol, Venture. en portant la cocarde colore. L'affaire fut étouffée par les traité d'hu- Marseillais diplomatique entre Venise et traitant et congédié, et se venavait il d'origine piémontaise échappé au siège de Toulon, Minoja, était chargé de la correspondance italienne. M"* d'Aritraigues mère fils. Elle vivait à Rome écrivait réguhèrement à son sous la protection de l'ambassade espagnole, au milieu d'une société mystique, où l'on priait pour la Compagnie de Jésus (1) «Femme la et la grave et presque double restauration de de la monarchie française (1). plus intrigante qui existe au monde, écrivait (12 mars d'Azara. Elle tient chez elle une 1794) le vieux diplomate voltairien espèce de club des émigrés les plus marquants, à la tête desquels s'est mis le nouveau cardinal Maury, auquel il ne manque rien pour pouvoir être déclaré fou. Ils ont appelé à leur secours (Dans Froment, Précis de mes opérations, etc., p. 121.) le jésuitisme. » 8 CHAPITRE TROISIÈME 114 Do loin elle titre et sermonnait son fils avec l'anlorité de son d'une affection survivant à tous les mécomptes. Elle reconnaissait volontiers lui devoir le pain de que jour, et était fière des services qu'elle rendre au parti royaliste cœur ouvert, et avec elle lui parlait cependant à n'épargnait pas plus l'homme privé que l'agent politique. affichée ; cha- voyait lui la Son principal grief était cette liaison Saint-Huberty, devenue une union légitime. A qu'elle ignorait être leur dernière entrevue, à Ivrée, d'Antraigues, interrogé par elle sur le bruit qui courait de son mariage, avait, par crainte de lui percer cœur, solennellement le et étourdiment tout'nié. De- embarrassé pour avouer puis, fort les écarts la vérité, il expliquait apparents de sa conduite par des nécessités financières ou se répandait en phrases vagues qui lui valaient, monces comme à un pécheur : voient des « Il scandaleux, de vertes se- n'est pas juste d'exiger des autres qu'ils mêmes yeux que vous M"* et qu'ils aient pour elle de Saint-Huberty, considération et estime. Vous jureriez sur son témoignage que vous êtes sa seule fai- blesse était ; cela peut être, mais vous conviendrez que de vous persuader qu'elle avait gagné vous ou dites qu'elle a perdu presque en six ans de célébrité... vous vous l'ont faites le million, totalité, En épousant ses que en cinq querelles, des ennemis, soyez-en sûr... Gens qui beaucoup vue la trouvent méchante servé l'esprit de son premier état (l,^ s'il question d'une autre, vous seriez loin de croire et M-= D'Antraigues uicrc à sou fils, et ayant con- (i). » 22 octobre 179G (B. D.). LES AGENCES DE VENISE ET DE PARIS Un moment, Français, se croyant Rome passer de menacée par l'approche des à Venise. Elle supposait que son se résignant à la recevoir, éloignerait berty de sa maison. L'accueil tel qu'elle répliqua : a en spectacle... C'est une jamais parlé « Vivons au moins en paix et je » ni moi nous donner ni finie, et comme dont je ne vous amis, mon : nous ne si dernier soupir Mordvinov trouvait en représentant de la Convention, qui comme (1). » face de lui un le surveillait et le l'émissaire des princes français et adversaire dangereux. C'était en 1793 l'ex- abbé Noël, plutôt toléré qu'accueilli par ment fut Et elle concluait tout maternellement vous aimerai jusqu'à L'auxiliaire de comme un M™® Saint-Huproposition mieux. Vous m'estimez, moi je vous aime faire pourchassait fils, croire que pour rien vous aflfaire ai . à sa fait Vous devez au monde je n'aurais voulu pouvons manifesta l'intention de d'Antraigues M'"'' 115 (171)2-1796) vénitien. 11 savait que d'Antraigues avait reçu la visite de d'Avaray, venu exprès de Vérone; saisir sa main dans contre Maret et son renvoi, signalait en il les attentats perpétrés Sémonville (2). il croyait en Valteline Ne pouvant obtenir insérait dans les gazettes des notes lui l'ex-révolutionnaire et le vieille actrice. gouverne- le où il tenant d'une D'Antraigues riposta en préparant, de concert avec Las Casas et Worsley, pour note où l'expulsion du ministre le Sénat, une de France était for- mellement demandée. Cette double machination avorta, (1) (2) M'" D'Antraigues mère à son fils, 10 septembre (1796) IvAULEK, Papiers de Barthélémy, t. III, pp. otO-oJl. (B. D.) CHAPITRE TROISIÈME 116 les Vénitiens désirant à la fois France la A et ne pas se brouiller avec ne pas décourager ses ennemis. Noël succéda Lallemant, fonctionnaire de l'ancien régime, consul à Naples, jadis son caractère, possédait plus d'autorité et inspirait ot de confiance. plus Il l'interprète des injonctions fut menaçantes du Directoire, Louis XVIII de Vérone. contre le et réussit à Il serviteurque contre agit le faire éloigner moins heureusement maître. A réclama l'expulsion de d'Antraigues il conduite qui, par sa trois reprises (1). Le Sénat éluda une réponse affirmative en promettant de négo- Pétersbourg l'éloignement du soi-disant Russe. cier à En définitive la présentation couvrait lieu officielle qui avait désormais l'adversaire militant de eu la république, et ne permettait plus au gouvernement vénitien de céder. Il fallut sa chute gênant pour forcer au gîte l'hôte qu'il avait accueilli. III TRAVAIL A l'intérieur DE LA FRANCE (1793-1795) La en attribuant à parmi (1) légation de France à Venise ne se trompait guère les d'Antraigues un des premiers rôles meneurs de l'émigration. Le collaborateur V. sa correspoudanco avec lu miiiislie des Ailaires étrangères TRAVAIL A r.'[NTÉRIRUR DE LA FRANCE officiel 117 I7;13-170:;) de Las Casas et de Mordvinov était avant tout serviteur de la monarchie française, digne de a ( la plus dans quelle mesure il jugé et serviteur extrême confiance (1) ». On va voir se préoccupait de la justifier. L'offensive qu'il pouvait, en l'an les révolutionnaires avait II, pour but seconder contre les parties méridio- nales de la France. Aussi se mèla-t-il d'abord aux affaires de la Corse. Cette Convention, la tint en hostilité ouverte avec île, guerre était livrée à la y sou- civile. Il royaliste, notam- du parti de ses conseils les chefs ment Buttafuoco, l'ex-correspondantde Rousseau. fit tenir entreautresle Il lui modèle d'unepétilion àCharlesIV, destinée à être répandue dans l'île, oii les Corses dé- claraient se défier des Anglais et des Russes, et solliciter la protection La guerre de la cour de Madrid (2). se faisant alors sur les Pyrénées, il pouvait sans trop de témérité supposer une invasion lieureuse des Espagnols en Roussillon et en Languedoc, imagination l'entraînant plus loin, il et, son voyait déjà les vainqueurs tendant les mains sur les bords de l'Ardèche et du Rhône à ses compatriotes, à lès reconstituée; victoire, il comme s'il la fédération de Ja- eût été au lendemain de la suggérait au prince de Condé de se faire Delacroix, en 1795 et 1796, principalement ses lettres des 23 floréal et 2 prairial an IV. (A. F., Venise, vol. 252.) Drake s'installer à Venise, et réussit à placer pour l'espionner Esménard, le futur auteur du poème de s'inquiéta devoir Il auprès de lui la Navigation. (Vannelet à d'Anlraigues, 2 juillet 1798. (1) les Pièces (2) — A. V.) Lettre de Louis XVIII aux agents de Paris (25 février 1796), dans vol. 631.) 1" partie, p. 23. ou mémoires. (A. F., France, relatives à la conspiration de Brotier, Affaires de Corse en 1794,25 lettres us CHAPITRE TROISIÈME nommer lui g-ouvernciir du écrivait-il, soumission Languedoc. que vous serez et la paix, prématie des barons. utile pour mettre » Il « C'est là surtout, pour maintenir la à l'insolente su- fin n'avait point oublié et sup- il posait encore possible dans l'ancien régime restauré le rétablissement des états provinciaux, et faisait la guerre à des tés ombres aussi vivement qu'aux formidables du présent; aussi priait-il sans sourire le « réali- régent » de ne rien statuer prématurément au sujet du Languedoc, afin de ne pas léser les droits de la noblesse. Nous connaissons quelques-uns des agents qui tra- vaillaient sous sa direction dans cette contrée, Viguier, ancien son homme Loys de Boudou, de Toulouse, Chavanne (1). Il eût voulu main d'un homme placé par ses soins l'ex-maire d'Arles, les réunir sous la d'afiaires, la auprès du généralissime espagnol Ricardos, désigné pour ce dernier poste un ancien et officier il avait de gen- dai'merie, son collègue aux États généraux, le marquis d'Apchier. D'Apchier devait Pyrénées les officiers à Constance. amener avec lui En s'embarquant pour Barcelone, il commit une de ces étourderies familières et aux émi- fatales grés, qui pour d'Antraigues lui-même devait leçon inutile nant la liste ; il (1) au ministre de V. une lettre de ce Chapelle. t. être une oublia et perdit un portefeuille conte- de ses principaux coopérateurs. Ledit por- tefeuille fut porté française, sur les du régiment de Vivarais réfugiés dernier la république à Gênes, à d'Antraigues, dans la Révolution IX, p. 83. Elle est dite par erreur adressée au comte de^jla TRAVAIL A L'INTÉRIEUR DE LA FRANGE mission de d'Apchier avorta ainsi dès et la C'est début. le du moins ce que raconte avec une joie non mulée Froment, qui avait réussi à se glisser, d'une lettre du comte d'Artois, dans le 119 (1793-1793) dissi- muni camp de Ricar- dos. D'Antraigues comptait avec raison que le courage des Espagnols dans leur guerre offensive serait doublé par leur haine contre l'impiété française, et néanmoins il jugeait leur présence dans le Yivarais insurgé pro- pre à contenir les passions religieuses, à empêcher les protestants d'être victimes de la réaction monarchique. Il ne faudrait pas contre ceux-ci, disait- il, des mesures trop ostensiblement « sévères... Les excès de la ven- geance iraient à des bornes embarrassantes pour la politique (1) ». Après tous ces beaux projets, je ne vois guère entre mains de leur auteur qu'un résultat acquis les fut la rétractation ; ce de son cousin l'évêque de Viviers, Savines, devenu évêque constitutionnel de l'Ardèche. D'Antraigues la reçut fit et la parvenir entre les mains du pape. L'ancien député de la noblesse se considérait en Vi(1) D'Antriiiyues au marquis d'Apchier, 22 août 1793. (A. F., France, vol. 634, f. 38.) — Fkoment, Précis dévies opérations, etc., p. 104. On s'étonna do voir paraître tout à coup sur terre do France M. Ricardos à la tête d'une poignée d'Espagnols, sans magasins, sans moyens de retraite. C'est que le comte d'Antraigues. .. avait rêvé dans son lit un grand rassemblement au camp de Jalès, qui n'attendait pour agir qu'un noyau de troupes réglées. Il )'avait rêvé, M. de Las Casas « l'avait cru, la cour de Madrid n'en l'avait pas douté, M. Ricardos avait sait tous les malheurs qui suivirent. » (Souvenirs été sacrifié, et l'on niss. du comte Th. Golovkine.) 120 CHAPITRE TROISIÈMP; varais et il comme un absent toujours à présent à restait de rentrer, la veille pensée de ses compatriotes, la En républicains ou royalistes. 1795, il dépêchait secrè- tement parmi eux un émissaire chargé de renouer, à défaut d'intrigues politiques, les fils de ses anciens sou- venirs, de rechercher le sortdeses terriers, de ses livres, de ses collections, et surtout téressait, depuis ses hommes de ceux auxquels il d'affaires jusqu'à la belle s'in- Henriette. Les patriotes de leur côté soupçonnaient sa main dans tout mouvement révolutionnaire, et se le Un juge figuraient volontiers caché au milieu d'eux. paix en l'an YI désigne même pièce officielle, l'asile où il L'action de d'Antraigues le suppose (1). se manifeste en 1795 un autre point des frontières françaises, à la Franche-Comté et des de expressément, dans une cantons Suisses. sur la lisière Il de vint alors secrètement dans la principauté de Neuchâtel, à la Chaux de Fonds, et jusqu'au village des Planchettes, sur les bords du Doubs (2). Il trouvait là de nombreux réfugiés, débris de la Petite Vendée comtoise. voir se former en corps Il de troupes, eût voulu les surprendre postes de la frontière, et emporter le fort de Joux gouvernement bernois lui avait les ; le promis, affirmait-il, les munitions nécessaires. Quelques ecclésiastiques se prêtèrent à ses vues, et distribuèrent des brochures et des proclamations (1) « au nom de Dieu et de laYiergeMaric». Lettre de Flauguergues, juge de paix à Viviers, (Gomm. par M. Mazon.) (2) Sa présence à la Chaux de Fonds nuels du Conseil d'Etat, 8 juin. est — Archives 1^'" ventùse an VI. signalée en juin 1794. (Ma- cantonales de Neuchdlel.) TRAVAIL A L'INTÉRIEUR DE LA FRANCE La Terreur paysans était finie; les 121 (1793-179.Ï) fugitifs se souciaient moins de combattre que de revoir leur patrie (1). D'An- traigues disparut promptement du pays, et par Zug, où on trouve au mois d'octobre, le Son Paris revint en Italie. il manière plus activité s'exerça d'une même, auprès des hommes qui y représentaient mais officiellement, secrètement, parti le montée par correspondance L'agence de efficace à royaliste. le cabinet espagnol avait passé, sans perdre son premier caractère, au service du régent de France « et », d'Avaray Paris entre le devint Vérone. Flachslanden à et et les d'Antraigues, Paris et Madrid, intermédiaire de cette agence entre transmettait à Il bulletins France, sauf certaines parties réservées ; il reçus les de envoyait en outre à Drake, qui les communiquait au cabinet de Londres. Enfin il expédiait directement les instructions de Monsieur, rédigées par lui donnait la substance lui sur des canevas dont on mais ; il devait faire connaître à Madrid toute la correspondance échangée entre Vé- rone et Paris. En juillet 1795, après la paix de Bàle, Brotier amis furent remerciés par meurèrent exclusivement le et ses ministère espagnol, et de- les serviteurs de Louis XVIIl. Depuis quelques jours, Monsieur venait de prendre ce nom avec le titre royal. Un de ses premiers actes fut d'appeler d'Antraigues auprès de croire (1) J. un instant une Sauzay, Histoire Dou/js, t.V pp. 270-273. sorte de de la lui. Celui-ci put se premier ministre. persécution révolutionnaire dans le CHAPITRH TROISIÈME i'22 une critique de fois du avait publié l'année précédente, au lendemain Il 9 Thermidor, certaines Oôservatio?is qui étaient à royalistes européenne, surtout la politique de la politique anglaise, des et un anathème nom au jeté, aux constitutionnels purs, la de 1791, jugés pires que les Jacobins. Ces sentiments exclusifs étaient ceux de Louis XVITI, lorsqu'il ment possession de traigues la couronne théorique- prit France. D'An- de donna certainement son concours à l'élabo- ration du premier manifeste de Louis à ses sujets. Des main existent sur corrections fort importantes de sa un projet de ce genre émané du cabinet royal corrections atténuent ou suppriment Ces certaines décla- rations qu'il désapprouvait, qu'il jugeait au prudentes ou inopportunes. Tout ce (1). moins im- qu'il obtint, l'autorisation de retranclier, dans l'édition ce fut destinée à France, les expressions de nature à blesser certains la esprits ; ce fut l'assurance d'un à ceux des régicides qui rendraient des portants. L'ancien régime, d'après ce manifeste, pardon moins individuel services les abus, tel im- était, la seule constitution possible à octroyer aux Français. D'Antraigues sur ce point était d'accord avec son maître, et une fois le texte définitif de la Déclaration adopté, il le commenta et le menter dans des factums, des brochures tionnels et jacobins étaient et oiî la com- constitu- môme ligne, la royauté, se croyant près du triomphe, annon- çait ses (1) mis sur oii fit vengeances sous A. F., France, vol. 639. le nom de justice. TRAVAIL A L'INTÉRIEUR DE LA FRANGE La première, la seule préoccupation de Louis titre pouvant être roi 123 pendant longtemps, faute de mieux, et sance de son (1793-1795) XYIII fut la reconnais- par les puissances européennes. Ne de moins en paroles, fait, la il s'appliquait à obtenir, son droit, consécration de au La première tentative à laquelle d'Antraigues concourut eut lieu à Milan, et sans Ferdinand (1). Puis le succès, auprès de l'archiduc prince songea à Catherine II, plus expansive, quoique aussi peu sincère que les autres souverains dans son zèle pour les Bourbons; à Venise, Mordvinov venait justement d'acquérir en d'Antraigues un auxiliaire inattendu chargé de torisé, sur le chemin de Vérone. Cette démarche, long- temps retardée, n'eut en finit définitive pas lieu. mit entre ses mains seulement le lui Mordvinov par recevoir des lettres de créance à l'adresse de Louis XVIII; mais un hasard où pousser, dûment au- le lendemain du jour le prince partait pour l'Allemagne ayant insinué qu'il pourrait ; fit d'Antraigues et aller quartier général de Condé, le Russe La dut apprécier les qu'il la les porter au sourde oreille. seule reconnaissance obtenue alors par LouisXVIII se produisit sous les formes d'une réconciliation. duchesse douairière d'Orléans, restée en France, La fit connaître à Vérone son désir de voir effacer les souvenirs récents et sanglants laissés par son mari, et le roi, appréciant d'autre part les démarches faites dans le môme (1) sens par le jeune duc Louis-Philippe auprès de Thngut à Cobenzl, 8 août 1793 (dans Zeissberg, Quellen zur Ges- cliichle cler deiiischen Kaiserpolilik Osterreichs, t. V, p. 320). CHAPITRE TROISIÈME 424 Catherine II, chargea d'Antraigues d'annoncer à son cousin que tout était oublié (1). L'agence Brotier fonctionna tant bien que mal au 1797, époque où service royal jusqu'au printemps de elle fut découverte, trahie par un de Duverne de Presles. Despomelles membres, ses s'était déjà dérobé depuis longtemps, et Brotier avait cessé quelques mois auparavant de tenir plume. Jusqu'au bout d'An- la traigues eut la direction de ce service dants avec ; ses correspon- n'eussent pas voulu être en relations directes les indiscrétions (2). De Vérone, mais dont Louis XVIII, craignant de conseillers plus il en était d'autres, connus à son gré, en mesurait à il les les transmettant, les communications. Tel paraît avoir été triote, cas de Méjean, son compa- de Madier de Montjau, son ancien collègue, Gamon, de le lefils d'un de ses hommes et d'affaires, qui sié- geait à la Convention au milieu des Girondins et des Thermidoriens. Dans une lettre à Lemaître (10 octobre 1795), qui fut interceptée etlue àla tribune, d'Antraigues parle de Gamon comme d'un homme retour au royalisme, mais qu'il atteindre. Gamontravaillaitdéjà car la il dont il n'a pas souhaite le encore su cependantpourle parti, avait facilité l'entrée et la diffusion en France de première Déclaration de Louis XVIIÏ (1) Louis XVIII à d'Antraigues, 11 mai 1796. (A. (2) Bayard à Wickham, sur la (3). F., Compromis France, vol. 609.) cour de Vérone (dans Lebox, l'Angle- terre et l'émigration française, p. 360). (3) f. 83.) D'Antraigues à d'Avaray, 17 août 1795. (A. F., France, vol. 588, TRAVAIL A L'INTÉRIEUR DE LA FRANCE par la découverte de cette pièce, d'Antraig-ues passait pour gereux de protesta bien haut; un des agents nom son la coalition; il 125 (i7'.)3-179o) les plus dan- figurait sur les papiers suspects trouvés chez Robespierre; quelques semaines après le 9 Thermidor, mant le conventionnel Louchet, récla- maintien du régime terroriste, avait rappelé la le guerre implacable Chambre de traigues (1) la ». couru depuis Révolution; et cette guerre faite à la selon lui datait du serment impie « noblesse par Gamon 1789 prononcé dans » la ci-devant comte d'An- « le affirma solennellement avoir en- la haine de son compatriote et ne pas devoir cesser de la mériter. Trois mois après, cédait aux instances qui avec Tagenco de Venise. relations directes homme de lui étaient faites, et entrait génie, écrivait plus tard son « C'est il en un correspondant, mais un cœur atroce; ce monstre a voté la mort de Louis XVI, mon maître. déchiré de remords, ou" servir la bonne cause; il Un il an après ce en fit le forfait, semblant, m'ordonna lui être utile, lui écrire. J'exigeai qu'il écrite de sa utile, main; moins pourtant On ne et désira (1) le me fit qu'il le homme 14 janvier 1796 de l'ordonnât par lettre toute le ne 20 janvier 1796. pu l'aurait (2). Il a été » peut que conjecturer les tentatives faites alors pour ramener les il parut m'écrivit, je refusai de lui ré- pondre; enfin Louis XVIII, croyant que cet pouvait il Lettre de à la monarchie certains autres conven- Campos du 30 juillet 1739, dans Courtois, Rapport sur Moniteur du 3 fructi- papiers trouvés chez Robespierre, pièce L. dor an II. (2) D'Aulraigues à Thugut, 3 juin 1798 — (A. V.). CHAl'lTRI^ 126 TROISIÈME tionnels, tels que Tallion et Cambacérès. On sait mieux ce qui fut fait en vue d'établir des relations suivies avec l'on pouvait La Vendée de l'Ouest. iCS royalistes étail un champ où encore nuire à la république, triomphante sur toutes ses frontières. Pour y paraître, les Bourbons avaient besoin d'un secours étranger. Serait-ce l'Es- comme le voulait Louis XVIII? Serait-ce l'Angleterre, comme le voulait le comte d'Artois, réfugié à pagne, A Londres? des deux princes s'agitaient deux côté lustres faiseurs, Puisaye, là d'Antraigues, ici il- et derrière ceux-ci, le cabinet britannique, qui se préparait à jeter les émigrés sur la côte de Quiberon, et l'Espagne qui, en faisant la paix avec la république^, avait gardé Charette comme « dessous de cartes d. D'Antraigues, dans cette lutte d'influence, le fut, comme duc de La Vauguyon auprès de Louis XVIII, dévoué aux intérêts de l'Espagne. Tout au plus que disait-il l'Angleterre pourrait être utile à ceux qu'il soupçonnait d'être sous la et ses moyens main des Anglais étaient ailleurs. ; mais ses sympathies Par ses soins les agents de Paris établirent des communications directes avec Charette, et ils directes entre aussi, des donnèrent Vérone en dehors de chefs lui, puis, lorsque Venise, ici la facilité Vendée; la d'en ils établir de en établirent avec l'Espagne, sur la demande vendéens. Sous cette double influence, contrarièrent de leur Puisaye et la le et là mieux désastre on principale ils l'expédition de Quiberon fut connu à chercha à en responsabilité Vérone et ; à faire peser sur « Quand un : TRAVAIL A L'INTÉRIEUR DE LA FRANCE (1793-1795) 127 misérable intrigant entreprend de monter sur un grand théâtre, écrivit d'Avaray, rôle faut il qu'il y joue un grand d'autant plus qu'en voulant faire le héros ; que faire oublier de chandelles. à qui le moment d'avant était il Le comte Joseph de Puisaye il doit moucheur est un drôle faut casserle col. » Etd'Antraigues de répliquer il en promettant d'écrire en conséquence aux agents de Paris ma «Ah! : fiez-vous à moi. Pour Puisaye.j'ai fait pour consolation tout ce qu'il qu'il est réellement, et fallait pour le rendre ce pour qu'on n'en doutât pas (1). » Cette correspondance était à citer et à retenir, en vue du et ans plus tard entre Puisaye conflit qui renaîtra treize d'Avaray, et avec le Vers d'Antraigues sera, cette oii fois^ d'accord premier, l'adversaire impitoyable du second. de 1795, les espérances du cabinet royal la fin se concentraient sur Charette. D'Antraigues fit en sorte d'être l'intermédiaire unique, indispensable entrelechef vendéen Louis XYIIL et Ici encore il y avait lutte d'in- fluence entre la coterie espagnole et la coterie anglaise. Charette, victime de ce même et par que conflit, se voyait octroyer en temps par Louis XYIII un brevet de généralissime comte d'Artois un brevet de général en chef le trois autres partageaient avec lui : d'ailleurs, au- dessus de ces misères, et se disant toujours content, pourvu interrogé rone (1) vol. : put défendre sa cause. Devant ses juges, qu'il « s'il n'était pas en correspondance avec Vé- Je n'ai jamais reçu, dit-il, qu'un chiffon de d'An- D'Avaray à d'Antraigues, 27 août 1793. LXXXV, f. 521. France, vol. 588, — {B. M., Papiers de Puisaye, D'Autraigues à d'Avaray, 31 août 179o. (A. F„ f. 83.) CHAPITRE TROISIÈME 428 Iraigues. y eut davantage, une série de lettres dont » Il plupart nous Ja comme on sont parvenues. Charette l'a dit, fit Nous ignorons passer par la voie de Ve- nise d'assez dures vérités à son maître que d'Antraigues homme avait imaginé à sa dévotion, auquel de : mais nous savons envoyer un lui aurait lui-même il donné sou- des lettres de créance. Cette nouvelle intrigue se tint quelques mois à peine, si, et fut brisée par la capture de Ciiarette. et l'exécution Dix ans plus tard, l'intermédiaire de cette inutile cor- respondance revenait avec amertume sur ces affaires, et crisies pour accuser du cabinet royal royauté qu'en Vendée salut ne ; l'a on ne les : ce ; « maladresses Il jamais voulu y l'Angleterre le dis, d'autres et elle XVIII n'a le contraire, ait dit ses entours n'a jamais permis membres de l'a plus. Louis aller, quoiqu'il de la jalousie hypo- eût pu en devenir le pas voulu lorsqu'elle le pouvait, tenté lorsqu'elle ne le pouvait et et les ne restait d'asile à la moyen pas voulu. Oui, je l'a tristes que sa famille y allassent. Enfin, on a trompé, on a égorgé, avec de fausses promesses des intrigues, tout ce parti de la Vendée. On a vu par les papiers saisis sur imprimés, que j'étais Louis XVIII. On pêcher d'agir, mon ami son le seul général Charette, que j'ai et correspondant près a vu que je n'ai pu y faire agir ni et et prévu sa mort, attendue, sachant qu'elle arriverait, mais em- et qu'il Ta ne voulant plus vivre dans un sièclequ'il avaitapprisàmépriser(l). (1) Mémoire du 16 novembre 1804, au prince Czartoryski (A P.). » D'ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS 129 IV D ANTRAIGUKS ET SES KNNEMIS L'envie s'attaque promptement dominations qui sont le fruit, avec succès aux et non du courag-e ou de l'éloquence, mais de l'intrigue. D'Antraigues avait pour l'activité, la facilité lui de plume, une réelle dextérité à s'imposer aux hommes, d'autant plus qu'il était un vaincu, plein de confiance et d'illusions, au milieu de vaincus dispensés et démoralisés; il avait contre lui sa suffisance, le sans-gène de ses procédés, l'exagération de ses opinions et la vivacité de sa polémique, l'im- puissance finale de toutes ses tentatives. Sa mère était pour lui un censeur sévère et un con- impatiemment écouté. Manque de franchise seiller et de sang-froid, indulgence égoïste pour d'indignes admirateurs, sentiments haineux et vindicatifs, tout et lui dans son cela fils, et expliquer à lui-même nement de ses ennemis. elle notait voulait s'expliquer le nombre et l'achar- demandait, Elle lui ainsi au su de ses démêlés incessants avec ses supérieurs et ses inférieurs, torts, et, d'aimer la paix, de savoir reconnaître ses comme pour lui donner l'exemple, elle résu- mait dans ces mots les pensées que cet enfant toujours ingrat et toujours aimé lui inspirait : « Il n'y a que CHAPITRE TROISIEME 130 Dieu seul qui connaisse tout ce que vous avez moi depuis que vous avez j'ai fait et souffert seiile de fait contre raison, et ce que pour vous depuis votre naissance vous pardonne de tout je l'âge mon : cœur... »Mais elle était la à pardonner, et d'Antraigues, dans la situation à la fois importante et équivoque bon nombre attiré sur sa tête qu'il s'était faite, avait d'inimitiés qui ne désar- maient pas. Et comment en eût-il été autrement?Il avait concentré avec affectation dans sa main toutes parti en Italie, et écartait les affaires ou brisait quiconque, à Venise, voulait agir en dehors de lui. de son même Combien d'émi- grés, pour peu qu'ils eussent d'argent à leur portée ou d'hommes à leur relever le trône ! suite, se sont crus ainsi D'Antraigues avait à son service un incontestable talent d'écrivain, et cela suffisait persuader ses aptitudes d'homme d'État. on le sait, mêmes que Il destinés à d'hommes plus naïvement les lettrés 11 n'y a pas, infatués d'eux- mêlés aux entreprises des leur suffit d'avoir parlé à lui éloquemment des partis- restaura- tions ou des révolutions dans le passé et dans l'avenir pour croire qu'ils les ont faites ou qu'ils sont capables de les faire. Au sentiment excessif de valeur, sa joignait certains défauts, étalés d'Antraigues ou mal dissimulés, qui tenaient à sa position et aussi à son caractère, propres par conséquent à discréditer également sa personne et son parti. Dans ses relations quotidiennes, du jour au lendemain, selon l'interlocuteur ou le correspondant D'ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS auquel avait affaire, il outrance. Il 131 ou réservé à était indiscret il lui fallait être également habile, dans un entretien ou une lettre, à faire valoir ses moyens ou à en déguiser la faiblesse. Par certains côtés, l'homme contrariait en lui le politique. Au milieu des séductions de ses manières et de son langage, ne pouvait se dé- il fendre de faire valoir son crédit, ses petites habiletés, même de raconter cohime un trait génie quelque de piège tendu à la crédulité ou à la vanité était d' autrui. Il de ceux qui confondent avec leur complaisance à s'écouter leur désir de convaincre les autres. Enfin, il continuait à se tenir loin des baïonnettes républicaines, au feu cette croix de Saint-Louis et n'exposait point conquise uniquement à la pointe de sa plume sur un roi plus sensible aux phrases bien tournées qu'aux vertus guerrières. L'écrivain rable. Il comme l'homme était facilement vulné- une tendance à exagérer avait d'abord ses opinions royalistes, à répliquer aux menaces jacobines par des menaces en sens contraire. En 1793, dans ses Observations sur la conduite des puissances coalisées, il que déclarait avait été Louis le commis non XV, mais lui attribuait ce révolution ; le le il : « Je serai le Marat de la contre- tomber cent mille les têtes et celles des premières. ne démentait pas ces paroles, mais moins à demi voix Révolution 21 janvier 1793 sur la place modérés comme Montlosier lement la 23 juin 1789 au Jeu de Paume. On mot je ferai grand crime de plus : « S'il fallait faire le » il Non seu- disait, sacrifice au de CHAPITRE TROISIÈME l'^S vingt millions de Français pour établir la monarchie sur les deux ou trois millions qui restent, pas à hésiter (1). avait, au Il même degré que fit n'y aurait imprimer en 1794 en goût de l'exagération, le celui de la mystification. Certain qu'il il » Rapport de Saint-Just est la preuve. Le genre auquel appartient cettepublication consiste àplacer sous un nom contemporain, vrai ou supposé, l'expression plus ou moins voilée, plus ou moins ironique de senti- ments qu'on estime inutiles ou dangereux à communi- quer sous son propre nom. Ce genre n'était pasnouveau Voltaire en avait usé et abusé dans sa guerre de ennemis personnels phlets contre ses gion chrétienne. D'Antraigues comme le et contre la reli- se plut à contre la Révolution, et se cacha ; pam- l'employer derrière Saint-Just, patriarche de Ferney s'était caché derrière le docteur Akakia et Jérôme Carré, pour discréditer, par les soi-disant aveux d'un député montagnard, la Con- vention et la république. A ces reproches, au devant desquels il courait étour- diment, l'opinion en joignait d'autres, fondés, faute de preuves, sur des indices sérieux. Ses correspondants ou ses subordonnés accusaient tout bas son manque manque de désintéressement. Ne de véracité, son souvenait-il écrivait et je (1) M., plus un jour de : « ce que la Saint-Huberty MoNTGAiLLARD, Mémoires seerets, p. 89. f. 62.) lui Prête-moi un peu de ton toupet, vous leur ferai des histoires qui Add. mss. 8035, se — Note n'auront ni datée de 1796. (B_ D'ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS mère père ni de Tel » (1). ses inventés, ou devinés passait bulletins aux yeux des gens méfiants pour une faits 133 sources des à puisés do collection sans valeur, pour une glose ingénieuse et romanesque du Moniteur ou d'autres papiers français signalait son écriture presque illisible, ses comme un témoignage à la hâte et inachevés taire de dissimulation, d'hypocrisie ou d'impuissance rile involon- pour un signe tenait l'on et On (2). mots tracés réelle l'abondance sté- de ses confidences épistolaires. Ce n'est pas tout on : faiseurs qui ont toujours, le soupçonnait d'être de ces comme disait l'un d'eux, un « œil sur le papier et l'autre braqué sur le coffre-fort du gouvernement abuser veulent qu'ils (3) ». Il beaucoup d'argent, recevait de plusieurs mains, pliquait à sa façon le maniait et ap- précepte évangélique, laissant toujours ignorer à sa main droite ce que sa main gau- che avait donné. confiait sans se Il disposait des soucier d'en sommes qu'on rendre compte par menu, opérait des virements dont sa bourse mais à souffrir. S'il sait à la caisse royale (1) ("2) c'était et comme un dont n'avait ja- il prêt qu'il fai- se remboursait avec (4). De Concourt, la Sainl-Hiiberii/, p. 139. Thugut à Golloredo, 27 novembre 1794 (dans Vivenot, liche Briefe des Freiherrn von Thugut, (3) le donnait quelquefois de sa poche aux émigrés pauvres, usure lui Fauche-Bokel, Notice sur les t. I, Verlraii- p. 157). généraux Pichegru et Moreau, p. 119. (4) a Je leur ai donné depuis 1791 jusqu'au 1" janvier 1798 1G23 louis CHAPITRE TROISIEME 131 Comment s'étonner dès lors qu'il confiance aux étrangers on A ? avec raison un ennemi de lui A Rome, Azara, de jésuite. A Barcelone, flairait de ses redoutait le le qualifiait gouverneur-général Las- quelque chose de louche dans A lettres. Venise même, on et verbiage le vu, l'a incommode, cet auxiliaire peu de politique autri- la vieux voltairien, chienne. cy inspiré ait Vienne, ïhugut dénonçait Mordvinov ne l'admettait qu'à regret, après avoir épuisé les prétextes et les délais, dans les rangs de la légation russe. De nombreux Ne travaillant avec royalistes faisaient écho à ces plaintes. pas au grand jour et bon nombre d'agents d'Antraigues avait fini commis s'étant comme mystérieux par s'aliéner presque chefs apparents et importants de son parti. lui, tous les y avait Il d'abord au loin les modérés par principes ou par habileté, qui gémissaient sur la « folie de Vérone (1) » et qui, croyant encore à la monarchie, ne croyaient plus possible de Louis XVIII. Ceux-là à une restauration accusaient l'influence néfaste du faiseur de Venise. Pan Suisse, c'était Mallet du ; en Angleterre, En c'était le groupe qui suivait Malouet, Montlosier, Lally-Tollendal. Mallet du « Pan pensait romanciers », les « vait en propres (1) f. brochuriers incendiaires termes: d'or... » (D'Antraigues à vol. 594, à lui lorsqu'il stigmatisait les « Maury, 1«'' On », et écri- devrait comprendre que septembre 1798. — A. F., France, 384.) Mallet du Pax, Mémoires et correspondance, t. II, pp. 96-97. D'ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS et à moi, jeter les commune ne peut être la confiance 13a M. d'Antraigues à entend suivre ses directions, et si l'on miennes au feu sans pénible de s'entendre les lire (1). » Il lui était demander des faveur un suivait pas, et de voir en faut il conseils qu'on ne homme qui, sous prétexte de reconstruire l'édifice monarciiique, s'obstinait à vouloir étayer même sier écrivait à la Des effets de la violence disait-il, si de tels ment imprudents. comme un adresse une brochure intitulée de la modératlcm dans et On hommes France affaires de » : « demande se France accommodement avec (2). hostilité à ses accusateurs. Ayant à royaliste d'un de ses ouvrages : ; cet homme les cause de vos louanges n'est sans doute pas en- nouveautés politiques. tant plaint à Vérone d'Antraigues lui fit cette un écrivain féliciter tièrement dévoué aux Jacobins, mais moins vers mieux « Si le roi, lui disait-il, le silence, c'est à à Mallet du Pan ou simple- Lally enfin désignait d'Antraigues publiciste ainsi accusé rendait de son a gardé jusqu'ici les quelquefois, sont atroces, des obstacles à tout les maîtres de la Le un monceau de ruines. Montlo- d'être regardé penche néan- il Montlosier » comme un par ordre une réponse s'é- suspect, hautaine, presque dure, qui, au lieu de rendre justice à ce servi- (1) Mallet du Pan, Mémoires (2) C'est du du moins et Correspondance, le II, p. 171. une lettre à Maury pas retrouvé dans passage auquel d'Antrai- 6 février 1798. (A. F., France, vol. 594.) Je Défense des émigrés français de Lally gues fait allusion. la t. ce qu'affirme d'Antraigues dans n'ai CfîAPITBE TROISIEME 136 leur capricieux, mais fidèle, le laissait sous le coup d'une clémence dédaigneuse Parmi ses (1). immédiats, auxiliaires il était en aussi butte à des inimitiés sourdes, à des rancunes provoquées par ses allures blessantes et son désir de rapporter tout à lui. Froment, qui convoitait encore la direction exclusive des royalistes dans le Midi, et ne se savait desservi auprès de tutelle et l'accusa lui, pas ne put supporter longtemps sa longuement auprès de Las Casas. On a déjà vu l'attitude de Goujon et de l'abbé Dufour. Contre ses ennemis de tout bord, d'Antraigues tirait avantage de sa position équivoque. Servant deux souverains, diminué ne donnait, sijepuis il de moitié à l'un et dire, qu'un dévouement à l'autre. se regardait Il d'abord, en vertu de sa situation officielle, pagnol, quitte à se souvenir aux bons était né Français; car Charles IV régulièrement et le payait servait ; comme moments était Esqu'il vraiment roi, à Vérone, au contraire, un souverain sans couronne, pauvre il et tou- jours incertain du lendemain. Aussi, pour se faire bien venir du premier, il lui faisait hommage d'une boîte plus ou moins authentique ayant appartenu à une vic- time de la Révolution, l'archevêque d'Arles en revanche telle affaire, telle (2). Il était correspondance dont il ne daignait pas instruire Louis XVIII, sous prétexte qu'il devait craindre les indiscrétions. Puis à roccasion (1) Bardoux, le fai- Comte de Monllosier. D'Antraigues à Godoï (1795). (A. F., Frmce, vol. 634, MoNTGAiLLARD, Mémoires secrets, p. 88.) (2) il f. 72.— Cf. D'ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS sait étalage de son absolue franchise. 137 On lui fit jour de Vérone qu'un mémoire do Brotier avec une ; était même déchus, les ment entendre que ce qui leur Et plaît. rédigé dû en adoucir sincérité trop rude, qu'il aurait certains termes au passage savoir un lui rois n'ai- de riposter: Je voudrais voir ces messieurs à Paris échappés de € comme guillotine la Brotier et voir leurs raisonne- homme ments... Quel reproche singulier fait-on à cet de suivre ordres du roi littéralement les ordonné de lui tout dire, il me main... et quand on lui dit tout lait adoucir. Ma foi, : je ne suis pas ? Le roi écrit cinq fois l'a C'est trop fort, m'a de sa il fal- un enlumineur... Ces moyens en dessous me paraissent plus dégoûtants encore que la Révolution... (1). » Soit par l'effet de ses défauts, soit par les tions de ses envieux, fiance. il machina- ne garda pas longtemps la con- Louis XVIÏI estimait ses services économiques, et flattait par de menues attentions ce qu'il appelait sa petite vanité, mais de ce côté il ne s'abandonna jamais. En répondant à Brotier, disait-il un jour à Flachslanden, il faut accabler d'Antraigues d'éloges, de bien positif, car il y a telle mais ne rien dire circonstance où nous pourrions être bien aises de retirer cette correspon- dance à nous-mêmes, les et il ne faut pas se d'avance mains. D'Avaray partageait cette défiance, et survint dès premier jour pour battre en brèche (1) lier D'Antraigues au baron de Flachslanden, France, vol. 589, f. îa.) un 11 le rival possible. février 1796. (1. F., CHAPITRE TROISIÈME 138 On sait que ce personnage, ami sincère mais exclusif de Monsieur, n'a jamais supporté qu'un près comme La Vauguyon, autre, comme loin fùt-il fùt-il Puisaye, eût quelque influence sérieuse sur son maître. cher- Il cha d'abord à exiler d'Antraigues à Madrid en qualité de représentant du peu plus tard, roi, à la place du duc d'Havre valoir contre lui les lettres il fit surprises et lues à la tribune de la Convention. heureusement il soustraire et avenir en avait l'oreille du probe Un D'An- menées par Las Casas, traigues était averti de ces l'engageait à s'y (1). àLemaître qui Angleterre; et loyal baron de Flachslanden, qu'il savait médiocre et inoflensif. D'Avaray.. au contraire, qu'iljugeait prétentieux et incapable, et dont il sentait grandir la faveur, lui semblait avoir usurpé à son détriment cette place de conseiller toutpuissant et intime qu'il convoitait. qu'on avait besoin de dée on tenait à ce tions avec maître parce qu'à Paris et en Ven- lui, qu'il fût le canal Vérone; mais comme un se soutenait parce Il il serviteur était des communica- présenté tout bas à son incommode, bon à faire ren- trerdansle néant dès qu'on n'en auraitplusjbesoin. il lui fallut porter devant Louis XVIII sa misérable querelle avec l'abbé Dufour, le prince et des éloges roi et moi, écrivait ment toute espèce de (1) f. au secrétaire renvoyé d'Avaray, lui : « Le donnons extérieure- raison, mais le D'Avaray à d'Antraigues, 87.) parut l'approu- d'Avaray, accorda ver, puis, secrètement sollicité par une pension Quand jugement à porter 3 février 17'J4. (A. F., France, vol. 630, D'ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS serait trop sévère, et 011 l'on ci, sement cet prévenir gants et dans 139 comme les circonstances celle- a besoin des grands talents qu'a malheureu- homme, qu'on peut faire est tout ce armer en secret contre de se les drôles et intri- (1). » Flachslanden lui-même, en entendant Froment cuser, gourmandait l'accusateur verbalement lettre, puis dans le tête-à-tête XYIII ses propos, et Louis porté les choses que vous avez bien vu... de son neveu, et le et par convenait de la vérité de lui disait: « comme vous l'ac- Vous m'avez rap- les avez vues, et je crois » Saint-Priest se défiait aussi menagait de cesser avec toute lui correspondance. Ainsi averti par maint indice, et aussi par des avis précis de gues se Las Casas, du sort qui taisait, mais préparait à l'attendait, d'Antrai- l'écart ses petits papiers. L'agence Brotier avait mis entre ses mains undossier de la plus haute importance, trois énormes portefeuilles contenant les papiers Malesherbes. Ce de magistrat avant de mourir avait pu confier à une de ses amies, M™" Blondel, avec mission de les transmettre à traigues, certaines pièces qu'il tenait à conserver à l'his- toire, entre autres Il avait, dans l'intérêt présentée par son frère. On voit d'ici que le de ses ambitions cachées, desservi, peut-être trahi la cause royale re- l'avantage que D'Avaray àCrussol, 8 octobre 1796. (A. F., France, vol. C32,f. 143.) D'Antraigues à Maury, 10 août 1798. (M., vol. 594, f. 3o8.) (1) — XVL son plan de défense de Louis s'y trouvait aussi, paraît-il, deslettres attestant comte de Provence d'An- CHAPITRE TROISIÈME ^40 d'Antraigues pouvait en tirer prince devenu roi. arme propre à contre ce l'occasion Ce legs d'un ancien ami à servir sa une était vengeance en cas de disgrâce. Cette arme, ill'a souvent brandie sans jamais en blesser cependant son royal maître, et on serait tenté de pen- ser qu'elle n'était point aussi redoutable qu'il voulait bien le dire, puisque, jusqu'à sa mort, malgré ses me- naces répétées de s'en servir, l'a il laissée dans le fourreau. que Louis XVI est certain Il et ses frères, après 1789, eurent un système différent de politique contre-révoluagir chacun tionnaire, et prétendirent voulu en conclure que cette divergence On à part. était a née d'une antipathie personnelle, au moins entre le comte de Pro- vence mier et le roi. n'était cond. Il On en est pas étranger venu à supposer que même à la fin le pre- tragique du est difficile d'ajouter foi à ces allégations ont été surtout répandues par les régicides, d'atténuer leur responsabilité en étendant le : se- elles désireux nombre de leurs complices, et par les émigrés pour qui le comte de Provence était un dépositaire tant pure doctrine peu infidèle de la monarchique. Les premiers ont apporté leurs dénonciations dès l'an et les répétaient soit VI avec le député Rousseau, durant lesCent-jours dans certaine bro- chure inspirée par Napoléon, etrédigéeparDulaure (1). Les seconds accusaient tout bas ce conspirateur sour- (1) Lettre de Moniteur. [Monileur du Causes secrètes des excès de la Révo- Rousseau au rédacteur du 30 germinal an VI.) — Dulaure, lution. Paris, 1815, broeh. in-8 de 144 p. D'ANTRAIGUES ET SES ENNEMIS 141 nois qui avait poussé et sacrifié Favras, pleuré hypocri- tement Louis XVI et surtout Louis XVII les papiers de Malesherbes . Il est fâcheux que aient été détruits ou n'aient pas été retrouvés jusqu'à présent; ils eussent apporté un élément solide, authentique, à la discussion d'une question qui appartient encore au domaine de la légende. D'Antraigues savait évidemment la vérité à cet égard ; peut-être, par respect insurmontablepourla royauté, n'at-il pas osé dire dans quelle mesure le roi était coupable ; peut-être aussi, dans laprofondeur de son ressentiment contre lui, s'est-il sations. abstenu de révéler l'inanité des accu- I CHAPITRE QUATRIEME D'ANTRAIGUES ET BONAPARTE Montgaillard (1796). I. — La Vauguyon. — Louis XVIIl quitteVérone. — — camp — D'Antraigueset Intrigues à Naples, dans lesÉtats pontificaux, dans français. Le général Boulard. Montgaillard son passon arrivée en Italie. Ses menées auprès de d'Antraigues. Départ de Montgaillard. La conversation du 4 décembre 1796. D'Antraigues menacé par Bonaparte. Son refus de l'cntrer en France, et d'être élu aux Cinq-Cents. le — sé, — — II. : — — — D'Antraigues guetté par Ville— Sa fuite do Venise devant les Français. — Son arrestation à Trieste. — Bernadotte et Mordvinov. — D'Antraigues déclare son mariage. — est conduit à Milan. — Son entrevue du l"juin avec Bonaparte. — Ouverture de son portefeuille. — La conversation avec Montgaillard. — Caractère probable de cette pièce. — Elle est envoyée à Paris. — Comment son auteur est traité par Bonaparte. L'arrestation. Le porteteuille (1797). tard. Il La captivité. — D'Antraigues émigré français ou fonctionau dehors. La Saint-Huberty et M™« Bonaparte. Entrevues de d'Antraigues Colère de Boet du général en chef. Lettre à Boissy-d'Anglas. naparte. D'Antraigues s'abouche de loin avec Carnot, de près avec Kilmaine. Entretien avec ce dernier. III. naire russe ? — est-il Ses réclamations, — ses protestations — — — — — IV. L'évasion. Louis XVIII, La disgrâce. les — Ce qu'on pense ministres au loin du prisonnier Delacroix et Talleyrand. — — : Préparatifs — Sortie de Milan. Publication de la conversation le D'Avaray décide la dis=ISFructidor.— Accusations de Montgaillard Ses efforts pour grâce de d'Antraigues. D'Antraigues à Vienne. se l'éconcilier avec Louis XVIII Ses rapports avec La Fare et le cardinal Maury. Comment il est traité par l'empereur Paul I" et l'ambassadeur russe Razoumovsky. d'évasion. . — — . — — — CHAPITRE QUATRIÈME 144 MONTUAILLARD (1796) En 1796, lutte entre l'Italie devint le tiiéâtre Directoire le do la principal coalition européenne. et la Bonaparte y remporta ses foudroyantes victoires Piémont fut contraint à lapaix, la la plupart des états italiens furent et de la ruine. Louis XVIII, gouvernement le Lombardie conquise, menacés de l'invasion sommé de s'éloigner par lui-même sous vénitien, ; injonctions françaises, dut quitter Vérone le le coup des et passer en Allemagne. Au premier moment, sur les conseils de d'Antraigues, accouru en toute hâte près de lui, il avait cru possible de résister ou tout au moins de faire ses conditions, mais celles-ci, transmises par Mordvinov, furent dédaigneu- sement repoussées. Le prince passa sans bruit et son principal agent en dait encore en partant chargé de faire valoir Italie, celui qu'il au ministre russe ses intérêts, les Alpes, recomman- (1), demeura tant auprès des Français émigrés que des ennemis publics ou secrets de la France. taire (1) On lui adjoignait seulement comme secré- un émigré gascon, Marrenx de Montgaillard , Louis XVIII à Mordvinov, 20 avril 1796 (dans d'HÉRissoN, Autour d'une révolution, p. 279). iMO-XTGAILLARD homme -145 (1796) laborieux et honnête, qui (levait occuper ce poste jusqu'en 1802. Depuis la mort du baron de Flachslancorrespondit activement, et sur den. d'Antraigues ton de la conflance, avec le duc de le principal conseiller Il souhaitait alors, et La Vauguyon, devenu de Louis XVIIL il offensif des Autrichiens, eût voulu provoquer un retour appuyés par cours deNaples les de Rome. Depuis Tannée précédente, et le il avait acquis la confiance delà reine des Deux-Siciles, Marie-Caroline, et, il non content deluiexposcrses spéculationspolitiques. la poussait dans Une négociation la les voies de la résistance à outrance. secrète en vue d'un arrangement avec république avait été entamée par l'insu de sa femme, et conduite par le roi Ferdinand à secrétaire de la le décou- légation napolitaine à Venise. D'Antraigues la vrit, fit désavouer tint ainsi la le négociateur parla reine, et main- cour de Naples dans les rangs de la coali- tion (1). Il eût voulu profiter de cet incident pour hâter la for- mation d'une ligue austro-italienne où devait entrer le pape, donnant par là à la lutte la couleur d'une guerre de religion. L'enthousiasme catholique à exploiter en Italie comme qui en France voulait sionnaires de la lui en Espagne, et semblait bon Louis XYIII, alors faire des prêtres les mis- cause royale, s'attachait volontiers (1) BouLAV DE LA Meurthe, Quclc/ues lettres de Marie-Caroline dans la Revue d'histoire diplomatique, octobre 1888). M. le comte Boulay de la Meurtlie a publié à la suite de son travail presque toutes les lettres de Marie-Caroline à d'Antraigues conservées aux Archives des affaires étrangères. Elles sont au nombre de quatorze, et vont de 1796 à 1S03. lu CHAl'ITllI': lir. à une combinaison dont la reconnaissance de son QUATRIÈME le résultat titre de fils devait lui procurer aîné deFEg-lise par Pic YI. D'Antraigues rédigea donc un appel à la guerre sainte, qu'on répandit comme l'œuvre du cardinal Bor- gia (1). Mais en quelques semaines tout fut changé par le traité que la cour de Naples subit à Paris môme (10 octobre 1796). D'Antraigues n'était pas plus heureux dans ses essais pour débaucher les troupes françaises. C'était une idée arrêtée chez les chefs de l'émigration qu'ils ne viendraient à bout de la Révolution qu'en attirant à eux les géné- raux républicains, ceux qui leur donneraient lesarmées, et par les armées, de gré ou de force, nation. L'année précédente partie Pichegru sur le le reste de la avait été liée avec Rhin, et on se promettait de grands résultats de cette négociation. Il était naturel de vouloir tenterle vainqueur d'Arcole, depuis peu le plus illustre et déjà le plus puissant. Louis XVIII et le duc de Vauguyon envoyèrent à La l'agence de Venise l'ordre formel de s'aboucher avec Bonaparte et ses principaux lieutenants (2). D'Antraigues était fait sonne pour semblable besogne; mais un homme à ses insinuations. (1) il avait affaire à trop confiant dans sa propre fortune obtenir de lui quelque promesse ou 634, mieux que per- Il crut avoir même une beaucoup fait pour réponse en se pro- D'Antraigues à La Vauguyon, 8 octobre 179G.(A. F., France, vol. 113.) Cf. ce qu'écrivait Cacault à|Bonaparte le 2:2 septembre ; f. — Les fous appellent celte ligue la dernière ressource de l'Italie.» (Dans Dahu, Histoire de Venise, 4° édition, t. VIII, p. 229.) 2" octobre 17'JC.(A. F., France, vol. Oû'j.) (2) Louis X VIll à d'Antraignes, « MONTGAILLARD 147 (1790) curant et en se conservant les moyens de l'aborder. Tout se borna à une correspondance avec un sien compatriote nommé Boulard, jadis avocat dans une bourgade du Vivarais, alors général à l'armée de BonaLes parte. lettres de Boulard ne nous sont connues que par de rares extraits communiqués depuis à d'autres par d'Antraigues ; apportent quelques échos des elles conversations de Bonaparte, révèlent par conséquent ses sentiments et ses espérances les Bourbons? lui aurait Clonard. dit — Non, jamais, ajoutèrent : « Il nous un jour le » lui fut-il faut, si Rappcllorez-vous « : général autrichien répondu, race nouvelle qui nous doive le trône exterminerait l'homme de ses desseins et le amis était entré l'ancienne nous contre son gré en qui devait se jeter à la traverse compromettre ennemis. En mars 1795^ et ; (1). » Mais déjà d'Antraigues relations avec et d'autres nous avons un prince, une il vis-à-vis de tous, avait reçu une lettre datée de Rheinfelden près Bàle, et signée Montgaillard. L'auteur disait avoir servi gent (1) et le roi jusque-là de de sa plume, mais être en ce D'Antraigues à La Vauguyon, 1" iiuirs son ar- moment décourage 1797 (A.F., France, vol.tilO.) au même, 13 octobre 1796. {kl., vol. 634.) Un autre extrait de cette correspondance, plus long et plus curieux, a passé dans une dépêche de Mordvinov à Osteriuan, du 14/2o mars 1797. (A. ;M.) On y trouve racontée, avec des détails nouveaux, l'entrevur de Donupartc à Bologne avec le ministre prussien Luccliesini, qui nous était déjà connue par les Mémoires i'u-és des papiers dun hoiivne Cf. le mûiiio cVElat. Boulard utile point de Fétat-major de Bonaparte, mais il parait à l'adjudant-général Marmont plus d'une information * n'était avoir surpris CHAPITRE QUATRIEME 148 et comme tenté de s'établir à Venise bibliothécaire. En réalité, double face où cette carrière d'espion à un des types tionnaire. d'audace, gais les plus Cet de Mercy Pitt, et bossu a du diable l'air (1), » avait auprès de répugnants de homme, précepteur ou avait suivi avec il il est et devenu l'époque révolu- étincelant boiteux succès d'esprit et d'un juif portu- rôdé un peu partout, en Angleterre aux Pays-Bas en Allemagne auprès et de Trautmansdorf, à Paris autour des bu- reaux du Comité de salut pubhc, faisant consister son indépendance dans la succession servitudes intéressées (2). et la variété de ses continuait à se glisser, Il avec une souplesse égale à son cynisme, au milieu des hommes et a appelé des partis. D'Avaray, emporté par lajalousie, un jour d'Autraigues qualification appartient la fleur des drôles. politiquement parlant, d'Autraigues Montgaillard est un prostitué. cert avec Fauche-Borel, gru, il envoyait à composition, il A ; un viveur; l'époque où, de con- tentait de comme titre corrompre Piche- à un certificat de fidélité de Le certificat lui fut accordé, mais avec des avis bien sentis sur MicHELET, Histoire duxix' (2) « était d'Autraigues deux brochures de sa la part de Louis XVIII. (1) Cette bien plutôt à Montgaillard l'inutilité de sa pré- s'est ècliappé de Paris un siècle. Depuis quelque temps (juin 1794;, il certain M. de Montgaillard, lequel est arrive à Bruxelles et y a été recherché par tout le monde pour avoir des détails exacts sur ce qui se passe en France... Ce Montgaillard, qui a l'ait la campagne de 1792..., prétend depuis ce temps avoir été initié dans tous les secrets des Jacobins .. Il est parti de Bruxelles et a, dit-on, été en Angleterre donner au gouvernement tous les renseignements les plus importants... » (D'EspiNcii.iL, Journal ms., vol. XI. — Bibl. de Cleruionl-Ferrand.) I MONTGAILLARD sence en un On Italie. nouveau redoutait ce déjà occupé par des terrain 149 (1790) hommes sur faiseur, en possession exclusive de la confiance royale. Montgaillard apparut cependant à Venise à l'été de 1796. Il avait fidèle, actif etutile. du roi, on on l'avait employé à résidence actuelle ; Madame Royale ; la délivrance de des motifs de s'appuyer sur soupçonnées ou à demi avouées, avec on les républicains, et le naparte, ainsi qu'il avait Pichegru (1). Il était croyait capable de gagner Boc^ag-né, il s'en vantait comme lui du moins, accompagné d'un autre aventurier, qui se disait vicaire-général de Bordeaux, Montet, de de ses talents et de ses moyens même comme lui ses relations, fin d'un royaliste l'attitude A Blankenbourg, faisait cas on acceptait alors la l'abbé du avide d'argent et prodigue desecrets politiques fort peu sérieux. Sa première Lallemant : visite fut poui* le visite clandestine, car mim'stre il allait instructions pour celle qui devait suivre. France, <le prendre des De son propre aveu, les ministres d'Autriche, de Russie, d'Angleterre, tout comme le représentant de Louis XVIII, s'étaient inquiétés de son arrivée, et le faisaient observer par la police. Il n'en vint pas moins, escorté de du Montet, fatiguer d'Antraigues de ses récits; l'étalage de il l'exaspérait par ses relations et de ses projets; il lui de- mandait, ainsi qu'à Drake, de l'aider à tenter au profit (1) Un mùmoire de la main de Courvoisier, qui passa certainement F., France, vol. 593, f. 336), parle de sous les yeux de Louis XVIII (A. ses plans ot de ses moyens avec toute sympathie et confiance. ClIAPITRK OUATUIKME t;iO (111110 restauration monarcliiquc l'ambition parte, et, sous ce prétexte, de l'autre 24.000 livres sollicitait de l'un 12.000, Bona- trop peu pour C'est « : il Bona- de parte, lui fut-il répondu, et c'est trop pour vous. Afin de capter la cembre, il confiance de d'Antraigues, s'ouvrit à lui; après l'avoir régalé de quel- ques anecdotes sur Robespierre public, tions lui il » le 4 dé- raconta par nouées entre le menu Comité de salut le détail des négocia- de Condé prince le et le Pichegru et l'année précédente. Ce n'était pas la première ni la dernière qu'il fois se livrait ainsi, car JV^^llet affirme avoir reçu de ment par et écrit, joignit peut-être lui, à plusieurs reprises, verbale- de semblables à son récit, confidences comme nous plus loin, quelque histoire plus ou moins sur les du Pan le (1). Il verrons authentique ou à tenter avec Bonaparte. rapports tentés D'Antraigues, vivement intéressé, s'empressa de noter, le lendemain de C'était l'entretien, ce qu'il avait entendu. Tusago alors de d'une conversation, part, ou moine tre, sortant à le assisté fixer sur le papier, au sortir dialogue auquel on avait pris en témoin muet. Joseph de Mais- Venise d'une entrevue avec Maury, s'en rend compte la le cardinal plume à la main; Talleyrand à Erfurth s'empresse d'écrire les paroles échangées entre Napoléon etGœthe. D'Antraigues lui-même avait noté ses entretiens avec Rousseau, et on loin rédigé de sa main et verra plus sur l'heure celui qu'il eut avec (1) Mallet du Pan", Mémoires et correspondance, respondance avec la cour de Vlerne, t. H, p. 'M-. t. II, p. 321. — Cor- MONTGAILLARD Cliampagny à Vienne, en 1802. Ce qne lui Montgaillard en 1796 pouvait données récit. Il la réputation 151 (1790) racontait lui paraître suspect, étant du narrateur du et l'étrangeté pensait du moins recueillir une page intéres- sante etinconnuede l'histoiredela contre-révolution, se donner des armes, y figuraient. Il le cas échéant, contre tous ceux qui ne se doutait guère qu'il rédigeait un document historique et politique de conviction fatale à son parti Tout en classant dans écrite de son important, une pièce et à lui-même. archives ses la confidence émule en intrigues, d'Antraigues ne paya point au prix (ju'espérait son auteur; d'ouvrir le moindre crédit à il la refusa un homme qui n'exhihait aucun pouvoir en règle émané de Louis XYIII ou des Anglais. Ainsi rchuté, Montgaillard cria bien haut qu'on l'empêchait de rendre au roi les plus grands services, puis repartit pour l'Allemagne au milieu de décembre, en quête de dupes plus derrière lui en faciles. L'abbé du Montet, resté criant misère, finit par extorquer une dizaine de louis à d'Antraigues, et disparut à son tour au mois de mai 1797 (1). Ce que Montgaillard avait traigues, il l'avait fait dit sans réserve à d'An- entendre (cette réserve entrait dans son double jeu) à Lallemant, et le averti plutôt qu'instruit, avait cherché avec France et en Italie la trace des menées Directoire, ardeur en royalistes. Au (1) Fauche-Borel a raconté l'histoire dos relations de Montgaillard et de d'Antraigues dans une longue note de son livre Précis de 7nes opérations, etc. (pp. 52-62), et donné les pièces justificatives de cette note dans sa Notice sur les généraux Pichegru et Moreau, pp. 117-159. CHAPITRE quatrième i:;2 printemps de 17U7, l'agence royale de Paris Duverne de Presles, dans verte. les secrets fut décou- ses déclarations, livra de la correspondance de Venise, et d'Antrai- g-ues put dès lors pressentir à divers indices le péril qui le menaçait. Bonaparte, tout en battant n'oubliait pas les généraux autrichiens, ceux qui aiguisaient au seuil à l'écart, des chancelleries, les armes de la coalition. Sur sa de- mande impérieuse, Mallet du Pan, mal protégé par la neutralité helvétique, était cliassé de Berne prudemment dérobait à l'approche des Bonaparte réfugiait à Udine. menées de d'Antraigues lettres, et soit il ; il était parti également au par Lallemant, soit avait dû apprendre qu'entre les conspiration royale ». et les un ultimatum menaçant présenté cet preuves le 9 avril des émigré de la semble par les celte était l'arrestation de d'Antraigues, la saisie de ses papiers, » la et se fait gouvernement. D'après mesure à prendre ensuite sa personne, se par Montgaillard, mains de C'est de son cabinetque patriotes de Venise à leur pièce, la première Drake avait déjà intercepté ses devaient se trouver les secrets « ; Français « en relâchant consignation desdits papiers entre les mains du ministre de France, pour être remis ensuite au Directoire Un fait étrange et d'Antraigues eût pu, (1). ignoré, c'estqu'àce s'il l'eiît même moment voulu, entrer au Conseil des Cinq-Cents et travailler légalement à la ruine la république. (1) Dau», Hisloire Les élections de ije Voiise, 4' édition, l'an t. V de devaient avoir VI, p. 25. MOTs'TGAILLARD lieu le l^"" 153 (170fi) prairial (20 mai), et les royalistes, avec l'as- sentiment tacite de Louis XVIII, se préparaient à y prendre part, de compte à demi avec les adversaires du jacobinisme. De France, sans doute du Vivarais, on sollicita l'ancien député de la noblesse de se faire rayer et d'an- noncer sa candidature. La pensée de ressaisir en rentrant quelques débris de sa fortune le tenta da conseil à sa mère, dont avis, mais dont il il deman- il ; méconnaissait souvent les appréciait fort le jugement à l'occa- sion. Celle-ci, droite et entière, était incapable de prendre une transaction qui lui caractère, soit au désintéressement présumé de son Elle le conjura de ne point affronter hommes comme un roc». rencontrerait des « ferme elle, tels — « com- semblait fatale, soit au une mêlée fils. où il que Talleyrand, de tenir Lepauvrex\.(roi), ajoutait- se prendra à toutes les branches, à la bonne heure, mais ses sujets ont leur honneur à conserver... Il faut rester pur, droit et loyal, laisser faire les intrigants... » D'Antraigues, après un instant d'hésitation, céda à ces conseils. Sa mère, n'étant pas sur la liste des émigrés, se décida à rentrer, afin de revendiquer, sous le couvert de la législation en vigueur, ce qu'elle pourrait des biens fonds de la famille. Elle se mit en route pour la France en février 1797. Quant à d'Antraigues, il eût probablement après en Guyane. En le eût-il élu, 18 Fructidor suivi Pichegru restant émigré, exposé en Italie à la vengeance de ses compatriotes républicains, parait les épreuves lire le récit. été il se pré- non moins inattendues dont on va iU GlIAPITRF-: OUATRIIvME II l'aRRKSTATION. l.R (1797) PORTRFKl'ILLF. L'invasion des Etats vénitiens et la destruction do la vieille Dès république eurent lieu au mois de mai 1797. le mois de janvier, d'Antraigues, pressentant les événements, avait sollicité pour l'année suivante un asile en Russie. L'armée française approchant, songer peu de temps après à mettre sonne et ses papiers. savait sans doute, on nisé A en la légation le considérait « les croisades religieuses, dut sûreté sa per- de France, comme les il il le ayant orga- soulèvements, les assassinats de la Terre-Ferme, les massacres des hôpi- taux (1) », tout ce Bonaparte, et qui donnait prétexte aux menaces de on guettait ses correspondances uneimportante conquête. Le chargé comme d'affaires Villetard, qui en cette affaire paraît avoir montré beaucoup d'initiative et d'activité, poussait le gouvernement vénitien à les faire saisir, sauf à déclarer ensuite à Pétersbourg qu'il avait fallu céder à la force (2). Le tumulte démo- cratique du 12 mai, qui précéda seulement de quatre jours l'entrée de nos troupes, empêcha tenter cette soustraction par ses propres (1) MoNTGAiLLARD, Mémoires sscrels, p. H9. (2) Villetard à Delacroix [17 lloréal vol. 253, f. 190.) an V, 6 mai Yilletard de moyens. 1797). (A. F., Venise, L'ARRESTATION. LE PORTEFEUILLE De son 15o (1797) côté, d'Antraigues avait réussi à faire passer à la légation d'Autriche une caisse contenant ses principales correspondances; — le croire, il garda seulement — au moins ne contenant, tefeuilles, sonne, il (1). littéraires et Quant à sa per- espérait être couvert jusqu'au bout par le pa- villon russe. Il n'écouta ni Campos, son arrestation imminente, geait avec sûreté. trois por- ledisait et voulait que des ouvrages purement éléments de son travail courant les il A ni qui lui prédisait Mordvinov, qui l'engamettre en insistance à partir seul et à se l'un et à l'autre de Louis XVIII, bandonner son poste prêt à mourir plutôt que d'a- Qui : s'entêta à opposer les ordres il et se dit ne sait, pensait-il, si l'on tend pas un piège pour m'isoler et me m'arrêter plus faci- lement? Le 15 mai, les Français étaient aux portes de Venise; on annonçait pour lelendemain l'occupation de Mordvinov française. fit demander deux passeports à Avec six personnes, traigues et sa femme, il la légation parmi lesquelles d'An- voulait gagner un pays encore aux mains des impériaux; s'éloigner par mer, sur la ville. le reste de sa légation devait un bâtiment autrichien. Ville- tard envoya les passeports, en spécifiant qu'aucun d'eux ne pourrait servir au nommé d'Antraigues, émigré français imaginaire héritier de (1) D'Anti'aigues à Maiiry, 9 — « le mandait positivement Je (lois croire qu'il — A. F., France, vol. novembre 1798. (A. a brûlé les le (110.) (Imai. ('crits » la « agentd'un couronne de F., France, vol. 594.) outres que les siens, car (L'abbé de Pons au roi, 31 il me mai 1797. ^56 rjiAPiTRr: France (1 >. » Puis se serait regardée ouatrikme doutant bien que cette restriction comme non avenue, expédia à toutes il les frontières, et à Trieste occupée par nadette, le signalement de l'homme le général Ber- qu'il voulait à tout prix atteindre. Le If» mai, d'Antraigues et sa famille quittèrent Ve- nise à la suite du ministre russe. Les premiers jours, tout alla bien même : les postes français laissaient passer et comblaient d'attentions les voyageurs. Ceux-ci, encouragés par cet accueil, crurent pouvoir traverser Trieste ; mais là, le soir du 21 mai, leurs voitures, arrê- tées devant la principale auberge, furent entourées de soldats. qu'on Mordvinov et sa suite voulût examiner leurs passeports, et aussitôt conduits au major, et Berxadottk. le ils furent Là, le général quartier général. Bernadotte se montra à eux au état durent descendre, sans milieu d'un dialogue suivant s'engagea — Est-ce vous, Monsieur, nombreux : qui vous dites ministre de Russie? Mordvinov. — Oui, Monsieur, comme passeport, et je le constate mon proteste hautement contre l'indignité du traitement qu'on me fait subir au mépris du droit des gens. Bernadotte. — Quoique vous soyez le ministre d'une puissance ennemie de la république française, on aura pour vous tousles égards que comporte mais (1) il doit se trouver A. F., Venise, vol, 253, la circonstance; dans votre suite une f. 421. personne 2 •^ Ûj QO ro en O ro e 55. n O o 5.2 c ^1 r3 " 3 rs £ 5" r B eu o 3 CI ^3 2 3 §3" a ? 11 L'ARRESTATION. LE PORTEFEUILLE mon gouvernement. suspecte à de celles qui les caractères — MuRDVLNOv. secrétaire de légation, Voudriez-vous me dire composent? la et un un gentilhomme attaché à ma moi un conseiller avec J'ai 157 (1797) mission, un consul-général et un major. — Je Bernadotte. déclarer le nom vous somme, Monsieur, me de de la personne que voilà (en montrant d'Antraiguesj. — Je croirais manquer à MoRuvLNOv. cour, si nom je caciiais le de la dignité d'une personne attachée à mission d'ordre exprès de mon ma ma souverain. C'est M. le comte de Launay d'Antraigues, pour lequel je réclame les mem- égards que le droit des gens assure à tous les bres d'une mission publique. BeRxN'adotte. le — Mais, Monsieur, comte d'iVntraigues, qu'on Louis XVllI notre ennemi, déclare qu'il est arrêté. S'il dit et ceci ne peut regarder être ambassadeur de en conséquence je vous eût été le plus fort, fait ici, nous usons de ce MuRDViNov. — droit-là. Puisque vous vous-même déclarez ma pro- procédé indigne dont on use à mon user du droit du plus fort, je n'ai qu'à réitérer testation égard. contre le nous sommes tous fusiller; maintenant que nous le eût il En retenant M. d'Antraigues, vous manquez au souverain qui a daigné le placer près de moi. Le passe- port du ministre de France ne spécifie aucune exception pour les dois envoyer personnes attachées à un courrier à l'informer de ce qui marrive. S. ma légation, et je M. l'empereur, afin de CHAPITRE QUATRIÈME Iô8 — Beunauuttk. qui est de de M. d'Anlraigues. j'agis d'ordre exprès l'arrestation de Sachez donc que, pour ce mon gouvernement. Quant à votre personne, prescrit qu'il soit fourni à vous et à votre suite gement convenable à l'auberge, jugerez à propos D'Antraigues, qu'il malles furent lement détourner quelques heures. Ses fouillées et en tous moins surveillée que les trois l'imprudence lui, sens. put seu- portefeuilles que son mari d'emporter. Avertie à temps deux, elle jeta au feu ou pétrit d'avoir à en anéantir dans l'eau tous que vous » (1). retenues M""^ Saint-Huberty, avait eu ainsi aussitôt après son arrestation, apprit pour Milan dans partirait lo- vous êtes maître de et demeurer ou de continuer votre route, le j'ai un les papiers qui s'}^ trouvaient; puis elle livra le plus lard possible celui qui restait, fermé à clé, et qu'elle croyait exclusivement rempli d'opuscules téraires et de pièces insignifiantes. si gros qu'il fût, bliothèque, était saisir un maigre On y butin. les scellés, et le propriétaire Autorisée Un seul quand on pensait faire ses lit- portefeuille, toute une bi- mit cependant y apposa son cachet. adieux à Mordvinov, il ne manqua pas l'occasion de se dire hautement Russe et dévoué à l'empereur de Russie. instance sa femme quitter, lui dit-on, et Comme son fils : et désirent il « Ils recommandait avec ne veulent pas vous partager votre D'Antraigues à son tour, se croyant engagé par (1) sort. » la re- Ce dialogue est emprunté presque textuellement à une longue Mordvinov datée de Fiumc, 14/2u mai (A. M.). dépùciie de L'ARKESTATION. LE PORTEFEUILLE 159 (1797) connaissance, sentant d'ailleurs que M™'' Saiut-Huberty, pour dans sa captivité, devait avoir d'autres le servir titres que le souvenir de ses talents décida à la déclarer comme sa elle vint lui faire ses adieux, et femme de ses succès, se lui tendit la il Quand légitime. main, et pré- senta aux assistants la comtesse d'Antraigues demanda pour son enfant l'autorisation de suivre. frais On y elle et consentit, à condition : puis il le paierait les qu'il du voyage. Le même soir, d'Antraigues partait en poste, entre deux pelotons de dragons, son portefeuille à ses Sa femme sur les genoux d'un officier. et son côtés, le fils précédaient dans une première voiture. Bernadotte ne ils lui six jours. lui avait promis des égards personnels manquèrent pas pendant A son passage à Vérone, gues rédigea, sous forme de une première protestation ; le le comme il rendît son portefeuille et qu'on le 26 mai, d'Antrai- au général en chef, lettre payé par un souverain étranger, ; voyage, qui dura employé et demandait qu'on lui sujet ramenât à Trieste. Le 27 au soir, à son arrivée à Milan, son premier logis fut une prison. il étroite cellule, dans un couvent transformé en Le lendemain, on habita une Ici il ville, conduisit à la citadelle, chambre voûtée tionnaire à sa porte. Sa loger en le femme commence pour lui avec un fac- et grillée, et son sauf à être réunis à lui fils avaient dû se durant une période de oii le jour. trois mois, où eut l'honneur fatal à sa réputation d'être mis face à face du vainqueur delltalie. Pour démêler les incidenls CIIAFITRK QUATRIEME 160 conséquences de sa captivité, nous avons deux et les séries de documents: la première comprend la corres- pondance Bonaparte, de officielle indications les et semées par Napoléon dans les dictées de Sainte-Hélène; seconde se compose des la conversations et les mémoires émanés de d'Antraigues lui-même. lettres et La correspondance n'est pas complète les ; récits de Napoléon, postérieurs de vingt ans, au milieu d'omissions voulues et d'inexactitudes peut-être involontaires, semblent rendre assez justement dans l'ensemble l'atti- envers son prisonnier. D'Antrai- tude qu'il avait eue gues, au contraire, a multiplié les détails sur cet incident capital de sa vie, autre façon de farder d'esprit et d'imagination Dans vérité. commode pour un homme et de masquer la ses écrits à ce sujet, les contradictions, les mensonges palpables foisonnent. Ce double dossier laisse dans l'ombre plus d'une particularité à laquelle on doit suppléer par des conjectures vraisemblance des faits soit du caractèredes tirées, soit de la dans leur succession logique, hommes. Nousespérons néanmoins avoir éclairci, autant qu'il peut l'être, cet épisode qui se lie de si près, en l'an Y, à l'histoire générale de la Révolution. La première pensée de Bonaparte captif à Paris. Le 30 mai, il fut d'expédier le donna un ordre en ce sens à son chef d'état-major Berthier. Mais le lendemain, une nouvelle missive n°10 apeus » ; lui arriva, datée « du cachot l'auteur se plaignait d'être victime d'un guet- tel qu'il n'en avait pas trouvé dans les déserts L'ARRESTATION. LE ."ORTEFEUILLE de l'Arabie demandait à être réuni à sa famille, à il ; 161 (1797) assister à l'inventaire de son portefeuille et à l'examen de ses papiers. en formes affaire les qu'elles Il fit cette Milan opportunes à d'usage plus ne l'avaient été à Trieste. et sauter la Au Bonaparte ne jugeait pas briserles scellés serrure du portefeuille. milieu de liasses insignifiantes, lettres de Jean- Jacques Rousseau, dissertations philosophiques ou lit- minutes de documents remontant à l'ancien téraires, régime, on trouva le narré des conversations tenues avec Montgaillard l'année précédente. Bonaparte pressentait le coup d'État préparé alors à Paris contre les Conseils; ses mains comme un il voulait autant que possible attirer entre que Pichegru, se donner d'avoir servi la république sauf à la tel était son but, et attentat, bénéfices. Perdre plus tard s'en attribuer les rival tel de cet pièces justificatives les les apparences dominer ensuite, pour mieux y parvenir, il pensa que d'Antraigues serait mieux entre ses mains qu'entre celles de Barras. Impatient d'obtenir le commentaire verbal des papiers qu'il venait de saisir, dans la nuit môme (l"!" juin), il fit venir le prisonnier, en voiture, à son quartier général de Monbello. Leur entrevue dura plusieurs heures. Quel en caractère? D'Antraigues, on le sait, était de résister à un interlocuteur puissant hasarder sous que boutade le fut le capable moins et irrité que de coup de l'amour-propre surexcité quel- ou quelque bravade, et à ce moment il devait craindre et pour sa liberté et pour sa vie. Voici 11 CHAPITRE QUATRIÈME 162 donc, et toute critique interlocuteurs, comment des deux des témoignages faite les clioses ont pu se passer. Prévenant ou relevant les protestations du prisonnier, Bonaparte débuta par une vive sortie destinée à mider Si j'avais été à Trieste, le ministre de Russie « : l'inti- eût été arrêté lui-môme. Nous ne devons aucun égard à On ne nous rend pas nos nous sommes dupes. Vous son souverain ni à d'autres. procédés d'honnêteté, et avez trop d'esprit pour ne pas comprendre que vous vous êtes attaché à une cause perdue. La révolution en Europe, est faite il faut qu'elle ait son cours. Si elle pouvait être arrêtée, c'eût été par des rois lui armées les soldats sont bons, tents, et ils sont battus. mais ne connaissent pas me les ; dans leurs mécon- les officiers Tout cela va ouvert finir. J'ai votre portefeuille, parce que cela m'a plu ; armées les formes d'un tribunal. Je pourrais, convenait, vous faire traduire devant un conseil de guerre comme embaucheur débarrasser de vous le pour en imposer, mais ces rois n'existent nulle part, leurs ministres sont des coquins ou des imbéciles s'il faits tragediante se fit (1). » de mon armée, et me Puis, après cette explosion, commediante; après avoir effrayé, entrevoir des avantages positifs, tels que il flatta le retour en France, de l'argent, des places, en retour il fit ; de quelques confidences. Son interlocuteur, si hardi la plume à la main, devait mal supporter une discussion (1) Loi constater qu'au du la même 4 nivôse an IV, aii. 1 et 6, — II est assez curieux île ressemblance de ce langage, tout césarien, avec celui moment Bonaparte tenait à Melzi et à Miot, en leur expo- sant ses rêves d'avenir. V. les Mémoires de ce dernier. L'ARRESTATION. LE PORTEFEUILLE 163 (17'J7) Eperdu verbale, surtout en de semblables circonstances. devant celte parole tranchante et par l'importance que semblaient succédant à des défis, il menaçante, puis exalté lui donner des avances se laissa aller à sa faconde, ré- véla les affaires de son parti en exagérant complaisam- ment son rôle, peut-être certaine promessedont nous fit parlerons tout à l'heure, bref fut joué ou crut utile d'être joué. Quand il de ce tête-à-tête, sortit il se disait content de Bonaparte, probablement parce qu'il lui-même Plus tard, (1). étourdiment accepté, liation, jointe il alors de s'apercevra du rôle qu'il a et ce sera la pensée decette humi- au désir de rentrer en grâce auprès des royalistes, qui le conduira à ne attitude, à l'était faire composer après coup son ressortir que la partie «tragique de l'entretien, à y introduire le spectacle de sa tance à une proposition déshonorante, roïsme invincible. la Il imagina en efTet, » résis- et de son hé- pour faire oublier conversation trop réelle avec Montgaillard, une con- versation ou plutôt une altercation avec Bonaparte. Le général aurait mis sous ses yeux quatre cahiers conte- nant des extraits de soi-disant lettres de Pichegru, du prince de Condé, de Flachslanden, rédigés de façon à perdre tous ses rivaux, et gnez ces papiers (1) « De d'intérêt. offert tout ce lui inspirer. « Pour part la En se » lui aurait dit : « Tenez, si- extraits de votre portefeuille, du général en chef, j'ai éprouvé des témoignages rendre la justice qui m'est due, il m'a désir de m'être personm^llement agréable pouvait refusant à que le (Mémoire du » les m'en louer. comme il me 4 juin.) procédés particuliers et (A Boissy d'Anglas, 23 juin personnels, je ne .) peux; que 164 ClIAl'ITKb: je VOUS le conseille. Vous QUATRIÈME serez réintégré dans vos biens, vous toucherez cent mille écus que voici en change sur la lettres de maison Cambiaso de Gènes, peut-être serez-vous employé à quelque ambassade. Une » dédai- serait suivie, d'Antraigues long-ue dispute s'en gnant jusqu'au bout les assez On Comment séductions et les menaces. voit d'ici l'invraisemblance de ces allégations. supposer qu'en vingt-quatre heures ces cahiers remplis de lettres apocryphes eussent été rédigés dans les bu- reaux de l'état-major, alors qu'on avait sous une pièce suffisante pour perdre Pichegru la main ? Mais d'autre part qu'était-ce que cette pièce? Celle qui est d'hui venue de Monbello à Paris, aux Archives nationales, comprend in-4, écrites la et qui au recto dix-septièmepage, et le au verso, plus est aujour- seize pages trois lignes sur toutà mi-marge, sansnote comme sans rature, sans signature enfin, mais incontestable- ment de la là qui est main de d'Antraigues 1" juin, n'exhiba point il (1). Est-ce bien celle- venue de Trieste à Monbello? Bonaparte, la pièce accusatrice, je l'admets, avait ses raisons pour agir ainsi; mais qu'il le il est probable arracha à l'auteur l'aveu de son authenticité. Les jours suivants, dans l'entourage du général, cet aveu était considéré Seulement comme (et ici nous entrons dans l'hypothèse pure) cette (1) Oa peut certain (2). le domaine de conversation se divisait peut- constater do plus à la 3' et à la 5« page la reprise d'une rédaction interrompue. (2) BouRRiEXXE, Mémoires, t. I. L'ARRESTATION. LE PORTEFEUILLE être en deux parties 165 (1797) distinctes, l'une relative à Piche- D'Antraigues écrivait à son gru, l'autre à Bonaparte. geôlier le 12 juin, dans une lettre destinée à l'impression « : Dans ce roman rempli de rêveries, d'absurdités de faussetés vous voyez quel rôle et vous fait vous avoirvu, connu, parlé, avoir Or (Montgaillard) il jouera vous-même. Vous voyez qu'il prétend avec vous (1).» traité rien de tout cela n'existe dans le texte actuel de la conversation. Plus tard d'Antraigues,s'adressant au citait sa roi, première conversation avec Montgaillard. La première en suppose une seconde, qui n'est pas difficile de deviner comment disparu; a il ni pourquoi. Seu- lement, dans ce cas, Bonaparte, aussi désireuxdelivrer au Directoire les pages inculpant Pichegru que de suppri- mer du celles qui avaient trait à lui, aurait, l^"" juin, fait promettre à son prisonnier la rédaction d'une version nouvelle le coup de il et partielle, et la peur, obéissant à ou doucereuse, faite dans l'entrevue aurait payé d'Antraigues, sous une invitation impérieuse , par cette transcription de souvenir, la rançon de sa prochaine délivrance; aurait même laissé au début quelques anecdotes sur les coryphées de laTerreur,qui n'étaient guère propres à être mises sous les ner le change sur l'origine ment. Puis une tention, il et la fois ce service aurait repris publiquement A. F., France i voL et oublié du docuavec in- toute son assurance pour nier sous son portefeuille sans .^91, î. de don- afin destination rendu la pièce originale, l'avait extraite de (1) yeux des Directeurs, 125 et suiv* prétexte qu'on qu'il fût présent. CHAPITRE QUATRIÈME 166 Cette conjecture paraîtra peut-être subtile, mais elle me semble seule pouvoir expliquer, en présence de cerou de certains témoignages authentiques, les tains faits assertions contradictoires des uns, le silence voulu des autres. Dès lendemain de l'entrevue du le 1*' juin, d'Antrai- gues paraît évidemment payé de quelque service rendu. Le 4, il ment plus vaste de la femme sa du cachot n° 10 dans un apparte- est transféré et son citadelle, où pourra habiter avec il et recevoir les soins nécessaires à fils, sa santé. C'est une première prime accordée à ses indiscrétions. Le de Milan, chez par billet 7, le il passe de la citadelle dans un palais marquis Andreoli. douze soldats à sa porte consigné est Il de logement, avec un officier là, de planton et des sentinelles aux issues, et mais dans des appartements dorés, dit-il, comme il n'en avait jamais vus de sa vie. Quelques heures plus Couthaud se présente tard, à minuit, l'adjudant-général pour lui faire subir un nouvel interrogatoire. Couthaud, après quelques questions insignifiantes posées en présence de témoins, se un tête-à-tête, puis : « ménage Voulez-vous reconnaître qu'un cahiercontenant vos conversations avecMontgaillardest écrit de votre main et a été trouvé feuille ? — Non, lui est-il dans votre porte- répondu; je moi qu'un aventurier du nom de Royer trai pas ce cahier, à moins qu'on ne que je ne l'aie lu et l'insistance de signé Couthaud : « n'ai ; eu devant je ne reconnaî- me le à chaque page. présente, » Et sur Je déclare que la pièce est L'ARRESTATION. LE PORTEFEUILLE fausse, et je n'en 167 (1797) veux reconnaître aucune sans la voir. » Ainsi voilà un document quant à son qu'il récuse, origine et quant à son auteur. Mais alors ses réponses ne visaient-elles pas le texte original, par conséquent on ne parte était mis en scène et que voulait pas lui montrer paraissait sauver à Cette ? Bona- celui oij équivoque habile lui-même sa propre sincérité, devoir sauver sa situation devant ses amis; car il lui et l'a continuée. Cette pièce qu'il disait fausse à Couthaud,il l'avouait quelques jours une ébauche de Elle est plus ou quatre trois mais c'était alors pages inachevées. tard, devenue ensuite un manuscrit de neuf pages, puis un opuscule de trente-trois (celui-ci pourrait bien être vraiment la pièce trouvée à Trieste), tantôt écrites à mi-marge, avec des annotations multiples et critiques de sa main {contradictions, faussetés^ etc.), tantôt écrites sur trois colonnes, chacune contenant une version différente des soi-disant de Montgaillard. révélations Par ces affirmations contradictoires il espérait sans doute atténuer ou détruire aux yeux des royalistes la valeur de la conversation^ faire douter de son importance ceux qui ne l'auraient point vue, et soupçonner de faux la seconde édition expurgée qui Celle-ci, qu'on n'avait était pourtant son œuvre (1). aucun motif de cacher, traînait sur la table de Bonaparte, où Bourrienne put la lire et en prendre copie. (1) Remarquer ce qu'il écrit à supprimé plus des qu'on a imprimée. Maury On (1 a septembre 1798) composé sur trois quarts... », (A. K., France, vol. 594, f. : «Ils en ont cette pièce celle 384 et suiv.) CIIAIMTRI': d68 OUATRIÈME Cetlo hypothèse d'une combina z loue à l'italienne, de la substitution imposée et convenue d'une pièce à une autre, se fortifie pour nous et du silence systématique qu'a toujours gardé Bonaparte sur la conversation, et de la conduite tenue par le chef d'état-major Berthier- Plusieurs fois à Sainte-Hélène, Napoléon a parlé de ses « longues conversations donne le beau rôle ; aurait, à il demandé compte à son il il interlocuteur, pas avait intérêt à se taire sur accommodées à les avait faire passer il se qu'il Monbello ou à Milan, qu'elles contenaient relativement à lui, dont oii mais des pièces manuscrites aurait saisies, et dont demment avec d'Antraigues, » un mot. Évielles, et sur ce sur la façon ses vues, avant de les aux mains de Barras. Notons un dernier fait caractéristique. Sur les douze pièces du dossier transmis à Paris, onze ont été signées et paraphées par Berthier, La signature manque à la douzième, qui est justement la conve7'satio7i.\]i\o\ih\'\ ne se conçoit guère ici, car c'était la seule pièce vraiment importante à authentiquer. Berthier répugnait-il secrètement, malgré ses démonstrations jacobines, à contri- buer à la perte de Pichegru? Ou bien aurait-il été rete- nu par un sentiment d'une nature plus délicate ? Ber- thier avait été, ne l'oublions pas, le principal témoin de l'entrevue du à tous les secrets de l'état-major ; l'''' juin, et aurait-il il était initié voulu ne pas consacrer par sa signature l'authenticité d'une pièce dont les véritables origines? insoluble, comme Il suffit il connaissait d'indiquer cette question tant d'autres, dans cette affaire ren- L'ARHESTATION. LE PORTEFEUILLE 1G9 (1797) due mystérieuse à dessein par tous ceux qui y furent mêlés. Quoi qu'il en la pièce soit, trouvée ou non dans le portefeuille de d'Antraigues, mais écrite entièrement de sa main, devait sans retard être seulement elle avait expédiée à Paris une valeur sérieuse. On la ; là plaça entre d'autres papiers sans valeur, propres, ce semble, à la faire ressortir, fragments de comptes, copies vieux mémoires ou minutes de vieilles lettres, et de le 10 juin ce singulier dossier destiné au Directoire partait pour Paris Dès (1). le 6, le portefeuille ainsi allégé avait été remis au général Kilmaine, gouverneur de charge de le restituer Lombardie, avec à son propriétaire. Kilmaine ma- nifesta, paraît-il, des scrupules feuille la en recevant un porte- dont les scellés avaient été rompus nu épuré et le conte- à huis-clos, et ce fut Bonaparte lui-même qui remit l'objet quelques jours plus tard (11 juin) entre les mains de M™* d'Antraigues. (1) Dans les pièces justificatives de sa Notice sur les généraux Pichegru et Moreuu, Fauche-Borel a publié, d'après une note à lui remise par d'Antraigues, la liste des papiers soustraits dans le portefeuille. Celte liste correspond exactement aux pièces contenues dans le dossier des Archives nationales (AF III, 44). On trouve de plus dans ce dossier, mais sans numérotage, les pièces saisies à la fin de juin, et un billet envoyé de la part de Bonaparte eu l'an XII pour prescrire un nouvel examendes pièces. CHAPITRE QUATRIÈME i'Q III LA CAPTIVITÉ Bonaparte était arrivé à ses fins. agents de Louis XVIII lui Un des principaux avait livré plus ou moins volontairement les secrets importants du parti tait il ; res- à décider de son sort. Or, ce complice inattendu du Directoire se présentait à ses anciens compatriotes avec un double caractère; en russe, en fait, droit, attaché à une légation Français émigré. D'après les pièces re- mises entre ses mains, Bonaparte était contraint de lui reconnaître un caractère public au service de l'étranger, et ne pouvait gens. Pour savoir contre dès le les l^'' lui refuser la protection du droit des échappait d'autre part aux lois s'il Bonaparte émigrés, juin par l'adjudant-général de la police secrète de l'armée. de l'inculpé que ces car il l'avait fait interroger lois ne Il résultait des réponses étaient pas applicables, lui n'avait jamais porté les Landrieux, chef armes contre la France. Bonaparte conclut en ce sens, en envoyant l'interrogatoire à Paris. D'Antraigues ne comme émigré pouvait ni être traduit devant une commission devant un conseil de guerre terre conquise. Faute de comme de le remettre en liberté. ni espion saisi en prendre l'un ou l'autre appliquer l'une ou l'autre lui militaire, qualification, il parti, fallait LA CAPTIVITE que pressentait C'est ce Hl ministre le des relations extérieures Delacroix, lorsque, le 7 juin, à la nouvelle de l'arrestation, ce sujet demandait une enquête sur place à il et c'est ce ; que confirme Bonaparte dans sa réponse du 19. En attendant, le Directoireprescrivait à deux reprises de ne point relâcher mesure de le prisonnier, par police militaire, jusqu'à de nouvelles circon- stances et à des ordres ultérieursM). Il de garder sous les verroux un lui homme semblait utile qui pouvait de- venir, dans la lutte prochaine contre les Conseils, un otage précieux. Cependant d'Antraig-ues, confiné au palais Andreoli, usait aussitôt des facilités dont respondance, il jouissait pour sa cor- prenait Bonaparte, la Franco et l'Eu- et rope à témoin de l'injustice de sa détention. Dès 4 juin, il composé un mémoire avait qu'il réussissait à transmettre à l'abbé de Pons, à Turin, en dant de le faire au plus tôt le recomman- imprimer, distribuer au roi, au prince de Condé, aux agents anglais répandus en France (2). Ses lettres allaient trouver sa mère à Flo- rence, Marrenx-Montgaillard à Venise, le duc d'Havre à Madrid. trouvé sur Il faisait lui assurer Louis XVIII qu'on n'avait aucune pièce compromettante, et lui de- mandait éventuellement une recommandation auprès (1) Arch. Naf., AF., III, V:>-2, n"' signe Reubell, Barras, 2337 et 2570 la Réveillère, le (31). Lo premier arrêté est second Carnot, Barras, Bar- thélémy. (2) Ce mémoire est imprimé dans 1° Peltier, Paris pendant Vannée 2° Souvenirs d'un émigré (par Laporte), XIV, p. 173; p. il!)t, vol. 293. : — 172 CIIAIMTUK QUATlîlK.Ml'] de l'envoyé de Prusse à Paris. savait bien qu'à Blan- Il kenbourg on n'arriveraitjainais à saisir la preuve écrite de son imprudence ou de sa trahison. Du côté de Bonaparte, sa tactique après était autre; avoir déclaré (8 juin) qu'il ne répondrait plus à aucun interrogatoire, il une note où rédigeait le 12 d'atténuer la portée des pièces soustraites. sa réponse à Couthaud, il essayait Comme dans évitait de s'expliquer au su- il jet de la conversation, et se rejetait sur la qualité pré- sumée de son interlocuteur eu aflaire il ; niait au vrai Montgaillard, et de nouveau avoir demandait auda- il cieusement à être confronté avec l'aventurier qui avait pris ce nom. Seulement, sachant Montgaillard en Alle- magne, il comme indiquait Livourne dence, et requérait Bonaparte de le lieu de sa rési- Pen- l'y faire arrêter. dant deux mois la police française chercha inutilement Montgaillard à travers plus tard vanté, pertinent la comme mensonge Pour obtenir sa Toscane. D'Antraigues (1). personnelle, liberté besoin de ces subterfuges. Là rain solide; comme supposer et à Russe, il qu'il fût resté il il n'avait pas un ter- se sentait sur invoquait Français, il le droit public; se disait pro- tégé par la Déclaration des droits de l'homme Constitution de l'an III. Les réclamations écrites bales lui coûtaient peu trois me (1) ; mois de captivité. traitez s'est d'un trait d'habileté, de cet im- en émigré, il Il en a avoué onze pendant ses répétait avec raison quand D'Antraigues à Louis XVIII, et la ou ver- je me réclame, 4 février 1798 (A. F.). : « Vous comme LA CAPTIVITÉ 1T3 étranger, de lajuridiction suprême du Directoire me regardez demande vous prisonnier de guerre, quand je comme à être jugé sur tribunaux. ; le fait d'émigration par les » Depuis l'entrevue du juin, d'Antraigues ne paraît 1*'' plus avoir rencontré Bonaparte dans un tête-à-tète pré- paré par son tout-puissanl interlocuteur. de déterminer où et à quel est certain toutefois qu'il moment ils Il est difficile revirent; se il y eut entre eux des entrevues passagères, presque fortuites, où la conversation dégénérait assez vite en La altercation violente (1). Saint- Huberty amena quelques-uns de ces rapprochements, par suite de ses relations avec M'"^ Bonaparte. L'ex-vicomtesse de Beauharnais tenait alors à Milan une espèce de cour ; comme là, plus tard à la Malmai- son et aux Tuileries, les émigrés étaient accueillis avec courtoisie et berty, même avec empressement. La Saint-Hu- devenue comtesse d'Antraigues et décorée du cor- donde Saint-Michel,étaitdevenuesocialementson égale. L'ancienne ciianteuse, dans l'intérêt de son mari, alla voir l'ex-grande comme pouvant dame lui ; et Bonaparte toléra ces visites, fournir l'occasion d'interpellations directes ou d'insinuations indirectes à son prisonnier. Ce fut sans doute auprès do Joséphine tra plus d'une fois l'hôte qu'il du palais Andreoli mais que ; pouvait-il répondre à ses réclamations, sinon tendait, ce qui était exact, rencon- qu'il at- un ordre du Directoire, ou (1) D'Antraigues écrit à Maiiry (21 juillet 1798) avec Bonaparte quatre heures le 13 juillet. qu'il a encore causé CHAPITRE QUATRIÈME 174 bien entrevoir qu'au premier lui laisser mettrait de son propre il Dans ces entretiens, sur lesquels le quelques indications, général le moment mouvement en rable favo- liberté? nous avons au plus comme dut être, le l^juin, tantôt caressant et tantôt violent par système, l'épéril sur migré tantôt abondant en protestations sans sa situation, tantôt complaisant par vanité et indiscret lorsqu'il s'agissait d'autrui. rait accueilli Le 13 juillet, Bonaparte au- un nouveau mémoire qui par ces mots « : encore, je vous Allez vous faire au f... f. . . présenté lui était si ; vous écrivez cachot à la citadelle (1).» Quel- quefois on répliquait à ses grossièretés par des impertinences. D'Antraigues se vante d'avoir dit que pereur de Russie refusait ses services, il si l'em- se ferait laquais de quelque bourgeois honnête, ce qui vaudrait encore mieux que de servir sous la menace d'être transféréà Paris, fois, écrié : «Je reverrai avec plaisir une toujours comme appartenant à Bonaparte pouvait « un des cinq Directeurs. Une autre le maître.» (1) mon homme est que je considère roi. écrire, le 3 juillet, L'insolence de cet menace presque de ville D'Antraigues à Maury, 21 » En tout cas, au Directoire inconcevable l'opinion en France, S'il dit ailleurs se serait il oii il ; il : me se croit que d'Antraigues cherciia à juillet 1798. {A. F., France, vol. 594.) — compte-rendu de sa captivité adressé à Mordv'inov, d'Antraigues raconte l'incident suivant d'une de ses visites à M"" Bona« Au milieu d'une de ces ardentes discussions, j'aperçus une parte porte presque cachéepar un lit au fond de la chambre, et je vis M. Bonaparte se ravalant au rùle d'un espion surprenant lui-même les plaintes d'un homme qu'il voulait tôt ou tard faire égorger... Sa femme, étonnée, confondue. .., se bornait à assurer qu'il n'était pas Dans le : sanguinaire, qu'il ne \ouIait jias ma mort... » LA CAPTIVITÉ lui plaire, avoue implicitement avoir su il fasciner son confidences sans portée, tantôt en ne annonçant le inévitable, tantôt en se lais- aune restauration monarchique. plus que d'avoir voulu se souvenait séduire son prisonnier remémorant lui des comme sant croire favorable il lui-même exciter sa parole par interlocuteur, triomphe de Barras Plus tard, 175 ; et ce leurs orageux dernier à son tour, en se entretiens, ne se rappelait plus que les injures et les menaces. Une de ces entrevues faillit tourner au tragique. D'An- traigues, en désespoir de cause, avait pris le parti d'in- téresser à lui ceux qui en France détenaient une portion de la puissance publique. rédigea à l'adresse de Il son compatriote Boissy d'Anglas, alors président des Cinq-Cents, une lettre où, selon son habitude, s'aban- donnant à sa verve, accusation : « la plaidoirie en les lettres de cachet, ou tourner faisait il Avez-vous détruit en avez- vous étendu l'usage sur les étrangers, sur ceux à qui cinq jours auparavant vos ministres accordaient garantie et passeport ? Vos lois sur la liberté des person- nes sont-elles un leurre dans la main du Directoire, comme vos passeports en sont un dans la main de vos ministres et de vos généraux? Enfin le code de vos lois est-il le conforme à la déclaration de ministre de Russie rien, qu'il s'agit liberté que craint même : et raison ne font la force ? Quelle étrange que justice seulement de celle qui, à la fois les M. Bernadotte devant ombrageuse et timide, opinions et les écrits, qui va fouiller et briser les serrures des portefeuilles et y chercher les CHAPITRE QUATRIEME 176 secrets des consciences pour voir si l'iiomme à qui elle a ravi état, propriété et patrie a pour elle des sentiments de iiaine ou de mépris que personne ait !... Depuis Néron, je ne sache pas décrété qu'on l'aimât (1) !» Ces apostrophes véhémentes étaient destinées à la puhlicité. D'Antraigues mit des copies de cette lettre et de son mémoire du 4 juin dans un nouveau paquet à l'adresse de Fauche-Borel, avec primer le tout. recommandation d'im- Ce double dossier à destination de Paris de Neuchâtel fut confié à un et messager qui partait pour Mendrisio. Cet homme, quoique muni d'un passeport en règle, fut arrêté au sortir de Corne, territoire suisse; on le jeta en prison, son envoyé à Landrieux, et non loin du paquet fut au bout de deux jours transmis par celui-ci au général en chef (26 juin). Celui-ci, à la lente colère. subit vue de ces pièces, entra dans une vio- Landrieux en fut la première victime et deux jours de prison pour son retard à informer ses supérieurs de l'affaire. Puis voyant M™''d'Antraigues entrer chez sa femme, Bonaparte la reçut avec une sortie virulente contre ce scélérat, ce coquin qui récompensait ses bontés en le dénonçant, et qui osait parler de loi et de justice au milieu d'une armée: « Peut-être demain à six heures votre mari sortira de prison, l'enverrai Saint-Huberty crut cette (1) je vous à onze avec dix balles dans le ventre. » ses instincts 44.) et, menace sincère, et, d'actrice tragique, elle jeta son jeune D'Antraigues à Boissy d'Aiiglas, iîS La ramenée à juin 1797. {Arch. Nat., A. tils F III, LA GAI'TIVITÉ qui le l'accompagnait au-devant de joindriez-vous pas à son père cette boucherie? » 177 lui ? n'est-il Pourquoi ne vous conseille de me « : Quant à moi, faire fusiller, car je vous assassinerai partout oij je pourrai. » M""® mûr pour pas Et tandis que l'enfant éperdu s'atta- chait en criant à la botte du général ajouta-t-elle, je « : A ses cris, Bonaparte accourut, l'entraîna dans une pièce sine, et, l'embrassant, essaya de la calmer. Huberty lui dit Robespierre mort. Madame, le car je vais à Paris et j'y obtiendrai justice. » a soif de notre sang, Factice ou non, la tombée ; il s'avisait il : « Vous le voilà ressus- fera bien de cité. Il Saint- raconta ce qui venait de se passer^ et Bona- parte la rejoignant, elle reprit ses invectives m'aviez La voi- répandre, colère de Bonaparte était déjà que la mort de son prisonnier lui était inutile, et qu'elle pourrait lui nuire, si la lutte qui se préparait à Paris tournait contre le Directoire. mesurés du contenu des plaignit en termes plus saisies, et fit môme entendre que la décision Il se lettres qu'il était obligé de maintenir jusqu'à nouvel ordre n'aurait plus rien de rigoureux. Seulement donna des ordres il sé- vères pour que M'"« Saint-Huberty fût retenue à Milan et pour que toutes ses lettres fussent à l'avenir interceptées. à Côme prit à son tour le D'Antraigues passa tout et celles de son mari Le nouveau dossier saisi chemin de Paris. le mois de juillet dans une demi-captivité, aggravée d'autre part par l'interruption de sa correspondance. visites, mais Il pouvait recevoir à son gré des la police surveillait de près ses sorties, et CHAPITRE QUATRIÈME 178 son signalement, même dit il son portrait en couleurs, avait été transmis aux portes de la ville Peu à peu aux fron- et Lombardie, surtout du côté de tières de la dehors de Milan ; aurait il l'arrestation de son même pris sa revanche de messager en interceptant dans bailliages italiens et en payant trente-quatre lettre Suisse. la renoua ou se créa des intelligences en il adressée par Bonaparte à Barras. Du louis les une côté de la France^ par un prêtre émigré de Grenoble que lui avait amené son à Turin hôte, serait rentré en rapports il avec l'abbé de Pons aurait par cette et voie Stackelberg, fait le ministre russe. parvenir à Paris, avec Il des pièces utiles à sa défense, des avis propres à éclairer la majorité des Conseils et la minorité du. Directoire. Bien mieux, iJ si l'on écrivit à peut s'en Carnot à son propre témoignage, fier le 14 juillet parait, qu'il était urgent de que le coup d'État se pré- prendre l'offensive contre Barras et de faire arrêter Bonaparte par ses ennemis secrets, Bernadotte et Kilmaine (1). Carnot, retenu par des scrupules de légalité, resta inerte, mais néanmoins voyant dans la séquestration illégale de d'Antraigues un moyen de nuire à Bonaparte, deux passeports, dont la mère il expédia à Neuchâtel et la femme du prison- nier devaient user pour venir à Paris implorer le transfert de leurs fils et mari au Temple. Déjà comtesse d'Antraigues, qui avait quitté pour la moment (1) France, s'était l"^' vieille en route arrêtée à Turin, attendant le favorable. D'Antruigues à Maury, Rome la bcptembru 1708. LA CAPTIVITE 179 Pendant ce temps, d'Antraigues, pour occuper son temps plume, rédigeait et sa journal de sa captivité; le recueillait des observations surBonaparte, son carac- il tère et ses projets, surl'esprit des officiers, sur la discipline de l'armée. Il hommes dévoués ou comptait les secrètement hostiles au général en chef celui-ci les déplaire dans ses origines, sa physionomie, lui il (Il) France l'Europe terminait le épiant de : portrait qu'il traçait de « Il détruira Barras ou veut maîtriser la France et par la (1). » Déjà, pendant son passage à la cherché à surprendre les opinions de et, ses habitudes, jusque dans par ces mots prophétiques l'asservira... ses ; moindres paroles, notant tout ce qui pouvait gardiens. Les officiers citadelle, et les jacobins avait il dispositions ne lui ca- chaient pas leur satisfaction de le savoir à leur merci. D'autres épiaient l'occasion de lui témoigner leurs sympathies secrètes. Quelques-uns, voyant à sa porte une sentinelle en qui ils avaient confiance, vinrent, qu'il raconte, s'entretenir qu'ils avaient pris; ils avec lui, s'excuser du ouvraient leur bourse et offraient de toute façon leurs services. Des soldats comprendre qu'ils à ce parti lui faisaient fermeraient les yeux sur sa fuite. Après sa translation au palais Andreoli, d'Antraigues ayant eu à subir quelques vexations de la part du poste Ce portrait de Bonaparte est jeté, par voie de disgression, au milongue relation que d'Antraigues a rédigée de sa captivité, et qui porte la date du 31 octol^-e 1797. (A. F., France, vol. 034, A. M.) Il a été imprimé dans Jung, Bonaparte et son pp. 120-144. (1) lieu de la — temps, t. III. CHAPITRE QUATRIÈME 180 préposé à sa garde, ses plaintes amenèrent près de lui le général Kilmaine, le chef d'état-major Vignolles et le commandant delà et d'Antraigues, paraît avoir joué un rôle assez singu- lier. place. Kilmaine, entre Bonaparte Cet officier 'avait épousé une Irlandaise très royatoujours philosophe, qui de loin s'intéressait à liste et l'ancien ami de Jean-Jacques. Il avait eu un avance- ment rapide et fait avantages maintenaient au service de la république, sans le rendre républicain. le tout en disant de qu'il une grande fortune en France. Ces nous faut Il était LouisXVIII (1). » Son seul : « Ce en était dès 1797 au point oii n'est pas là l'homme désir était de conserver, à faveur d'une paix prochaine, ce la royaliste dans l'àme, qu'il avait acquis ; il en étaient les maréchaux de l'empire en 1812. Devant ses compagnons, Kilmaine parla à s'étant d'Antraigues avec froideur ménagé un condoléances, tète-à-tête avec lui, ses dureté, et il lui confidences politiques. craindre dans un avenir prochain les fît, Il puis, avec ses semblait entreprises de Bonaparte, et vouloir se ménager parmi les adversaires de il la république des connaissances utiles. En attendant se créait des titres à la gratitude de celui qu'il à sa merci ; il se vantait en effet plus tard tenait de lui avoir épargné de comparaître devant un conseil de guerre Quelques semaines plus tard, d'Antraigues (2). reçut D'Antraigues à Thugut, 20 août 1798 (A. V.). Vous ne savez pas toutes les obligations que vous lui devez. Bonaparte sans lui vous eût mis au Conseil de guerre, et ce ne fut qu'à sa résistance à se prêtera ses vues, comme président de co conseil, que vous avez dû de n'y être pas jugé. » (Vannelet à d'Antraigues, 27 (1) (2) « novembre 1798. — A. V.) LA CAPTIVITÉ de nouveau la visite de cet même le 181 officier. On se sentait bien, à Milan, à la veille d'une révolution en France; 14 juillet, à une fête patriotique, des plupart la généraux avaient porté des toasts menaçants, signé des adresses furibondes et déclamatoires qui encourageaient dans le Directoire les préparatifs de son attentat. Ceux qui pensaient autrement se tenaient à l'écart, mais ne comme on va se taisaient pas absolument, Plaçons ici le le voir. seul extrait du journal de d'Antraigues donne pendant sacaptivité qui nous ait été un aperçu curieux de des esprits dans l'armée. « Le 16 l'état conversation, d'Orléans, république, comme si parla il Dumas. Ce dernier, dans fortement en faveur du duc étant propre à devenir le chef de la l'on persistait à vouloir réunir l'action pouvoir exécutif dans une qu'il ; de M. Kilmaine, du gé- juillet, j'eus la visite néral Vignollcs et du général la conservé en donnait étaient main. seule (ju'il serait du Les raisons l'homme de la Ré- volution, n'existant que par elle, et que, outre son intérêt, on ne pouvait ignorer Révolution de bonne caine..., que lui, foi, qu'il même Dumas, avait afl'ectionné la en sa forme républi- qui avait été envoyés pour causer avec lui à Hambourg, content de toutes ses dispositions. je l'ignorais. le me dit-il. avait été s'il modérés s'accom- duc d'Orléans. Je — Mais vous, trois me demanda Il n'étajtpas vrai que tous les royalistes moderaient de M. un des lui répondis que — Moi, je ne m'en accommoderais sous aucun rapport. Alors M. Kilmaine se mêla de la conversation, et dit que M. le duc d'Orléans CHAPITRE QUATRIÈME 182 un liomme au-dessous du médiocre, était examiné et jugé ; qu'il l'avait que M. Dumouriez pensait de même sur ses talents, quoi qu'il en homme que jamais cet ne pouvait rien être en France rallier les partis, et ait dit, et il était ; au lieu de odieux à tous, excepté à Sieyès à Reubell. Vignolles fut de son avis. « Quatre jours après cette conversation, le 21 juillet, au moment du départ de M. Kilmaine pour Paris, lui dire adieu, et et me dit qu'il il me j'allai reparla de la conversation du 16, y avait quelques généraux dans les idées de Dumas, mais que l'armée serait très opposée à ces folies, et que Berthier, qui avait souvent apprécié le duc d'Orléans, devait avoir donné ses idées à M. Bonaparte (1). » IV L EVASION. LA DISGRACE Dans sa prison dorée de Milan, d'Antraigues de loin les attirait regards de ses amis et de ses ennemis. Louis XVIII s'inquiétait vivement de son sort, et voyait dans sa captivité une cause presque inévitable d'inci- dents fâcheux et de surprises désagréables. Quelques- uns insinuaient (1) qu'il s'était fait D'Antraigues à Thugut, 17 octobre prendre pour s'abou- ITilT (A. V,). L'EVASION. LA DISGRACE cher plus facilement avec prompts que fussent la jugé toujours conquérant de Venise. Si émigrés aux illusions, celle-là les pour durer, et Louis XVIII s'employa de était trop forte son mieux à le 183 délivrance d'un serviteur important et fidèle. Il demanda au cabinet autrichien d'introduire cette affaire dans les conférences qui se tenaient à Udine pour la paix. mauvaise grâce d'agir, ainsi le bien sans On effet, lui pour le en Thugut promit d'assez insinuant qu'il rendrait mal. Ses assurances étant restées Saint-Priest hasarda une nouvelle démarche. répliqua en lui montrant les gazettes qui annon- çaient la translation de d'Antraigues à Paris. La nouvelle était fausse; ce qui était vrai, c'est le ministre Delacroix, sur l'avis que péremptoire de Bona- parte, avait essayé de prendre et d'imposer au Directoire une résolution équitable et définitive. rapport déchargeant d'Antraigues du et d'espionnage et le un projet Seulement le fait un d'émigration droit des gens. d'arrêté A ce rapport, pour sa mise en il liberté. 18 juillet Talleyrand remplaça Delacroix au ministère, et, d'Antraigues, renvoyer avait rédigé déclarant, en raison de son titre russe, couvert par le avait joint Il en sa qualité de vieille connaissance de lui l'affaire de la justice; rendit le mauvais service de faire pour plus ample informé au ministère c'était ajourner indéfiniment la décision préparée. Bonaparte était alors près de quitter Milan. vant aucune instruction de Paris, présence d'un homme dont il et Ne rece- importuné par la avait tiré tout ce qu'il CJI A i8i voulait, soupçonner, lui laissa il PITRE QUATRIÈME lui il peut-être en- fit tendre à mots couverts par Joséphine qu'on fermerait yeux sur les les préparatifs de son évasion, puis sur l'évasion elle-même. En conséquence, au commencement d'août, de nouveaux adoucissements à sa détention. risa à aller librement par toute la ville, et à la il procura Il l'auto- notamment bibliothèque Brera, ne lui interdisant que les pro- menades publiques, g-ardaient à bien, et il transporta les soldats qui une distance inoffensive comme (1). il protestait aussitôt n'avoir pas agi librement, et regardait cette promesse il D'Antraiguesdut Russe, donner sa parole d'honneur de ne pas s'évader; mais Bientôt le comme illusoire. put, le 14 juillet, entendre de loin les haran- gues jacobines des généraux; d'État révolutionnaire était serait, après le il se laissa dire qu'un imminent à Paris, coup et qu'il triomphe deBarras, transféré en France, déporté peut-être ensuite à Rochefort et en Guyane. songea dès Il Les circonstances étaient favo- lors à fuir. rables: le général en chef étant absent, il n'était plus surveillé que d'une façon nonchalante et intermittente par des agents dont Kilmaine, son ami secret, n'écoutait même pas les rapports. Néanmoins comme son évasion plit s'il il prépara et accom- eût été sévèrement gardé et eût couru en s'écliappant risque de la vie. Le 29 août au et la (1) il s'enferma dans sa chambre, Saint-Huberty employa sa ViguoUes guerre). soir, à Bertliier, 2 vieille expérience août (15 lluTinidor) {Archives de la L'ÉVASION. LA DISGRACE 185 méconnaissable. d'actrice à le déguiser et à le rendre Affublé d'une soutanelle et d'une perruque ecclésias- barbe longue et la tiques, des lunettes sur le nez, la figure barbouillée de bistre, une dit il adieu aux siens avec sensibilité exaltée par la peur. a-t-il écrit, les Traversant seul, « vastes appartements du palais, je sortis devant sans avoir été aperçu, et je trouvai porte du jardin devant ma la mon fidèle guide. petite la Nous partons, je passe garde des charrois militaires qui gardait aussi maison. Elle ne me reconnut ni me ne regarda. Les portes de Milan ouvraient à cinq heures, mais il m'avait fallu sortir à quatre pour dérouter les espions de M. Bonaparte, logés dans « Mon la maison... w conducteur m'avait assuré qu'à quatre heures du matin on ouvrirait une église de Milan appelée San Celso et qu'on y dirait la En effet il me messe à l'aube du jour... me conduit en vue de cette église, désigne do loin. Nous convenons que je me placerai dans le premier confessionnal à droite en entrant, lui me quitte et se rend pour préparer ma riole, et épier l'ouverture des portes. Je seul à cette église. îl faisait déjà m'avance donc grand jour, j'en trouve me perdre. sur un banc à la porte de l'église, contre la place pour n'avoir pas Mais en même temps je me vertes sur le nez, tirai un commençai à prier avec et petite car- mon Je me toutes les portes fermées... Je pris aussitôt je ne pouvais m'éloigner sans la le l'air parti ; plaçai visage tourné me cacher. de mis une paire de lunettes bréviaire de ma poche, et beaucoup d'attention... J'at- CFIAPITRE QUATRIÈME 18G tendis tronte-sopt minutes me je j'y Ce mon que j'aperçus placé Je l'église. le suis, je monte en départ paraît avoir passé seulement fut dénoncée à dans les feuilles françaises de il fut y eut ordre d'imprimer Milan les pièces relatives (1). que son mari d'état de se put ga- Il absolument inaperçu. M"^ d'Antraigues avait raconté d'elle » 4 septembre que son évasion le la place; et le 14, à cette affaire peine au fond de i;uide voilure... et Côme, puis Bellinzona. ainsi sans être poursuivi Son A précipitai dans le confessionnal désigné. étais gner les portes s'ouvrirent, ; était et persuadé autour malade, par conséquent hors montrer pendant plusieurs jours. Elle-même sortit ensuite de Milan, vêtue en paysanne, un panier d'herbes à la main. L'avant-veille, elle avait fait de- mander un passeport à Kilmaine, afin, disait-elle, d'al- ler chercher de l'argent à Trieste, et le annoncé sa Son Bonaparte pour le elle avait jour envoyé aux environs de Milan, dans fils, oii il visite à M™*" matin la même. maison avait été en nourrice, fut conduit ensuite à drisio, et, Men- quelques jours après, toute la famille était réunie en Tyrol, à Innsbriick. Ce La gues « fut là que leur arriva la nouvelle du 18 Fructidor. pièce trouvée », publiée diU. dans le portefeuille de d'Antrai- Moniteur^ répandue en brochure, —Le chef Berthier, 4 septembre (18 fructidor). (1) Vignolles à d'état-major par intérim (Dessoles) à Vignolles, 14 septembre (28 fructidor). {Archives de la guerre.) CL la France vue de l'armée d'Italie, ïi° an VI. Ce journal n'eut que dix-huit numéros. Besborodko du 28 octobre 1797 (A. M.), d'Antrai- XI, 2 vendémiaire Dans une lettre à L'ÉVASION. LA DISGRACE placardée dans toutes les masse des fanatiques ; avait est vrai, elle n'était il chargé l'Imprimerie Nationale avait de la transcrire supprimé mal Terreur, la d'autres en lu certains mots, en avait laissé blanc, avait enfin déclaré le tout trouvé « à et, pour premières les peu agréables aux survivants de pag'es, la des badauds la lég-itimité du et scribe le démontré à avait villes, coup d'État. Sous cette forme, plus intacte 187 Venise », ce qui est plus grave, ajouté d'autorité la signature de Berthier. Bien que tronquée faisait de son auteur un et altérée, cette pièce délateur illustre. D'Antrai- nom retentir même temps que gues entendit son partout, en France et eu Europe, en se répandait la nou- velle de sa délivrance. Parmi les fructidorisés, pour « Lemorer les perdre. soliloque rédacteur » dont (1), gaillard, qui a Venise. A fait il et ce on devine l'impression. faux commis par voulaient croire à un le Ils Directoire appelle la conversation un honneur à l'imagination de son rédacteur pour d'autres est Mont- voulu ainsi se venger de l'accueil reçu à Milan même, ceux qui s'intéressaient à faire insinuaient que le prisonnier avait payé d'avance et d'une manière peu honorable pour les plus indulgents l'af- parmi lui sa délivrance les témoins, républicains ; ou gués proteste contre rautheiiticité des pièces publiées dans ce journal et dans d'autres gazettes, tant en Allemagne qu'en Italie. (1) AppeÀ à la nation française, Y>p. 79-83.— Cf. Camille Jorchw, député du Rhône à ses commettants, pp. 8-11. Le iS Fructidor (par Gallais), t. I,p. 21, et la Déclaration de Fauclie-Borel dans le Spectateur du Nord, — oct. 1797, p. 133. CHAPITRE QUAÏRIKMK 188 émigrés, le disaient évadé avec l'aveu de ses geôliers, sa personne innportant peu depuis la saisie de son portefeuille (1). Montgaillard et l'abbé du Montet excitaient aussi de loin contre lui nuait à qu'il l'opinion. Selon le premier, qui conti- Hambourg, près du ministre Roberjot, avait le métier exercé à Venise auprès de Lallemant, la conversation avait été dictée par Bonaparte, transcrite par Berthier, et l'auteur avait reçu pour ce service mille ducats et un passeport. D'après le second, qui prétendait reconstituer, d'après des conjectures et des témoignages subalternes, les scènes de Milan, la con- versation aurait été écrite en cbiffres, et le temps passé à la déchiffrer expliquait le délai écoulé entre sa saisie et le 18 Fructidor (2). A Blankembourg, on ne savait trop que penser. Le prisonnier avait certifié n'avoir livré aucune pièce com- promettante, et devenu libre avait formellement renouvelé (13 septembre) cette assurance. disait-il, la conversation que comme Il ne connaissait, l'œuvre d' autrui, contredite et réfutée par lui à chaque ligne, traitée par Bonaparte d'ineptie. On parut le croire un moment : Louis XVIII se réjouit publiquement de voir délivré ce serviteur ardent et fidèle (3) (1) Sahkazin (général), Mémoires, ; mais en p. 69. — même temps il Souvenirs cfim émigré (pav Laporte), p. 110. (2) L'interminable manque, (3) est aux A. mémoire de du Montet, dont F., France, vol. 592, f. le premier cahier 276 et suiv. Louis XVIII à Saiut-Priest, 14 septembre 1797 (dans de Baraxte, XVIII au comte de Saint-Priest, p. 29). Lettres et instructions de Louis L'EVASION. LA DISGRACE lui fit écrire par d'Avaray une cher une explication nette (1). 189 propre à lettre Bonaparte, lui arra- lui disait-il, prétend vous avoir pris une pièce, vraie ou fausse, dans Imprimez premier cas, certainement altérée. le donc, publiez qu'elle concerne Bonaparte et autant que Picliegru, et qu'on a tronqué des faits pour choisir une victime entre deux généraux vendus au royalisme. Cette lettre, à laquelle d'Antraigues, on le comprend, devait bien se garder de répondre, partie, des gnages fâcheux surgirent de divers côtés écrivait l'abbé de Jons, qu'il ne soit et c : témoi- Je tremble, coupable de lâcheté de perfidie; les apparences ne sont pas pour n'y a qu'un laver(2). » cri contre lui, il lui; il aura bien de la peine à se DeNeuchâtel,Fauche-Borelfaisaitsavoir qu'il avait reçu de d'Antraigues pour l'impression une déchi- ration datée du 29 août, où figurait en toutes lettres, comme enlevée dans une le portefeuille, avec M. de Montgaillard ». « conversation Fauche voulait avoir, avant d'imprimer, l'assentiment du cabinet royal, car pas à en douter, perdu Pichegru disait-il, et ses D'Avaray jugea c'est ce papier l'homme restauration, et envoyé en Guyane teurs du roi. Peut-être aussi Cette lettre est maudit qui a qu'il détestait pris au piège, coupable en tout cas d'avoir (1) n'y a amis. cette fois lettres adressées jadis il fait manquer la les meilleurs servi- avait-il connu certaines par d'Antraigues à Montgaillard, imprimée dans Jdng, Bonaparte et son temps, t. III, pp. 196-11)8. {-) L'abbé lie Jons au Roi,:29 seplembiv 1797. (.\.I'\, France, vol. 610.) CHAPITRE QUATRIÈME t90 OÙ il personnellement très maltraité. était de « casser le col vait fait à Puisaye vint-il dire à et à La s'empressa comme à ce rival éventuel, » Il l'a- il Vauguyon. D'Antraigues, Louis XVIII, vous a menti en affirmant n'avoir livré aucun papier compromettant; antérieure- ment il il confessait au public tout le contraire. A Trieste a gardé dans son portefeuille, avec une légèreté in- concevable, alors qu'il mettait en sûreté ou détruisait tant de papiers importants, une pièce dont était celui de tout les petites maisons, dence, ou il le parti royaliste (1) s'il s'il bliant au mérite ce secret pour a livré et de Mallet la question. Montgaillard, du Pan nous D'Antraigues a laissé tom- ber entre les mains des républicains tretiens avec il (2). » Ce dilemme de d'Avaray semble résumer Ou a été capable d'une telle impru- mérite la corde se tirer d'affaire « : le secret par le récit de ses en- étourderie, en milieu de papiers inoffensifs, concevable erreur de jugement, qui ne l'ou- ou par une lui laissait in- voir dans cette pièce qu'une œuvre d'intérêt rétrospectif quasi-littéraire. Il a et payé cher cette imprudence ou cette erreur, qu'avec son amour-propre indomptable n'a jamais voulu avouer. L'a-t-il, une fois captif, il com- mentée ou modifiée au gré d'un vainqueur menaçant? Ceci restera un mystère historique qu'aucun des initiés (1) Ce sont là les deux griefs spécifiés par Louis XVIII dans sa lettre à d'Antraigues du 24 février 1798, et développés par Gourvoisier dans une consultation spéciale qu'il rédigea par ordre. (A. F., France, vol. 594, ff. 178 et 355.) (2) 'Slxi.VE.T ov?x'^,'Mc>noiresel correspondance, i. II, p. 321. L'ÉVASION. LA DISGRACE En n'avait intérêt à dévoiler. après, d'Antraigues sentait 191 tout cas, bien des années sanj^ lui le monter au vi- sage, et ses yeux étincelaient au souvenir de l'iiumiliatiou qu'il avait subie. Il prouvait une fois de plus qu'on rejette volontiers sur autrui les qu'on a soi-même commises. se souvenait plus tard conséquences des fautes Au contraire, Bonaparte uniquement d'avoir Gela ressort de l'acharnement avec lequel il bravé. été poursuivit d'Antraigues à Dresde. Celui qui était de sa part l'objet d'une telle vant lui, c'est ce moment haine avait peut-être fléchi un mais il n'avait été ni fasciné, que Napoléon pardonnait le ni de- dompté, moins à et ses adversaires. Quoi qu'il en soit, d'Antraigues fut mis subitement par Louis XVIII hors la confiance; on eût dit en France hors la loi. Toute correspondance avec au lendemain interrompue. lorsqu'il arriva à Il lui fut était déjà du jour condamné, Vienne (10 octobre). Après un court séjour àlnnsbriick, il était venu à Trieste, à la recher- che des papiers qu'il avait dû, lors de son arrestation, confier à la légation d'Autriche; ver seulement à Vienne, à il il parvint à les retrou- la chancellerie. séjourna alternativement dans cette Toutefois 1798. Il il Depuis lors, ville et à Gratz. reparut encore en Italie dans l'automne de venait revoir à maladie mortelle, tés particulières. Padoue Las Casas, et recevoir l'expression Ce vembre. Las Casas fidèle est, ami lui fut atteint d'une de ses volon- enlevé le 27 no- après J.-J. Rousseau et avant Armfelt, une des rares personnes qui lui aient accordé GHAIMTHE QUATRIÈME 192 et inspiré pleine confiance, et qu'il Depuis lors il ne la fin. pension, dont Du il attendre. aimées jusqu'à plus à l'Espagne que par une tint devait jouir encore près de dix années. XVIII côté du roi Louis deux maîtres en ail titre, il de l'empereur Paul, ses et ne savait trop alors ce qu'il devait De Blankembourg, aucune nouvelle. Quatre il fois, ne voyait plus venir écrivit, il sous prétexte de rendre compte de sa conduite, en réalité pour obtenir une réponse propre à mencement de le rassurer. Ce ne fut qu'au février 1798 qu'il reçut de son comoncle Saint-Priest, alors un des conseillers du prince, trois lignes lui annonçant sans autre explication l'interdiction de toute correspondance avec lui. Sur un nouveau plaidoyer de sa part, arriva une lettre royale, en date du 24 février, lui notifiant, avec les motifs à l'appui, sa disgrâce, et lui défendant de publier quoi que ce fût à ce sujet. D'Antraigues eut beau se débattre, et plaider les cô- en rela- tés accessoires de la question. S'il était entré tions avec Montgaillard, c'était, rappelait-il, ordres exprès de La Vauguyon. Ce souvenir lencontreux, car disgrâce royale. La Vauguyon 11 sur les était ma- avait subi avant lui la avança, ce qui était plus hardi, (ju'il avait dû, pour le bien du service, emporter la conver- sation dans ses papiers. Bref, tort, et il soutint n'avoir aucun annonça un mémoire autobiographique où devait mettre en lumière ses dont il il services et l'ingratitude avait été payé par l'injustice de ses maîtres, de- venus ses ennemis. Il continuait cependant à voir l'agent L'EVASION. LA DISGRACE du roi à Vienne, La Fare, l'ancien évêque de Nancy, et faisait attester sa fidélité inviolable La Fare de son pes. 193 aux bons princi- côté s'efforçait de le calmer, et de conformément aux intentions royales, une lui arracher, promesse de se taire. Il déclaration où on lisait reçut enfin (13 mars 1798) une : ma Je serai toute « vie un sujet fidèle; le devoir reste, le zèle à le remplir n'est plus... roi Tout ce que je demande aujourd'hui, ne parle de moi blie. Si en bien ni en mal, me j'apprenais qu'en secret on que j'en aurais rais ni la certitude et la aussi trans- ; il affranchi dût être Il se plaisait de son côté à renouveler les angoisses de en se disant provoqué par nemis ou les qu'il était Russe les princes (le indiscrétions La Fare, calomnies de ses en- les de ses amis. Il rappelait et sous la protection de la Russie, que comte d'Artois et le prince savaient innocent et lui avaient (1) faire refuser, le ville, et de toute dépendance et de toute réserve. ments lui un passeport à destination de Londres. semblait qu'en Angleterre Il justifie- no rassu- Hambourg pour imprimeries de cotte cas échéant, me » non la vérité, on savait sa plume redoutable les m'ou- Mittau. Qu'il dît ou raient pas pleinement la cour de fermer le déshonore, dès et conditionnelles mettait-on le mot d'ordre à que et qu'il preuve, je de la manière la plus publique... Ces promesses hautaines c'est fait de Condé) exprimer leurs le senti- (1). D'Antraiguesà La Fare, — La Fareau roi, 21 août 179S.(A. 28 août, ([d., vol. 612. f. F., France, vol. 634, f.l67.) 18.) 13 CHAPITRE QUATRIÈME 194 avait eu oifct gardé des Il liste. amis dans tenu d'intervenir en sa faveur, présentant des Bourbons à térêt d'un vieil ami. lui demander fît camp roya- le cardinal Rome, De Venise, le prudemment Si son oncle Saint-Priest s'était abs- Maury, re- lui portait tout l'in- oiî il venait d'arriver, les circonstances et les motifs il de sa disgrâce. D'Antraigues répliqua par une série de lettres fort vives contre ses ennemis personnels, d'Avaray, de Crussol, l'abbé de Jons. Sur la publication le bailli annoncée de sa défense, Maury, sinon parti; il ne voulut rien promettre à qu'il le préviendrait avant de prendre un rappela avec l'accent de la menace qu'il dé- il tenait toujours de Malesherbes, que ces les papiers papiers, mis en sûreté en Angleterre, contenaient des révélations accablantes pour le frère et successeur de Louis XVI. En 1799, il demeurait et il demeurera jus- qu'à la fin de sa vie tenté de faire payer sa disgrâce par une publication propre à d'Avaray lettres et à le justifier la fois, disait-il, à confondre lui-même. Maury transmit ses à Mittau, en une liasse sur laquelle d'Avaray implacable se borna à écrire pour toute remarque « Garants de la duplicité de la fleur des drôles. Désormais d'Antraigues ne comptait plus : » comme serviteur actif du roi. Presque tous les émigrés le considéraient comme un traître. les parents Saint-Priest, afin de mettre de sa femme crédit subsis- à profit pour tant de son neveu à Naples, se réconcilia avec le lui ; mais^ les autres royalistes accusèrent à l'envi ses intel- ligences avec Bonaparte. Quant à lui, il se piquait de L'EVASION. LA DISGRACE générosité, compatriotes : comme à l'occasion Pourquoi donc, « quement Thugut, prisonniers? défendait les et 19o lui disait des un jour ironiémigrés les jacobins fusillent-ils les devraient les réunir et les laisser ensem- Ils ble; en quelques jo-urs ceux-ci auraient imité les arai- gnées et se seraient — Détrompez-vous, mangés. répli- qua d'Antraigues, leurs vices sontdes vices domestiques, qui n'ont d'activité qu'en famille; mais qu'on me cite un contre eux chez l'étranger et envers l'étranger fait Leur conduite sous ce rapport est inattaquable, et de rares exceptions n'infirment pas la règle Les Russes ne le traitaient A son arrivée Mordvinov, avait bien obtenu certificat (1). » guère mieux que les roya- listes français. il ! à Vienne, où de ce il avait rejoint diplomate un approbateur de sa conduite à Venise, mais à côté de Mordvinov, il ne s'attendait pas, le avait trouvé un ennemi auquel il comte Razoumovsky, ambassa- deur de Russie à Vienne. Razoumovsky venu et avait son opinion faite sur le le tenait son arrivée, pour un aventurier. que la présence de cet nouveau l'annonce de au cabinet autrichien avait représenté il A homme à Vienne était de na- ture à irriter Bonaparte, et à sa cour qu'elle pourrait nuire aux intérêts russes la décision suivante (1) 592, D'Antraigues à f. (2) « : Si Maury, Paul (2). P"^ lui répondit par M. d'Antraigues resteà l'étran- i" septembre 1797. (A. F., France, vol. 3.) Iloiume d'un esprit inquiet projets et et d'intrigues qui ne peuvent compliquer mal à propos 3/14 octobre 1797. — brouillon, sans cesse occupe de que compromettre les affaires. » A. M.) les cours et (Leltre à l'empereur Paul, le CHAPITRE QUATRIÈME 196 ger, SCS appointemonts seront supprimés ; s'il vient en Russie, un passeportlui sera délivré pour Riga, sans qu'il puisse séjourner ni à Moscou, ni à Pétersbourg. Cette mesure tes en était g-énérale et atteignaittous les Italie agents royalis- payés par la Russie. D'Antraigues y vit un effetparticulier de l'hostilité toujours active de d'Avaray, et en appela de l'autocrate mal informé à l'autocrate mieux informé: il demanda lapermission de porter à Pé- tersbourgsajustiflcation verbale. Se croyant victime des calomnies républicaines, qu'il il ne voulait pas comprendre étaitredoutépourlui-même,poursonactivité brouil- lonne etpour les embarras qu'elle faisait craindre. Sa re- quête ayant été rejetée, s'établir dans le il se dit empêché par sa santé de Nord, et bientôt son zèle sances variées dont il et les connais- faisait étalage eurent effacé les mauvaises impressions de Paul I" à son endroit. lui tint pas rigueur sur son traitement; dès janvier 1798, à la sollicitation de Saint-Priest, on rages de sa pension, vante. On ne et celle-ci fut lui payait les arré- doublée l'année sui- CHAPITRE CINQUIÈME D'ANTRAIGUES A VIENNE ET A DRESDE A Vienne I. triche. (1798-1800). — Relations — Thugut. Vannelet. — Établissement en Au— La correspondance de Vannelet. avec Thugut. — Passé de l'auteur, ses moyens d'information. — L'espionnage politique en l'an VI. — Le Directoire et son entourage. — Finances et diplomatie de la république. tionnaire en de II. Italie. — Sieyès — L'Orient, à Berlin, la l'Autriche. — propagande révolu- Vannelet collaborateur d'Antraigues. A Vienne (1800-1802). —Razoumovsky.Champagny. — Séjour — àGratz. — — Démêlés et brouille avec Kalytchov remplace Razoumovsky. Disgrâce momentanée. ïhugut. Travaux pour l'empereur Paul. Marie-Caroline à Vienne. Nouveaux amis Alexandre I" mystifié. de d'Antraigues Armfelt, Jean de MùUer. — L'ambassadeur français Ghampagny. Son entrevue secrète avec d'Antraigues. III. A Dresde (1802-1804).— Czartoryski. Cobenzl. Retour de RazouNouveaux démêlés. D'Antraigues quitte ^Vienne pour movsky. Dresde. Ses premières relations dans cette ville. Panine et CzarD'Antraigues conseiller d'État. toryski. Ses rapports secrets avec Vienne. Brouille avec Marie-Caroline. D'Antraigues et Cobenzl. Rôle de Jean de Millier et de Gentz. La disgrâce de Panine. — — — : — — — — — — — — — — — — — Mémoire de d'Antraigues sur Louis XVIII. I A VIENNE. En adressant — THUGUT. VANNELET (1798-1800) à Louis XVIII, le 12 mars 1798, une dernière protestation contre sa disgrâce, d'Antraigues disait ne devoir plus travailler que pour la royauté en général, pour la cause des souverains coalisés contre CHAPITRE CINQUIÈME 198 Révolution française. la Il oubliait alors une consid»^- ration qui lui en imposait quelques années auparavant, à savoir que : en voulait surtout la politique des cours à la prépondérance de la maison de Bourbon en rope; et il Eu- devait rester désormais à la solde de ses protecteurs de circonstance, autricbiens, russes ou anglais, contre la France sa première Déjà, à Venise, là se dans ses babitudes de donner de l'importance accumuler il était entré avec des politiques de toute nation lier partie par il patrie. les et ; il croyait ne réussissait qu'à soupçons. Après son aventure de Milan» eut la tentation de passer en Angleterre; ses amis de Londres l'appelaient à eux seport (1). Puis des avis dénoncèrent ce projet sécurité de sa alors à penser plus propice mère et aux aune du envoyé un pas- vinrent de France, qui lui éventuellement intérêts des siens. encore était à la fatal Il le se prit pays le entreprise de reportaffc diplomatique et acceptable Le premier ministre Thugut, plissait à Constantinople teur lui comme que l'Autriche profitable à sa bourse propre. et lui avaient pour son amouralors qu'il rem- un doublerôle, celui de servi- de l'empereur et celui d'observateur pensionné de France, y avait connu son oncle de Saint- roi Priest ; il devait montrer quelque indulgence à ceux qui vivent, sous une double enseigne, des basses œuvres de la politique. D'Antraigues espérait, à la faveur de ces souvenirs, devenir, dans les emplois secrets, personnage. De plus, en demeurant à Vienne, (1) D'Antraigues à Maury, ^o avril 1798, il un s'ar- A VIENNE. THUGUT. VANNELET rêtait à mi-chemin do de Naples, « la Russie, sa patrie officielle, et pensait reprendre sa correspondance. La cause à laquelle Votre Excellence dévoue sa vie ses et oii il 199 (1798-1800) talents mienne, est la écrivait-il à 21 août 1798; j'en deviendrai leraartyr, beaucoup en je préfère de soit le s'il le Thugut mais faut, être le défenseur, et le que ce plus tard possible que j'en sois le martyr... Je mon veux jusqu'à je pourrai dernier soupir faire tout le mal que aux brigands du pays qui sera l'unique occupation ma de ma patrie, ce ma haine, une fut vie, et haine bien nourrie et immortelle, sera l'héritage le plus intact ton héroïque ni mon fils. » Gela n'est point d'un chevaleresque, mais d'Antraigues, que je léguerai à exclu de son parti, n'avait plus que ses passions personnelles pour guide commode : et il les déguisait de l'Europe le salut sous une formule des vieilles monar- et chies. Ayant une ainsi endossé, sans livrée autrichienne, il quitter l'uniforme ne se laissait russe, point arrêter par la pensée de son hostilité antérieure à la chancelle- A rie aulique. nodie, il ceux qui osaient lui reprocher cette pali- répondait que les circonstances changent les opinions, et que d'ailleurs les vieilles opinions étaient il vivait dans un temps où peu en faveur. Ses relations avec Thugut ne durèrent guère plus d'une année. Il lui insinua d'abord, pour se rendre d'essayer de gagner Kilmaine, armée sur le employé dans Rhin ; mais, utile, alors à la tête d'une ajoutait-il, je ne peux être celte affaire, étant né Français et suspect CHAPITRE CIXQUIÉxME 200 par mes services antérieurs auprès de Louis XVIII. faut un Allemand ou un Anglais, d'un caractère ouvert, et qui lui parle fit Il dans son sens (1). La mort de Kilmaine évanouir ce projet, tout aussi chimérique que ceux qui avaient visé Pichegru ou 3Ioreau. D'Antraigues servit mieux Thugut par les renseigne- ments qu'il lui fournit sur l'intérieur constitua en efiet au profit de cet cienne agence de Paris, à distance et fît homme en 1798 et, delà France, re- d'État l'an- 1799, et Il il surprit connaître au cabinet autrichien d'une façon sûre et précise les secrets de l'administration de la et diplomatie françaises. Cette agence, à vrai dire, résumait dans un seul se homme, mais dans un homme bien informé, lettres paraissent être arrivées à dont les nous sans interpola- tions ni modifications appréciables. D'Antraigues en les transcrivant n'a retranché que les passages se rapportent à ses affaires de famille, et leur a laissé personnel indéniable. Une un accent vingtaine de ces lettres (la première est du 15mars 1798, la dernière de subsistent aux Archives de Vienne (2) ; mars 1799) elles tirent leur intérêt des sujets très variés qu'elles traitent à bâtons rompus, de leur date et aussi de la personne de leur au- teur. Celui-ci se met en scène tiplie les détails sur son passé, relations, mais se cache sous le chaque à ses (1) Note à Thugut, 20 août 1798 (A. V.). Elles commencent juste quand finit la Correspondance de M. A. Michel la dernière lettre de celle-ci publii'e par 26 février 1798. : mul- occupations ou ses nom évidemment (2) du Pan instant, sup- Mallet est du A VIENNE. THUGUT. VANNELET 201 (1798-1800) posé de Vannelet. Oublions un instant d'Antraigues, et allons chercher derrière lui, avec les révélations dont il aies mains pleines, son mystérieux et indiscret cor- respondant. Vannelet pour d'Antraigues peut-être un compa- sans aucun doute un triote, et mencé était carrière publique à sa ami. vieil 11 avait com- dans Montpellier, les bureaux de l'intendant de Saint-Priest. Pendant premiers temps de vement au fidèle la Révolution, roi, et gardait du Temple, sept jours avant demeuré était il avec un fierté billet daté où Louis le 21 janvier, les acti- XVI l'appelait le meilleur de ses serviteurs. Depuis, resté royaliste de principes, mais détaché grés, s'insinua auprès il pendant part, nationaux trat des maîtres membre de un il ne homme la Convention. la intérêts privés du nouvelle république batave. Ce roi de lui fut pour entrer au ministère des relations extérieu- titre res, 011 la paix de Bâle, on l'envoya en mission secrète la Prusse dans un prit magis- de Bonnier, l'ancien et fut secrétaire Berlin afin d'y régler les à du jour, Terreur, à l'administration des biens de Montpellier devenu Après de la des princes émi- fit que passer. Sous de finances, il était le Directoire, devenu un des administrateurs Caisse des comptes courants. Au milieu des ruines politiques et particulières, avait eu l'art de devenir riche évaluait sa fortune à affaires, seurs, il et puissant. deux millions confondu parmi savait joindre ; il Lui-même placé au centre des les agioteurs et les au talent de tout savoir fourniscelui de CHAPITRE CINQUIEME 202 n'être jamais soupçonné. C'était hommes qui les un de ces « pardonnent beaucoup jaloux les plus partis évidemment précieux en administration, à intelligents et parce qu'ils leur sont nécessaires, et qu'eux-mêmes savent avec adresse se renfermer dans la leurs laborieux services (1). » Il sphère de aimait à remuer plus qu'àparaître, à insinuer ses idées plus qu'à les traduire en actes, et les profits solides ment que les Ses moyens Il avait dehors de bien autre- du pouvoir. la réputation et d'information ne laissaient rien àdésirer bien si le tentaient l'oreille du Directoire qu'il aspirait, le cas échéant, à la succession du secrétaire-général La- garde. Il connaissait de longue date Treilhard ; Reu- bell aimait à causer avec lui des affaires de la Trésorerie, et tait Merlin sans succès se disait son ami. Il fréquen- Talleyrand, alors ministre des relations extérieures, sauf à accuser la vénalité du personnage, et do ses neveux une était chargé de l'Allemagne, partie de il la comme un correspondance avec prenait facilement naissance des instructions envoyées à nos agents, besoin des articles secrets vait de des traités. Sieyès conet au lui écri- Guillemardet de Madrid, Bonnier du Berlin, congrès deRastadt. Sandoz, ministre de Prusse à Paris, était de sa société. Mm^ Helvétius et A Auteuil, où de l'ex-comtesse il habitait à de Boufflers, Au versant avec (1) le ministère de la guerre, il ministre Schérer, avec Mallet du Pan, Mémoires et il Dombrowski rencontrait avec les réfugiés polonais Kosciuzko. côté de correspondance, se se et montre con- Kilmaine, qui t. II, p.M3, A VIENNE. THUGUT. VANNELET lui a montré une à la marine, Un de ville. il (1798-1800) 203 Dumouriez, avec Bonaparte; lettre de connaît Pléville-Le Peley et Boug-ain ses anciens employés, Piquenard, est com- missaire du Directoire près du bureau central de police à Paris pour Vannelet paraît donc armé de toutes pièces . traliir avec succès sa patrie et renseigner au mieux son ami. homme Cet si habile à masquer son jeu faisait partie d'un groupe de mécontents en conspiration permanente contre gouvernement le en relations également per- et manentes'avecl'étranger, notamment àBerlin etàNaples. avaient des complices dans les administrations et Ils les états-majors, et leurs rapports avec Londres sem- blent bien continuer ceux dont l'agence Brotier, Gamon comme « lement il figure le avait été dans la Gamon, au temps de déjà l'intermédiaire correspondance de Vannelet plus grand génie » France entière, étudiant il ment Ces (1) « parcourt il l'esprit public et les le chances gouvernement; en atten- organise la révolte passive, et accueille secrète- les émissaires anglais bourg seu- loge chez Vannelet, mais avec son assenti- d'une insurrection contre dant Non de l'époque. ment, au lendemain des élections de l'an VI, la (1). venus en France par Ham- (2). hommes ne travaillaient pas pour Louis Je fais savoir tout cela à Grenville Gamon, » (27 novembre XVIII ; 1798). correspondu avec d'Antraigues à une époque postérieure. On lit dans une lettre de M™« d'Antraigues mère à son fils du 5 février 1801 « Le fils (Gamon), dans la douleur et les remords dont il vous rend le dépositaire... » (2) ce semble, a encore : CHAPITRE CINQUIÈME 204 paraissent ignorer l'existence de cette Agence de ils Souabe, dont Royer-Collard représentant. nombreux Vannelet se était à Paris le principal vante rendu de d'avoir services aux émigrés, mais il souvient se aussi d'avoir prédit à d'Antraigues en 1790 l'ingratitude probable des princes dresse et de ; il fourberie, accuse Louis XYIII de mala- que personne en affirme et France ne pense plus aux Bourbons. plans de Sieyès contre le Directoire, connaît les Il et appelle leur auteur un dangereux ennemi du gouvernement; pour lui, soubaite un béros libérateur, un monarque tenant il son autorité d'une constitution, tionale consacrerait le génie et dont volonté na- la « Il est et la gloire. im- possible, écrit d'Antraigues à Tbugut, d'avoir plus d'esprit et de talent que celui qui m'écrit, mais des préventions, des préjugés, et voir ce qu'il désire En il peut avoir comme certitude (1). » attendant de meilleurs jours, Vannelet était uni à son correspondant de Vienne par de communs souvenirs et de communes voyait toujours en de Saint-Priest. Il haines. L'ayant connu enfant, lui le « Benjamin » continuait à fréquenter leurs amis et compatriotes, Bernardin de Saint-Pierre et Boulard il de l'intendant comme Gamon. Il l'avait le lui-même général servi de son mieux auprès du Directoire pendant sa captivité; il veillait de loin sur sa mère rentrée à Montpellier, et s'occupait du règlement de ses intérêts privés avec sa sœur (1) et sa famille maternelle. Lettre du 20 juin 1798 (A. V.). Un parent de d'Antrai- A VIENNE. THUGUT. VANNELET (1798-1800) 20o gues, le Vaudois Mfcheli de Dullit, était l'intermédiaire de leur correspondance. Les principales communications de Vannelet portent sur les finances et la diplomatie. les membres du dont les il trace Directoire, un long observait de près principalement Treilhard, et malveillant portrait (1). Il nuances de leurs caractères leurs volontés. Il divergences de et les Voyez par exemple ce note qu'il raconte de leurs débats, après le rejet par les Conseils de l'impôt sur le sel : <t Le feu a été au Directoire jamais ce qui s'y est passé Mais j'y étais, je l'ai coups de pied La et vu et la nuit on ne croira ; du 7 au 8 de ce mois. entendu; il y a eu menaces, de poing donnés à Merlin par le bossu Réveillère, et enfin six heures de débats de croclie- teurs(2). » Puis le témoin implacable passe delà salle du conseil dans l'antichambre valet à tout faire et y rencontre quelque comme Lenoir-Laroche ; il crayonne en passant cet ex-ministre de la police, scribe louche et venimeux rédigeant une diatribe contre les papes, cor- respondant à Londres avec naire (3). pire, dans La (1) Lenoir-Laroche devait la finir Cf. chambre des pairs de Louis XVIII. Mallet du Pan, qui appelle Treilhard « l'un des douze scélérats avec la cour de Vienne, t. Lettre (3) Ici comte de l'Em- question des finances, au lendemain de tant de plus prononcés qu'ait faitéclore la Révolution (2) d'un ministre, Milan avec un agent de la propagande révolution- et à les le secrétaire du 5 mars aussi dance avec la Il, ». {Correspondance p. 288.) 1799. y a lieu de comparer avec Mallet du Pan. (Correspoîicour de Vienne, t. II, p. 306.) il CHAPITRE CINQUIEME 206 confiscations, au milieu de la succession des banque- routes et du déluge des assignats, était pour le Directoire une question de vie ou de mort. Vannelet voyait Ramel; conférant souvent avec à l'œuvre le ministre lui, il pouvait fournir sur les opérations quotidiennes de la Trésorerie les renseignements les plus précis. contributions directes partout de savait les mois en arrière, dix-huit ne laissant rien arriver aux les villes départements, ni les Il départements à Depuis Paris. quatre ans n'avait-il pas dû payer quatre fois la facture totale de la réparation des Dauphiné sorerie. ? « Il chemins en Provence jamais rendu de comptes. ont jamais rendu... la totalité d'un Il Il la mieux en règle n'a y en a qui depuis 1794 n'en y avait le 11 brumaire an vention l'impôt direct n'a jamais produit sissant, et .(1). donc que que le dit la le quart de sa » guerre pourvût à ce déficit gros- gouvernement vécût des contributions arrachées aux pays finances, VI an de revenu en arriéré. Depuis la Con- valeur nominale.. Il fallait en y a 232 caisses dépendantes de la Tré- y a six mois que Il et conquis ou à conquérir. encore Vannelet, vivent des de la Hollande, qui est elle-même ruinée. ce que la Suisse envahie a fourni, et il « Nos ossements » Il sait tout a reçu, durant l'automne de 1798, une mission dans ce pays pour hâter la rentrée des taxes de guerre, et mettre un peu d'or- dre dans l'administration. l'esprit public, et, (1) Lettres des 21 Il s'est contenté d'étudier en repassant en Alsace, décembre 171)8 etb mars 1799. il a levé A VIENNE. THUGUT. VANNELET beaucoup de séquestres pu alléger et (1798-1800) 207 ainsi la misère des honnêtes gens. Dans les états de finances dressés pour l'an VII a lu les recettes escomptées sur les invasions il prochaines, sommes et à contre-cœur de sa caisse les tire il destinées à la propagande révolutionnaire. a dû fournir une partie des fonds pour la descente quée en Angleterre il et rieures « : Assurez s'est avisé de rejeter cette à d'Antraigues, que je (1). » courait alors au-devant delà coalition eu- ropéenne. LeDirectoire étant il Pitt, écrit-il ne donnerai pas 24 sols bell, et .400 louis aux émissaires fonds du ministère dos relations exté- les La France 1 sur l'injonction d'expédier deux millions et, de numéraire en Irlande, dépense sur était entraîné par Barras et Reu- Merlin, secondé timidement par seul franchement pour guerre générale La un système Réveillère, pacifique, la proche. Vannelet, la voyant venir» était prudemment de s'occupait man- pour l'expédition d'Égypte_, mais a esquivé l'ordre d'envoyer en Toscane, Il placer 1.500.000 francs, la sa fortune, en Angleterre plus grande partie de et en Amérique. Sieyès était parti récemment pour Berlin, avec la volonté de travailler au maintien de la paix. Vannelet avait surpris ses instructions et les avait fait passer ministres de Frédéric-Guillaume tion explique à Vannelet vieille (1) Lettre du du moins aux l'inten- un certain point l'abus de confiance, car était partisan mode ; ici de l'alliance prussienne, à la française. Sieyès 18 avril 1798. le tenait régulièrement CHAPITRE CINQUIÈME 208 au courant des et en vue de cette alliance, efforts tentés expliquaitàson tour à d'Antraigues il comment Sieyès avait àgrand'peine assuré vis-à-vis do la France tralité provisoire et mément aux peu sincère. 11 une neu- ne croyait pas, confor- conjectures hasardées de l'ambassadeur, aune révolution imminente en Prusse; il comptait plus sur le million de pensions secrètes réparti depuis deux ans, à l'en croire, entre divers chefs de l'armée prus- sienne, et prédiction il ajoutait au sujet de Frédéric-Guillaume qui, transportée d'une admirable justesse : « une sur ses successeurs, est Cet homme nous fera plus de mal en temps et lieu qu'aucun de nos ennemis (1). » C'était particulièrement sur l'Italie, alors le principal champ do bataille de la Révolution et de l'ancien régi- me, que Vannelet apportait des informations précieuses. Parfois il annonçait certaines nouvelles qui, vraies lors- qu'il les surprenait, se trouvaient fausses quelques jours après, par l'effet des circonstances. Ainsi, selon lui, jour l'invasion de la Toscane avait été décidée; il un avait tenu et lul'ordre d'arrêter le grand-duc puis l'affaire avait ; été remiseet en définitive abandonnée. Merlin avaient résolu de reléguer le préférait l'envoyer en Corse. Ce n'étaient là que des pro- Vannelet les recueillait en passant, mais rait aussi des par exemple des Reubell pape à Malte; Bonaparte jets; faits et accomplis, il s'empa- des secrets véritables, aveux du général l'impopularité du régime républicain à Berthier sur Rome, ou des preuves de la complicité d'Azara, l'ambassadeur espa(1) Lettre du 29 novembre 1798. A VIENNE. THUGUT. VANNELET du gouvernement papal. D'autres gnol, dans fois prévoyait juste; car le il la chule 209 (1798-1800) révèle dès le21 avril 1798 il renversement projeté du royaume de Sardaip^ne, qui s'accomplit en décembre. Comme correspondant des Bourbons de NapIes,d'An- traigues était instruit à souhait par un écrivait Soit par moi, « : ce qui peut servir cette gé (1).» Il soit homme qui lui par mes agents, rien de famille désolée ne sera négli- recevait copie des lettres que Garât, l'envoyé français près de la cour des Deux-Siciles, adressait à Lacombe Paris, et les instructions en oriçinal remises à Saint-Michel, successeur de Garât. Vannelet lui désignait les agents de la propagande républicaine dans le royaume, l'évoque de Tarente, naguère en correspondance avec Bonaparte, Marchi qui de Milan. Il dénonçait Bionval d'agiter la Sicile; l'écriture de il sir cet et communiquait Gaudran, propre à Gaudran, chargés même une page de faire retrouver sa trace, recommandait expressément, et travaillait à distance, si on parvenait à émissaire, de le mettre à la question et de dre sans miséricorde. Quelques jours après le sai- pen- rendait il compte de leurs rapports, qui concluaient àl'impossibilité d'un soulèvement. Enfin, lorsque trois commissaires, Abrial, Senovert etLliomond, furent envoyés]pour arrêter les malversations faire sis il eut soin remarquer que deux d'entre eux avaient sur sa recommandation leurs (1) des états-majors, faiblesses, ainsi Lettre du que ; il spécifia leurs de été choi- travers, la conduite à tenir à leur 21 janvier 1799. 14 CHAPITRE CINQUIÈME 210 égard, si l'on voulait rendre action leur insensible. Cet espion de haute volée a l'œil ouvert sur toute la Une Méditerranée. expédition révolutionnaire contre la Corse se prépare, sous les ordres de Lapoype, afin de saisir et d'expulser les chefs de famille suspects d'in- telligence avec les Anglais. Vannelet a réussi à se pro- curer la liste de ces individus, et il la passer fait à Vienne. Malte a été surprise par Bonaparte allant en Egypte, mais depuis quinze mois cette conquête sur le tapis ; Vannelet a fait l'avance le grand-maître, et taires de l'ordre prévenir sept semaines à il peut puisse d'Egypte comment raconte les digni- Il s'étonne que Bona- communiquer avec est arrivée à Paris la la France, nouvelle du dé- d'Aboukir, indique à quelle date, par où, par sastre quels nommer qui ont préparé par leur trahison la chute de l'imprenable citadelle. parte était moyens le Directoire a reçu des nouvelles d'E- gypte, et ne comprend pas que les Anglais n'interceptent pas mieux la roule. Il envoyés à Passwan-Oglou, qui, si on l'arrêtait, personnage avec la signale les officiers français et indique certain Porte. Sur l'Autriche même, d'Antraigues souhait. Il était instruit à pouvait, entre autres choses, apprendre à Thugut qu'un simple les drogman révélerait les intelligences de ce secrétaire, Godin, rédigeait toutes dépêches de l'ambassadeur français Bernadotte qu'un vieil ami à lui, ; Faujas de Saint-Fond, voyageant alors en Allemagne, faisait métier d'espion sous prétexte d'études géologiques; que le publiciste strasbourgeois A VIENNE. THUGUT. VANNELET Koch abusait de son intimité avec Cobenzl prendre les secrets de la politique 211 (1798-1800) pour autrichienne. surIl re- cevait la note des frais de la propagande française dans l'état noms des l'état vénitien, des chiffres qui révélaient et de nos armées en Italie et de nos forces navales dans la Méditerranée, un rapport de d'Arçon sur Mantoue et les places fortes de la Cisalpine, et jusqu'à un canevas de manifeste pour Au milieu de la coalition. de personnages faits et traigues a sa place. Vannelet lents et son caractère. Il le divers, d'An- si respecte à la fois ses ta- considère comme une sance, et l'exhorte à se retirer en Prusse, où reçu avec les égards qu'il mérite, où ne pas l'accueillerait « comme on le il puisserait gouvernement achète un cheval qu'on paie pour ses années de jeunesse, à la charge de dès qu'il est épuisé le jeter à la voirie ménager influent à Berlin pour rable asile. En attendant, il le » . là à son Il se juge assez ami un hono- conjure de ne pas aller en Angleterre, sous peine do compromettre ses parents restés en France. Il l'exhorte à écarter de lui et à mé- priser les émigrés, race d'indiscrets et de calomniateurs dont les lettres sont lues à Paris et font la risée Il lui offre les moyens de de tous. se venger de ses adversaires, entre autres du bailli de Crussol. Enfin il se réjouit de lui voir reprendre son histoire de la Révolution, dont miers chapitres: Tacite... » Il beaucoup de « tient il a reçu en communication les pre- C'est écrit comme J.-J. Rousseau et du moins à rectifier et à compléter détails, et promet de faire passer à d'An- CHAPITRE CINQUIEME 212 traigucs, par la voie de l'Angleterre, folio deux volumes in- de matériaux; un résumé de l'histoire des finances depuis le renvoi de Cambon; un mémoire sur le duc récemment présenté par Laclos à Reubell, d'Orléans des lettres originales soustraites àLouisXYIII et qu'il peut soustraire à son tour au milieu du désordre des archives. « La préface, ajoute-t-il, est quents morceaux que écrit qui inspire tant d'une beauté d'œuvre, le il j'aie vus de d'amour pour parfaite. » un des plus ma vie. On élo- n'a rien Cela est la royauté. Quant à l'auteur de ce chef- pourra se consoler de la disgrâce royale souvenir de l'amitié deMalesherbes et avec de la confiance de Charette. Cette correspondance, interrompue par la guerre générale, finit pour nous auprintempsde 1799. Yannelet n'apparaît plus dans les papiers de d'Antraigues, sous nom qu'il s'était donné, qu'une jseule fois en comme homme d'affaires de M'"® de Talleyrand. le 1804, II A VIENNE. — Une en Autriche, d'Antraigues établi, fois RAZOUMOYSKY. CHAMP AGNY (1800-1802) un peu à contre-cœur, à Gratz, s'était afin de d'abord ne porter ombrage àpersonne, mais se plaignant, suivant son tude, de son isolement et de ses tristes entours. habi- Chaque A VIENNE. RAZOUMOVSKY. CHAMPAGNY mois (1800-1802) venait à Vienne, aux abords de la chancellerie il autrichienne et de l'ambassade russe, à velles à saisir l'affût femme, il que de nom, tait et au la santé de sa Vienne. s'installa définitivement à moment. Razoumovsky n'était ce de nou- ou de services à rendre. Enfin, au prin- temps de 1799, en donnant pour prétexte A 213 plus ambassadeur lieu de desservir les autres, pressen- sa propre disgrâce. Kalytchev, envoyé en Autriche sous prétexte d'affaires militaires, y fut ensuite revêtu de la qualité de ministre pour les affaires de Malte (Paul double déclaré grand-maître de l'ordre). s'était P'" titre, il place à la fin On fut travailler d'Antraigues sous ses fit avaitexigé qu'il n'eût aucune correspondance avec Louis XVIII, directe ni indirecte facile à cet égard de tenir sa parole gaillard rappelé et lui céda de l'année. Tout différent de son pré- décesseur, Kalytchev ordres. ce eut bientôt accaparé l'action et l'influence au détriment de Razoumovsky, qui la A l'avait rejoint, (1). et il lui était Marrenx-Mont- et continuait à lui servir de secrétaire. En 1799, d'Antraigues fournit à la chancellerie russe plusieurs mémoires, tantôt sur les affaires de Tordre de Malte, tantôt sur l'accession dos Suisses cà la coalition, et rédigea des bulletins réguliers sur la cour de Vienne (2). Ce que contenaient ces de- bulletins, il viner; c'étaient d'ordinaire de ces dans toutes les est facile de le nouvelles qui sont bouches, ou que leurs auteurs sont seuls (1) D'Antraigues à Czarloryski, 16 novembre 1804, (2) V. la Bibliographie, II, 5, et III, 13, 14. CHAPITRE CINQUIÈME 214 à conimitre, des propos soi-disant et émanés do Thiigut, dont Kourakine seul acceptait sans critique la pro- venance. L'auteur do négociateur chercha à se poser en ces chroniques: officiel, au moment oii la brouille momen- tanée entre laRussie etl'Autriche aciiovaitde dissoudre la coalition. Un dans salut de pavillon oublié la rade d'Ancône avait été pour l'empereur Paul un prétexte de donner carrière à sa colère contre son Kalytchev et derrière lui allié de Vienne. d'Antraigues se trouvèrent à En présence de portée d'en communiquer ce dernier, Thugut estima piquantde faire retomber sur lui la l'expression. mauvaise humeur suscitée de part et d'autre par comme un in- cette désagréable affaire. A une première entrevue, il le traita dividu sans conséquence et sans mandat. D'Antraigues lui le à ayant communiqué les éclaircissements réclamés par cabinet de Vienne sousla forme d'une lettre adressée lui-môme par Kalytchev pliqua le ministre, de : « C'est lui qui est une confidence, ré- votre chef à vous qu* êtes sous ses ordres; je no vois en cela rien d'officiel. » Son interlocuteur eut beau vouloir entrer dans de la question, insinuer que paration à Paul P% fond l'Autriche devait une ré- insister sur le caractère spécial de cette affaire qui exigeait en tout cas son le des formes à part et excusait intervention spontanée, Thugut ne voulut pas laisser à cet officieux la satisfaction d'avoir contribué à l'apaisement du différend. pas se déclarer instruit de ce qu'il Il falhiit persista à ne pour un rap- A VIENNE. RAZOUMOVSKY. GHAMPAGNY (1 800-1 S02) 2i5 prochement,etd'Antraigues dépité dutprendre congé Quelques semaines plus tard, on sous même le même prétexte à la chancellerie, essayé de faire entendre cabinet autrichien. le et offrit prendre à s'agissait 11 et il aurait des vérités très dures. Thugut changea alors de procédés bages à son interlocuteur de (1). reparaître le vit sans am- du la solde pour d'Antraigues de conformer dans sa correspondance aux vues de se cour de Vienne, tout en La de la Russie. service tâche, lui disait-on, redevenir. point de le n'avait deux empires étant les ou sur le ostensiblement au restant rien que d'honorable, On alliés lui ofïrait (et ici l'homme habile à se florins et des terres en Hongrie. D'Antraigues valoir reparaît) faire la 500.000 fit l'in- digné, repoussa de très haut, à l'en croire, une mission qu'il devait cependant accepter au prix d'une pension deux ans plus tard lui et ; et maigre ce fut dès lors entre Thugut une rupture complète (2). Il ne cessa de le décrier, le traitant devant qui voulait l'entendre de de Séjan et de fléau de l'Europe. Au printemps furent (1) 1800 les relations rompues entre brouille, agents de la sinon guerre. officiels diplomatiques Russie et l'Autriche. 11 y eut Pendant plusieurs mois, les partis, d'Antraigues resta A. F., France, vol. 6.34, ff. par ordre à 228-230. — D'Antraigues àCzartoryski, 1" janvier 1803 (A. P.). On a vu déjà, par plus d'un exemple, combien il aimait à raconter les tentations, vraies ou fausses, offertes à sa vénalité. En 1806, il écrit encore à un personnage politique anglais « En 1799 et en 1801 on m'a offert 400.000 livres..., pour consentir à légaliser la vente (de mes biens) aux pro(2) : priétaires actuels... » (B. M., Add. mss. 31230, f. 162.) ClIAliTlU': 216 Vienne. On même lui enjoignit longtemps possible Cl.MjriKMK de s'y maintenir le plus (1). Au commencement de 1801, il un préparait d'un intérêt à la fois actuel et rétrospectif, qui été spécialement commandé parPaul^^ un connaître, par faire récit suivi, travail lui avait Il s'agissait de les vicissitudes des relations entre les deux empires pendant l'année 1799 (2). Toutes voyées à cet les pièces effet, et il nécessaires lui avaient été en- poursuivit sa tàclie avec tant plus d'ardeur qu'il y trouvait matière à quisitoire contre Il écrivit un d'auvif ré- Razoumovsky, son ennemi personnel. donc tout un volume et le fit passer, en atten- dant une autorisation d'imprimer, à Londres avec une partie de ses papiers ; il tenait à ne pas par quelque soustraction possible de désarmé être de ses la part nom- breux adversaires. C'étaient sans doute des travaux de ce genre qui faisaient dire à Rostoptchine personne n'a servi l'empereur Paul comme lui. Et cependant, quelques jours avant sa mort, 1801, vrier ceux l'empereur qu'il frappait alors Jamais « : le » 28 fé- comprit d'Antraigues parmi de sa disgrâce. paiement de sa pension, sauf à lui Il faire suspendit le passer quinze cents ducats destinés à l'indemniser des frais de ses Rostoptchine à'd'Anfraigues, 19 juillet 1800. D'Antraigues, adressant son apolola Biàlioi/vaphie, 111, 13. gie à Roumianzov le 14 juillet 1809, cite ce passage d'une lettre qui lui aurait étéadressée par l'empereur Paul le 21 novembre 1800 « Il est impossible d'être plus instruit que vous l'êtes et de mettre plus de talent et de zèle à servir son souverain. Continuez. Laissez-moi le soin de {'.) — (2^V. : ' votre avenir, car je me plais à écar ter les soucis et les peines de ceux qui à de grands talents réunissent et à ma personne. » un pareil dévouement à mes États A VIENNE. RAZOUMOVSKY. CHAMPAGNY 217 (1800-1802) services antérieurs. Ce congé inattendu parvint à d'An- traigues avec la nouvelle de l'assassinat de Paul. Lui avec ce savoir-faire peu scrupuleux qui aussitôt, le ca- somme dans une l'empereur défunt, comme ractérisait, d'accuser réception de cette lettre antidatée et adressée à s'ileùttrouvé làun encouragement, etd'ajouter, un mensonge aussi énorme que était vrir, — ferts pour qu'il refusait la ment. ajoutait avec of- cette correspondance. continuation de Il au nouvel empereur une haute importance En racontant décou- difficile à 300.000 roubles spontanément comptait donner ainsi idée de son — ce qui de son désintéresse- et aussi plus tard cette mystification, une impertinente désinvolture : « il C'est ainsi qu'il faut savoir captiver l'attention et l'intérêt des souverains pour les mieux servir Je doute qu'Alexandre (1). ait été la due générosité; en tout cas, il » dupe de rétablit sa pension, et quelques mois plus tard (27 août 1801) la porta à 600 ducats. Le loin, (2). la doubla vice-chancelier était Panine, qui paraît avoir été toujours sous l'émigré français cette préten- Kourakine le et alors charme de le protégeait aussi de en attendant Czartoryski. Brouillé avec Thugut, en hostilité d'Antraigues avecRazoumovsky, demeurait néanmoins une sorte de per- sonnage politique européen. Du côté de Naples, fiance, la la con- reconnaissance restaient entières. Marie-Ca- roline sollicita de nouveau ses conseils, au (1) Fauche-Bûrel, Méinoh-es, (2) Ordre du 1" avril 1801, contresigné Panine (A. P.). t. III, pp. 198-200. moment CHAPITRE CINQUIÈME 218 dont d'entror clans cette nouvelle coalition première victime être la : ne m'avez jamais vait-elle, dit la vérité. » elle devait Vous, etvous seul, « flattée, et lui écri- m'avez toujours Réfugiée à Palerme en^ 1799, elle ne put continuer une correspondance dont elle faisait grand mais cas, elle manifesta sa gratitude à l'auteur par la collation en expectative d'une commanderie de l'ordre constantinien en Sicile, et provisoirement par une pension équivalente au revenu de cette elle commanderie ; et l'employa directement, quand elle fut elle-même arrivée à Vienne (août 1800). Elle était venue avec l'espoir d'associer plus étroite- ment les intérêts de son mari à ceux de l'empereur son gendre. Son ancien correspondant devint alors un de ses négociateurs officieux, berty ma « et elle chère comtesse » appela la Saint-Hu- avec autant d'abandon qu'elle avait traité d'amie lady Hamilton. D'Antraigues manœuvra de son mieux pour la membres du conseil impérial. Quand flatté servir auprès des les bruits entre Naples et la France vinrent jusqu'à lui, à la reine, comme il de paix fournit en 1796, des objections qui ne pré- valurent pas contre la frayeur d'Acton et de son maître. L'un reuse à et l'autre l'état napolitain la au roi Ferdinand, par ils le s'efforcèrent de rendre et, paix imposée par Bonaparte déçus là sentiment de leur défaite encore, aigris et irrités et n'eurent plus qu'à nourrir en Parmi les personnes que le bel-esprit avait moins oné- de leur impuissance, commun la politique leurs haines. ou simplement mis en rapports à Vienne avec d'An- A VIENNE. RAZOUMOVSKY. GHAMPAGNY 219 (1800-1802) traigues, on peut citer le prince de Ligne, lecoadjuteur Mayence de Dalberg- de Bavière (Giansante les , et Naples de ministres Wickemburg), et et surtout le ministre de Suède Armfelt. Armfelt fut pour lui, dans seconde période de sa vie d'émigré, ce qu'avait été la Las Casas dans la première. Peut-être l'avait-il Paris vingt ans auparavant; en tout cas, plaire par ses sentiments sa vie. Il y avait en lui comme de l'aventurier et d'État. Il avait exercé de hauts emplois condamné seul venait en entre France A tous, de l'homme à et de l'homme dans son pays, à mort pour crimes puis réintégré dans ses honneurs après sie. Il devait lui par la singularité do bonnes fortunes, autant que du diplomate y avait été il un politiques, exil en Rus- Allemagne représenter un prince n'avait vu à pas encore fléchi qui, devant la (i). côté de ce grand seigneur figure, parmi les nou- (1)M. Elof Tegner apubliécn 1884 àStockholm une biographie compléle le d' Armfelt. J'extrais de son livre (t. II, prince do Ligue envoya ù Arinfolt en que p. 397) cette lui luisant pièce de vers que cadeau d'uu cas- : mon casque, allez parer la belle tête de génie et d'état, Ministre sans tromper, général et soldat Les combats sont pour lui ses plus beaux jours de fùto. De Charles douze aimant la musique et l'éclat, A la cour, dans les camps, en faveur, en disgrâce, Il est toujours le même ami de son devoir. Il sait mettre sa gloire à cesser d'en avoir. L'honneur et la candeur reluisent sur sa face ; Chez Mars comme à Gythère il dut tout à l'audace. Il prit, quitta, reprit vingt femmes à la fois. En croyant les aimer toutes à la folie. L'histoire gravera sa bonté, ses exploits, Et l'amour écrira le roman de sa vie. Allez, De cet honuiie de cœur, ! : * CHAPITRE CINQUIÈME 2:20 connaissances de d'Antraigues, nn professeur, voiles un écrivain que l'ambition, le taient à la littérature et l'esprit Millier. cà goût des honneurs dispude société, Jean de Ce Suisse de Schaffouse, salué depuis par compatriotes du ses d'historien national, était attaché titre un peu ad honores à la chancellerie d'État, et allait devenir directeur de la bibliothèque impériale. Égale- ment familier avec la culture française ture germanique, ce commun saire et demeurant du xvhp avec la cul- siècle mit en avec l'ancien ami do Jean-Jacques et l'adver- de Bonaparte ses goûts littéraires et ses haines politiques. rendit de près Il lui nelet rendait de loin. Jean do Millier était par lesquels le correspondant de Paul ble des ministres lettres, il Dans autricliiens. se posait en que Van- les services Romain un des yeux I"" lisait sur la ta- ses propos et ses d'autrefois en face des faux Romains, tribuns ou consuls, de Paris, et il dissi- mulait tant bien que mal, à côté de vices rappelant par son plus mauvais côté l'ancienne Grèce, les instincts faméliques de l'Allemand. Entre eux. traigues s'estimaient de grands Millier et d'An- hommes méconnus, assujettis à des tàciies au-dessous de leur génie, et ils rendaient à leurs contemporains mépris pour mépris « Avec qui me moquer du second une fois perversité (1) ! séparé de siècle, lui, écrit le : premier au avec qui maudire tant do » En 1802, au moment où d'Antraignes succombait sous les coups réunis de Razoumovsky et de Thugut, (1) Jean de Mûllor ù d'Autraigues, 12 juillet ISOG (A. F.). A VIENNE. RAZOUMOVSKY. CHAMPAGNY son ancienne patrie venait à compagnons d'enfance, ses de la reconnaître. Il sous lui, et il (lSOO-1802) 221 d'un de la figure ne pouvait s'empôclier conquérait d'emblée, en raison de précieux souvenirs, la sympathie discrète, mais efficace, de l'ambassadeur français. Après la paix de Lunéville, un de ses collègues auxÉtats généraux, presque Champagny, compatriotes, vint représenter à un de ses Vienne le cabinet des Tuileries. Leur situation réciproque les con- damnait à ne se voir qu'en maison affirmer par des démonstrations tierce, et à ne point afTectueuses leur an- cienne liaison. Cependant l'abbé Maydieu, jadis leur précepteur à tous deux, habitait Vienne; il face l'un de l'autre, secrètement et à leur aise, D'Antraigues confia même, la nuit les paroles contresigner son récit par le un soir dans sa petite cliambre du faubourg de Léopold- d'avril, stadt. mit en les au papier sur place, dans échangées entre eux, le témoin de l'entretien. Le et fit vieux prêtre qui avait été nom et le passé des inter- locuteurs, l'expression de leurs sentiments personnels mêlée à celle de leurs antipathies politiques, la date intérêt et va lire a de leurs espérances : j'entrai dans la chambre à dix heures du Maydieu... vint au devant de moi tenant Cham- pagny par la sez-vous les ; main : Mes enfants, nous dit-il, embras- guerres politiques n'ont pu éteindre les souvenirs de votre amitié fance. et de leur entretien donnent un une couleur caractéristiques au dialogue qu'on Dès que soir... même et des jours heureux de l'en- Nous nous embrassâmes de bon cœur. Cliampa- CHAPITRE CINQUIÈME 222 gny me dit Mon : cher comte, avant tout parlons de vous, cela m'intéresse toujours plus que vielle « Je m'écouta avec me donna d'y racheter mes me écus pour vingt ans. Je mon plus tendre intérêt de m'y revoir le désir racquérir un million, ma et refus, ma ma reconnaissance, les mo- résolution de ne jamais rentrer roi mes motifs avait ces qu'il et disposition sans intérêts pendant exprimai lui en France sans un obéir, et le une en- terres; qu'il ne faudrait que cent mille cent mille écus à de position avec des nouvelles du Vivarais... et m'exprima avec beaucoup de délicatesse tifs ma exposai le détail de lui tière franchise. Il et de la sort le Europe. auquel je puisse honorablement particuliers de haine contre Bona- parte. Alors il me dit :... H y a de sa part une liaine per- sonnelle, qui, avec son caractère ambitieux et hautain, ne vous laisse pour l'avenir aucune sûreté. Il coup parlé de vous à différentes reprises, m'a beau- et vous oc- cupez deux pages dans mes instructions, mais j'espère que vous ne vous en êtes pas aperçu, apercevrez jamais. Alors je fiai et même un « les exposai tout, et pièces en lui disant scélérat. Alors Bonaparte lui est il me un tyran dit ; il 11 il C'est : a un caractère très décidé, et Europe con- un monstre a des manières insuppor; son ambition n'est veut être roi de France, qualités avec la vieille lui : tables pour tout ce qui l'entoure pas satisfaite; ne vous en ni il ose et ses ; et il le sera... voilà de grandes pauvres rois. Bo- A VIENNE. RAZOUMOVSKY. CHAMPAGNY imparte a rendu de grands services nappréciables... démence la Il et en rendra il d'i- assouplira cette nation qui est en et toujours prête à devenir atroce... en faisant guerre au dehors avec des armées, dedans avec des juges sera dans cent ans guerre au et la des cachots. Sans cela tout et malgré tout ce Bonaparte, est perdu... 223 (1800-1802) reconnu pour le va qu'il faire, sauveur de la France... D'antraigues. pour Mais France la Champagny, — Oui, pas avilissement abso- ce n'est besoin un peu, c'est lassitude; médecin, assez vile est-elle un Corse? souffrir lu, c'est — elle appelle le peut opérer à son gré à présent. il — Mais D'Antraigles. Bonaparte fondera donc une monarchie? — Oui, CuAiiPAGNY. fondera une monarchie, mais il pas pour sa famille, cela est impossible... ; le danger monte passé et l'ordre rétabli, ce sera tout au plus s'il sur le trône pendant supposant assez courte. Il est nécessaire, l'ordre sa vie, et il n'a rien de ce qu'il nous faut sera rétabli, mais successeur cela en la a ce qu'il faut pour l'opération qui nous il aura rendu facile, et c'est alors le quand règne à son qu'on songera à l'ave- nir... D'Antraigues. — Mais il se mariera ou bien il appel- lera ses frères à lui succéder? Champagny. moins qu'il — Oh! ils ne ne périsse durant son règne... Le parti qui le lui les succéderont pas, à premières années de porte là est bien décidé à CIIAI'ITRr: 224 ne faire en CIXQL'IKME couronnant qu'une monarchie absolue; le mon car toutes nos idées, cher comte, sont des rêves, nous n'avons pas connu en Yivarais Romains de et les une monarchie absolue, jour... sous Français vous ne connaissiez que avec tout votre talent, Grecs les l'histoire. et vous et Cela est fini, il ; les faut moi nous vivrons un un monarque absolu, mais non pas cepen- dant sans laisser des moyens à nos enfants de lui faire sentir la nécessité d'être juste. D'Antraigl'es. d'en réprimer — Oli monarchie absolue ! l'abus, c'est et moyens un chemin pire que ceux ont abusés en Aviverais. qui nous — Oh Champagny. ! non..., sera possible de pré- il venir les grands excès par des assemblées provinciales et départementales, c'est-à-dire ments reformeront semblées que plusieurs départe- anciennes provinces. Ces as- les administratives enverront des députés pour former l'assemblée nationale en noblesse et le l'autre. Cette dans une, clergé deux chambres, les la communes dans assemblée, de 200 personnes au plus dans chaque chambre, sera un frein suffisant aux plus grands abus... Cet avis est celui de conservateur, qui doit subsister diaire..., car pour les la majorité comme Sénat parlements on n'en veut plus, j'en suis fâché, car je suis parlementaire. D'Antraigues. du corps intermé- — Mais et .. quand vous en serez venus là après la mort de Bonaparte, où prendrez-vous un roi? Champagny. cile — à trouver... Cela n'est ordinairement pas Il faut que la charte si diffi- qui le fera roi A VIENNE. RAZOUMOVSKY. GII4MPAGNY 225 (1800-1802) soit assez puissante pour que nous soyons bien avec un roi de médiocre faut avant tout qu'il y ait un homme talent... Il de fer pour aplanir les difflcultés, et plusieurs trouvent que Bonaparte est cet homme-là. D'Antraigues. devenu que inutile, — Eh ou mort, ou assassiné — Oh Champagny. homme faux ! et n'en parlerai jamais quel caractère connaissez-vous lâche ? eh bien ; Je vous déclare que je sans passion..., mais n'importe, vous l'avez vu, vous l'avez traité ensuite Croyez-vous ! Louis XVIII?... l'on puisse revenir à à cet supposons Bonaparte bien!... ! servi, quel est il le vous a trahi, mal- caractère de ce mi- sérable? Quant à moi, je suis l'ami de Favras ainsi que Canclaux. celle de La conduite de Louis XVIII Canclaux mais je conviens que faut, tout cela s'il D'Antraigues. et mot pour ce la mienne, avait le caractère qu'il nous — Il clair, ? n'a pas de caractère, qui n'existe pas. Mais il France... S'il et on ne a des qualités me des défauts, et les uns et les autres convenir à la ne serait pas une raison. Parlez quel est son caractère dit a pour jamais fixé il ; décidé de a paraissent cinquante ans, vous vit pouvez avoir une paix de cinquante ans; il faudrait le forcer à la guerre pour la lui faire entreprendre. égoïsme profond, raisonné et fortifié vous garantit de toute vengeance. nera, cela n'est qu'un mot sans bliera tout, c'est là la garantie... sera oublié, maltraité, et Son par l'habitude, Il dit qu'il pardon- garantie, mais Tout ce qui il ou- l'a suivi tout ce qu'il craindra sera 15 CHAPITRE CINQUIEME 226 ménage, caressé, élevé, dre ; donc vous serez tout rien... Le seul courage parce donner lui moyen de le flatter sera d'exalter en manque, qu'il un les conseils les plus mais favori, royalistes émigrés les et plausibles pour s'y abandonner. livré à vous qui serez à crain- et c'est il même en et son temps de timides et des raisons Il est faible, et toujours n'aime personne, et ce favori pas plus qu'un autre; or ceux qu'il ramènera en France, il les la Il comblera si on le laisse faire, mais il les (détruira) à moindre menace. Or qui peut menacer n'a ni n'aura d'enfants, vous... ? C'est vous en obtiendrez aussi toutes les concessions que vous voudrez. Tout ce qu'il désirera de vous, c'est un beau palais, une grande table, un luxe extérieur... — Champagxy. ne vaudrait pas la peine de 11 une monarchie par une France appelle son le place et non roi et qu'il se telle chute... non vienne à qu'il replace. J'ai vu la elle, qu'elle y a quinze il même mois une quantité de sénateurs, de généraux, des ministres prévoir cet événement, finir faut que Il et plutôt décidés à ciioisir un Bourbon qu'un autre, mais je n'ai vu ba- lancer qu'entre deux personnes, le duc d'Enghien et le duc d'Orléans... Le père du duc d'Orléans nous a trop de mal... Si ceux qui l'ont condamné n'existent dans la plupart plus, la faction qui l'a fait périr existe de ses chefs famille, ; on le préférerait à tous les autres de sa mais on préfère Enghien à lui. On pressenti à ce sujet; Barthélémy a eu des le faire tàter... fait Nous ne pouvons être si l'a mènie moyens de pressés que A VIENiNE. UAZOUMOVSKY. CllAMl'AGNY lui, car Bonaparte est loin fait placer, et lui n'aime pas Louis XVIII. ne rentrerai en France le servirai, ni règne; mais pour le repos de l'Europe je désire où que je tour du principe... Et puis, toujours la France, ne plus y vivre. l'a et bonheur son .. Ja- s'il y le re- sois, j'aimerai me consolera de . — Mais Champagny. qui fini l'objet seul peut en finir... — Je D'Antraigues. mais je ne d'avoir 227 (1800-1802) qu'on ne réfléchissez pas lait une révolution pour obéir aux vaincus, on ne prend pas leurs propriétés pour les leur rendre, et on ne s'investit pas de dignités pour les leur céder. Je ne doute pas plume Louis XVIII ne qu'au bout de votre proclamations admirables, qui soit roi parce que je une couronne parce que pour finir la mais... nous faut un cette place; Révolution un roi créé par droits des nôtres, sans cela il roi propriétaire, et qui ait suis j'ai il fasse des il faut donc elle, tirant ses faut se battre jus(ju'à lafin des siècles.. — Avez-vous D'Antraigues. rentrer les émigrés Champagny. quelque envie de faire ? — Aucune pour eux-mêmes, mais comme leurs familles sont en France et que quel({ues-unes les désirent ou mais on ne cherchera à plus les ou moins, on emploiera pas les priver ; on les laissera les méprise. rentrer, Mais on de tous les gens de talent qu'ils peuvent avoir... D'Antraigues. — Vous reverrons en France ? croyez donc que nous nous CHAI'ITIŒ CINQUIEME 228 Champagny. — Je désire ]c croire, et je suis trop atlaclié pas nourrir trop pour personne ne serait peler opposé serait plus que moi à vous y voir sous Bonaparte, pas, pas le sœur pour n'eu à votre Personne ne l'espoir. ne plus ardent et, n'y était s'il à vous ap- y (1)... » Telle était la conversation qui se poursuivait dans un faubourf^de Vienne entre le représentant et l'ennemi per- sonnel du Premier Consul, neuf jours après le Te Deum du concordat, un jour après l'amnistie solennelle cordée aux émigrés, deux mois avant la ac- proclamation du consulat à vie. Ces dates qui l'encadrent lui sont par elles-mêmes un suffisant commentaire. On ignore quelle fut la suite des relations, nécessai- rement intermittentes amis. deur, Toutefois, il taires, par lui si et clandestines, entre les l'émigré parut ignorer l'ambassa- sut retrouver autour de lui, parmi les secré- un ami de sa famille, nommé On devine de cette trahison pour sa propre il qui, trois le voir Posuel, et il obtint conmiunication des pièces rédigées ou reçues à l'ambassade française. Dresde, deux continua le profit (ju'ii correspondance. à être renseigné par ce ans après, se rendant à Berlin, en secret tirait allait A Posuel, encore (2). Celte conversation, écrite tout entière de la main de d'Antraigues, aux A. F., France, vol. C34, fol. 240 et suiv. (2) a Jamais depuis dix-huit mois ce Posuel, que je connais depuis vingt ans et qui est tout dévoué à mon beau-frère..., ne m'a trom(1) est pé... Je n'ai jamais exigé de voir l'original dont il faisait l'extrait qu'il ne m'ait procuré cette satisfaction. » (D'Antraigues à Czartoryski, £5 D'Antraigues à Cobenzl, 2 mai 1805 (A.V.). A. P.) janvier 1803. — — A DRESDE. GZARïORYSKI. GORENZL (1802-1804) 229 [II GZARTORYSKl. COBENZL (1802-1804) A DRESDE. Au milieu (le 1801, d'Anlraig-ues fut surpris par une désagréable nouvelle Autriche toujours : Razouuiovsky revenir en allait comme ambassadeur. Ce se considérait là comm(^ dans son pays ; diplomate ses alliances de famille, ses relations desociété, ses libéralités et jusqu'à ses dettes faisaient de lui par leur importance sonnage, môme à Vienne. parti tirer D'Antraigues voulut au moins de sa déconvenue pour améliorer, par un changement de résidence, sa On m'a je situation officielle. promis, écrivait-il à Pétersbourg, que jamais neseraisemployé sous vais-je un per- devenir? Un apparence protégé, les ordres de Razoumovsky. Que simple sujet russe à et en secret Vienne, en tracassé et espionné. L'ambassadeur verra en moi un surveillant, un censeur, une sorte de rival honteux. Si les siens, je deviens inutile qui est probable, car et si l'on m'écoute, il il ; mes rapports confirment s'ils les contredisent, ce estx\utrichien autant que Russe, sera forcé d'agir en demandait en conséquence à un sens op- dépêches. d'Antraigues posé à celui de ses propres faire partie d'une autre légation; celle de Stockholm, où était transféré Kalytchev, lui eùtparculièrement convenu (1). {{) il Mémoire sur Razoumovsky, 20 juin 235 et buiv.) 1801. (A. F., Franr.e,^ vol. G34, CHAPITRE CINQUIÈME 230 Il Razouinovsky, sans vit bientôt arriver donné suite à sa requête. nable entre lui et le le qn'il eût été Sa position devenait insoute- cabinet autricbien, qui avait traitait rompu avec en espion russe, et un ministre qui voulait rester pour sa cour le canal unique des infor- mations. Dès que Panine eut quitté les affaires (30 sep- tembre 1801), rial, gues demanda (1). le comte de Saurau, ambassadeur impé- officieusement l'éloignement de d'Antrai- Le vice-cbancelier Kotcboubey refusa par amour-propre national, éloignement paraîtrait lière de et donna pour excuse que l'effet Razoumovsky. Il cet d'une vengeance particu- n'agissait pas moins dans le sens désiré parson interlocuteur; car ilobtintqu'onautoriserait le protégé de Kourakine et de Panine à s'établir à Dresde, sauf à y continuer sa correspondance, et à « Cet arattendre son procbain passage en Angleterre : rangement, movsky. et je mars 1802 Kotcboubey à Razoubeaucoup de peine, vous supplie de n'en parler à qui que ce même Dieu écrit le 3 n'a pas laissé que de coûter à la reine de Naples. sait Il serait quel conte et à gâter toute soit, bomme l'affaire. pas à écrire Je suis bien de votre avis que l'on n'a jamais poussé plus loin les mystifications (2).» Le G mai 1802, décoration tant de d'Antraigues recevait, au lieu de fois sollicitée et si longuement due, une bague en diamants, et le o juin, route de (1) (2) il atten- prenait la Dresde. Marrenx-Montgaillard profita de Saurau à Gobenzl, 10 28 no\einbre 1801 (A. V.). Wassiltchikov, lu Famille Ruzoïnnovsfcy, t. III, la p. 402. la A DRESDE. GZARTORYSKI. COBENZL 231 (1802-1804) circonstance pour accepter, sous un prétexte de famille, l'amnistie consulaire, et pour rentrer en France. D'Antraigues demeura en Saxe de juin 1802 à juillet 1806. Dresde et par sa situation, à mi-chemin do Vienne était, de Berlin, de Paris et de Pétershourg-, un merveilleusement placé pour concentrer tions et les nouvelles, vue La cour saxonne, au social, était celle de l'Europe au point de vue politique, tous les le informapoint de qui rappelait le plus usages antérieurs à 1789 les idées et les les endroit centre cij ; c'était aussi, devaient aboutir des coalitions futures. L'électeur catholique fils penchait vers l'Autriche, son ministère protestant vers la Prusse. Le jeune Metternich, débutant dans matie à Dresde comme la diplo- représentatitdola cour de Vienne, observait de loin Berlin et Pétersbourg, et préparait la formation d'ime ligue défensive jugée nécessaire contre la France. Napoléon à son tourreconnaîtra l'importance de cette position diplomatique, et la fera occuper par Durant, le principal auxiliaire de Talleyrand, au ment de remanier à son gré A mo- toute l'Allemagne. son arrivée à Dresde, d'Antraigues laissa croire à un séjour momentané, prélude de son départ pour Russie; puis il s'installa une longue résidence (1). muni d'une Ligne, puis (1) lettre il en Il homme décidé ou résigné à alla voir le ministre anglais, de recommandation du prince de se hasarda chez les ministres de La Rochefoucauld la à Talleyrand, 23 juin (802. Hanovre, CHAPITRE CINQUIEME 232 d'Autriche, de Prusse. Depuis ses retentissantes aventures de Milan, comme il nécessairement moins considéré était comme ennemi du serviteur de la Russie que Premier Consul, et chaque diplomate mesurait ses un tel homme à relations avec caire des relations de son vernement français. Bientôt l'état plus ou moins pré- gouvernement avec le gou- tenu bon gré mal gré fut il pour un personnage politique avec lequel il fallait compter. On place de ministre de Russie, alors vacante; mais un se demanda s'il pas n'allait occuper la général tout neuf dans la carrière diplomatique, Khanikov, y fut bientôt D'Antraigues sans nommé. fût resté à côté mission avouée, de lui sans titre officiel, une heureuse circonstance si n'eût affermi et consacré sa nouvelle situation. Panine venait de quitter le ministère des affaires étrangères, victime de l'impératrice-mère, qui ne lui pardonnait pas d'avoir préparé indirectement la fin tragique du règne précédent. Voyageant à l'étranger, se distraire, il vint à Dresde, et pondant de Vienne dont cié les informations Il fut séduit il il par ordre ou pour y rencontra ce corres- avait plus d'une fois appré- pendant son passage aux affaires. par sa conversation, se laissa arracher par lui des notions utiles sur la Russie et le recommanda vivement et sur l'empereur, tant au premier ministre saxon Loss qu'à son cousin Kourakine. saire, écrivit-il à ce dernier, de lui Il était néces- donner un crradecon- venable, au moins celui de conseiller d'État, et une com- mission qui satisfît les curieux et déroutât les malveil- A DRESDE. GZARTORYSKI. COBENZL lants (1). A ce moment même kine remplacé au ministère des était par Al. (septembre 1802), Koura- Woronzov; Woronzov affaires étrangères eut pour adjoint un jeune Polonais, ami personnel de l'empereur, Czartoryski, 233 (1802-1804) et celui-ci devint prince le peu à peu Adam le véritable ministre dirigeant. Czartoryski attira bientôt à lui la correspondance de d'Antraigues; en la lisant, il se prit, comme Panine, de sympathie pour son auteur, etne cessaplus delui témoigner sa confiance. Ce Français, qui avant tout haïssait Bonaparte, lui faire entendre. bon à semblait parler, utile laisser Le ministre russe à savait qu'une alliance avec la France ne pouvait se faire qu'au détriment de la Pologne; il se rappelaitla convention dulÛoctobre 1801, dirigée contre les royalistes français en que contre ses compatriotes. miers par intérêt Il semblaitun auxiliaire le rang dans seiller d'État (15 fier et Premier Consul utile (2). D'Antraigues, dans son refuge de Dresde, d'abord un temps bien entendu pour les seconds, quiconque excitait l'empereur contre lui même était porté vers les pre- la hiérarchie, décembre 1802), et il lui celui dut donc de con- essaya de justi- par une correspondance nourrie et intéressante le semblantde faveur qu'il rencontrait enfin à Pétersbourg. Khanikov,sans autorité etsans expérience, se (1) défiait de Panine à Kourakine, 8/20 septembre 1802. t. I, pp. 286, Ml. Cf. l'opinion de l'empereur Alexandre en 1809 dans Tatischefk, Alexandre /" et Napoléon I", (2) GzAHTORYSKi, j1/émo(>es, p. 488. CIIAPITRR CINQUIÈME 234 lui et lui aurait somme mais en rendu à l'occasion un mauvais service, le laissait faire. donc de près ou de novre, D'Antraigues étendait A ses relations à son gré. loin Ha- entretenait des espions autour de l'état-major il de l'armée française d'occupation. A Paris, avait re- il trouvé de vieilles et précieuses connaissances, dont nous apprécierons plus loin les informations. àla légation de France, oii il Durant et de Moustier, vit passer La Rochefoucauld, fut il A Dresde même, tenu régulièrement par des agents bien choisis au courant de la correspondance avec Paris et avec Vienne (1). C'était surtout de cette dernière ville qu'il tirait les meilleurs moyens de carPosuel et se faire écouter à Pétersbourg, Jean deMuUer continuaient à lui livrer les secrets de l'ambassade française et de la chancellerie autrichienne. Par Posuel il avait connaissance non seu- lement des pièces échangées entre Champagny et Tal- leyrand, mais de celles qui allaient de Constantinople à Paris par saisir la voie au passage de Vienne. les lettres Il avait même que Laforest, France à Berlin, écrivait à Champagny, réponses. issues, oii taires, 11 il s'était réussi à ministre de ainsi que les logé dans une vaste maison à deux était difficile, à cause du nombre des loca- de surveiller les entrées et les sorties; deux jardins isolés servaient à ses rendez-vous avec lescour- (1) Un D'Antrai^uos à Cobenzl, 20 mai et 22 septembre 1805 fA. V.) certain Zabiello le mettait au courant de la correspondance Rochefoucauld, transféré à l'ambassade la léfiralion de Dresde. — que La de Vienne, entretenait avec A DRESDE. CZARTORYSKI. CORENZL dont riers qu'il avait g-ag^nés, et Un ches au passage. pu par hasard jour, il /] dépouillait les dépê- un de ces courriers n'ayant faire relais à Dresde, il nuit à Meissen: et après avoir passé là regagna son domicile le De fût s'il le rejoignit de deux heures, lendemain, en prenant caution de rentrer en ville à pied et comme 235 802-1804) à pas revenu de quelque promenade il la pré- comptés, (1). sa correspondance confidentielle avec la chancel- lerie russe, la partie originale est elle relate peu intéressante, car des commérages sans portée ou développe des plans chimériques; elle ne valait à son auteur aucune considération, et était simplement tolérée. rendait précieuse, c'étaient ces Ce qui la analyses ou extraits dérobés par avance aux archives autrichiennes ou françaises, qui en nourrissaient les meilleures pages. sait récompenser suffisamment d'Antraigues en accueil- lant des au nom demandes d'ordre secondaire présentées par lui comme de quelque petit souverain de Salzbourg, ou de à se figurer à certains jouissait était telle l'électeur quelque ami en disgrâce Mouraviev, ministre de Russie à Madrid, il On pen- moments que qu'il et il comme en vint confiance dont la devait craindre une trop grande responsabilité. Comme il n'entrait ni dans son caractère, ni dans ses habitudes d'être la créature d'un seul prète d'une seule politique, il homme, à Dresde, sa correspondance avec la reine des Siciles (1) ; mais il fit l'inter- avait repris à son arrivée Deux- servir sans scrupule celle-ci à sa cor_ D'Antraigues à Czartorvski, 9 février 1804. (A. F., France, vol, 633.) CHAPITRE CINQUIÈME 236 rcspondance avec Pétersbourg. Cette indiscrétion par être connue et finit valut à son auteur une leçon bien méritée. D'Antraigues s'était avisé de rappeler au tout- puissant ministre Acton qu'on lui une pension, restée impayée; il avait promis en 1794 insinuait en outre qu'il possédait certaines pièces fâcheuses pour la réputation du favori et de sa souveraine, et qu'il en userait. Acton riposta en lui dénonçant ses trahisons épistolaires, entrant à son tour dans tative do pièce, j'espère ni le que vous m'en enverrez quelque le de ce ton, « coup de éternels sentiments (1) édi- faisait arrérages, et ». cette algarade, d'Antraigues laissa tomber une correspondance que dant à poursuivre lui elle paiement de sa pension avec l'assurait de ses Gela n'est « : généreux. Si vous publiez cette Puis après une page espérer Sous débat, lui adressa sur sa ten- chantage une verte mercuriale nullement honnête tion. » le et la reine, (1). De la reine tenait toute façon, il trouvait cepen- mieux son intérêt à s'occuper des affaires du Nord, d'autant plus que, peu de temps après, le il se trouva mêlé, compte de l'Autriche, aux tentatives de sance en vue d'un rapprochement avec la paix de Lunéville, le la Russie. (1) Lettre une nouvelle du 26 décembre — Après nouveau chancelier autrichien Cobenzl envoya Stadion à Pétersbourg, les voies à pour cette puis- afin de frayer coalition. Désirant se rendre 1802. {Reoue d'histoire diplomatique, an. Depuis 1802 jusqu'à co jour, jamais je n'ai écrit ni reçu aucune lettre, aucune nouvelle directe ni indirecte de la reine de Naplcs, et je ne lui ai jamais écrit. » (D'Antraigues à Czartoryski' 1888, pp. 5oo-556.) 20 janvier 18UG.) « A DRKSDE. CZARTORYSKl. COBENZL 237 (1802-1804) Czartoryski favorable, et sachant d'Antraigues en faveur auprès de cet les relations homme d'État, rompues par Thugut, pension de mille dncats, Mùller, rétabh't il lui fit octroyer une expédia Jean de Mûller. et lui devenu conservateur de périale, travaillait avec ce dernier rarement à la bibliothèque im- la chancellerie; sa con- duite privée le mettait à la fois à l'écart des affaires et à la merci de ses protecteurs (1). Une liaison suspecte avec un jeune fripon, suivie d'un procès entre eux, vait fortement l'a- compromis etplusqu'à moitiéruiné,etcet homme, que son principal biographe déclare étranger alors à toute politique, était prêt, pour racheter le scan- dale attaché à son vices. Il fut défensif, français. ser- donc chargé de décider d'Antraigues à agir àPétersbourg dans tème nom, à rendre n'importe quels le sens du système autrichien, sys- mais défiant vis-à-vis du nouvel empire Cette mission accomplie, il devait passer à Berlin, et s'y employer à une tâche semblable. Vers le même temps, un autre grand factotum diplo- matique, Gentz, quittait la Prusse Vienne. Cet adorateur de la et s'établissait Révolution française à ses débuts, désabusé maintenant ou ramené par intérêt per- sonnel à d'autres idées, passait au service autricliion il s'efforçait à ; de préparer par ses écrits l'accord de l'Au- triche et de la Prusse pour le relèvement de FouRMEK, Geniz und Cobenzl, note de l'Alle- la p. 123. Cet auteur a imde son livre (pp. 224-233) quelques parties de la correspondance entre Cobenzl et d'Antraigues. Cette correspondance, aux archives de Vienne,, comprend quarante-huit lettres, (1) primé dans les pièces justificatives d'avril 1804 à octobre 1805. CHAPITRE CINQUIÈME 238 magne, pour ol aussi avec lequel en correspondance. était entré il Dresde alors, y restauration de Louis XVIII, la Il vit d'Antraigues, et s'entendit traversa avec lui en vue d'une action commune. Pendant plus d'un an, d'Antraigues usa son temps et son encre dans des négociations qui ressemblaient à des complots, vA qui constituent pour nous les préli- minaires compliqués lition. et mj^stérieux Ses lettres allaient de la troisième coa- trouver Harrowby, l'envoyé de Londres en Prusse, Alopéus, extraordinaire venu ministre de Russie à Berlin, Pierrepoint, ministre d'Angleterre à Stockholm. comme on séquence, Il n'eut aucune relation de con- le croyait à la légation française, Toute sa diplomatie au bout avec Metternich (1). de sa plume, quoique Russe sans arrière-pensée, et, s'épanchait auprès de Cobenzl mémoires sur la A où l'indiscrétion eût été l'un et à l'autre Saxe ou il envoyait des Bavière, ou les états de la l'armée française du Hanovre ; et s'il dénonçait au pre- mier Stackelberg, ministre russe à La Haye, hostile à l'Autriche, pour les intérêts il comme n'en croyait pas moins bien faire du second. avant, en lui rapportant les (1) il commede C7.artoryski,en s'efforçant de s'arrêter au point qualifiée de trahison. était poussait Cobenzl Il en bruits qui accusaient ce Selon Mousticr (17 mars 1803), d'Antraigues et Metternich se sedeux ans auparavant par les soins d'Arnifelt. Or d'An raient abouciiés « Ce Metternich ne m'est le 1" mars 1805 guère connu mais en croyant que ses principes sont bons, je n'ai pas grande idée de ses talents. » Ailleurs (à Czartoryski, 5 septembre 1803) il accuse Metternich d'avoir excité La Rochefoucauld contre lui. traigues écrit à Cobenzl : : A DRESDE, GZARÏORYSKI. GOBENZL 239 (1802-1804) ministre de faiblesse devant la France; néannrioins, de s'efforçait triompher faire système le il défensif d'Alexandre, de façon à ce que la guerre fût successive- ment provoquée par Napoléon et avec toute chance de succès. combattait le système offensif, c'est-à-dire la Il conduite contre guerre immédiate sur nent, seule profitable aux Anglais lui le conti- menacés d'une des- cente. Ses rancunes personnelles étaient la cause défendait. qu'il d'accord avec ici Razoumovsky poussait le cabinet de Vienne à l'action, d'accord à Londres avec l'ambassadeur russe Woronzov, à Vienne même avec Gentz; et bien que par un de ses attachés, Mallia, il entretînt une correspondance particulière avec Czarto- ryski, était l'artisan il générale Vienne, Cobenzl ments et d'une révolution ministérielle partout précipiter le qui devait Colloredo, suspects conflit. ménage- de pour l'ambition française, devaient céder place à Traulmansdorf et à Stahremberg bourg, Czartoryski, timide et hésitant, ; A la à Péters- devait avoir pour successeur Panine ou Markov. Par dévouement comme envers Czartoryski movsky, d'Antraigues ministres en place, et par haine envers Razou- souhaitait le maintien un jour, en avertissant qu'il aimait des intrigues ourdies contre lui, il des celui a rendu sans s'en douter service à l'histoire. Sa resté lettre du 13 novembre 1804 éclaire un incident, jusqu'ici complètement obscur, des débuts du règne d'Alexandre P''. Son ami Panine avait géré, en CHAPITRE CINQUIEME 240 qualité de vice-chancclier, le collège des aiïaires étran- gères sous la règne de PaulP''; puis, deux mois avant le mort de ce prince, il avait été privé subitement de ses fonctions. Rappelé de l'exil et réintégré dans son ancien poste aussitôt après l'avènement de l'empereur Alexandre, il disparaissait de nouveau de la scène poli- tique au bout de quelques mois, cette fois frappé d'une irrémédiable disgrâce. Quelle était la cause secrète ca- chée derrière cette cause apparente commune, dans et les autocraties, à toutes les disgrâces, la colère verain? Quelques-uns dirent que c'était pour avoir spon- tanément dissuadé l'envoyé français Duroc couronnement: puis on se tut, et moment à Dresde d'A.nlraigues, ne d'assister au secret fût resté le entre Alexandre et son sujet disgracié, contrant du sou- si celui-ci, ren- lui eût, dans un d'expansion, révélé la vérité. Panine devait sa chute à son intime ami, Simon Woronzov, ambassadeur à Londres. Il avait eu celui-ci par écrit ses d'accuser le caractère 1 imprudence de communiquer à impressions sur indécis, faible le et souverain, défiant de l'empereur. Woronzov, vexé peut-être de ne pas trou- ver Panine assez docile à ses conseils, avait envoyé la lettre à On Alexandre. Telle était la devine le reste. confidence que d'Antraigues, d'un assez embarrassé et avec toutes sortes de tions, faisait connaître à Czartoryski, Panine, disait-on, voulait redevenir pense, ajoutait-il, que la guerre nécessité absolue ; mais que le au ton circonlocu- moment ministre : « oii (II) avec la France est de fardeau est au-dessus A DRESDE. CZARTORYSKl. COBENZL comme de VOS moyens, la étranger et pis qu'étranger à vous n'avez pris aucun moyen Russie; que soutenir, parce que et 241 (1802-1804) vous ne que vous savez que la faites aucune de la alliance, Prusse a des préventions contre vous; que vous avez cru finir tout ceci par des comme un notes, procès par écrit point'qu'il faudra en venir ou à cas, la que chose est au honte de céder à Bonaparte. Dans les deux l'opinion de l'empereur... et avec avantage dans » C'est ainsi que d'Antraigues, sous le sités la ou à une guerre sans moyens vous voit attaqué aisément il ; du moment, sacrifiait au protecteur présent il ; coup des néces- son protecteur de la veille sentait que, Czartoryski paru, toussesmoyens lui manqueraient àla fois; mis à trop heureux encore l'écart, faveur d'une pension de il dis- serait s'il pouvait, à la retraite, oublié dans quelque ferme de Courlande, revenir aux sciences, à l'histoire, à quelqu'une de ces recherches spéculatives qu'il n'eût jamais dû quitter En ! effet, l'infernale politique le tenait alors plus jamais rivé à une chaîne dont àl'autre, oublier d'État, moment pouvait, d'un Un jour il était par des hommes ou sentir toutle poids. comme même par recherché il une des puissance souverains. En 1803, Armfelt venait lui proposer une entrevue avec Gustave dut d'abord, et changé à Dresde, s'aboucha avec et IV qu'il par ordre, décliner. L'année suivante, les circonstances avaient son confident que lui, et ; le roi en fit son conseiller intime. de Suède vint devant Au le public lendcnuiiii ic CHAPITRE CINQUIEME 242 de ces bonnes fortunes politiques, l'interlocuteur des tètes couronnées subalternes et ; des métiers clandestins était réduit à il déchiffrait des papiers soustraits les soustrayait lui-niènie. Ainsi il ou faisait inviter à diner chez un ami certain messager équivoque de passage à Dresde; à faveur de cette absence, la il s'emparait de son portefeuille, en examinait toutes les pièces, puis remettait momentané de ce vol cet égard sans le tout enplace_, qu'il restât (1). 11 n'était à Milan, Bonaparte, en ; protestations, lui aucune trace pas scrupuleux à dépit de ses belles donné l'exemple. avait novembre 1804, une convention Enfin, le 6 en vue d'une de Russie et d'Autriche unit les cours secrète coalition prochaine, et d'Antraigues put croire n'avoir pas été étranger à ce résultat. Dans ces combinaisons diplomatiques conduites en vue de l'abaissement de question de la France, la gues n'y pensait plus guère de Louis XYIII ; de puissances Louis XVIII ? là la : question posée par Czar- européennes La réponse à de reconnaître qu'il reçut, et qui fut muniquée au cabinet de Vienne, peuple livré ou dange- Serait-il utile Jusqu'ici, cette reconnaissance face d'un les droits avaient toujours été mieux reconnus que partout ailleurs aux D'Antrai- ? mais en Russie ; toryski à son correspondant reux du moins était-il Bourbons restauration des la portait en substance n'eût servi à rien frénésie : en démocratique. Aujourd'hui la France est revenue à ces principes (1) com- D'Antraigues à Cobenzl, 30 novembre 1804 (A. V.). mo- A DRESDE. CZARTORYSKI. GOBENZL 243 (1802-1804) narclliques qui sont laloi des grands empires. LesJaco- eux-mêmes bins sente. Il les ont a trois appuis : étaiilis, Bonaparte les repré- l'armée née de la Révolution, le peuple nanti des biens nationaux, les révolutionnaires jaloux de Louis l'impunité s'assurer leurs crimes. XVIll a certaines qualités avouées de beaucoup de connaissances, de sincères de clémence est à la il de ; merci de ses serviteurs. connaître, travailler pour lui des intentions l'esprit, enfin et surtout Il sans tous, il mais est roi, donc faut et lui, le re- faire lui souscrire trois conditions: l'état à conserver à l'armée, l'existence légale des biens nationaux, l'amnistie (1). On a remarqué que les plans de réorganisation eu- ropéenne agités alors dans les conseils de l'empereur de Russie étaient la première ébauche des traités de 1815; il est également remarquable que dans ce mé- moire, daté de 1804, depuis déposé aux archives russes autrichiennes, d'Antraigues, raisonnant et ment en politique, mais en bon Français, non seule- ait tracé sans s'en douter trois des principaux articles de la Charte de 1814. (1) les Mémoire du mêmes 16 novembre 1804. (A. V. et A. P.) mémoire à Canniug du lo idées dans son M.,Add. mss. bl230, ff. 136 et suiv.) Il reviendra sur octobreJlSOG. (B. CHAPITRE SIXIEME LA FRANCE EN I. — i8o4 Les amis de d'Antraigues en France. L'ami et l'amie de Paris. Ce qu'on sait de lui — Les correspondants 1° Vairù de Paris. leur importance pour Czartoryski. Caractère de ses révélations 2' l'amie de Paris. Ses sentiments, ses moyens d'informations. Modes de transmission, lin de la Son successeur. Mort de ïami. — — : : — — — — Molirenlieini. correspondance. Bonaparte ses violences II. Le Premier Consul et sa cour. doux Sentiments de son entourage pour lui. scènes caractéristiques. Talleyrand, son caractère, ses pasBorthier et les Bourbons. — ; ; — — — — — M"" Bonaparte, son attitude, sa conduite. L'organisation de la maison impériale. Les ministres étrangers à Paris. Nassau-Siegen et Choiseul-Gouffier. La colonie russe. Crainlcsde Bonaparte etdeJoséphine. III. La conspiration de 1804. Caractère de la conspiration les complices. Un récit inédit de l'arrestation et de la mort du duc d'Engliien. Gomment finit Pisions. — — — — — chegru. ; — Rôle — Rentrée en grâce deFouché de Caulaincourt. Réflexions de d'Antraigues. Protestation de la Russie. — IV. La politique française en 1804. sophile. — Le police de Vami — — — L'ami, anglomane; Va/nie, rus- cabinet noir, la police secrète à l'étranger. et de Vamie. — — — ContreLes préparatifs contre l'Angleterre. — Possibilité d'une révolution intérieure en Russie encouragements donnés. — Desseins de Napoléon. — Le roi de Suède Gustave IV. — Un monologue de Sieyés. — Opinions de Berthier et de Joséphine ; sur la politique extérieure. I l'ami et l'amie de paris Entre la Russie et l'Autriche, d'Antraigues venu, à côté des diplomates était rede- avoués, un intermédiaire CHAPITRE SIXIÈME 246 dont Czartoryski apprét-iail restait à distance insensible. même à la époque, épistolairequi il amusa mais dont l'action lutilité, De Paris à Pétersbourg, transmit un bulletin sous forme et servit la chancellerie russe, et qui est intéressant à plus d'un titre. A tout prendre, par son canal nous semble curieux d'apprendre il comment embus- des témoins hostiles, qués au seuil des Tuileries, dépeignaient Bonaparte, son entourage, son gouvernement^ sa situation en France Europe, au moment en et la place de il le mérite et n'est donc pas en porte l'histoire. tile D'Antraigues révélations en Russie, ces teur à l'empire. que de Ce les parcourir, les recueillant, il fut le porte-parole comme et seul la responsabilité faire comme tives de sa polémique contre le En république cédait la oii édi- devant une digression inules pièces gouvernement justifica- français. se les appropriait, sauf à en dissi- muler l'origine précise, et nous les regarderons siennes, sans chercher, plus que ne l'a fait comme Czartoryski, à en déterminer les sources. Bien qu'exilé à perpétuité parte, il et mis hors la loi par Bona- devait àses origines et à ses relations de jeunesse de ne pas être oublié de plusieurs de ses parents ou compatriotes, qui appartenaient à l'administration ou à la cour consulaire. Son oncle, l'ancien évêque de Troyos de Barrai, était devenu évêque de Meaux; parmi ses anciennes connaissances de Montpellier, l'un, Cambacérès, devenu le second personnage de l'État, ne daignait pas se souvenir tout haut de lui ; l'autre, Etienne Mé- L'AMI ET L'AMIE DE PARIS Jean, alors Seine, le deux de 247 général de la préfecture de la secrétaire défendait au moins à demi voix (i) ses serviteurs, ; les fils de DuclauxetDelmas, entraient en 1802, un peu sur sa recommandation secrète, au Corps lép^islatif. Le général Suchet, marchand de lui faisait vices. soie à encore le son ancien de frère Lyon, avait vécu sur ses offrir en 1804 ses respects terres, et et ses ser- Le général Mathieu Dumas, un autre compatriote, devait aussi l'avoir connu. D'autres s'exposèrent pour lui être utiles, etlui lité. Il les et témoignèrent activement leur nomme, dans ses lettres à Czartoryski, fidé- Vami ïamie de Paris. Le premier, ainsique Yannelet, teur, et il avait eu pourprotec- s'en vante à plusieurs reprises, le grand'père de d'Antraigues à Montpellier. Est-ce vraiment Yannelet qui reparaîtici, et qui a toujours l'oreille des puissants, sous le Consulat comme tenté de le croire, gnait Yannelet si, sous le Directoire ? On serait à certain endroit, l'ami ne dési- comme une de ses connaissances. En tout cas lui-même a fait sa fortune dans l'administration militaire en qualité de fournisseur et ordonnateur, officiel, et il commissaire jouit, sur ses vieux jours, sans titre de la confiance de Talleyrand de suppléant à un homme qu'il a ; il formé sert d'aide et et élevé Du- (1) Ce Méjean était de longue date en relations avec d'Antraigues. Étant secrétaire du club des Jacobins en 1793, il avait su dérober en faire passer à son compatriote, moyen nant vingt-cinq louis, le plat détaillé d'Angoly pour exciter la guerre civile en Russie. (V. plus haut p. 50.) C'est du moins ce que raconte Lizakévitch dans une de ses dé- pêches à Osterman. (A. M.) CIIAl'ITRE SIXIÈME 248 premier commis des relations extrérieues. rant, Yannelet, a il rompu avec litiques depuis la passé ne l'a ses premières affections po- mort de Louis XVI, mais rendu Comme ni indulgent, ni même l'oubli du sympalliiquo auxhommesetauxchosesdu présent. Seulemenlau désir de conserver les millions qu'il possède se joint un soubien entendu de l'avenir de ses ci let, et aime intriguer par delà il il fils. Comme Vannc- les frontières, abuse de sa situation pour insinuer au loin des favorables à l'ancien plus idées dit européen équilibre qu'à la grandeur actuelle de la France; car il profite il il croit et qu'une Angleterre puissante est nécessaire, afin d'empêcher Bonaparte d'être un fléau chez les autres. tit-fils Comme Vannelet, il lui cliez et veut être utile au peconnaît depuis de son ancien protecteur, qu'il 1772. llveilleà la tranquillité de sa mère, etil fait sur recommandation rendre leurs biens sa grés. Il à d'anciens émi- se propose de lui fournir, avec des pièces utiles, des thèmes exacts pour ses aperçus politiques, de fa- çon à ce que l'exilé puisse Même forcer la faveur. quer, comme sortir lui il de pair en Russie promet de des modèles, les exposés lui et communi- classiques de Richelieu qui sont aux archives. Enfin ses lettres sont du même ton et du même style que celles du mystérieux correspondant de l'an VI. Dès 1802, cet homme écrivait à d'Antraigues (1). En possession de relations multiples, habile à surprendre (1) « Latour, ami de Fox, dont je vous ai parlé en 1802. des 10-22 juillet 1803.) » (Lettre L'AMI ET L'AMIE DE PARIS secrets d'autrui, les il 249 mais les livrait volontiers, vait pas l'orgueil d'être cru à la légère, et pas vu la pièce qu'il cite mentionneexpressément dire, ce n'est plus comme un der ou « : le fait qu'il De vous que un service à vous rendre, gazetier (1) corriger les assertions » . Et de controuvées fait et il le ouï j'ai bavar- c'est il n'a il raconte, dire ce n'a- il quand prétendait intéressées des journaux, révéler à Dresde les vérités qu'on voulait cacher à Paris. Ce n'était assurément pas un de ces agents vénaux, sans scrupules d'aucun genre, qui cher- chent à gagner leur salaire en acceptant ou en imagi- nant les premières nouvelles venues. Assez riche pour être désintéressé, il tenait à garder en haut lieu une influence utile à la conservation de sa fortune, non et seulement ne voulait rien recevoir du cabinet lusse, mais tenait à n'être pas connu de vulgaire, soit iionte secrète, caution de nature circonstances la répond plus. Il il rôle. paraissent périlleuses, de Moreau, il les Dès que comme s'il lui savait 11 croit lettres n'arrivent pas jus- qu'à Pétersbourg-, et que ses récits sont transmis (1) à la princes français et leurs cesserait aussitôt toute correspondance. que certaines parties de ses les supplie qu'on ne proteste à son ami que moindre relation avec agents, prudence ne négligeait aucune pré- à dissimuler son de l'arrestation veille lui lui il lui (2). Soit seu- L'amt à d'Antraigues, 16-22 juillet 1803. Cet homme ne reçoit.ne recevra, ne veut rien et nous a déclaré ne voudra jamais rien de l'empereur de Russie. Sa fortune est de (2) « qu'il près de deux millions, et dès lors tion. » il est aisé de concevoir sa modéra(D'Antraiguesà Gzartoryski, 3 mars 1804). CHAPITRE SIXIÈME 2S0 lement en anal3-sos. Czartoryski laisse-t-il Il lui arrive de spécifier les détails qui ne doivent pas et les faits aussi, ; parlant de recommandations ces nelles, reçu. à l'abondance du cœur, (1). L'intermédiaire ou- et ces confidences person- transcrivait sans choix tout il Il communiqués passer çà et là des notions sur lui-même, propres à trahir son incognito bliait être semble qu'il eût voulu, en se ce qu'il avait montrant plus exact que discret, dissiper certaines défiances que son caractère connu autorisait. On l'avait d'abord soupçonné de peu de son imagination, bulletins parisiens quelque on le avait lui fait mettre dans les entendre poliment. reprises, Czartoryski lui A et plusieurs annonce que l'empereur lit ses mais un jour lettres avec intérêt ajoute qu'on y trouve des informations empreintes exagération évidente. Aussitôt d'Antraigues de d'une protester « : J'ai et satisfaction; souvent eu envie de les remanier... Cela m'eût été fort aisé me le suis Il pas permis et très agréable, mais je ne (2). » est singulier qu'en trahissant ainsi son correspon- dant par un soi-disant scrupule de conscience, tenu en même démarches. temps à le Au printemps il ait protéger contre d'indiscrètes de 1805, Czartoryski, près d'envoyer Novosiltsov traiter avec Napoléon, voulut (1) « il lui Ceci est pour vous et ne doit point parvenir au prince Gzarto- (Lettre du 19 février 1805.) 11 ne veut pas (Lettre du 31 mai que d'Antraigues transmette en Russie les détails de la conspiration Pichegru-Moreau, qui ne regardent nullement ce pays. (2) D'Antraigues à Czartoryski, 2 mars 1804 (A. F.). r3^ski. » 1804) LAMIE DE PARIS L'AMI ET 251 ménager une entrevue avec son mystérieux D'Antraigues annonça qu'il ferait les auxiliaire. ouvertures néces- saires, mais que sans doute celles-ci n'aboutiraient pas. La négociation, ne pas suivie fut Novosiltsov s'étant arrêté en route, à Berlin (l'effet, Ce fut tentée, elle si où n'est pas là le seul cas de Gzartoryski ait été la curiosité intéressée mise en défaut. Il ministre de faire poser des questions à Le consul de France à {{). arriva au jeune ïami dePatHS Moscou, Lesseps, n'est-il : pas un agent politique secret? Le ministre prussien Lombard n'a-t-il pas révélé à Bonaparte secrètes faites à Berlin par la Russie? les ouvertures Ne pourrait-on de l'écriture du drogman Fonton? obtenir une page Et ses demandes tantôt ne sont pas transmises, tantôt ne reçoivent aucune réponse, ou sont accueillies par un refus formel que dicte une prudence bien entendue. Ce qu'il recevait Nous trouvons en pouvait déjà satisfaire sa curiosité. effet parmi les annexes des lettres de Paris des états d'effectifs de l'armée française, un mé- moire de Talleyrand lu en Conseil de cabinet le 5 février 1803 (à condition que cette pièce ne fût point publiée) (2), des rapports des lettres de Berlin, Dresde, des parties de (1) Laforesl, La Rocliefoucauld, la nn'nistre à ministre à correspondance d'Hédouville, Gzartoryski à d'Aiitraigues, 2 avril 180d.— D'Antraigues à Gzarto- ryski, 6 mai niquée par le {A. P.). C'est le Thiers au La première de ces pièces a été depuis commugouvernement anglais; on en trouve un destinataire au extrait (en anglais) (2) de au Record rapport sur Office, France, vol. 87. la constitution commencement du liv. III du royaume d'Italie que do son Histoire de l'Empire. cite 252 CHAPITRE SIXIÈME ministre à Pétersbourg. faire passer En février 1804, VafJii a pu un relevé diplomatique complet, en d'autres termes les extraits importants des dépèches des agents français à l'étranger, faits par Durant et Talleyrand et mis chaque mois sous il promet que, si yeux du Premier Consul; les et ces pièces reviennent des Tuileries au ministère avec des notes du maître, ces notes prendront aussi le lait chemin de Dresde. L'année suivante, causer par ordre France; il tâte et Saxon Schulenbourg, ancien le chargé d'affaires en Russie, en il et candidat au même emploi un portrait obtient de lui détaillé de communiquer au Czartoryski. qu'il modèle. Cet homme autour de entre autres deux frères Simon, employés lui, aux bureaux de la s'empresse de avait certainement des complices guerre des relations extérieures; et ceux-ci pratiquaient dès 1804 le métier qui coûta la vie à leur collègue Michel, l'espion du colonel Tcher- nylchev, en 1812 (1). D'Antraigues recevait d'une autre source des infor- mations d'un caractère moins grave, curieuses pourtant, sur la société et la 1802, celle qui avait cour consulaires. failli En septembre l'épouser douze ans aupara- vant rentra avec lui en relations épistolaires. N'ayant pas émigré, intacte. nistie (1) elle avait conservé Au moment où le délai accordée aux émigrés A. F., France, vol. d'Antraigues) aux 631, ministres (R. 0., France, vol. 87.) f. sa fortune presque pour profiter de l'am- allait expirer, elle offrit 152. anglais — Communication faite avril 1811, annexe le 10 à Cp<ir n" 3, L'AMI ET L'AMIE DE PARIS son ancien adorateur de .négocier pour 253 lui en France. D'Antraigues savait d'avance semblables démarches, fidèle, il la pria de et, lui une rentrée l'inutilité de en remerciant cette amie écrire tout ce qu'elle jugerait La dame accepta, sous la intéressant à faire connaître. seule condition que la légation russe de Paris ne serait point au fait de sa correspondance; en revanche, comme elle connaissait r«m/, elle bureaucrate. A lui les s'arrangea de façon à ce que complément à ses lettres servissent de celles du vieux révélations politiques, à elle anecdotes de salon, les commérages élégants, nique intime de cette société hybride qui la la allait les chro- former cour du nouvel empereur. Bons mots d'autrui ou conseils personnels, elle jetait tout au hasard dans ses avec la pensée que lettres, qu'elle écrivait à la diable, quelques-uns de ses récits amuseraient l'empereur de Russie. Remariée depuis plusieurs années, elle avait nouveau nom un accès journalier auprès de M'"*^ Bo- une de ces dames peintes par naparte, et semble être M'""' sous son de Rémusat, qui fréquentaient volontiers le rez-de- chaussée des Tuileries, sauf à paraître ignorer qu'au premier étage vivait ainsi accès, le maître de mais fortuitement et France. Elle avait la irrégulièrement, au- près du Premier Consul, Elle ne l'aime ni ne le hait, mais le supporte comme le garant de la paix et de sa sécurité personnelle. Par publique suite de ses liaisons avec une tante de M™* Bonaparte, M™* de Copons, veuve d'un magistrat de Perpignan, elle recueille à distance CHAPITRE SIXIÈME 254 Il'S n'a pu secrets qu'elle l'intérieur des Tuileries. Elle dans les Bourbons, vence tant surprendre par elle-même la partage et répulsion de contre ne regrette point le la feue reine. Georges Cadoudal, c'est comte do ProSi admire elle un peu parce qu'il est mécontent des princes. La Déclaration de Calmar lui semble bonne à faire des sard Louis XVIII était « papillottcs », et rétabli, promesse d'une paix générale par ha- avec apportant et stable, si lui la elle se procla- merait sa fidèle sujette, puis s'exilerait pour toujours en Russie. comme En ce moment, son horreur de ses instincts d'ancien régime la guerre rendent hostile qui se prépare à l'établissement impérial la ; elle refuse d'accepter de Joséphine des présents qui engageraient safidélité, et elle fuit à la campagne pour ne pas être moin des premières solennités de l'Empire. Enhn, commun mot de avec Va/ni, et trait ne voudrait pas qu'un seul elle communiqué aux Bourbons. ses révélations fût Entre Paris té- Dresde, la correspondance était assurée du secret; car elle passait par çais, alors fréquents, à les courriers officiels fran^ cause des conférences de Ratis- bonne au sujet des sécularisations. D'Antraigues la prendre à Francfort ; pour lui, il faisait écrivait directement à Paris, mais, comme jadis Brotier,en un style à double sens, et à l'adresse d'intermédiaires (1). Entre Dresde (1) Ces intermédiaires, qui n'étaient pas au courant des réponses adressées de Paris, furent, depuis avril 1803, le général Suchet, Molinier-Montplanqua, avoué au tribunal de cassation, et Limodin, com- missaire à la préfecture de police 1" mars 1805). 1 (L'ami à d'Antraigues, 19 février- L'AMI ET L'AMIE DE PARIS 235 etPétersbourg,il y eut au début des indiscrétions commises, les lettres transcrites en blanc ayant été ouvertes etluesau passage, principalement àBorlin. Elles furent alors en partie chiffrées, et des courriers spéciaux les portèrent jusqu'à la première poste russe, à Radziwilov. En 1804, un secrétaire fut attaché par Czartoryski à cette étrange officine tiquait la pour aider aux déchiffrements et aussi un jeune tes. C'était homme employé légation russe de Madrid, le baron la mère et pour s'assurer qu'on y pradiscrétion, cette vertu suprême des diploma- aux transcriptions, habitait Dresde. sincèrement le singulier tanément donné: appartenir « auparavant à la deMohrenheim, dont Mohrenheim paraît avoir aimé patron qu'on Je veux, momen- lui avait lui écrivait-il un jour, vous comme un fils appartient à son père, jemets mon service, ma fortune et ma vie à votre disposition vous jure, je serais trop heureux de pouvoir (jue, je crifier au bonheur elàla durée de Dans l'été la vôtre (1). de 1804, Va?m mourut. à la dernière heure que » Il s'était souvenu cinquante mille francs, jadis prêtés par le père de d'Antraigues, avaient été le mencement de codicille, en sa les fortune, et il restitua les accompagnant des au sous prétexte qu'il com- fils par jusqu'au intérêts 25 février 1804. D'Antraigues refusa ce legs, l'en croire, sa- s'il faut ne voulait rien recevoir d'un serviteur du gouvernement français ; il accepta Molireaheim à d'Antraigues, 21 janvier 1805. (A. F., Frcmce, vol. D'Antraigues à son tour fait à Czartoryski l'éloge de Mohrenheim. (Id., vol. 633, f. 60.) (1) 040.) — CFIAI'ITUE SIXIÈME 256 seulement des héritiers une collection de classiques grecs, à titre de souvenir. Le lils de ïamt était, à ce qu'il paraît, encore mieux que son père, à portée de connaître server les événements. la plume, par piété taire, il, les hommes et d'ob- Quelques mois encore, tint il par reconnaissance hérédi- filiale, par cette conviction également héréditaire, disait- que* sans l'Angleterre laFranceseraitun enfer Lui aussi était riche et fier de sa richesse ; (1)». pouvait il faireau départementoùil servait des avances qui lui rap- portaient jusqu'à 12 p. 100.11 plaçait avec succès dans les fonctionspubliques ses parentset amisduDauphinéet du Languedoc. Aussi tenait-il ses relations à l'extérieur. il était Du en rapports indirects avec Hammond, il ni être la Il dans leurs rapports avec exigeait de son il discrétion, ne voulant ni servir à aucun degré la la Bavière France; il et en chiffres, à l'encre la Saxe joignait à ses exemplaires du Moniteur avec des taires écrits oià le sous-secrétaire d'État envoya à Dresde, entre autres pièces, de substantiels mémoires sur lettres des plus absolu sur côté de l'Angleterre, même connu du cabinet russe Bourbons. le n'avaitjamais été trahi; correspondant de Saxe les au secret commen- sympathique, sur les marges. Sa correspondance, que nous avons considérée comme père, continua la guerre approchant, les communi- inséparable de celle de jusqu'au temps oii, son cations devinrent trop difficiles, les relations troppéril- (1) L'«w2 ù d'Antraigues, 19 fcvrier-1" mars 180o. LAMI ET L'AiMlE DE PARIS 257 Jeuses,et où l'on ne dut plus entendre, à Dresde comme à Paris, que Le bruit des lourds canons roulant vers Austerlitz 11 çais y a évidemment, dans ce jour ouvert par des Franà des ennemis, sur à des étrangers, secrets de la diplomatie française pour (1). un spectacle offensant qu'on les comprend la loyauté et l'honnêteté telles en tous pays. Ceux qui, eu égard à temps, hésiteraient à prononcer nieront pas l'abus de confiance. plans les différence des la mot de trahison ne le Au début de ce siècle, lorsque l'idée de la France supérieure aux partis n'était pas acceptée de tous, la délicatesse de conscience faitde patriotisme étaitinconnueaux traversé, tantôt dans un en hommesqui avaient camp, tantôt dans un autre, au gré de leurs intérêts ou de leurs affections du moment, les crises successives l'essai méritoire Premier Consul, de la Révolution de pacification il se et ; et, même d'union tenté par le trouva des esprits mal hardis pour découvrir et après faits saper les côtés faibles nouveau régime, pour combattre, sans et du affectation trop prononcée de royalisme ou de républicanisme, l'oppression delà France par Bonaparte, l'oppression de l'Europe (1) V. Hugo, Regard jeté dans une mansarde (dans les Rayons el les Ombres). Cette correspondance a-t-elle continué encore en ISOe? D'Antraigues raconte, dans une lettre à Ganning (B. M.), qu'il a pu communiquer à l'empereur Alexandre l'opinion du général Mathieu Dumas sur l'armée « J'ai encore ici cette opinion, russe, après la bataille d'Austerlitz : qu'un de mes amis en France est venu à bout de se procurer envoyée. » 17 et m'a CHAPITRE SIXIÈME 258 par la France, Ceux-là s'inspiraient de l'esprit philoso- phique en vogue dans la génération précédente, et quel- Yaml quefois de sentiments moins avouahles. Ce que de Paris faisait'par intermédiaire et secrètement auprès d'Alexandre, son patron Talleyrand faisait le quatre ans plus tard, presque ouvertement, à l'entrevue d'Erfurth. tant, Pour ne point aimer Napoléon, Benjamin Cons- Moreau, Pozzo di Borgo se croyaient quittes de tout devoir envers la France. Ce patriotisme à outrance qui est devenu, et il nous en faut générations, s'effaçait à leurs riait leurs yeux dès qu'il de nos contra- conceptions ou leurs animosités politiques, et, s'ils lisaient Corneille, Cinna s'écriant : La Ils féliciter, la loi ils préféraient au vieil Horace perfidie est noble envers la tyrannie. trahissaient en paroles, en attendant mieux. malheureux pour leur mémoire qu'en aient vaincu, Il définitive car leur œuvre, qui aboutit en est ils 1814, demeure tristement inséparable pour nous de l'invasion et du démembrement de la patrie. II LE PREMIER CONSUL ET SA COUR Essayons de faits tirer de cette correspondance quelques nouveaux, d'autant plus précieux qu'ils n'étaient LE PREMIER CONSUL ET SA COUR 2j9 point destinés au public. Ce qui servait secrèleuient à l'instruction d'un d'un souverain ne doit ministre et point être perdu pour l'histoire. Bonaparte est évidemment par lui-même, par truments de son pouvoir, par ses actes, sujet de les ins- principal le correspondance. L'a?ni a recueilli plus cette volontiers les traits de son caractère, l'amie les manifestations de l'opinion à son endroit. Selon Vami^ maître du jour est un le brutal, entrant en fureur à la jusqu'à avoir fruit tres, la fièvre que par surprise. il S'il violent, moindre contradiction, on ne peut ; homme le conseiller avec s'empare des idées des au- croit ensuite qu'elles lui sont venues, et n'en veut plus démordre. Voici deux scènes significatives, ajouter à tant d'autres, prêt à s'insurger, La première faisait o\i s'est trahi le même a eu Corse, toujours contre l'impossible. lieu en juillet discuter en sa présence 1803. Bonaparte un plan de descente en Angleterre. Ce plan souleva de graves objections Berthier exprima fortement les avec Talleyrand. J'entendis thier, et vis la fureur sa femme lui, et vint, la deux J'étais tout fois il ému, siennes. la fin « ; J'y étais du discours de Ber- de Bonaparte. Elle Leclerc vint aussi; il fut horrible était ; hors de présenta le poing fermé à Berthier. et Talleyrand aussi, mais Berthier souriait de colère et le planta là... Le secret a couvert cette incartade et bien d'autres (1). » La seconde (1) scène L'ami à d'Antraigues, s'est passée à Fontainebleau, le l()-22 juillet 1803. ^60 CHAPITRE SIXIÈME - 14 juillet 1805. « Pendant que j'étais chez lui à ranger, sur la fin (lu travail, les dance de Turquie nombreux papiers de la correspon- parcourus, qu'il avait avecRamond, chef d'un des bureaux de tant l'état de l'armée de Bonaparte Hanovre arriva Murât Berthier, appor- qu'il avait demandé... persuadé, je ne sais pourquoi, que de- s'était puis son départ pour Milan on devait avoir porté l'armée de Hanovre, par l'envoi successif des conscrits, à28. 000 hommes, et le 14 juillet, on lui prouve, papiers sur table, queleOjuilletiln'yavaitenHanovreque 12.000 hommes. Jamais tigre enragé n'a été menaces, Les jurements, pire. et contre qui ? contre les son intime ami Berthier, contre Bernadotte, ont été excessives, et devant treize personnes, toutes sans exception résolues à les en prévenir. Ramondtout éperdu ne savait ce qu'il faisait; j'ai repris le portefeuille, et le travail étant bien en ordre, je lui ai mis sous les yeux que ce n'est pas par oubli ni négligence que l'on n'a pas doublé cette armée, mais parce que l'état des magasins et la possibilité de sustenter exige qu'on n'y envoie que ce qui Ces explications, nourri... j'ai été prié menacé de la main... A peut être de les donner, Ramond étant devenu muet de terreur; fois les il l'avait deux ces états étaient joints des rapports de nos espions, inculpant cet état-major ou plutôt le nomme et l'effet en furie. et le neveu de Berthier, leur luxe, la celui de ce qu'on cour du maréchal, qui en effet est prodigieux, que cela produit dans 11 le a écrit à Bernadotte lendemain, la peur l'a pris, pays. Cela comme il l'a remis à un laquais, a envoyé un autre LE PREMIER CONSUL ET SA COUR courrier arrêter le premier; mais, ne qu'il soit recevra la dont j'ai pas rejoint, lettre.. eu ma . il ne le Voilà un 261 comme on a intérêt sera pas, et Bernadotto dont fait j'ai été témoin, part aussi, car, voulant lui expliquer aune tout ce détail des magasins qui forment l'obstacle plus grande quantité de troupes, sur la table en fureur, et mené me dit mit il : les deux poings Je ne veux pas être par des gens de plume, entendez-vous bien sont tous desj... f..., et je les mettrai à la raison Ce ? (1). Pour Vamie, Bonaparte est le maître incontesté de France, mais il » la n'en est pas l'idole, au contraire. Ses frères et ses sœurs, excepté Joseph et Élisa, ne le peu- vent souffrir. Leur antipathie est partagée par les ministres, qui déplorent ses violences, dont les les sentiments gens de devant sont pour la plupart à genoux poissardes ne lui ménagent pas les leries grossières. généraux, sont poussés jusqu'à la rage. Si grand nom lui, les par les Parisiens, Dans l'armée, même phénomène; les colonels lui sont attachés, et les le détestent. rail- Sa femme les soldats redoute à la pensée de ses le fréquentes colères. Toutefois, les uns et les autres se sentent solidaires de ne sachant qui mettre à sa lui, place, et le soutiennent par (1) (2) égoïsme (2). L'ami à d'Antraigues, 15 juillet 1803. intéressant ici d'apprendre quel tableau de la Il peut paraître « On croit la Franco M"» d'Antraigues mère présentait alors h son fds France toujours en révolution; ce n'est plus cela... On revient peu les préfets sont absolument les intenà peuaux anciennes institutions dants, les généraux employés successivement dans chaque pays les commandants de province. La paix règne, le crime est réprimé c'est un changement de dynastie. Le pouvoir suprême réside en un seul ; le se: : ; CHAPITRE SIXIÈME 262 D'après mais l'ûtm/, « n'y a plus d'esprit révolutionnaire, il n'existe peut-être pas le voulût ce qui a été voulussent mais fait, détruire vingtième de ce Louis XVTII ils le n'y en a pas il que tort un coup mortel. On Berthier le trône, et années vous ; lui il est « le subit en espérant mieux. que cela ne peut aller à plus de quelques me l'a dit clairement. Mais il devient fol si parlez de Louis XVIII, et enragé. Je mets toute frir depuis dix-sept ans; mais que c'est le Vami mépris qu'on a pour C'est qu'on le croit pour lui por- convaincu qu'un Bourbon remontera sur passion à part, et je le dois, puisque je ne livré à d«' rupture de la commerce paix d'Amiens et l'interruption du teraient ou Bonaparte (1) ». que par une révolution Les Anglais ont cru à palais. mille qui Bourbons n'en veulent pas; ils couvrent de boue ne saurait être renversé France qui la qui est... Les leur sont à charge ou à mépris: la la Révolution... Il y a la nécessité de tenir à il un lui et le peux souf- moi nous disons qui le rendodieux... poltron, faux, méchant, et tout des favoris qui sont ses maîtres, et qu'il passe incapable qu'il referait de conduire la barque, une révolution et qu'on croit qu'on en a tant de peur cret do l'État est impénétrable; jamais liomrae moins communicatif et plus respecté et craint. La noblesse... commence à accepter dos places les pères s'y refuseraient, mais non gêner soit civiles, soit militaires ; leurs enfants, qui sans cola n'ont d'autre parti à prendre que de mener leurs charrues ou celles des autres. Ceux qui sont employés sont bien payés et par préférence aux autres. Il y a encore bien du mal mais quand on le compare à ce qu'on a éprouvé, on regarde le Premier ; Consal comme un libérateur. » (Lettre du 7 février 1804.) (I) L'ami à d'Antraigues, 16-22 juillet 1803. LE PREMIER CONSUL ET SA COUR que, je vous jure, on fer consentirait à voir régner Luci- promettait que l'on ne reverrait plus de révo- s'il lution. 203 On ne méprisé aussi peut pas revenir sur lui. Son frère est Les émigrés de l'Angleterre ont rendu . Berry détestable en racontant sa vie crapuleuse et les excès de sa brutalité. Enfin Berthier m'a dit le mot. j'en ai frémi ; il m'a dit: s'il en revient un, et n'y a que il d'Orléans en état de régner dans toute la famille. Jugez si mot m'a ce sin de la reine! répété si effrayée. D'Orléans, le fils de l'assas- J'en frissonne encore; mais souvent que je vois bien qu'il le Derrière l'am* et l'am/e apparaissent, il pense me l'a (1)... comme » source principale de renseignements, Talleyrand et Joséphine, L'«/??i est depuis 18001e témoin quotidien de l'ex-évé- que, de l'ex-conseiller de Barras, qui emploie périence acquise sous les tituer et à en faire vivre régimes déchus à en cons- un nouveau. Cet « a de grands, de très grands talents; il, lui de vouloir très déterminément, tention de la faire exécuter... pense nuit et un très second le Il grand acquit, (Il) le a prodigieusement coup d'oeil qu'il a mais il a de le rend peur de déplaire, une vivacité de production qui embrouille tout ce (1) L'fl?>iie ; rapide, la au cœur, un amour de sa place qui vraiment fou dès l'in- a des haines invétérées conception nette, de l'audace dans la tète la faiblesse celui de jour à 'satisfaire. Celle contre l'An- gleterre est l'âme de sa vie... d'esprit, homme, ditpremier, ce- le sans jamais perdre ployer, d'ajourner sa volonté, qu'il son ex- ù d'Antraigues, 6-11 décenibro 1804. qu'il écrit, un CHAPITRE SlXIlLME 2fi'i amour de l'argent intarissable; plus raffinée, aime ses aises il trouver des raisons à tout... rétablirait lui alors serait il n'a ni perdu... honneur rigoureusement et ferme Il il . . la le est de et Bonaparte croit que, est le parti travailler, commode peut tout ni rancune. mais yeux pour ce qui les en affaires. débauche des le Directoire, et cela est vrai, et parte pour son insensibilité: faire; il y aurait un bouleversement, que il généraux que la n'aime pas Bonaparte Il en a affreusement peur, mais perdu, aime redoute à la mort Son amour-propre travail long et de bureau... il il et il est travaille et fait Il fait à Bona- lui dire et lui largement payer chef sur des profits Toute son étude, toute sa sagacité est de deviner ce que veut Bonaparte et d'y soumettre toutes ses pensées (1)... Ce car > portrait doit être vrai dans ses le modèle a posé journellement devant un homme peu bienveillant moindres et et surprendre dans ses diverses attitudes. sans détails, le savoir intéressé à le A ce moment surtout, où Bonaparte était exalté dans son ambition par le titre césarien, carolingien qui allait lui échoir, le ministre des relations extérieures était une puissance (1) 1803. ; Vami à d'Antraigues, 16-22 juillet 1803, 19 février et 1" mars — A ces traits sont joints des détails sur sa manière de travail- son plan, réunit ses idées, et les écrit mais avec peu de beaucoup de confusion... Il s'enferme avec Durant, à présent avec Vami ou Hauterive ou Chevalier. Il leur dit tout ce qu'il veut, souffre des contradictions non pas pour changer, mais pour y parer, et finit ainsi son travail. Alors celui avec qui il l'a fait va le rédiger à mi-marge et le lui lit. Il dit les corrections ou les écrit on met au net. Voilà son travail pour une note de quatre lignes et pour un mémoire de cent pages. ler : « Il fait méthode et ; >> LE PREMIER CONSUL ET SA COUR il le une cour, avait 265 soupers, ses thés après et ses petits spectacle étaient d'autant plus recherchés qu'on s'y comme initiait, naguère au club, à Talleyrand, sachant que la politique Premier Consul le courante. affectait de mépriser ou de dédaigner les souverains de l'Europe, dans des rapports excitait ces sentiments les traits oij il révélait que nos ambassadeurs, eux-mêmes courtisans habiles du ministre, recueillaient à cette intention. Son dévouement au gouvernement consulaire avait pour seule raison d'être ses convictions arrêtées sur nullité et la il il la désunion des partis opposants. Vénal, car aimait la richesse et les jouissances qu'elle donne, était peut-être servile à sant davantage Ainsi il à dominer, sait même sous un plai- maître. eût voulu arranger les affaires entre l'Espagne cadeaux et les États-Unis, et les fortifié un plus haut degré, se en quand mais lui ce désir; même abonder la faits à sa femme peur d'être chassé dans le disait-il, les généraux suadé au Premier Consul et le fai- sens contraire, sauf à critiquer en petit comité son opinion de Ce sont, avaient commande : Fouché qui ont per- qu'il faut toujours avoir des motifs d'intervenir en Amérique, afin d'envoyer là tous les suspects de l'armée. Ce que Talleyrand est pour Vami, Joséphine l'est pour i'«m/e. Aussi met-elle presque constamment en scène M""' Bonaparte, son mari jour la montre vivant et nuit, et initiée, les secrets de la politique. mais sans auprès de suite, à tous Tête sans cervelle, prompte à rire ou à pleurer, elle est du moins fidèle à ses affec- CHAPITRE SIXIÈME 266 lions et à ses relations; presque timide avec ses ancien- nes connaissances, elle ne se ménage point pour obtenir les places et les grâces, et elle réussit. sans gêne du bon temps où nais, et, avec sa naïve immoralité de créole, comme anciens amants Elle parle elle était la petite Beauhar- nomme ses Scipion du Roure ouCresnay plus souvent elle se lamente, en femme étonnée et ; em- barrassée de sa grandeur présente. « Tout a de force dans sa été placé de tète, à force l'entendre dire à Bonaparte... Elle vous dit quelquefois de ces phrases qui vous étonnent. On croit tenir le fil de quelque chose... Mais on est tout attrapé de voir qu'elle ne sent pas peut tout dire; force de la ce qu'elle dit... lui n'y a pas d'exemple qu'elle ait jamais il rapporté un mot à son mari, jamais, jamais.. elle n'a fait On . Jamais que parer les coups... Le ridicule est au delà de toute croyance, espèce de délire l'intempérance de et (1). » propos une Sajournée se partage entre des conversations futiles ou galantes, et des larmes que font couler les duretés de Bonaparte ou la peur des complots. Il y a des moments où de cruelles anxiétés l'assiègent, quand elle voit paux ennemis, elle son beau- frère Murât, un de ses princi- nommé gouverneur de Paris, ou quand apprend que Joseph, son autre beau-frère, a proposé de la répudier t-elle, contre et de l'envoyer régner à Parme. Sera- l'avis de tous, excepté de Talleyrand, couronnée à côté de son mari? Cette incertitude laron- (1) L'amie à d'Antraigues, 6-11 décembre 1804. PREMIER CONSUL ET SA COUR Lb" 267 géra jusqu'à la dernière heure, puis, avec sa frivolité étourdie, elle oubliera un moment ses craintes devant une tunique de gaze ou un carton de dentelles, présents qu'elle destine à ses nouvelles égales les reines étran- gères, et elle alors « : mari; il rit môme comme Vous vous êtes Vamie lui dit partagé les rôles avec votre une folle si veutôter aux souverains la chemise, leur laissez. et vous la » Joséphine soutient atout prix Fouché contre Talleyrand, etFouché,par l'entremise de M""' de Copons,lui fait passer de l'argent quand elle en manque, sauf à en de- mander à son tour sous un prétexte à Bonaparte. Fou- ché a obtenu, au grand déplaisir de son rival, d'avoir à l'étranger une police répondant à lui seul et de lui à Bonaparte la seul. Talleyrand n'en a pas moins recours à nouvelle impératrice, venu solliciter décembre (1804) et le 7 son intervention, afin qu'elle décide à divorce son beau-frère Lucien, au gouvernement de il est un destiné par Bonaparte l'Italie. Elle a accepté, mais à une condition, c'est qu'on ne fasse pas venir à Paris Lucien, qu'elle accuse d'avoir et empoisonné sa première femme, dont elle-même a beaucoup à se plaindre. A ce moment l'empire était fait, QlYamie ne négligeait pas d'écouter ce qui se disait dans l'entourage du maître. Elle raconte avec une joie maligne les marchan- dages clandestins qui ont accompagné l'organisation de la maison impériale. Bonaparte eût voulu d'anciens noms dans les charges de cour, bellan, Crussol comme Laval comme grand-cham- grand-maître de la garde-robe. CHAPITRE SIXIÈME 268 la princesse de Lorraine-Vaudémont commme grande- comme dame du d'Albon, désignée maîtresse. M""*^ palais, bien que nièce ded'Antraigues, a su se dérober à un honneur qu'elle redoulait en allant passer deux mois en Suisse. M'^^deLa Rochefoucauld, quoique parente de Joséphine, s'est faitprier pour devenir dans enfin, la nuit du 12 au 13 juillet, dame d'honneur; cédé moyen- elle a nant 100.000 francs de traitement pour elle, 400.000 francs destinés à acquitter les dettes de la famille; sou mari doit recevoir Légion d'honneur, traitement, une le rang commandant dans de la 15.000 francs d'augmentation de pension de 12.000 francs et de plus (M'"' de La Rochefoucauld avait cette condition à cœurj être maintenu pour un temps indéterminé dans une grande situation hors de France Ce tableau de plet, si la . cour consulaire ne serait pas com- nous n'y voyions figurer sentants de l'Europe à Paris. tout, des propos de salon informations sur le et les principaux repré- Ils tirent ils se par- des bruits populaires, leurs gouvernement cipes et ses projets, et d'un peu français, ses prin- trompent souvent, n'ayant pas accès à ce cabinet du Premier Consul oiî tout vient aboutir. Ils sont aussi peu considérés qu'imparfaitement instruits. Gallo, l'envoyé de Naples, est tenu pour imbécile obséquieux, empressé à faire des cadeaux toutcequi porte jupe auprès des ministres ses collègues au profit même de Talleyrand, à l'occasion contre voyé de Saxe, « n'est pas », et d'Antraigues. un coquin, mais un « à espionnant déblatérant Bunau, enc'est le plus LE PREMIER CONSUL ET SA COUR vil des hommes tremblant qu'on ne (1), » 269 lui donne un successeur encore plus docile que lui envers la France et se dépensant en flatteries intéressées. sadeur d'Espagne, est aussi de cœur gouvernement consulaire, et comme un Azara, ambas- d'âme avec n'en est pas moins il chien dans tous les bureaux, éperon vilain n'a ni bouche collègues a eu le talent de se glisser dans il ni le clabaude dans les salons contre les vieilles monarchies; traité et ». o mais le Seul entre tous ses le cercle intime de M"'' de Talleyrand; encore auboutde peu de temps Beurnonville Lucchesini, le l'a-t-il fait ministre de Prusse, en dépit de ses vices, montre quelque habileté et quelque connaissance de la situation: « Osez, osez, dit-il que cela dans ce siècle! La Russie honnêtement exclure. n'était à Talleyrand, il ne faut » dans représentée alors plus ce groupe cosmopolite. Markov avait quitté Paris, ayant irrité Bonaparte par son attitude hautaine, mérité que le Premier Consul, dans un meur, dît de lui à Talleyrand : et toutefois moment Voyez combien d'huil est supérieur à vous, ce qui avait désespéré l'ex-évêque et fait il pleurer sa femme restait à Paris à chaudes larmes. une colonie russe, dont membres nous apparaissent dans une peu édifiant. Ils louent étourdiment son chef, et frayent en même le Markov les parti, principaux galerie d'aspect gouvernement temps avec les et survi- vants du Jacobinisme, parlent liberté et constitution dans (1) le salon de La Reynie ou dans L'ami à d'Antraigues, 16-22 juillet 1803. celui du banquier CHAPITRE SIXIEME 270 comme Récamier, si on encore en 1790. Là un était prince Obolensky raconte du grand-duc Constantin «des choses à faire frissonner » une ; M"i® Demidov appelle tout haut Bonaparte le Dieu de l'Europe, bien que l'am^ ait fait fermer par ordre Une chez elle. princesse Dolgorouky, gante, extravagante, nommer elle est salon de jeu qui se tenait le se vante bien indiscrète, intri- haut d'avoir fait ministre à Berlin le jeune Metternich, dont follement éprise. M™* Divow a obtenu la per- tailler la banque chez elle moyennant une redevance de .30.000 francs mission écrite de Bonaparte de laisser par semestre à la police, grand juron qu'il n'a pas graissé la mais Talleyrand a juré son « ferafermer cette boutique, parce qu'on main à sa femme (1) ». ne l'oublions pas, aaussi organisé chez Ladite dame, elle impunément un véritable commerce de contrebande pour elle et ses associés (M"^^ la Russie ; de Talleyrand est du nombre) y gagnent 20 0/0. Il y a aussi la princesse Michel Galitzine, une Schouvalov, fille d'un correspondant de Voltaire, qui est en liaison avec Caulaincourt, et qui emploie son talent épistolaire à dénigrer l'empereur Alexandre et son entourage. Parmi ces étrangers figure un revenant de Versailles, Nassau-Siegen, jadis célébré par les madrigaux héroï ques du prince de Ligne : on le voit passer à l'écart, médisant de Czartoryski, puis empochant silencieuse- ment les profits clandestins curés dans (1) L'(uni l'afïaire que Talleyrand des sécularisations. à d'Antraigues, 16-22 juillet 1803. lui a pro- LA CONSPIRATION DE C'est presque aussi 1804 271 un Russe que l'aacien ambassa- deur de Louis XVI, l'hellénisant Choiseul-Gouffier; après dix ans passés à revenir de Constantinople parla Neva, il paie en anecdotes malignes sur Alexandre le droit qu'on lui laisse d'espionner pour le nouveau souverain. Telle est compte de son du moins l'opinion sur son compte au ministère des relations extérieures. Bonaparte le traite de drôle, il ne veut point entendre par- ler de lui, et Talleyrand, qui ami un serviteur du nouveau régime, n'ose plus vieil le comptait faire de son plus voir qu'en secret. III LA Au co^s['n\A'i'in>' Di-: IHOi tableau de la cour consulaire se joint le récit de la crise qui faillit emporter tout le régime, lors de l'é- tablissement de l'empire. Pour des motifs divers, d'Antraigues et Czartoryski prêtaient une attention passion- née à ce qui se passait alors en France. Émigrés, constitutionnels, républicains vue d'empêcher nastie, et le la s'unissaient secrètement en proclamation d'une quatrième dy- Premier Consul, près de saisir la couronne, sentait entouré d'ennemis conjurés contre lui dans se un suprême a Ah! le effort. plaisant maître, écrit Va77iie, qui depuis cinq CHAPITRE SIXIÈME 272 mois ne dort jamais deux heures de queje n'en sais rien. et n'en dort Vous croyez 1 Pardonnez, Monsieur; je sais ne dort pas par la Bonaparte, dormir suite qui meurt d'envie Depuis pas davantage. le de mois de septembre, la frayeur de l'assassinat a redoublé. fait qu'il se Il garder la nuit par une garde inconnue sous les or- dres de Duroc seul. Cette garde que l'on ne voit pas est dans tous où il les cabinets, à toutes les portes des est, et deux gardes dans môme, auprès chambres chambre à coucher la des deux portes, car il y a deux portes dans sa chambre à coucher, à Paris, à Saint-Cloud, partout. Les portes sont barricadées, res on relève les postes avec à Bonaparte, qu'on éveille dans son deux ou trois fois par nuit ; et chaque deux heu- unmotd'ordre qui revient on lit change afin qu'il le le réveille chaque fois que l'ordre passe. Voilà ce qu'elle m'a confié dans le plus grand secret, à moi et à la Brienne. Ces déplorables misères, elle nous les dit moitié pleurant et moitié riant, parce que je plus pour elle de trop dans une lui demandais n'existait sil moments où deux témoins chambre à coucher. » fussent de Suivent des détails sur les précautions prises contre des tentatives poisonnement On donc d'em- (1). savait à l'étranger, par la même voie, qu'en cas de catastrophe Moreau était le successeur inévitable ; que celui-ci, trop confiant peut-être dans sa popularité militaire, avait dit au Premier Consul : « Je ne veux pas votre place; je veux rester tranquille, mais (1) L'amie à d'Antraigues, 4 février 1804. si vous LA CONSPIRATION DE mes m'attaquez, je connais 273 1804 forces, et en huit jours ou moi nous ne serons plus. » Une vous lutte décisive s'enga- geait donc, et Josépliine était loin d'être rassurée souhaitait déjà que dans la retraite ; Moreau vainqueur espagnol, et 200.000 à cette si elle la laissât vivre en prévision de l'avenir, 1.300.000 livres en or à Hervas, ; elle remettait chargé d'affaires le même amie qui médisait largement sur son compte. Les autres serviteurs, na- guère empressés à dénoncer, se taisaient, sentant venir yeux l'orage et cherchant des rand, le « maître à venir. Talley- plus insigne poltron, ment devant ennemis le le Consul tremblait extérieure- » et intérieurement devant des qu'il ignorait. La conspiration Pichegru-Georges-Moreau alors. \Jami et ['a?me se formait en suivirent de près les péripé- ties, et firent connaître à Dresde les scènes qu'ils avaient pu surprendre du mystérieux drame, h'ami montre complot organisé par paix avec les Anglais, tous les Pichegru secrets, puis, et en vue de conclure la nouveau gouvernement, sans le rien sur les institutions à établir; Moreau, le gêner en marchant parallèlement à lui, second uni au premier par son du duc d'Orléans; enfin derrière eux, dans le ministère, les le Georges seul tenant désir de relever le titre royal au profit que dans le aux armées, jus- assemblées politiques, une foule de gens effectivement ou moralement complices, vingt-trois sénateurs, deux généraux enchef, LecourbeetMacdonald, Suchet et Dessoles, Real enfin, autre par des lettres de sa « enfoncé plus que tout main à Pichegru ». Il affirme 18 CHAPITRE SIXIEME 274 que le dénonciateur a le vrai comme au 18 été, Fructidor, prince de Carency, devenu inspecteur de police. tenu et lu l'ordre du Premier Consul de faire Il a donner la torture à Pichegru. Usait que Georges est venu jusqu'au milieu de Paris protégé par des agents de police. 11 note l'arrestation de Moreau dès qu'elle est décidée, et môme sa lettre en fait partir celles qui an- temps que nonceront la nouvelle à nos agents à l'étranger. Enfin il de près l'inventaire des papiers suit parcourir ceux de Moreau en définitive soustraits et et saisis, et a pu de Pichegru, qui ont été seront transportés en Angle- terre. De de ses rapports à ce sujet, j'extrais l'affaire le récit textuel me semble une page même temps qu'un do- du duc d'Enghien, qui toute vivante et frémissante, en cument historique de premier ordre. C'est unehorreur, c'est a... est aussi le plus qui l'a il citadelle le incidente, dans a dit qu'il (d'Enghien) devait s'emparer de la d'Huningue, puis de celle de Strasbourg, que plan les conjurés devaient d'Huningue celle il imprudent des hommes. C'est Lajolais compromis par une déposition laquelle dans une abomination, mais M. Thumery, ce il qui, lui livrer; devait laisser pour mal écrit, a fait croire Dumouriez au Grand-Juge, qui nous l'a que dans commandant que envoyé c'était ainsi écrit. a Je crois quant à moi, ainsi que Talleyrand, — — que et Durant pense de même Lajolais a reçu du Grand- Juge l'ordre de compromettre le duc d'Enghien, que le LA CONSPIRATION DE 275 1804 Premier Consul voulait enlever déjà depuis plusieurs semaines, à ce que m'a assuré Duroc lui-même. On savait par deux de ses valets, dont un était une espèce de se- deux cassettes de papiers. Enfin, crétaire, qu'il avait après la déposition secrète et incidente Consul manda Talleyrand la lui remit toute faite ; elle est est présentations, je vous le jure sur et le : Je renvoya, veux, je l'aurai, je ordonnant de lui lui le ; bureau, devenu l'intimo de fortes re- fit honneur. Bonaveux, je l'aurai envoyer le paquet l'expédierait lui-même. Talleyrand vint lui- fait, qu'il même le mon Bade le encore dans confident de Bonaparte. Talleyrand lui parte lui dit d'écrire la let- l'électeur de Fourcroy qui écrite par le conseiller de Lajolais, le ordonna que vous avez vue imprimée, à tre, il et lui chez Durant; il était pâle comme un mort, et il leur dit ce qui venait d'arriver, ordonnant de faire ex- pédier la lettre et de la dit mot, ni moi. Lui lui pédition de la lettre, nous Duran t ne lui porter à signer. sorti, et à l'instant môme avant l'ex- envoyâmes chercher mon ne- veu, frère cadet de celui que vous avez vu en Egypte consul de France; Strasbourg, oii il La fut lettre ne il est du commissariat de la guerre à devait se rendre dans peu de jours. mise au net, signée mier Consul qu'après le et remise au Pre- départ de M..., et quand Cau- laincourt partit, M... avait au moins trois postes vance « d'a- . En arrivant à Strasbourg, ce pays, homme nommé sûr le magistrat de sûreté de Popp, ami intime de M..., envoya un à Kehl au nommé Trident, maître de CHAPITRE SIXIÈME 276 poste, qui expédia à l'instant On au duc disait compromis ainsi une estafette à Etlenlieim. Partez à l'instant. Lajolais vous a : que M"^^ de Reich. Celle-ci Le duc a reçu Vous n'avez pas une minute à perdre. billet vingt-neuf heures avant d'être arrêté, pas tenu compte; on fait lever, il l'avait sur lui, est arrêtée. ce et n'en a quand, après l'avoir a été remis à l'inventaire l'a habillé. Il à du duc à Strasbourg. Le magistrat chef du l'arrivée non a saisi le billet, l'a déchiré et tribunal criminel compris dans l'inventaire sommaire. Ainsi vous voyez homme que ce malheureux jeune a été infatué et n'a pas voulu s'échapper. Nous avons la consolation d'avoir fait « l'impossible entre Dieu et nous La lettre de Talleyrand mise au net, Durant malade ne put la porter à rand était qui fut me fait. c'est alors Consul ira à la signature; avec Chaptal, l'un cette arrestation, leyrand mais tous deux chargea de porter le si opposés à effrayés que Tal- paquet au Consul, ce Je trouvai le Consul avec Caulaincourt, et dit devant moi Ettenheim qu'on avait résistance, et : le perdu. Le Ordonnez au général qui dans sa chambre, le fusille vous était ferez fusiller s'il y partout où un mouvement pour nous l'enlever. Là vous verrez les ordres furent en je la portai. Talley- et l'autre fort que je vis que d'Enghien lui officiers (1). même rendus devant temps sur la moi. On envoya trois route de Paris à Stras- (1) C'est là la confirmation du fait rapports par Nougarède de Fayet, Reclierc/ies historiques sur le procès et la condamnation du duc d'Enghien, t. II, p. 234. Cf., pour ce fait comme pour le reste du récit, H. Welschinger, Ze duc d'Enghien. LA CONSPIRATION DE bourj^ à postes fixes pour L'ordre duirait ici. de la citadelle quand on se relever était qu'il fut 277 1804 mené con- le à Paris et retiré nuit, sortant par la de Strasbourg la porte de secours du côté de Saverne. a que J'oubliais laincourt, s'il le Consul répéta plusieurs fois Cau- : envoyez s'enfuît, averti et qu'il était quinze cavaliers à toute bride après lui; promettez-leur 3.000 louis s'ils le saisir, ils le tuent saisissent, et 1.500, si, ne le sur place en quelque lieu rencontrent. Ce furent ses dernières paroles. moment dans son en ce pouvant qu'ils le Il y avait cabinet Bertliier, Duroc, Cau- laincourt, Régnier et moi. « On n'apprend disait votre à connaître les hommes vénérable grand'père, et je l'ai qu'à l'user, bien vu en cette occasion. Caulaincourt, que j'avais toujours cru un bon que j'aurais parié devoir et aimable garçon, et refuser cette mission, que Duroc et Mortier avaient refusée, s'en lui chargea non seulement avec joie, tournait déplaisir de rendre service; « Vous avez ordres; lu dans le la tête était infatué. Moniteur l'exécution des Seulement cela est très exact. sujet de l'électeur de il mais Bade; il n'a ils mentent au pu consentir, puis- que, lorsqu'il a reçu la lettre de Talleyrand, d'Enghien était à deux lieues enfoncé en terre de France. bourg il n'a pas eu le temps pas été maltraité; jour et nuit, il A de se reconnaître. StrasIl n'a au moins je l'ignore. Mené à Paris s'est arrêté onze fois pour des quarts d'heure au plus pour des besoins; mais jamais on n'a voulu le laisser dormir. M... m'ajoute, — mais cela je CHAPITRE SIXIEME 278 ne puis — qu'on ne le croire, pas dormir en le laissait voiture exprès afin de l'empêcher d'être en état de ré- pondre à ses juges je ne crois pas ; Arrivé à Paris, « cela. Temple; mais a été d'abord au il matin Berthier y avait été avec Murât deux capitaines de Murât pour arrivant, un il a On fatigue. lon, et seil « on lui lui a un lit, tout de suite parce il n'y avait pas de bouil- de guerre était assemblé. Alors le con- a paru ému. il Talleyrand nous avait chargés d'envoyer des gens tout, et j'avais sur quoi? — il « — Vous juger, » taires; y avait mais quand monde, il dit Alors il l'a c'est-à-dire des mili- on le voulut parler, on le lieutenant fit sortir tout de gendarmerie aussi. Enfin couta sans mot dire, l'œil ferme, mais très pâle. envoyer sa bague à Rohan, refus. Alors as- reprit ses forces, on rouvrit les portes pour lui lire sa sentence. lut écrire, refus; Hulin. du monde, et s'endormit; au moins on il D'Enghien a mena dans la salle. cru. Quand on lut les Voyons, voyons,» préambules, lieute- Sur ce que vous avez voulu sassiner le Premier Consul. et dit: envoyé un nommé Lemonnier. demandé: «Mais queveut-on? — Mais il eut tience, presque convulsifs, et « En y pouvait plus de refusé de dormir, lui disant que nant de gendarmerie le carrosse un verre de vin ou qu'il n'en a donné du vin, pour être témoins de Là le conduire aussitôt à Vincennes. demandé bouillon, et le y avait laissé quatre gendarmes avec et le et des Il vou- la princesse de mouvements d'impa- demanda Pendant ce temps, notre amie Il l'é- était à boire. chez M™® Bona- LA CONSPIRATION DE 279 1804 parte pour l'engager à le sauver. Je vous jure devant Dieu qu'elle y a possible de faire- tout ce qu'il est fait Je vous dirai plus. Talleyrand a écrit à ce sujet une superbe au Consul tre ler, a écrit il a il ; seph est venu, et l'a engagé à porter sa sul, et à l'appuyer. M™*' de son mari pour vous rapporte otage. Je notre amie, qui vous « : l'a écrit aux pieds ce qu'elle a dit Eh! me font les souverains ? clament pas Alors elle — Mais les qu'il sera exécuté. Joseph le genou, est entré alors. de lion, peut-être trop, pierre et se faire puis il soit, Marat de le — Mais f... en toutes s'est monde tout le le a lancé un lui et est sorti. Il lui lui a parlé avec un courage a dit qu'il serait le Robes- lettres, et enfermé à la ! qu'a-t-il fait ? » France. Bonaparte la souve- — Eh C'est pour qu'ils ne le ré- juraà r«m/e que Bonaparte coup de pied sur « elle- Consul, de quoi vous mêlez- f..., lui dit le rains le réclameront, et vous en tirerez parti. que comme elle-même à mesure en rentrant chez à Je n'ai pas besoin d'otage. ? s'est jetée au Con- demanda donc de garder d'Enghien comme Elle lui otage Bonaparte lettre supplier de garder le duc le let- courage de par- prier Joseph de le venir voir. Jo- fait il n'a pas eu il ; le l'a envoyé a ordonné l'exécution, Malmaison sans qui que ce croyant à Paris. Tl a défendu qu'on laissât approcher personne, excepté Hulin, qui est venu cié de quatorze coups de dit et Un lui dire que le duc d'Enghien avait été supplifusil tirés répéta que Bonaparte de moins ! C'est bon. à la fois. Hulin me avait dit ces seuls mots : CHAPITRE SIX[ÈME 280 «Voilà, Monsieur, tout ce quejesais et vous garantis être vrai, parce que j'en suis sur, et si sûr que je vous supplie de n'en faire aucun usage public qu'après mort ou un changement ce soit d'être plus instruit, excepté Hulin, qui mais voulu dire à Talleyrand ce clos, ce qui me n'a ja- à qu'il avait dit persuade que l'on fabrique huis- sur cela quelque infamie pour faire périr quelqu'un ou sa mémoire. Je le crois ; On au nez, dit répondu? Hulin, et il me dit hier demandé un avait lui seur. Et que lui avez-vous lui ai ri flétrir nous verrons. que Hulin lui-même « J'oubliais Decrès que d'Enghien ma de maître. Je défie qui que ici dit chez confes- Decrès. s'en est passé (1). — Je » n'a rien trouvé d'essentiel dans les papiers de la victime. C'est Bonaparte, assisté de Rœderer et de Ségur, qui en a fait lui-même l'inventaire. Uam'i continue en ces termes Autant « tant j'en ai sûr : mais est faux j'ai desdétails sûrs sur le duc d'Enghien, au- peu sur Pichegru. il : Il a été étranglé, cela est est impossible de bien savoir que la garde ou la gendarmerie bourreau. Talleyrand sait comment. ait Il fourni le très positivement qu'il a été étranglé par Sanson le bourreau, mais ce qui a donné lieu à la méprise, c'est chait au Temple et la n'ose parler, même il cou- y entrait vêtu en gendarme ou en garde grenadier de que depuis cinq jours ; cela, nous le savons. Personne à Talleyrand, qui n'ose pas trop s'informer. Ce que l'on sait à cet égard, c'est que Ré(1) Vami à d'Antraigues, 19 avril 1S04. LA CONSPIRATION DE mesure. Je ne gnier a décidé cette 281 1804 sais le que par Rcinhard, qui a entendu Talleyrand causer à fond avec Lagarde, ami de Régnier. Pichegru a subi quatre terrogatoires, dans lesquels ce soit, de la mais il n'a compromis tyrannie actuelle et lui rendre un stable ; qu'étant militaire gouvernement versement de il à établir, mais que son but était le ren- demandé plume, la tyrannie actuelle. 11 a composer sa défense au tribunal, n'ayant pas voulu d'avocat. papiers ont été saisis, sa défense lendemain gouvernement n'avait pas d'idée fixe sur le papier, encre, et s'est mis à le France a déclaré avoir voulu délivrer la il in- qui que il a été étranglé. Tout à coup ses portée au Consul, et Nous n'en savons quant à présent pas davantage... Dans ce temps-ci on ne peut être trop curieux; cela n'est Talleyrand s'en tient aussi. pas prudent force là, nous est : puisque et d'y rester B On vient de voir l'c/mz'e intercédant pour le duc d'En- ghien. Elle rend encore témoignage à Joséphine de ses efforts pour obtenir Moreau, qui réussi. la grâce de Georges, l'eût très En revanche, elle de la future impératrice et pour sauver bien traitée, paraît-il, : s'il eut dénonce un mot malheureux <i Je ne sais pourquoi le public nous boude, auraitdit Joséphine en sortant d'un théâtre où elle et son mari avaient été accueillis par un pro- fond silence, car ceci est une querelle particulière entre nous et les Bourbons. nUamiea. déplus fermé sa porte à Caulaincourt, hier encore le bienvenu dans son châ- teau avec les officiers do son régiment, et n'a consenti CHAPITRE SIXIÈME 282 à la lui rouvrir que sur les sollicitations expresses, réitérées venues des Tuileries. « à cette occasion, de une partie que d'honneur que a essayé, écrit-elle se justifier, et Bonaparte voici. si Il il lui s'est justifié d'Engliien était arrêté il serait jusqu'à la paix au château de Pierre-Encise à qu'il y fût connu. Caulaincourt ne se promesse, Bonaparte me l'a Il médit ne la lui l'avoir conservée : fiant enfermé Lyon sans pas à cette écrire parle Grand-Juge. fit Je lui dis fait lire. en promit sa parole Il faut la publier. Il pâlit, que pour moi, avoir consenti à la détruire et avoir dit qu'elle n'existait plus (1). » La grande dame avait poussé l'expression de sa colère contre lui jusqu'à demander et obtenir qu'on changeât de garnison le régiment dont voulaitpoint voir, môme il était colonel elle ; ne de loin, lacouleurde son uni- forme. Mettons en regard de cette disgrâce, d'ordre tout privé, la rentrée en faveur d'un personnage aussi important que peu considéré, Fouché. Les historiens attribuent à son zèle pour l'établissement de la mo- narchie impériale son rappel au ministère de la police. Voici une autre cause que bulletins de Vamie. tres, l'avis « spécifient avec détails les Lorsqu'on arrêta Moreau et d'au- de Fouché fut de les disperser dans les dé- partements, de les faire juger par les officiers comme l'infortuné d'Enghien, et de les faire fusiller. Bonaparte en fut (1) détourné par Real et Régnier, qui l'engagèrent à h'amie à d'Anlraigues, 2 juin 1804. LA CONSPIRATION DE 283 1804 en faire une affaire d'éclat pour établir l'opinion de sa justice, il et que d'ailleurs, les juges étant de son choix, devait être sûr que lorsqu'on ferait enfin le procès tout serait combiné de manière à ce que par leurs aveux, soit par la promesse soit ces gens-là, et l'espoir de leur grâce, ne contrediraient à rien. Talleyrand fut du môme avis. Il s'y rendit. L'événement a contraire. Ils se sont défendus comme été entièrement des lions, excepté ces sots de Polignac, et le public et l'armée ont été constamment contre les juges, et l'armée a appuyé public. Bonaparte a failli tuer Real de colère excédé de coups devant sa femme, et, il l'a résolu à ne plus jamais donner de spectacle de cette nature, Fouché ; le il a rappelé » (1). L'Europe s'émut, sinon du meurtre juridique accom- du moins de pli, commis contre l'attentat le droit des gens, et la Russie, qui n'avait plus guère à ménagerie Premier Consul, une note en du territoire fit style parvenir en Allemagne et en France comminatoire, accusant germanique. Talleyrand répliqua de son mieux, ne se doutant guère qu'un dessus son épaule traigues : « C'est écriv^ait de la homme qui lisait par- dépèche russe à d'An- une pièce superbe; depuis quinze ans, nous n'en avons pas une seule à lui beau, c'est raisonné, c'est noble, c'est fait... Ici dans (1) ma la violation on n'en dira pas le mot, mais comparer. C'est clair, c'est elle sera connue me charge tournée annuelle aux frontières. Je L'amie à d'Antraigues, M juillet 1804. par- CHAPITRE SIXIÈME 284 de répandre sur une ligne de 380 lieues. la influer sur l'opinion (1), » D'Antraigues de son côté tint à engager désir de ne point de ne point attirer gouvernement publier, sans le gouvernement russe, de nouveau sur français. Il nom le fit et l'attention du imprimer à Dresde et lui d'auteur, sous la rubrique de Londres, des Réflexions dirigées surtout tout en réprouvant ; exprimer ses senti- en gardant une réserve inspirée par ments, tout Régnier Elle doit contre Bonaparte, du duc d'Enghien, il le Grand-Juge les projets d'assassinat y rendait et contre hommage à la mémoire s'attachait à justifier, dans la récente conjuration, le rôle et le but de l'Angleterre. IV LA POLITIQUE FRANÇAISE EN Uami tique et étaient, en fait Vamie de Paris étrangère, survivants des plus Européens que Français. cœur, était alors Russe de Alexandre et ses conseillers, et 1804 du xvin" lui, le (1) la siècle, Le premier, anglomane, s'imaginant, tout comme que l'accord de la Russie do l'Angleterre préviendrait de nouvelles de la part de de poli- atteintes France à l'équilibre européen. Selon cabinet de Londres était servi à Paris par bon L'ami à d'Autraigues, 30 juillet 1804. LA POLITIQUE FRANÇAISE EN nombre de gens en place, dans les 1804 28S armées reaux. Ceux-là, — comme pensant Anglais Masséna, Suchet, — détestaient et il voulu accepter et n'eussent néanmoins, sans d'eux, et surprendre faire connaître, ils réussissaient à du cabinet consulaire Manche des du maître. et faisaient avis propres Un bu- les ainsi Sieyès, cite les rien et se les secrets passer au delà de la contrecarrer les desseins à certain Latour, ancien ami de Fox, était l'intermédiaire ordinaire de ces communications. h'amie se parle sentiment que par la raison; dément de femme, plus laisse guider, en sa qualité de admire profon- elle jeune souverain de la Russie, loin le digne représentant à ses yeux de la cause des rois l'appelle « notre ange », et a pour lui cet seul le ; elle engouement voisin de l'idolâtrie dont se targuèrent plus tard, entre tant d'autres, des Gouffier et mondaines comme M™* de Ghoiseul- des mystiques Elle se dit forte de faire comme M^^ de Kriidener. enfermer au Temple avant un mois quiconque oserait devant elle mal parler de son héros. On voit dès lors dans quel critique l'un et esprit l'autre envisageaient la politique étrangère de Bona- parte. Ils la combattaient par ces moyens souterrains dont les affidés de la police secrète, celui qui écoute dans un salon comme celui qui travaille à l'ombre du cabinet noir ou s'embusque sur la grande route, sont les instruments mêmes, de propos ordinaires. Ils appartenaient eux- délibéré, et àl'encontre des intérêts français, à cette mystérieuse engeance ; et en dénonçant CHAPITRE SIXIÈME 286 à (l'Antraigues les espions de Talleyrand à l'étranger, les révèlent, ils d'une façon précise minutieuse, et à l'histoire. Voici d'abord des détails sur l'organisation secrète des postes et la surveillance des correspondances en- voyées hors de France. Un bureau de quarante-quatre employés, recevant des ordres de Bonaparte, de Talleyrand de Berthier, mais ne rendant compte qu'au et premier, tantôt dépouille les lettres d'un individu, tantôt ouvre toutes cellesqui sont mises jour. Le môme directeur de cette machine est Lavalette, bon diable a à la poste le »: un diable en « Anson, déjà receveur général en 1788, esprit, en méchanceté, en fourberie, » est la cheville ouvrière. Ils ont les chiffres qu'on a voler chez un les ministres étrangers, assistés et, commis de Talleyrand, arrêtent au passage de cabinet dont ils ont payé la trahison; en pu d'un les courriers ils ouvrent les empreintes des dépèches. Au- paquets et prennent les cune de leurs stations n'est près de Paris, plusieurs ministres faisant suivre leurs courriers tes. Ce sont le-bois (?), deux ou Vitry-le-François, Argental, l'Allemagne, Pontarlier pour la Suisse, et Modane pour l'Espagne. trois pos- (à partir d'octobre 1803) Ponthierry, Luis- l'Italie, Mayence pour la Tour du Pin Sijean et Saint-Jean-de-Luz pour En Allemagne, on a mis aux ordres de nos représentants à Ratisbonne et à Cassel des gendarmes d'élite qui, déguisés en brigands, arrêtent et dévalisent les courriers plus de la malle et autres. fréquemment employé en Ce moyen Italie. est encore LA POLITIQUE FRANÇAISE EN Tous ces renseignements, Vami dre scrupule, qu'il livrait sans les le un avait résumés dans au crayon rouge nacli portant les les 287 1804 moinalma- bureaux de poste oiî Anglais entretenaient de leur côté des agents sûrs. Des dénonciations ou des révélations précises corroboraient de temps à autre ces Dans son pour zèle générales. indications Vami l'alliance anglo-russe, avait noté certains articles malveillants pour la Russie, publiés dans Drake; il le Mercure de Ratisbomie, de vérifier cette et afin promettait de faire soustraire, feuille du manuscrit. Partout il attribués à et dernière supposition s'il suivait les opérations des espions français, les annulant ainsi d'avance. commandait à la surveillance taire de la légation russe à bert, soupçonné d'avoir une était possible, Il re- de Czartoryski un secré- Madrid, l'émigré livré à de Lam- notre ambassadeur le chiffredesacorrespondance.il annonçait qu'un colonel polonais au service de France, Chodkiewicz, s'était mis en route avec mission de préparer une insurrection en Pologne mande du et en Lithuanie. Entre temps, sur cabinet russe, il lisait les lettres la de- adressées au ministère des relations extérieures par le compositeur Boïeldieu, alors maîtrede chapelle à Saint-Pétersbourg. A l'en croire, ces lettres, qu'il aujourd'hui à cause portée, pleines de serait curieux de relire leur signature, étaient sans de sottes anecdotes et de plats com- mérages. De son côté, Va?nie signale un certain Coini, chargé de s'insinuer dans l'intimilé du ministre russe à Cons- CHAPITRE SIXIÈME 288 lantinople, ou bien M'"'' de Flaliaut, l'ancienne tresse de Talleyrand de venue la femme du maî- comte de Souza, ministre de Portugal à Paris. M. de Souza ayant été dame transféré à Saint-Pétersbourg, ladite instructions de Talleyrand, et des que Souza ne femme soit est il munie part essentiel ou pas accepté par l'empereur, ou que sa soit démasquée dès son arrivée. On mieux, placer dans sa suite un valet qui, si peut faire on la fait attaquer en route par de faux voleurs, désignera l'endroit où sont les papiers à prendre.» Si ce parti, ajoute Vamie, ne convient pas au prince Czartoryski, alors valet de chambre le se fera connaître à lui à Pétersbourg et servira à éclairer la marche de cette scélérate (1).» Sortant de ces régions souterraines, nous voyons se développer, au lendemain de la rupture de la paix d'Amiens., la politique française triomphante. cette politique est un mépris absolu pour l'Europe con- Bonaparte ne redoute personne, hormis tinentale. Anglais: mais comment les réduire? Il a entendu dire : i Une descente mois en Angleterre seraient pour de cent années. » mémoires contre juge possible et En 1797, cette même il les accumule pour eux de formidables préparatifs, les vaincre chez lui Le fond de et on et un séjour de deux la France une paix a remis au Directoire des entreprise ; facile. Tl s'y aujourd'hui entête, il avec la la complicité de Talleyrand, contre l'avis plus ou moins femme qui se dissimulé de son entourage, contre lamente ou Berthier qui multiplie (1) Uamie ii sa les objections straté- d'Antraigues, 18 octobre 1804. LA POLITIQUE FRANÇAISE EN Un giques. l'hôtel de 289 1804 délibérant à comité de réfugiés irlandais, Massiac en présence d'un délégué des rela- tions extérieures, y pousse activement, et a promis insurrection en Irlande pour le Un général plan plan sur Jersey, le 11 juillet œuvre de mois de janvier 1804, été présenté par lui d'invasion a discuté en conseil une et 1803; on y a joint un Vaivre, chef du bureau des colonies, élaborée sur des renseignements erronés. Les adversaires secrets de l'expédition se sont hâtés de deux messages, transmettre ces projets à Londres en l'un par Boulogne, presque sous l'autre, les yeux du Consul, par la Hollande. Parmi ces traîtres obscurs, les uns, les militaires, voudraient détourner l'élan des armées vers l'Allemagne, où de risques ; serait toute tales : ils s'enricin'raient à les autres estiment qu'en cas de une nouvelle les villes iianséatiques occupées, le 5 Quant à la Russie, Bonaparte en pas, s'est-il écrié, que la Russie se faires de l'Europe » Il à se est que je ne et : môle me mêle « repentir Je ne veux plus des af- des affaires de ne caciie pas son aversion pour Czarto- ryski, qu'il sait lié à la les Irlan- immédiate dans leur pays. des premières avances laites à Alexandre que Prusse ran- la décembre, venus dénoncer, avec preuves à l'appui, l'im- possibilité d'une insurrection la Perse. succès ce suite d'entreprises continen- çonnée, Naples conquise. Puis dais sont moins l'Angleterre; faveur de ce jeune homme parfois ne espère il durera pas, que, Kotchoubey paraissant devoir succéder comme chancelier à Alexandre Woronzov, l'empereur, jugé 19 CHAPITRE SIXIÈME 290 sans énergie et sans vues élevées, n'accentuera pas son attitude hostile. Plus souvent fût-ce gouvernement français pensait, ne que pour amener une révolution ministérielle, une favoriser à le Talleyrand avaient et l'un l'autre et complots au deiiors, ou au moins Russie, trouvaient ils toute faite, celle que à goût des le le désir d'entretenir des intelligences avec les mécontents de En Bonaparte dynastique. révolution chaque pays. égard une tradition cet La Chétardie et Breteuil avaient suivie sous l'ancien régime, en 1740 et en 1762, et qu'un aventurier obscur, Angely, avait voulu renouer en 1793. Hédouville, à qui Bonaparte l'avait indirectement un jour à raconter à mots couverts rappelée, en vint (disait-il trier vrai? voulait-il flatter?) que Pahlen, le meur- de Paul mencer P% était mécontent l'attentat de 1801 ; et disposé à recom- que lui-même et mesure de s'entendre, le cas échéant, avec cet Par Champagny faisait parvenir , il était en homme. directement au Premier Consul des renseignements plus explicites; il insistait citait une sur le mécontentement de lettre écrite Pétersbourg, impératrice ou qui par Pahlen à un de ses amis de concluait à la proclamation à l'installation d'une régence, au renversement de l'empereur actuel On la noblesse, et d'une en tout cas et à l'anarchie. devine en quel émoi fut Ya?ni, lorsqu'il eut vent de ces nouvelles. Il obtint que Durant réclamerait d'Hédouville de nouveaux éclaircissements. ayant paru encore insuffisante, La réponse ce fut Talleyrand qui LA POLITIQUE FRANÇAISE EN 1804 291 l'interrogea à son tour dans l'apostille autographe d'une lettre fut envoyée par voie de Berlin, et ce qu'il reçut la transmis textuellement par Vami à d'Antraigues le 10 mars. Pahlen en voulait à Alexandre de l'avoir en 1801 poussé, de concert avec Panine, dans une aventure politique qui avait abouti contre son gré à joué par l'un et l'autre, il un meurtre; croyait une révolution nouvelle très praticable, et paraissaitdisposer d'un puissant parti. La légation de France avait avec cet homme des rapports directs, qui pouvaient aboutir à une action commune. D'Antraigues eut à ce moment la pensée d'emporter faveur impériale par quelque démonstration palpable la de zèle. emparer d'aller Il offrit secrètement à Paris et entre Pahlen et Hédouville. Il devait bien penser, à vrai dire, qu'on n'accepterait pas sa proposition. répondit en effet pour suffisaient enjoignit môme Sur ces entrefaites, rompues à Paris, et les moyens dont il acquérir ces preuves, de ne pas s'éloigner de Dresde entre la ; il et dispo- on lui (1). les relations diplomatiques furent France et la Russie. Vami s'aboucha confesser de près On lui qu'on n'oublierait jamais cet acte uni- que de dévouement, mais que sait de s'y des pièces qui établissaient le concert supposé Hédouville revint aussitôt avec lui, pour se convainquit que Bonaparte, à veille d'une guerre, s'était repris à l'idée d'opérer le la une diversion révolutionnaire en Russie et aussi en Suède et ; que Talleyrand, pour se rendre important lui-même, donnaitune certaine importance à ces projets. Au (1) Gzartoryâki à d'Antraigues, 8 avril 1804 (A. P.). total, CHAPITRE SIXIÈME 292 il ne distinguait que des menées sans résultats proba- bles. « De son ange côté Va/nie étaitéperdueà lapensée deson en proie à quelque guet-apens aristocratique. » Elleinvita Hédouville à dîner, et lui fitenfin avouer que ses relations avecPahlense bornaient à des lettres échan- gées entre ses secrétaires et un médecin français mé nom- Lavite, qui lui servaitd'espion dansla société russe. Bonaparte, près de devenir empereur, agissait déjà en maître de l'Europe. Il s'exprimait avec liberté sur les souverains, sauf sur le obtenu sacre. Concordat le et auquel il pape dont allectait d'appeler le « celui qu'il », il de la et mau- petit roi triche au contraire il faisait entendre qu'il A TAu- s'entendrait volontiers avec elle pour le partage de la Turquie. temps naguère il ranimait les espérances des livrés par lui à l'empereur; et logeait à Versailles un de ses à l'iosu seils La un Mais dès : « Vénitiens avait fait venir Flesselle, conférait fréquemment, de son ministre. évidemment et il En certain Foscarini, avec lequel alors sous l'influence de ces con- que Talleyrand a formulés fameux tions affidés, même Il était de prétendait arracher une soumission abso- lue sous forme d'alliance offensive etdéfensive. même le au couple Lavalette dans cette vaise réception faite Prusse avait jugeait mal de la Saxe, à cause des rapports Il A il demander allait de ses envoyés défavorables à l'électeur, cour. la dernière inutile et mémorandum du 1804, tout Au nom du était résumés dans son 17 octobre 180J). changé dans ses disposi- ciel, écrivait le 30 juillet Va?tii LA POLITIQUE FRANÇAISE EN 1804 forme une à d'Antraigues, que l'on (la Russie) 293 alliance avec l'Autriche, ofïensiveou défensive, n'importe; cela pour est égal C'est parce qu'on ne craint l'effet. que cela qu'il faut le faire. Ces maudits ministres autrichiens l'hiver ne se passera pas sans ignorent-ils que soient attaqués?.. . qu'ils Je vous en supplie, engagezla Russie par pitié pour ces sots à signer l'alliance qui seule peut les sauver. La Suède, Le hostile. la » elle, avait roi gardé une attitude obstinément Gustave IV même année, aux était venu, au printemps de portes de la France chez son beau- père l'électeur de Bade; mais là il avait laissé échap- per des paroles malsonnantes contre la Russie. C'en fut assez pour que Massias, çais, le vînt le chargé d'affaires fran- trouver par ordre et autres choses que le moment était lui insinuât entre venu de recommen- cer Charles Xïl. Cette singulière négociation n'eut bien entendu pas de lendemain. Gustave IV recommença à attaquer par voie diplomatique sulaire, à le gouvernement con- dénoncer en particulier ses projets contre Danemark. Ce fut alors que Bonaparte, exalté par le les rapports de Shée, préfet de Strasbourg, excité par Berthier, parla devant sa femme de faire subir à l'impru- du duc d'Enghien. Non seule- dent monarque le sort ment Joséphine agit fortement elle dit àTalleyrand qu'on voulait rendre son mari l'hor- reur de tous les peuples, si ce un en sens contraire, mais et qu'elle s'en prendrait à lui pareil attentat avait lieu. Talleyrand, soucieux à moment de lui plaire, fit si bien que quelques jours CHAPITRE SIXIÈME 294 après le meurtrier du duc d'Enghien ne pensait plus au roi de Suède. Gustave IV occupa de nouveau les politiques à cause de ses imprudences de langage après la proclamation de l'Empire on entendit alors Joséphine, dans ; roxysme de son amour-propre qu'il Un nommé agent suédois C'était comme Ackerblad un vieillard fut trouvé porteur de lettres où la le faire jeter une homme en fois payer pour faillit France mais qui n'était fut fut quitte pas un ordre à Bicètre et fusiller dans la nuit puis Va?ni et Fouché intervinrent pauvre son père. inoffensif, ménagée. Le premier mot de Bonaparte de pa- blessé, laisser entendre pourrait être détrôné et tué son souverain. le môme, l'un et l'autre : le pour un séjour au Temple et sespapiers confisqués, il fut remis en liberté (1). Une nouvelle guerre de conquête était donc immimoment de l'avènement Napoléon seule- nente, au ment on le ; demandait quels en seraient se théâtre, les les prétextes, Amis ou ennemis, nul n'en résultats. doutait. Voici à cet égard une conversation vivante met en scène un des grands caractéristique, qui sonnages do l'époque, du nouvel empereur et et per- montre quelles étaient autour les espérances, les passions secrè- tes des révolutionnaires devenus courtisans, et les per- spectives d'avenir. « J'ai (1) vu l'abbé Sieyès en société chez une Vamic à d'Antraigues, faux qu'excepté Pichegru on Bicètre que l'on mène les 6-U dûcembre ait « II est 1804. Elle ajoute tué personne au Temple; mais c'est ^ malheureux, et on : les fusille du cachot. Ces cachots sont dans une cour sous des Molineux sont les M""^ Ber- chefs de cette cour, » dans l'intérieur piliers. Ilulin et LA POLITIQUE FRANÇAISE EN nard, sœur de vieille si la mère de Récamier. Bernard, qui tremble de la guerre, nous aurions moqua la paix. Il se faut la guerre, et il peut-on quand on est attaché être assez fol les détails, et dit que La pauvre . demanda lui le : Il est inévitable. pour vouloir au gouvernement nous . d'elle et lui dit y a deux ans qu'elle Comment dans M""" 295 1804 ? Il la paix, entra alors paiement de l'armée moyens réduite au pied de paix était encore au-dessus des de finance de la France, parce qu'on avait été forcé, outre le milliard distrait des biens nationaux pourla do- Légion d'honneur tation de la les aurait porté leur Bonaparte, et la le résolu par revenus sur fonds déterre, absorbent et, ce qui est pire, qu'il faut aller cherciier ; que Malgré cela lui ; faut au delà payer l'ar- et pourcela l'aller ne veut pas seulement entendre paril sait ce que en Europe à qui on ne aux galères il et une autre armée d'employés...; au devant de l'argent, ler do politique, car roi à celui cou- pension de la mère de Bonaparte, ainsi ce qui restait d'invendu. un nombre le douaire delà Bonaparte fixé depuis hier à3 mil- lions en mée, biens 460 millions apanages des princes français, dès que ronnement que londation des séna- mêmes toreries, de réserver sur ces pour et la fît c'est, et qu'il n'y a pas justice en l'envoyant que c'étaient des gueux, des pillards qu'on pouvait tous acheter sans bourse délier, en leur donnant comme aux l'avait dit chiens un dos leurs pour faire curée au Directoire Bonaparte, à qui il et qu'il ne s'en rétractait pas avec l'avait répété ce de lâches filous qu'on ; mène même jour. Ce sont à la potence, et qui, en y CHAPITRE SIXIÈME 296 allant, se volent encore dans poches les uns des les autres; qu'il ne s'agissait pas de politique; que Bonaparte était maître de la paix ou de la guerre gissait de savoir dans tré que non. Donc France, pas de cela; que tout ce naparte connût qu'il ne savait pas où le ne se mêlait lui qu'il voulait, c'était que Bo- principe de la nécessité de la guerre, ne voulait se mêler de en était convaincu; mais qu'il ne refuserait jamais ses avis à son ami et qu'il rien, mais quand commencer; que ni pour démon- et qu'il tenait guerre est inévitable. Que Tal- la était bien résolu, commencer qu'il s'a- Bonaparte peut exister sans guerre si l'état oii est la leyrand y ; qu'il Talleyrand, « Je lui dis qu'on les avait dit brouillés. Jl se mit à sourire, d'un rire de tigre, et par dire: Oui, oui, brouillés il pour les cafés de Paris. paraît que c'est là ce dont retenir tout ce qu'il je remarquai ce dit, qu'il dit sur vieux sot vient jouer la France périr si pagne, il ici. est belle, de sa vie me dit il : il « s'occupe, maisje n'ai pu l'Espagne le solide La bête 1 il fera Rome. » : «Le Pape nous de la farce que ce verra que l'entrée mais la retraite revoit Il revint à parler finances; cela m'est étranger. Seulement apporte l'Espagne, et c'est de Il difficile. Je veux J'insistai sur l'Es- un beau bref que je lui pré- pare pour forcer l'Espagne à s'emparer de toutes les richesses mobilières des églises que j'évalue à 140 millions au plus bas. dévot, il se — Mais, révoltera. — lui dis-je, On leur ùter le goût du martyre... on dit ce en pendra, » peuple dit-il, pour LA POLITIQUE FRANÇAISE EN « Ce monstre me froyable. cle. Il faisait peur, La pauvre Bernard était il l'écoutait LOT 1^04 d'une figure comme un ef- ora- parla de la Prusse avec fureur, dit qu'on ne pou- que voilà vait être parfait, et seul côté faible de Bo- le naparte, sa conduite en Prusse et en Russie; qu'il avait manqué le moment d'écraser l'une et de mettre l'autre bien bas, et qu'à présent il à présent par la guerre ce qu'il aurait fait fallait faire sans cela tout de suite après la paix de Lunéville, si, eût suivi son avis relle à la s'en mordait les doigts, car il qu'il fallait alors ; Prusse et marcher; qu'en il chercber une quel'état où l'avait il laissée, ses armées se seraient fondues en entrant en campagne; qu'il savait qu'alors qui composaient la garnison Mollendorf convenait Que pour sûr. la sur les 23.000 de Berlin qu'il n'avait Russie il fallait et hommes de Postdaui que 3.000 dontilétait envoyer les deux frères ad patres et établir une régence de la douairière qu'il pays que dans toute hors de moi et je la Gazette de Hambourg. J'étais crusprudent de m'en Berthier, un militaire, il est vrai, aller(l). bien heureux, homme ne se soit pas rables rois l'eussent forcés, disait-il vite vous etmoi, d'en nerais dix ans de : ma Nous « un jour àl'am/e, que déifié, car, s'ill'eût fait, ces si » mais de sens rassis d'humeur calme, ne pense guère autrement sommes (1) et répondait que de cent ans on n'aurait entendu par- ler de ce et qu'il ambassadeur en Russie, alors d'aller avait offert ; cet misé- adoré que nous aurions été faire autant à Paris... Je don- vie pour que, sans plus tergiver- L'«>«ieà d'Antraigucjs, IS ûctobre 1804. CHAPITRE SIXIÈME 298 ser, marchât avec 120.000 hommes sur il Holstein et la Saxe, et que dans le la Prusse, le môme moment il dé- clarât la guerre à l'empereur de Russie, à celui d'Alle- magne aussitôt et établît mois nous aurions mis son plan en Italie ; en six à la raison tous ces drôles- là (1)..) La nouvelle impératrice est aussi intéressante à en« La Russie ne veut pas la guerre, tendre à ce sujet: mais elle veut être comme Bonaparte en Europe, et cela ne sera pas. Czartoryski ne peut plus la conduire, nous faut là-bas Alexandre est Kourakine, et il cause que nous ne y sera. L'empereur sommes reconnus en Russie, ni en Turquie, ni en Suède, insolent de sa part. il ni et cela est fort Les Bonapartes étaient déjà de grands seigneurs quand ses ancêtres étaient des gens de rien. triche, Il fait mais il demander la paix par la Prusse et l'Au- ne l'aura qu'à bonne enseigne. Bonaparte a donné sa parole à Berthier devant moi qu'il fera dé- trôner ou tuer le roi de Suède un an, tout sera parte. Nous les fini. Les rois détrônerons et comme son père. Avant seront attachés à Bona- nous en ferons d'autres; car de républiques, Bonaparte n'en veut plus nulle part: nous les détruirons toutes avant peu. après, Talleyrand lui disait à elle-même une paix » : solide, et la guerre seule peut la Un moment « Il nous faut donner telle. Je suis sûr que l'année 1806 sera l'année climatérique d'une paix sûre, que personne ne pourra troubler. (1) L'amie il d'Anlraigues, C-H drcembre 1804. » CHAPITRE SEPTIÈME D'ANTRAIGUES A DRESDE I. (suite) — Soupçons de Bonaparte et de Taldu port de la croix de Saint-Louis. PréScène du 2a sepsentation de d'Antraigues à la cour de Dresde. Markov et Bonaparte. D'Antraigues, tembre 1803 aux Tuileries. Notes des 15 et 23 décembre contre lui. conseiller de légation. Essai d'enRésistance de Gzartoryski. Scène du 14 février 1804. La Rochefoucauld leyrand. — (1803-1804). — Interdiction — — — — — — — lèvement. — Les Mémoires de Montgaiiiard. — Opinion des Russes et des Saxons sur d'Antraicorrespondant du ministère de l'instruction publique. Son Mémoire sur l'enseignement national. Une Université unique, militante contre l'esprit révolutionnaire. Vie littéraire. II. gues. — Ses services comme — — — Collaboration à l'organisation des universités russes. travaux et littéraires. — Un portrait d'Alexandre l"' — et Jugements Bernardin de Saint-Pierre. — Projet d'établissement Weimar. Vie de famille et de société. La Mission du secrétaire Mohrenheim. [Relations mondaines. opinions et conduite. La Saint-Huberty princesse Troubetskoi. D'Antraigues a-t-il embrassé la reliEducation du jeune Jules. III. — — — — : — — Correspondance gion grecque? traigues mère IV. ;'i — : avec Vamie de Paris. — M"" d'An- ses dernières lettres, sa mort. — La politique prussienne Le XVIII" livre de Polybe (ISOoi. Jean de Millier à Berlin. — Préludes de la troisième naparte. — — — et Bo- coali- D'Antraigues et Novosiltsov. Entrevue avec Faucbe-Borel^ Louis de Prusse, Fersen, Un pampblet érudit et allégorique. Son cadre, ses développements. Son succès, sa part dans l'exaltation. — — — tion de l'esprit prussien. — Comment l'auteur fut récompensé. I LA ROCHEFOrCAULD Celte (1 803-1804) agence d'informations, si précieuse pour le CHAPITRE SEPTIÈME :^nO gouvernement russe, constituait le principal attentat de d'Antraigues à l'existence du gouvernement français, et demeurait inconnu à Paris. On pouvait re- cet attentat procher à son auteur une attitude d'opposant irréconciliable, des paroles telles le que celles-ci : « Plutôt servir dey d'Alger dans ses bagnes que Bonaparte dans son conseil ',» mais on devait supposer seulement son action clandestine, et on la jugeait plus efficace qu'elle n'était, faute d'en pouvoir due. On mesurer les moyens et l'éten- savait bien par Laforest, ministre confident qu'il était le avait vu venir à Dresde de Suède. politique de Czartoryski et frapper à sa porte Gentz d'Autriche, Drake anglais de diverses parties ; on Armfelt et d'autres agents de l'Allemagne. La police assez mal renseignée, secrète à l'étranger, à Berlin, ajoutait à ces notions des renseignements de pure fantaisie; elle le signalait, ce qui tions, pour le était une double erreur, en rela- compte de Louis XVIIl, avec Lamare, l'ancien agent royaliste de Souabe, ou avec Beningsen, l'assassin de Paulpr. le disaient à maintenu rencontre de Des rapports venus de Pétersbourg à Dresde par l'influence anglaise, certains Russes, qui eussent voulu le voir chez eux, rendu inoffensif dans quelque position subalterne. Des recherches faites pour saisir sa corres- pondance avec Paris, qu'on soupçonnait, n'eurent aucun résultat De (1) (1). ces données erronées et confuses, Bonaparte Arch. Nat., F', 6371, fi416, 0442. 25 juillet et o septembre 1803, 13 —A. mai 1804. F., Saxe, ti- Correspondance, LA ROCHEFOUCAULD conséquences rait les ancien prisonnier. la loi d'amnistie; il de voir en avait été irrité Il de la soumission, la fin de 1803, mier Consul sentait se nouer autour de de complots royalistes destinés à dans Drake guesàRome, et L'homme étrangères. chemin pour- qui Spencer Smith à Munich, du Vernè- et qui allait faire enlever Rumbolt à bourg, croyait retrouver ailleurs l'action ou d'Antraigues. le Pre- réseau lui le fermer lui le voulait atteindre ses ennemis jusque capitales les chassait il disait-il, diplomatie à Vienne, en Suisse ou à Constantinople. De plus, à de l'Empire, et lui le Constituante réfractaire à la eût reçu sa s'il employé dans l'eût malveillantes pour son les plus membre marquant seul 301 (1803-1804) Ainsi, à la nouvelle d'une mentation en Vendée «Vous verrez, : Ham- la trace de certaine fer- disait-il à Talley- rand, que d'Antraigues y aura envoyé quelqu'un d'Angleterre, d Faute de preuves, il en était réduit à lui at- tribuer, sur la foi de correspondances saisies en vre, certaines publications antifrançaises de Londres, entre autres un soi-disant Discours au Conseil d'Etat inséré dans et reproduit le du Premier Consul Courrier de Londres comme unepièce authentique de la cour de Pétersbourg Talleyrand, maître, même Hano- par la Gazette (1). invariablement docile en pensée, attribuait à à son nouveau son ancien ami toute page énergique imprimée en Europe contre Bonaparte cet (Ij : « Si la paix dure, disait-il, la homme. Si la guerre a Russie doit chasser lieu, elle doit être contrainte Journal de Paris, 20 vi'ndùiniairo an XII [lo oclubre 1803). CHAPITRE SEPTIÈME 302 de le chasser à la paix. Qu'il A aille en Amérique. Sa con- mauvais exemple en Europe. duite est d'un » Vienne, d'Antraigues avait vécu en paix, grâce à la tolérance confiante et à la surveillance discrète deCliam- pagny. A Dresde, tout changea, par sa faute. Dès son et arrivée, impatient de se faire valoir, croixdeSaint-Louis à la la se il montra avec boutonnière. C'était s'avouer toujours Français, et de plus émigré irréconciliable ne suis plus rien à « Je toryski; je n'en veux plus rien et je n'en mais, ajoutait-il, quand que j'ai été, me ils voudront ils rappeler ce (1). » Le ministre de France en Saxe éclat me parle pas; trouveront ce qu'ils n'auraient ja- mais dû cesser d'être Rochefoucauld, : France, écrivait-il à Czar- la homme était Alexandre de La d'ancienne noblesse, au nouveau gouvernement, avec plus de zèle quede tact. Il rallié propre à et avec le servir s'empressa de dénoncer cet étalage d'une décoration abolie, et sa réclamation, appuyée sur une note précise et impérative de Talleyrand, eut plein succès. généraux par le Une défense fut formulée en termes gouvernement saxon, dut faire disparaître sa croix. Quoi et d'Antraigues qu'il en cela flattait son amour-propre, la lutte était soit, et engagée entre lui et le gouvernement français. Il lité, devait, vu son titre officiel et sa compter sur l'appui de la chancellerie russe, son chef immédiat, Khanikov, ne la nouvelle nationa- le mais soutenait que pour forme, et ne l'avertit pas des premières démarches (1) D'Aiiliiiigues à Czartoryski, o septembre 1803. (A. F.) LA ROCHEFOUCAULD tentées contre Khanikovétait un ancien militaire, peu lui. façonné aux usages diplomatiques; comme les manèges '.' Cet il dît, homme, il redoutait l'esprit de toute marque nationale souhaitait presque ouvertement son départ disait-il, n'est et la faction polonaise, et le auquel il de cet ancien agent secret, dépouillé désormais, quoi qu'on en précise, et 303 (1603-1804) : soutenu queparCzartoryski chancelier (Al. Woronzov), ne rend aucun compte, ne demande qu'à se laisser forcer la main et à reconduire. » Même à Berlin, on supportait impatiemment son voisinage, comme le ministre prussien à Paris le faisait expressément savoir à M™e Bonaparte. mêmes La cour de Dresde sentiments, car l'électeur se sentait à la discré- tion de son puissant tre nourrissait les ami de Paris, et le Loss craignait toute occasion de premier minisconflit propre à mettre en péril la dignité de son souverain. D'Antraigues oublia vite l'humiliation subie, car officiellement à la cour, et d'autre part traité de loin par Bonaparte lui-même l'être l'Angleterre dans la il fut, La Rochefoucauld, présenté malgré les insinuations de il se vit soudain comme venait de personne de son ambassadeur lord Whitworth. Le 25 septembre 1803, au cours d'une réception diplomatique aux Tuileries, le Premier Consul interpella vivement BunaUjl'envoyédeSaxe: « Comment votre maître garde-t-il à sa solde des polissons tels que d'x4.ntraigues, qui manifeste indécemment son animosité contre la France, et m'invective dans des pamphlets de sa production Bunau, ? — Mon maître, répondit froidement n'a jamais eu de polissons à sa solde; du reste, J CHAPITRE SEPTIÈME 304 M. d'Antraigues est attaché à la légation russe. » Bona- parte se retourna aussitôt vers Markov, le ministre de Russie « : Pourquoi l'empereur protègc-t-il un qui écrit des libelles contre la France d'être sujets mécontent si une conduite qua Markov, j'autorisais pareille. est depuis ? homme aurait lieu 11 de la part d'un de ses — M. d'Antraigues, répli- longtemps à notre service l'empereur connaissait ses libelles, il si ; les réprimerait. » Puis l'entretien ayant continué au sujet d'un autre réfugié au service russe, Christin, par ces mots : « le Premier Consul le termina Partout où je trouverai de pareils polis- sons, je les ferai arrêter et je les tiendrai au cachot. — Markov sur un ton où les assistants crurent distinguer de l'ironie. Bonaparte lui Et vous ferez bien, tourna le dos et » passa ajouta (1). L'effet de cette scène Le 23 se fit bientôt sentir à Dresde. octobre, d'Antraigues étant allé à la suite de sa légation à la réception de la cour, l'électeur affecta de ne point fait fit lui adresser la parole, ce qu'il n'avait jamais à aucune des personnes présentées, et ce qu'il ne qu'à lui ce jour-là. Le malheureux prince D'Antraigues ne put sous l'œil de l'envoyé français. s'empêcher de dire à un de ses voisins été le juge oserait-il du me roi son cousin au lieu de recevoir ainsi (2) par Czartoryski comme il se sentait ? » venait : « Si j'eusse lui rester fidèle, Dût-il être sacrifié d'être — humilié par Bulletin envoyù Khanikov 1/13 octobre ^A. P.). (1) Dépêche de de Paris à Louis XVIII, 12 octobre. (A. F., France, vol. 602. (2) D'Antraisiies à Jean de Muller, 27 octobre 1803. (A. F., France, vol, 633, f. 115.) LA ROCHEFOUCAULD 305 (1803-1801) transféré en Angleterre, se voyait alors l'électeur, il selon ses désirs constants et en compensation de ses épreuves. Quoiqu'il pensât de son importance, le conflit allait désormais passer par-dessus sa Markov et s'envenimer entre tête, Bonaparte, et expliquer^ avec d'autres inci- dents, la rupture entre la France et la Russie. se plaignit à reçu et Talleyrand de interpellé avec vivacité, et jour vinrent de Russie. Le pre- Markov le cordon de Saint-André un traitement de 40.000 roubles, levée de deux avait été deux répliques d'inégale importance, mier accordait à et il aux Tuileries. Talleyrand répondit même deux ukases du dont la façon Markov hommes sur mille ; et c'était ordonnait une un défi précur- seur de la guerre. Le second accordait à d'Antraigues le titre sion de conseiller de légation de Dresde, mais celte ment nominale ; il devait, et attaché dépendance il à la misétait le savait, rester pure- maître de sa correspondance, sous la protection de Khanikov. Quelques semaines après, âgé de douze ans, comme iunker était le jeune Jules d'Antraigues, admis avec dispense d'âge au ministère des Affaires étrangères, et attaché avec traitement à la légation de Russie en Saxe. Le 4 décembre, le nouveau conseiller de légation fut présenté à la cour, pendant une réception du corps di- plomatique. s'était Il échangea avec La Rochefoucauld, qui placé aussi près que possible de l'électeur, des regards significatifs, et ne fut pas trop surpris de voir le prince détourner la tête avec affectation devant son 20 CHAPITRE SEPTIEME 306 salut. Les jours suivants, la cour s'abstint envers des politesses faites d'iiabitude aux commande que les félicitations de lui lui étrangers. Malgré apporta la colonie russe, sa situation demeurait équivoque etembarrassée. Il affecta d'autant plus envers l'envoyé de France, par- tout où le il rencontrait, dans les salons ou à la table de Khanikov, une politesse hautaine qui parut à tous une façon tranquille de le braver. La Rochefoucauld s'exas- pérait devant cette figure muette et ironique qu'il continuait à rencontrer partout: « Ce n'est pétait-il, mais un anti-français; je parte. » Savait-il Joséphine, dont il il faut qu'il parte que sa femme, était pasunRusse, la ré- ou que dame d'honneur de séparé depuis dix ans, le voyait déjà avec effroi contraint par l'insuccès de ses démar- ches à se démettre et à revenir près d'elle? Il ignorait en tout cas qu'un de ses secrétaires, entraîné par certains souvenirs la de famille, livrait à d'Antraigues toute correspondance échangée entre nistère des relations extérieures. la légation et le mi- Le correspondant de Gzartoryski se trouvait ainsi instruit au jour le jour et à souhait, dans l'intérêt de sa personne lui comme dans ce- de sa mission. Talleyrand poussait en contre lui, effet vivement son offensive à Dresde et à Pétersbourg. Dans une nou- velle note impérative au cabinet saxon (15 décembre), il invoqua l'article l^"" du traité l'entrée d'un ex-agent des de Lunéville Bourbons dans plomatique constituait une infraction à ce « comme si le ; le selon lui, corps di- traité. C'était Premier Consul accréditait à Londres ou LA ROCHEFOUCAULD prince Ivan (1) ». Une seconde môme du note, postérieure de dix demandait formellement l'expulsion. Talleyrand La Rochefoucauld et :!0T quelque Russe descendu des sectateurs à Berlin jours, (1803-1804) parlaient au cabinet de Dresde du ton que, sept ans auparavant, Delacroix tard au Sénat de Venise ; ils et Yille- menaçaient de porter lo comme un rasiis belli, devant la dièlc Comment Loss parvint à éluder une différend, presque de l'Empire. exigence des plus embarrassantes pour son souverain, on le devine; il se déroba, et rejeta adroitement sur le gouvernement russe l'affaire. la responsabilité et la solution Cinq mois après (11 de mai 1804), La Roche- et 12 foucauld insistait encore pour qu'on ne tînt nul compte du droit des gens. La Russie céderait-elle? Los ministres de France et de Saxe unirent leurs efforts à Pétersbourg, et Khanikov, sur l'insistance de la cour de Dresde, en écrivit de son côté. Czartoryski prenait alors en main la direction effective des affaires, et d'accentuer même mauvais entrait vouloir dans ses vues envers Bonaparte, dans des questions secondaires. Sa réponse toute prête ment pour d'ailleurs si le il : était d'Antraigues avait été récompensé uniqueservices rendus à l'instruction publique une entente à son égard eût étébien plus la question se fût ; facile, débattue en audience privée, entre l'empereur etHédouville, et n'eût pas été soulevée àl'im- proviste,avecéclat,entrelePremierConsuletMarkov(2). (1) Talleyrand à Bunau, 7 décembre 1803. (A. F., Saxe, Correspon- dance.) (2) Talleyrand à Ilédouville, 14 décembre 1803. — Hédouville ù Tal- CHAPITRE SEPTIÈME 308 donnée officielle- un peu publiquement, Bonaparte fut blessé Cette explication n'ayant pas été ment et dans son amour-propre, était vivement et d'autant plus sous le coup de l'irritation produite en conspiration Georges-Pichegru-Moreau. qu'il par lui s'imagina, Il nom sur je ne sais quels indices, que d'Antraigues, au de Louis XVIII, avait introduit Pichegru dans plot de Georges. Joséphine disait naïvement « : traigues a été mis au courant de la conjuration, nous né Français. la révéler, puisqu'il est le com- Si d'An- il recherchera à témoigner contre son adversaire ressuscité, la secrétairerie d'État les pièces propres la principale, la conversatio?i de Venise, tenir de Fauche-Borel, prisonnier au compromettants pour l'auteur est ? Vous voyez fait l'impossible Russie son rappel. : « le traité fasse sortir leyrand, (1) cet en silence, s'écria Bona- de l'impunité qui des — L'empereur der cet émigré dans ses états, j'invoque ! assassinats deLunéville, homme ! lui — Nous demander en l'électeur a fait ; inter- chargé d'affaires qui Eh bien les suites accordée, des complots, avons le il vous débarrasser de ce d'An- parte, promettez-vous de traigues Temple, des aveux était présent et subit par contre coup, l'algarade sur (1); puis, àTimproviste, à Bunau. D'Oubril, Markov, remplaçait et essaya d'ob- il diplomatique du 14 février 1804, pella derechef devait Bonaparte » fît la réception la de Russie peut gar- s'il le veut, mais moi, et j'exige de Dresde. » que l'électeur Et se tournant janvier et 7 février 1804. (A. F., Russie, Correspondance.) Fauche-Bokel, Mémoires, t. III, p. 89. LA ROCHEFOUCAULD vers le ministre de Bavière comme M. Drake C'est « : 309 (1803-1804) à Munich, qui n'y est que pour tramer des complots. Je me réserve de demander son authentiques de ses intrigues renvoi, avec preuves » (1). Cet essai d'intimidation ne pouvait guère réussir, cabinet de Dresde, malgré les impérieuses de La instances le réitérées et Rochefoucauld s'abritant derrière la Russie, et celle-ci derrière le droit des gens. Czarto- ryski pensait la dignité de son maître engagée désor- mais à ne rien céder, l'empereur refusa une audience et à ITédouville, qui avait ordre d'invoquer son intervention personnelle dans l'affaire. La rupture des diplomatiques survenue peu de temps France et la après entre Russie épargna au Premier Consul nouvelles réclamations, à et relations Alexandre un nouveau la de refus, d'Antraigues put demeurer à Dresde, se demandant toutefois, et n'allait chaque jour, si quelque embûche nouvelle pas s'ouvrir sous ses pieds à l'improviste, dans ces ténèbres où il continuait à travailler contre la poli- tique française. A ce moment, en effet, Fouché proposait au Premier Consul d'user contre cet adversaire impuni du procédé naguère employé contre Rumbolt piers, enlèvement de mée de Hanovre la fut personne. Il justement Un officier de l'ar- expédié sous un déguisement Dresde, et y demeura trois jours; et avait enlèvement des pa- : commandé il se la place à nommait Sagot, de Milan en 1797. s'assura que l'enlèvement des papiers était impossi(l) Oubril à Woronzov, lI)/27 février (A. P.). CHAPITRE SEPTIEME 310 ble, d'Antraigues logeant au milieu delaville^ dans une maison en vue, et ayant des armes chez lui; que l'en- lèvement de la personne n'était guère plus praticable, à cause du passage forcé sur prussien; qu'en le territoire cas de guerre avec la Prusse et la Russie, on pourrait, la célérité, y parvenir. par cette pensée qu'un sem- de la hardiesse et de avec Fouché n'était point arrêté blable attentat pouvait hâter la rupture de la paix : On aurait fusillé le prisonnier, disait-il, et on ne fait pas la guerre pour un corps mort En (1). définitive, ce projet fut abandonné, et on se con- tenta de déchaîner contre d'Antraiguesun pamphlétaire? dont ce Montgaillard il avait été la consulaire, publia ses Mémoires dupe et peut-être à la solde de la police le complice. Montgaillard, alors secrets; il y dénonçait, sans rien cacher de ses trahisons successives, les agents des princes français et de l'Angleterre, et ses pages les visaient d'Antraigues et leurs relations en plus vives Italie, sept s'engager entre fameuse tait auparavant. ans le premier auteur duel de plume allait et le coiivei^sation sur Pichegru, rédacteur de la mais la partie n'é- pas égale. D'Antraigues piqué au vif laissa entendre qu'il répliquerait lui avait jadis « Si Un en publiant les lettres où Montgaillard raconté ses pourparlers avec Bonaparte: ces lettres paraissent, se serait alors écrié le Pre- mier Consul, d'Antraigues disparaîtra, de quelque manière qu'on doive s'y prendre, en quelque lieu qu'il soit, et en attendant sa mère, qui est en France, répondra (1) L'amie i\ d'Antrait^iic?, 18 octobie 1804. VIE LITTERAIRE pour ce fait seul de sa conduite. » tèrent toute réplique ; celui qui en 311 Ces menaces arrê- était l'objet protesta in petto ^rès de Czartoryski (1), et continuaà épancher dans des correspondances privées, plus actives que jamais, ses ressentiments et ses haines. II VIE LITTERAIRE En se voyant poursuivi avec une par telle ténacité Bonaparte, d'Antraigues pouvait toujours croire à son importance. Ses aux deux bouts de relations, étendues rope, demeuraient élevées et qui n'estimaient pas son ceux et ; caractère redoutaient l'Eu- même en une agence concentrée en un seul homme, habile à lui atti- rer les renseignements de toutes parts et à les répandre ensuite, souvent au profit d'un intérêt personnel à leur possesseur, parfois aussi au détriment de la vérité. En Russie, l'opinion à son endroit demeurait somme flottante, plutôt même, et à la suite de de Kotchoubey, ouvertement hostile correspondance à Paris et à crédit auprès du jeune en Razoumovsky (2). Sa double Vienne soutenait seuleson ami d'Alexandre, sans accroître sa considération, ni améliorer sa fortune. (1) D'Antraigues à Czartoryski, 12 (2) Mohrenlieim à d'Antraigues, 8/20 février 1806. juillet 1804 (A. P.). A Dresde, il M2 CHAPITRE SEPTIEME pour tous ceux qui l'approchaient, Russes ou Sa- était xons, un étranger. Les Russes une puissance occulte le craignaient dangereuse; et ils comme finirent dénoncer à voix haute l'aventurier, à voix basse pion ({). le vide L'importance même autour de lui. et la crainte électorale le trouvait de déplaire à Bonaparte. La cour plus qu'importun, et, à bout de le faisait sous main congédier de l'appartement oii il par-des- élaborait si ses correspondances. Aussi accusait-il en d'égards du gouvernement Russie l'absence complète comme un saxon le voir, le désir d'affirmer leur indé- moyens diplomatiques pour l'éloigner, commodément l'es- donnait accroissait Les Saxons évitaient de partagés qu'ils étaient entre pendance qu'il se par motif permanent de souhaiter son départ. En attendant, une autre collaboration, d'un genre tout particulier, servait à expliquer la protection dont on le couvrait contre la France. avait reçu, au Il commencement de 1803, le titre de correspondant du ministère de l'instruction publique, et il au sérieux ses fonctions. Ce gentilhomme prit fort abordait avec plaisir et, il faut le dire, compétence dûment acquise, un fort avec une certaine ordre étranger d'ordinaire à sa caste et d'elle. Dans tout philosophe huitième siècle (1) « il fort dédaigné et d'Antraigues se que les Russes s'adressent pour obtegouvernement, et il exerce ici un véritable 31 mars iSO.";, A. F.) (De Moustier à Tallcyrand. C'est au seul d'Anlraigues » questions selon la formule du dix- y a un pédagogue, nir quelque chose de leur despotisme. de — VIE LITTERAIRE 313 VEmile^ souvenait d'avoir étudié et admiré soit qu'il exposât ses idées générales sur l'instruction, soit observât les de lui, soit qu'il recrutât des professeurs en Allemagne pour son pays d'adoption. Il était matières, et pouvait prétendre, que l'empereur Paul tion d'un de ses savons, fils. lui jugé assez fort sur ces sans paraître mentir, avait offert de diriger l'éduca- Ces sortes de vanteries, nous lui étaient familières, et lui valoir à la fois son crédit qu'il méthodes d'enseignement en usage autour le permettaient de faire deux choses dont on était porté à douter' son désintéressement. et Le nouvel empereur Alexandre, poussé par ses jeunes conseillers, songeait, comme Frédéric de Prusse et son aïeule la grande Catherine, à répandre autour de lui les «lumières». On vit en quelques années un ministère de l'instruction publique créé, l'empire divisé en six arron- dissements scolaires, une commission dite constituée à Pétersbourg, les Universités de de Dorpat fondées, celle de Yilna toryski secondait avec zèle ce des écoles Kharkov réorganisée. et Czar- mouvement, espérant pro- curer par là aux provinces polonaises de la Russie une renaissance de l'esprit particulariste et de la vie nationale. Un étudier général, les Hitrov, fut envoyé à Paris pour y grands établissements d'instruction; mémoires, des projets furent demandés à certains mes dont on gne et préjugeait la compétence, en des hom - Allema- en France. D'Antraigues collabora de loin, et de diverses manières, à ce grand travail. Aussitôt après la création CHAPITRE SEPTIÈME 314 du ministèrn de rinstruction publique, pour la Russie, national Autrefois ce que , il Rousseau avait fait pour la Pologne. eût plaidé pour le progrès indéfini des mières; mais la politique mûr de son âge lu- contrariait et oublier la philosophiede ses jeunes ans, et lui avaitfait maintenantporté à accuser était essaya de faire il dans son Mémoire sur t enseignement teux et despotes, par qui les gens de France la était il lettres, vani- tombée de l'a- narchie intellectuelle dans l'anarchie morale et légale. La diffusion des connaissances n'a produit selon que de faux docteurs, artisans de désordre par croît ; comme mais elle est irrésistible, souverains par prudence modèrent, le fassent profit. Cette il faut sur- que les mouvement, le tourner autant que possible à leur tâche leur est encore plus facile dans les comme pays qui, dirigent ce lui la Russie, ont conservé l'ignorance heureuse des peuples primitifs, etne sont point en proie aux expérimentations pédantes des demi-savants. Dans ces conditions, l'enseignement, tous à degrés, doit avoir un caractère national. Ce existe en Russie, et qu'on ne le il grands ces à cosmopolites, qui, au temps de Catherine menaient de capitale ou convives de sentent pour M'°* son en capitale, Geoffrin. seigneurs développement : procurer d'abord l'instruction aux se pro- II, hôtes des Deux méthodes ignorantes, sauf à l'élever en commencer par pourvu est facile à déterminer, demande pas l'une ses caractère cours se pré- consiste classes les à plus l'étendant toujours, à les écoles et à finir par les Universités; VIE LITTERAIRE l'autre consiste à créer de toutes 315 pièces l'Université, foyer qui finira par étendre sa lumière, affaiblie mais jusque dans les moindres hameaux. Bien que directe, la première ait pour elle l'autorité des périence, d'Antraigues se Au X® siècle, l'esprit humain Russie peut la xviii'', précédents et l'ex- prononce pour seconde. la avait tout à conquérir; au d'emblée emprunter à ses voi- sins les éléments de son haut enseignement, jusqu'à ce qu'elle se suffise à elle-même. Cet enseignement doit réunir l'unité de vues, qui consisteà former des Russes, et non des Grecs ou des Romains; l'unité des principes, qui consiste à faire aimer aux Russes leurs institutions traditionnelles, et par-dessus tout l'autocratie l'unité de moyens. ; ot enfin Celle-ci sera réalisée par l'organisa- tion d'une Université unique, placée sous le regard de l'empereur, juge suprême des doctrines et des méthodes d'enseignement, étendant ses rameaux dans tout l'empire sous la forme de Facultés, de collèges Suivent des détails pratiques ces établissements. donne meure la (1). Facultés, d'Antraigues do 1790 sur l'utilité moins comme médiatrice entre gouvernés, les pauvres dès 1803 la rope les l'organisation de première place à celle de théologie, car fidèle à sa thèse gion, au et les Parmi sur et d'écoles. les et les riches. de il de- la reli- gouvernants Même il voit question sociale s'imposant à toute l'Eu- L'enseignement religieux qu'il réclame est C'est ce problème (le respect de la propriété) qui est devenu de la société dans toute l'Europe. » La religion, dit-il plus loin, qui est la consolation de tous les honiiuGs, est bien plus encore la défense des heureux de la terre contre (1) « l'état •< CHAPITRE SRPTIÈMF: 316 purement moral et pratique, car il vajusqu aen exclure toute spéculation, toute controverse, ce qui rément contre Dans le droit, il est assu- grec et selon la politique russe. l'esprit redoute la partie abstraite et méta- physique, et souiiaite qu'on se borne au commentaire delà législation écrite. Pour les collèges des pensionnats, mais ceux-ci il recommande seulement accessibles aux classes élevées, qui y perdront leurs habitudes exotiques et y prendront la marque nationale. Les écoles primaires enfin seront établies par l'Université; celle-ci veillera à ce qu'on n'y enseigne que les connaissances utiles au peuple, même Elle gardera, d'approbation (( dans et et les livres sur les précepteurs privés, un droit ministre de l'instruction celui-ci Dans elle. de surveillance, ayant soin d'écarter les perroquets encvclopédiques le approuvés par ». Elle sera surveillée par publique et son conseil, chargé en outre delà censure des livres. ce mémoire, d'Antraigues, tout en parlant en Vieux-Russe, Napoléon P"" ; sans élait, car le indiquait il savoir, un précurseur de comme les plus sûres les bases qu'allait choisir pour son œuvre le créateur de r « Université de France écrivait elle sa mère, ne croyait pas ». pourrait si Notre gouvernement, puiser dans bien dire. l'instruction publique se votre lui plan; Le ministère russe de conforma à ses idées en com- mençant son œuvre scolaire par l'organisation du haut enseignement; mais là il s'en tint à la tradition qu'avait invasions de la misère et du désc ';i:)ir. Si jamais la foi et la religion s'éteignaient, croyez-vous qu'il y aurait une grande distance de 'js palais à vos tombeaux ? » les VIE LITTERAIRE inaugurée 317 la création, à l'allemande, de l'Université de Moscou en 1755. D'Antraigues était très fier de son œuvre; muniqua en Autriche, en Angleterre, comme un à sa mère, faveurs; il en vint, en Russie était réalité, il à de la tète com- la même l'adressa prochaines et hautes au moins à dire sinon à croire, à « titre il des universités (1) qu'il ». En s'occupa seulement de leur recruter des pro- fesseurs, et encore ses soins à cet égard se bornèrent-ils à l'Université de Yilna. Il voulu y voir Jean eût Millier enseigner l'histoire, et Frédéric de l'éco- y plaça du moins pour la médecine Viennois Franket le Saxon Titius, pour laphilosophie nomie politique; le Gentz de et les il de pension de mathématiques un brave maître Dresde, Stord^ que ses convictions catholiques rendaient suspect dans une ville toute luthérienne. Il fournissait en outre des renseignements pratiques, pédagogiques, comme on dirait aujourd'hui, sur les écoles et les uni- versités de son voisinage, et ce qui reste de pondance à cet égard prouve la variété tions et de ses connaissances (2). Il était sa corres- de ses observahostile à l'insti- tution des privât docenten rétribués par leurs élèves, comme abaissant l'enseignement commandait la collation diants, suivant ; en revanche, il re- de bourses de voyage aux étu- un usage dès lors pratiqué en Angle- D'Antraigues à l'amie, 4 septembre 1803. BoGDAXOviTCH (Hislolre du règne de l'empereur Alexandre /"s t. I, p. 143) analyse ses Observations sur l'Université de Leipzig. Parmi ses (1) (2) lettres ment à Gzartoryski, celle du 17 juillet 1803 (A. P.) intéressante sur ces questions. est particulière- CHAPITRE SEPTIÈME 318 terre. Sa propre expérience comprendre lui avait fait d'un séjour à l'étranger pour la jeunesse. l'utilité recommandait aussi connaissance des langues la mais ne répudiait pas à leur vantes, langues classiques, sans lesquelles, condamné à la médiocrité (1) Ses services s'étendaient de tout genre. Un jour il Il vi- profit celle des disait-il, on est a ». aux travaux aux études et se chargeait d'examiner des cabinets de tableaux ou des recueils d'estampes dont ou au gouvernement russe offrait l'acquisition jour il envoyait àPétersbourg le un autre ; modèle d'un veau mécanique à l'usage des cliniques lit nou- de médecine, ou un fragment inédit d'Aristole découvert dans Homme bibliothèque de Dresde. la de lettres bien plus qu'homme politique, de travail, entouré de quelques milliers de volumes plus chers compagnons qui étaient ses passait sa journée à il fidèles et ses sa table d'exil. Les écrivains favoris de sa jeunesse ne l'attiraient plus guère, puisqu'il avait renié leurs doctrines. dait encore rancune à Rivarol, à malicieuse grands hommes: qu'il loue, dans insérée « disait-il le cause de l'esquisse Je ne fais pas plus de cas de ceux peu de temps après aux écrivains plus jeunes, il ne : « J'ai le la mort du (1) les appréciait Ils D'Anlraigues à Xanûc, » cé- Quant pas davan- bonheur de ne plus comprendre de ces messieurs. gar- Petit Dictionnaire des lèbre écrivain, que je n'en fais de sa moralité. tage Il le style écrivent dans un goût nouveau, I!» l'éviier 1804. VIE LITTERAIRE goût est de et si ce l'esprit, l'Évangile a bien nous promettre que monde, puisque ci (i). Comme » Nouvelle Héloïse, et l'auteur les sots sont leur il 319 en il raison de heureux dans l'autre bonheur commence dès était resté traitait en de fait celui- roman à la de hautl'auteur deCorm/ze; de Wer{het\ décoré d'une particule et d'un titre ministériel, lui semblait étaler des ridicules égaux à ses talents (2). L'amour-propre le faisant se suffire à lui-même, multipliait les plans d'ouvrages historiques res comme les mémoires politiques. Il ou littérai- annonçait la publication d'une traduction de Salluste que lui léguée J.-J. Rousseau; traduction qui en jamais, que je sache, vu d'Henri VIII le commencée en jour. Il publier; historiques sur Cromwell et Louis XI reprendre ses Mémoires; il demandait à il s'occupait d'études (3). Il songeait à cet effet à sa l'aider à recueillir ses souvenirs d'enfance; et celle-ci lui répondait avec l'autorité de son de son vieux bon sens et définitive n'a 1791, que l'empereur Paul lui laisser âge avait continuait sa vie avait refusé de mère de il : « titre, de son Je ferai la note que vous désirez, mais vous ne voulez que des époques sans toucher au moral. Voyez, terait pas, et à l'histoire mon ami, elle ne vous de votre vie, qui, entre nous soit (1) D'Antraigues à..., 27 décembre 1803. (A. (2) D'Antraigues à Jean de MûUer, 18 janvier 1804. (A. vol. 633, (3) V. f. flat- coup sûr vous mettriez l'inverse dans 134.) la Bibliographie, III, 16. 17, 19. F., dit, France, vol. Goo, F., sera f. 4.) France, CHAPITRE SEPTIÈME 320 loiilc A Paris, (ju'il On à votre louange. on n'y croira pas. il pourrait s'en amuser, mais » en relations avec des écrivains était rentré avait connus, et qui, échappés la Révolution, à achevaient de vivre ou se reprenaient à écrire. Bernardin de Saint-Pierre le priait de revoir en manuscrit quelques chapitres de ses Harmonies de la nature; comme Laharpe, revenu lui de ses chimères philoso- phiques, lui envoyait des notes sur les versités françaises. tenir à r^m/c un « A son tour, portrait » il anciennes uniarriva de lui faire do l'empereur Alexandre. Ua?)îie reçut et lut cette page avec enthousiasme, la et proclama égale aux meilleures pages de Rousseau. Après l'avoir fait transcrire sur vélin en lettres d'or et commensal du jour, encadrer, elle la présenta à son Bernardin de Saint-Pierre, et celui-ci de s'écrier : « Il n'y a que d'Antraigues en état d'écrire ainsi; c'est de lui. » Pour mieux attester Quelques jours après, son admiration, il apportait ce tement ajusté, au milieu de son Harmonies de la nature^ à il en prit copie. morceau, adroi- livre en préparation fin du chapitre où la /es il montrait la Providence éternelle maintenant son empire àtravers les désordres de la Révolution (1). l'y trouverait plus aujourd'hui; l'auteur l'a On ne sans doute supprimé par crainte, avant l'impression, qui n'eut lieu qu'après sa mort en 1814. demain d'Austerlitz ou de A la certain moment, au Moskowa, il lui aura sem- blé trop hardi de publier l'éloge d'Alexandre, et (1) Uamie à d'Antraigues, 4 février 1804. len- il aura LE COMTE D Aî\ JES (1806: d'après un dessin de sa main pnartenant au Prince Lobanow-Rosto\vsky K j'LON NOURKiT aCfEDIT VIE DE SOCIÉTÉ ET DE FAMILLE 321 enlevé de son livre ce hors-d'œuvre éloquent, qui jurait peut-être, et par son style et par son de douces sujet, au milieu sentimentales descriptions. et III VIE DE SOCIETE ET DE FAMILLE Les relations mondaines de d'Antraigues, à Dresde, conformes à étaient la nature de sa vie publique se montrait plus situation privée. Il ment, selon circonstances, les le vit, au moins durant de sa chez les ministres des puissances en guerre ou en délicatesse On et ou moins ouverte- les avec la France. premiers temps de son séjour, chez M^^^Léontier, Strogonov, Narischkine, qui tenaient la tête de la colonie russe, et chez lui, le mari de la Saint-Huberty recevait les artistes de l'Opéra buffa, attirés Il par la habitait, de déclassés réputation de l'ancienne chanteuse. en 1805, une maison où un autre couple était venu trouver un refuge; prince Basile Troubetskoï et la Guéménée, fille c'étaient le princesse de Rohan- du dernierduc deCourlande, celle-ci instance de divorce pour épouser celui-là. Étrange assurément que cette sœur de compta trois femme duchesse de Dino,qui maris parmi ses amants, plus nombreux que ses années (1) la en (1) 1 Ce fut chez d'Antraigues que la prin- Gatherine-Frédérique-Wilhehiiine-Béuigne, princesse de Cour- CHAPITRE SEPTIÈME 322 cesse connut Troubetskoïet s'amouracha de lui là qu'elle fêta ; ce fut par avance ses secondes noces dans une un proverbe soirée intime, égayée par trai^ues, se rappelant son ancien accepter un rôle (1). 11 état oii , M™' d'An- avait daigné y eut depuis intimité entre les deux ménages. La Saint-Huberty ne voyait plus alors Paris que dans ses lointains souvenirs, mais sait l'Opéra de il lui plai- d'entendre dire qu'elle avait dirigé la musique de la feue reine, et ce souvenir venait de lui valoir encore une pension autrichienne Des propositions (2). lui parve- naient d'Angleterre, où elle eût été attachée à la duchesse d'York et eût dirigé une Académie de chant; de Russie, où elle eût présidé aux concerts de la cour et enseigné la musique à la famille impériale. Elle sut résister à ces tentations si puissantes sur les artistes, quel que soit leur âge, et son mari ne put se faire à l'idée qu'elle serait de nouveau à la solde de quelqu'un. tait souvenu, lors de la A Paris on s'é- formation de la maison impé- d'Anne-Antoinette de Saint-Huberty. Joséphine, riale, laude, duchesse de Sagan, l'ainée des quatre Gourlande, née le 8 février 1781, épousa : 1* filles le du dernier duc de prince [de Rohan-Gué- divorça le 7 mars 1805; 2* le prince Basile Troumai 1805); divorça on 1806; 3» le comte de Schulembourg, Witzembourg (8 octobre 1819). En 1827, elle se fît [catholique pour obtenir du pape l'annulation de son troisième mariage. Elle mourut le 29 novembre 1839. On a publié sa correspondance avec le comte Lichnowsky en 1826 et 1827. (1 vol. in-8, Wien, 1888.) On trouve dans de Falloux, Mémoires d'un royaliste, le récit d'une ménée (23 juillet i800) betskoï ; (o piquante entrevue entre (1) le prince de De Moustier à Talleyrand pondance.) (2) De GoxcounT, (13 Rohan et le prioce Troubetskoï. février 1805). (A. F., Saxe, Corres- ia Saint-Uuberlij, p. 239, VIE DE SOCIÉTÉ ET DE FAMILLE 323 qui voulait continuer la tradition de Versailles, avait dit en lisant son nom sur le « pied du palais faut qu'elle vienne reprendre sa place « Que dira crAntraigues(l)? » » ; de 1789 » : « Il puis en riant : Eût-elle donné suite à cette idée, elle eût trouvé rebelle l'ancienne reine de l'Opéra. comme régime Celle-ci regardait la fidélité à l'ancien un de ses devoirs tant professionnels que conjugaux « Bonaparte, lui disait-on laissait tranquille, un jour, a déclaré parce que, : vous qu'il depuis son élévation au trône, la haine était au-dessous de lui ; se il borne au mépris. — Bonaparte, répliqua-t-elle en souriant, peut facilement le faire, car nous lui avons donné une telle mise de fonds intérêts delà cela me fait qu'il somme ne pourra même jamais qu'il tient de nous en ce genre, et payer les craindre une banqueroute de sa part. » Si d'Antraigues commençait impa- à supporter avec femme, lui de- meurait uni dans une affection ardente pour leur fils tience le caractère dominateur de sa il unique, l'héritier do leur aventureuse fortune. Replié sur lui-même, dans un pays le oij l'ennui, comme àGratz, pénétrait par tousles pores, ilse façonnait à cette vie de famille qu'il avait si longtemps dédaignée. Le soir, après de longuesheures solitaires passées à spéculer, la plume à la nait à son (1) Vamie main, sur fils les destinées une leçon de de l'Europe, religion (2). On à d'Anti'aigues, 2 juin 1804. avec des peines indicibles qu'on revient à il don- croyait croire, sans jamais avoir une foi solide et à toute épreuve. Je me suis donc résolu à ce qu'en ce genre il n'eût d'autre maître que moi. Gela l'amuse au point que hier pour avoir été un peu mutin sa mère l'a privé do sa (2) « C'est . . CHAPITRE SEPTIÈME 324 alors, d'après le Journal des Débats, qui lança sans doute cette nouvelle à l'instigation du gouvernement communion orthodoxe. français, qu'il avait passé à la Sans doute, en sa qualité de fonctionnaire russe, il devait assister à certaines cérémonies du culte grec, mais à ses amis de France, à sa mère, fidélité à ses attestait premières croyances qui, étant donné momentané de fort à il une l'éclat ses opinions philosophiques, ressemblait un retour(l). D'ailleurs eùt-il recueilli chez lui, eût changé de religion, son ancien précepteur l'abbé s'il Maydieu, qui l'avait suivi eùt-il fait célébrer la de Vienne à Dresde messe devant le lui, jour ? Lui anni- versaire de sa naissance? Eùt-il protesté, dans ses instructions à son secrétaire partant pour Pétersbourg, ne pas vouloir que son fds cessât d'être catholique? A force d'écrire en faveur de l'Eglise, en elle, tait réveillée, Il en au moins partiellement; la et se fortifiait remords envers sa mère fils. il et était foi venu à croire de ses pères peu à peu en de de sollicitude envers son prenait rang parmi les élèves de qui, n'ayant pas lui, faite s'é- Jean-Jacques marché derrière Robespierre, ont par suivre de loin Chateaubriand. On fini a dit qu'une page de catéchisme relue au déclin de la vie est plus saine pour l'âme que les plus brillants souvenirs. D'Antrai- leçou de religion, et il en a pleuré à chaudes larmes. » (D'Antraigues à sa mère, 16 octobre 1803.) pluviôse au X. Cf. le démenti inséré à la (1) Journal des Débats du — demande de famille dans du ventôse. D'Antraigues est remercié par sa mère (17 juillet 1802) de la déclaration formelle du catholicisme qu'il lui a envoyée. L'ami lui écrit (14 février 1804) » « votre volonté bien juste de garder votre religion. la .le n» 11 : . . VIE DE SOCIETE ET DE FAMILLE gues éprouvait épeler un le D'autres triste calme que fois, il"se fils, pour lequel il souhaitait le sien. dérobait aux préoccupations de son métier et de son morne intérieur en se réfugiant, autant qu'il venirs. Un pouvait désormais, au milieu de ses sou- le compatriote du Vivarais, qu'il rencontra un jour à Leipzig, le de cette pensée en faisant la justesse catéchisme à son sort plus 325 voyageur de Paris et l'exilé était etcefutpendanttroisjours entre le ravit, une causerie L'amie intarissable. aussi une correspondante aimée qui non seulement transmettait de précieux renseignements, mais évoquait sans embarras, en passant, de tendres et chères images. Enréponseàjenesais quels reproches, elle répliquait: « Auriez-vous osé me gronder en 1788?» Ou bienellelaissaittomberau milieu de quelquegravedissertation un qui trahit :« Jene sais si pour nous je/e développe bien mesidées, l'intimité d'autrefois. De son » côté d'Antraigues la ramenait par l'imagination dans ce logis de la rue deMiromesnil où ment lapensée do cette sonesprità cette autre ils femme femme s'étaient connus. Evidem- distinguée faisaittortdans qui portait son parée du cordon de Saint-Michel, nelui beauté flétrie, un esprit vulgaire et nom, offrait plus un caractère et qui, qu'une difficile. Alors, ledostournéà sa maussade et impérieuse moitié, il parlait à cette fidèle lui amie de ses misères présentes: donnait des conseils sur l'éducation d'un fils avait eu d'un premier mariage éloquentes et senties comme celle qu'on va lire mon âme d'être obligée « Je vous plains de toute ; il lui écrivait il qu'elle des pages : de CIIAF'ITRE SiîG craindre la solitude... SEPTIÈME Vous trouverez personnes qui vous valent, et par conséquent la société vous paraîtra bientôt aussi insipide cœur toute personne qui a un n'enavoirpas perdu le à présent peu de qu'elle doit l'être à sensible et qui avoue souvenir. Croyez-moi, Victoire, homme qui ne cessera de désirer votre bonheur alors même que vous lui ôtez l'espoir d'y concroyez-en un tribuer, ménagez-vous tous solitude où votre âme, votre sent vous retrouver. temps passé cœur et votre esprit puis- Ne craignez pas charmes qu'aux distractions présentes, et vous nourrirez le charme de « et de fois plus que c'est ainsi conserverez cette sensibilité qui fait la vie. D'après ce quemeracontenttous ceux qui viennent du pays que vous habitez, je vois qu'il pour nous de contemporains, étranger serais tout aussi mes regrets du les vous leur trouverez mille : de les jours des instants opinions. Eh n'y existe plus et que, si j'y allais, j'y par mes manières que par bien! croyez-vous que j'aie pour cela cessé d'aimer la France?je l'aime plus que je ne l'aimais quand j'étais Français, et très sûrement, je le répète, je l'aime davantage, car tel est le cœur humain, sent tout le prix d'un objet que lorsqu'il qu'il n'y tient Dès que je que par ses regrets suis seul, alors je me et ses l'a perdu souvenirs retrouve au ne il et (1), milieu du (1) a Tout ce qui regarde la France est illusoire; elle est finie pour nous, et nous n'y trouverons que le squelette ensanglanté do notre ancienne patrie. » (Le comte de Vaudreuil au marquis de Vaudreuii, 8 juillet 1795. — Correspondance comte d'Artois, t. II, p. 232.) intime du comte de Vaudreuil et du VIE DE SOCIETE ET DE FAMILLE pays où je suis né, souvenirs pour le La France cher. un pays inconnu le si moi que je veux ne jamais connaître (1). le récit ne cherche à avoir je des voyages de M. Bruce, survécu sera péri et à laquelle j'ai premier dres souvenirs. fut jadis actuelle ne m'est rien, c'est pour e.t a celle qui me peupler de tout ce qui quelque idée que par toujours imagination s'aide de mes moi l'Ethiopie dont C'est pour mais mon et 327 dernier objet de et le On ne mes plus ten- s'éprend pas pour des pierres des rochers, on en trouve partout; ce sont ceux qui et y vivaient avec moi qui font charme du paysage que le j'aime à revenir habiter avec eux, et malgré vos injus- vous êtes sûrement tices, l'objet que j'aime le plus à y retrouver. Si a vous pouviez voir juger par cela seul mon cabinet, cœur de du vous pourriez celui Tout ce qui peut me ramener au pays que rir y rassemblé, est dessin de le qui l'habite. j'ai vu mou- mes châteaux, mille choses enfin qui m'en ont été envoyées avant qu'elles disparussent. Voilà ce qui compose le mobilier du lieu me renfermer j'aime à venir ces. (1) Dans ce cabinet Dans et aviver ne tiendrait qu'à vous seule d'y il mémo « Oui, temps, d'Antraigues écrivait à sa mère j'ai vécu; je mourrai en la chérissant cœur n'en a pas fini, il y retourne sans cesse. Je ne dois rien le : j'aime la France, mais colle où et mon oii mes réminiscen- • à celle qui a détruit celle que je regrette, et je ne être de cette nouvelle que j'ai j'ai voulu revoir vu France naître, j'aimerais la ni courber mieux ma veux pas absolument tête sous la briser contre des autorités un mur. Lorsque nouvelle France, c'était pour y chercher des regrets, des souvenirs, y revoir, y baiser les mains de la meilleure des mères, et parcourir en étranger ce pays où je naquis et que j'ai vu mourir pour moi... » (25 décembre 1803. — B. D.). CHAPITRE SEPTIÈME 3 28 mon embellir existence... Acxordez-moi votre portrait, mais bien ressemblant. content de De mère sa velles. mettre à le il dans la retraite (leBoucaud lui avaient valu fils; et profit en serais France dès 1797, vivait Montpellier à et d' Axât. Les auprès de ses sœurs lois contre l'émigration quelques débris de la fortune de son elle essayait de les accroître au du premier propriétaire. Ses vent dans la combien je vos pieds!» rentrée débris, ces : recevait aussi régulièrement des nou- Celle-ci, ]\jraes pouvoir penser Je voudrais .. que vous verriez le mien avec plaisir lettres, écrites sou- langue énigmatique familière aux émigrés, monotones d'expression, horriblement incorrectes par l'orthographe, révèlent néanmoins dans leur le style et auteur une pratique. A femme pleine d'autorité, de cœur côté de détails sur les biens et de sens recouvrés en Vivarais, sur les domaines à faire valoir et les réparations à opérer, elle jette pêle-mêle les tendres repro- ches, les conseils prudents, les expressions de sa rési- gnation chrétienne devant l'avenir incertain pour ceux qu'elle chérit, et devant la mort qui s'approche pour femme d'une grande piété et d'une grande sévérité de mœurs gardait la bonne moitié de ses pensées pour ce fils condamné à un perpétuel exil, sur leelle. Cette quel elle avait déjà eu tant à gémir. Elle avait appris son mariage par le public, ce qui avait étépourelle unehumiliation et unsoulagement (1). L'humiliation subie, elle ne pensait plus qu'au bonheur (1) LeUre du 24 décembre 1799. VIE DE SOCIÉTÉ ET DE FAMILLE d'une famille qui était la sienne. Pour sa 329 belle-fille, elle a toujours dans ses lettres quelques mots qui trahissent de sa part une secrète victoire sur l'amour-propre ne pas froisser tenait à la mère d'un enfant destiné à perpétuer sa race. la Elle eût voulu voir Jules d'Antraigues avant de ; et il elle compagne légitime de son fils, rir ; avait été question pour elle, en 1801 , d'un à Vienne. Puis ce fut la Saint-Huberty qui dut mou- voyage amener l'enfant en France, avec un passeport obtenu à Vienne par l'entremise attentive et discrète de Jean deMûller et de Champagny. Ce projet futabandonné, soit que d'Antraigues hésitât à se séparer de son fils, soit qu'il crai- de la part des siens quelque procédé désobligeant gnît pour sa femme (1) M""* d'Antraigues écrivant à son mons son inaltérable tendresse, fils dépensait en ser- commeailleursen servi- ces pratiques. Elle ne paraît pas avoir jamais cru aux pro- fondes convictions de l'émigré transformé dans certains de ses écrits en Père de l'Église. Elle l'exhortait au respect envers le Saint-Siège, malgré le Concordat conclu avec Bonaparte; souhaiter la foi, l'humilité et la charité. La elle continuait à lui et plus encore que la pensée qu'il pouvait foi, avoir payé d'une conversion à l'orthodoxie grecque les faveurs de la Russie la mettait hors d'elle-même. Lors des bruits répandus à cet égard, elle sollicita de sa part (1) f. un démenti public, et devança D'Antraigues àCzartoryski, 2 mars 1804. (A. F., France, vol. 633, 36.) CHAPITRE SEPTIÈME 330 môme ce démenti, a(in do ne pas nom le soupçon d'une apostasie. Aux lettres de sa irrégulièrement, mère, d'Antraigues répondait assez des communications la difficulté servant d'excuse. J'aime gratis, lui disait-elle, et mot douloureux laissait croire vrai ce sentait laisser planer sur son et charmant. du moins avoir payé par l'indiflérence titude les services rendus; il lui lui Il et l'ingra- reconnaissait ses services il actuels en lui donnant pleins pouvoirs pour ses affaires, en ratifiant d'avance ses actes, en laissante sa disposition ce qu'elle avait pu recueillir de leur ancienne fortunefl). Parfois, en lui écrivant, jeunesse lointaine et même subissait la nostalgie de la première patrie, et mait ses regrets avec croire sincère, il une vivacité que dans sa il de la expri- nous devons bouche. Cethomme, àqui samère n'avait pas vu verser une larme depuis l'âge de quinze ans, en était venu à s'attendrir, à pleurer devant l'évocation de certains souvenirs moi 011 sais si vous étiez éloigne pas il «Vous auriez pitié do témoin do mes regrets sur nous étions à Laulagnet combien : et temps à la Bastide. Certes, je y avait d'ennuyeux, mes souvenirs, le et le plus mais cela n'en ennuyeux serait reçu par moi à bras ouverts... Dieu n'a pas voulu que (I) le Le préfet de rArdèclie, par arrêté du 27 fructidor an IX, avait montant des créances de M'" d'Antraigues sur l'Etat. mère de l'émigré, en vertu des lois d'alors, 14.602 Il fixé était alloué à 1. 16 s. 6 d., à prendre sur les biens de son fils. Cette somme représentait la pension viagère de 2.600 1. qu'elle tenait de son contrat de mariage, et le legs fait par elle à son mari de la jouissance du domaine de Laulagnet. D'après cet arrêté, M"'« d'Antraigues était née à Grenoble le 2S juil- la letl737. VIE DE SOCIETE ET DE FAMILLE 331 nous ne nous revoyions pas. Que de choses à nous dire! Ma femme ne me comprend mes anciens souvenirs; elle pas sur une multitude de me croit d'y penser et fol d'en pleurer, mais nous, nous nous entendrions... il ajoutait : « me Adieu, l'unique amie qui monde... Je n'en ai jamais eu de Au printemps de mes regrets M)... M"^6 d'Antraigues d'écrire à son qu'elle fils, trouverait elle se i804, Bonaparte Et reste en ce véritable mon cœur, seule. Si elle pouvait voir trop veng-ée du passé par » » défendre à fit et celui-ci de son côté dut se taire pour ne pas la compromettre. Quelques nouvelles passèrent encore de part et d'autre par l'entre- mise des amis de Paris, puis un peu plus tard quelques La lettres. s'éteignit à Montpellier le comtesse vieille 19 avril 1800, sans qu'il y eût entre elle trement que par la pensée, son et échange d'adieux et fils, au- de béné- dictions. Au politiques, de ses dis- milieu de ses spéculations tractions studieuses ou intimes, d'Antraigues souhaitait obtenir ailleurs qu'à Dresde propre à assurer le ser ses services. Il Alexandre, tant et qu'il Sa la se disait d'autre lui, afin sacrifierait situation née à (1) le repos de sa vieillesse qu'il n'aurait ne ferait rien pour lui une place indépendante, pas et àrécompen- partque l'empereur rompu avec la France, de ne pas accélérer la rupture, s'il semblait, se réconciliait avec raison, avec elle. subordon- faveur de Czartoryski, et Czartoryski pou- D'Antraigues à sa mère, IG septembre 1803. (B. D.) CHAPITRE SEPTIÈME 332 Russe vait d'un jour à l'autre céder la place à quelque ennemi à outrance des étrangers. Non loin de lui, l'Athènes allemande et Schiller s'y rencontraient et M™^ de Staël. Il avec Benjamin lemagne. Sa femme possédait à moins comme au cour. H Gœthe : Constant eût plu de figurer à cette cour lui lettrée, entre les beaux-esprits de la et, Weimar cour grand-ducale de la comme considérée était France elle eût été artiste, et de l'Al- Weimar une maison, ne demandait pas une situation admise à la dans officielle ce pays, mais seulement une lettre de cabinet qui l'ac- comme créditât sujet et protégé de l'empereur. Czarto- ryski fitla sourde oreille à sa requête. Au commencement de 1805, n'ayant pu obtenir d'aller plaider lui-même sa cause, il fit par Mohrenheim; celui-ci se parvenir ses doléances rendait à Pétersbourg pour présenter son rapport de fin d'année sur les affaires traitées avec son concours, et sans doute aussi sur son patron. La guerre était imminente, occupaient marches être à Dresde. le D'Antraigues se disait n'avoir été récompensé d'un travail ; il Fran- Hanovre, pouvaient en quelques çais, qui promesses et les sollicitait difficile las de que par des une place, hors de la portée des armes françaises, en proportion avec ses talents et ses services, et des fissent tomber marques publiques de faveur, qui et les poursuites de Bonaparte, accusations d'espionnage colportées contre et les lui. Il eût voulu, bien que n'ayant pas le grade requis de seiller d'État actuel », remplacer sur sa « con- poitrine la VIE DE SOCIETE ET DE FAMILLE 333 dont on par de Saint-Louis croix l'avait dépouillé quelque cordon de Saint-Stanislas ou de Sainte-Anne; pour l'avenir croissaient de jour en jour, et ses craintes car ne se passait guère de semaine où il son protecteur ne parvînt jusqu'à retraite de A la bruit de la le lui. Mohrenheim reparut d'avril, fin Dresde, à porteur de nouvelles peu satisfaisantes. D'Antraigues avec plus de calme qu'on ne l'eût supposé. les reçut excusa Czartoryski qui, Il en cette circonstance les étrangers. d'humeur forces, )) « : et il disait-il, n'avait premier mouvement sert, ce doit être de toutes ses après un Puis, Tant qu'on pu vaincre du souverain pour l'antipatiiie avec une ardeur reprit sa tâche souterraine qu'avivait sa vieille haine contre Bonaparte. Certes, d'Antraigues se mécomptes la et tant yeux d'autres émigrés honorés faveur impériale? Alexandre tous les attribuant ses à son origine. N'avait-il pas sous les Richelieu, Langeron de trompait en P*" est peut-être souverains russes celui qui a eu le de moins de préventions envers les étrangers. Mais d'Antraigues avait contre lui, difficile, outre son passé équivoque et son caractère son mariage, qui subalternes et inavoués. antécédents de M.'°^° le condamnait à des emplois Quelle était la cour où les d'Antraigues n'eussent soulevé, pour sa présentation, des difficultés insurmontables? Son mari le savait si bien qu'il n'avait pas essayé de l'introduire à la cour de Dresde. était trop ment; elle délicate pour qu'on lui même La question en parlât ouverte- n'échappait sans doute pas à sa pénétration. 334 CHAPITRE SEPTIÈME mais de parli-pris iliic voulait pas y arrêter sa pensée, IV DE l'ULYBE (1803) LE XVIIl* LIVRK La Prusse, a en 1798, perdra écrivait d'Antraigues l'Europe, la Prusse périra sur les cendres de l'Europe comme qu'ils ces ont animaux qu'on écrase sur faites, ne nous guérira de rien alors disputée entre que refusait deux tendances possible, de A Berlin était l'une hostile par par intérêt à la France, faire payer sa neutralité par Depuis, elle avait continué ce jeu; deux de ses principaux estimaient : hommes d'État, Lombard etHaugAvilz, un agrandissement pacifique du royaume compte à demi avec la France. Paris, l'alliance prussienne avait, comme du cardinal de Fleury, des partisans résolus; temps après encore çais pour en vanter que la (1) Prusse son appui armé à la coalition euro- péenne, dans l'espoir de se le Directoire. la perte de la La cour de (1). » sentiment, l'autre sympathique elle blessures avec la différence que la mort de ces reptiles guérit la blessure et et les il la s'est au temps et long- trouvé des historiens fran- haute utilité, et monarchie de Frédéric D'Antraigues au cardinal Maury, pour regretter et l'empire G février 1798. napoléonien LE XVII^ LIVRE DE POLYBE(180o) 335 n'aientpoinlprélendude concerta la suprématie du con- que hantaient tinent (Ij. Talleyrand seul, de l'ancienne cour, penchait vers souvenirs les un renouvellement, approprié aux circonstances, de l'alliance autrichienne. On lui attrihuait cette parole en 1803, au moment oii Lombard venait à Bruxelles tenter le Premier Consul : « La Prusse sera dégraissée, puisque trop d'embon- point la rend trop drue. » L'exécution du duc d'Enghien rejeta subitement le cabinet de Berlin du côté de la Russie; ces deux puis- sances se lièrent l'une sous certaines condi- à l'autre tions par la double déclaration du 24 mai 1804. Ainsi furent posées les premières bases de la troisième coalition; toutefois plus de deux années devaient s'écouler avant l'avènement du ministre Hardenberg et la décla- ration de guerre à la France. D'Antraigues, après s'être employée allait la réconciliation de l'Autriche et de la Russie, maintenant travailler à sances la Prusse, et, s'il était daires de l'Allemagne pointles fils (2). rallier à ces deux puis- possible, les États secon- Agent officieux, des négociations, maisàDresde ne tenait il il était placé à souhait pour les embrouiller et les serrer en nœuds indestructibles. Sous un MûUer titre travaillait habilement choisi d'historiographe, dans le même sens à Berlin. Censuré ostensiblement pour ses livres à Vienne, sans rapports avec (1),Thïers, Histoire {•2j l'envoyé du Consulat autrichien et de l'Empire, aucuns Metternich, liv. D'Aalraigues à Cobcnzl, b avril 18Uo. (A. V.) XIX. tout CHAPITRE SEPTIEME 336 entier en apparence à l'étude et à l'exaltation des sou- venirs du grand Frédéric, il ne déminer laissait pas l'influence des ministres pacifiques, de pousser le roi par insinuation dans une politique antifrançaise; même geait des consultations politiques en aux mémoires de Lombard, denberg, il et allait voir qu'il faisait lui rédi- réplique passer par Har- M"* de Souza, de passage à Ber- lin, dans l'espoir de les. Plus peureux encore que vaniteux, n'ayant de force que dans l'esprit, tirer d'elle quelques nouvelles uti- ce lettré famélique taisait alors éta- lage de ses principes, jurait de les défendre jusqu'à la mort, et proclamait khan que sous le qu'il aimerait mieux vivre à Astra- sceptre deBonaparte appuyés de bien d'autres, (1). l'ambassadeur russe Alopéus put, dès et ment de 1805, annoncer Ses conseils, finirent par tenter la Prusse, le commence- à d'Antraigues les bonnes dis- positions de la cour de Berlin. Pendant toute cette année, les voyages diplomatiques se succédèrent, plus ou moins secrets, plus efficaces. De Pétersbourg ou moins à Berlin viennent Winzinge- rodeetNovosiltsov,dePétersbourgàVienneDolgorouky. De Berlin Zastrow va à Pétersbourg, Lombard à Vienne. Novosiltsov attendit en Prusse le moment d'aller tenter auprès de Napoléon cette fameuse mission médiatrice (1) Lettre du 9 novembre 1804. D'autre part, reur Bonaparte parce ne laisse écrivait à d'Antraigues : « L'empe- suffrages» peu de ressources dans l'autre parti qu'enfin l'on préprend et qui peut donner, plutôt qu'à ceux laissent prendre tout ce qu'ils ont. » (13 septembre 1804.) qu'il y a si fère de s'attacher à celui qui qui se il changement de parti pas de se concilier beaucoup de ces mots, qui laissaient prévoir son LE LIVRE DE POLYBE XVIII» 337 (1803) qu'un ultimatum déguisé. D'Antraigues qui n'était fut chargé par Alexandre de composer un mémoire destiné à servir d'instruction sur divers points à Novosiltsov mais tout comme ment confidence, ilnecroyaitpas au succès disait-il, le : Czartoryski, quilui en faisait franche: « Si on veut, forcer (Napoléon) à entendre raison, illusion sur les choses, et illusion sur les il y a personnes; lusion sur les choses, parce que ce qu'on lui il- demande renverse tout son système de politique, coupe les nerfs de son existence et de ses moyens, et l'oblige à des sacrifices qui doivent avec son caractère possible absolu ; illusion sur les personnes, parce Novosiltsov, quel qu'il soit, n'est der Bonaparte ni de discuter leyrand (1). lui paraître l'im- que pas en état de persua- avec son conseil Tal- » Sa correspondance continuait avec Vienne, mais languissait fort, au moins elle du côté de Cobenzl, car de- puis l'arrangement conclu avec la Russie, d'Antraigues sollicitait sans cesse des réponses toujours ajournées ou éludées; et les lettres qu'il recommandait de brûler étaient jetées dédaigneusement dans le sépulcre des ar- chives, où on les retrouve encore. C'était en vain qu'il dénonçait Dolgorouky, dans l'intérêt de l'AutricIie, sait-il, ou Razoumovsky dans son intérêt propre, ou qu'il envoyait, afin d'eflectifs Il di- de réveiller l'attention, les états de l'armée française en Hanovre. reçut alors la visite d'un de ses vieux complices, Français de langue, royaliste de naissance, Prussien de (1) D'AiilraigLies à Gobeazl, :il mai 1803. (A. V.) 22 CHAPITRE SEPTIÈME 3â8 cœur, l'imprimeur neuciiâtelois Fauche-Borel. Fauche venait de Paris et de la prison du Temple, où il avait passé trois ans, sous l'invisible et pourtant efficace protection de d'Antraigues. Trois fois Va?ni lui avait sauvé Va- la vie sans qu'il s'en doutât; puis, de concert avec mie et M™« de Copons, bureaux de tefois, il avait fait par arracher aux fini de sa mise en liberté. Tou- la police l'ordre ne voulant pas être connus de avaient I lui, ses libérateurs agir la cour de Berlin, en lui donnantl'assu- I ranco que son intervention en faveur de Fauche serait agréée. Lucchesini, soucieux avant tout de plaire aux Tuileries, s'était refusé à prendre l'initiative d'une sem- blable démarche, et quand au prisonnier délivré, Neuchâtel, et le il dut fournir un passeport il lui laissa interdire le séjour de força ainsi à se réfugier en Prusse (1). Fauche, arrivé à Berlin au milieu des préparatifs do nouveau, la coalition, voulut servir de cause de Louis XVIII, la les dispositions des cours, était possible, pour pénétrer à ce sujet et, il s'il s'aboucha avec d'Antrai- gues, qu'il ne connaissait pas encore personnellement. Il demanda un rendez-vous pressement et nous avons par leur entrevue. L'un valoir. chegru, qui fut accueilli lui le récit avec em- détaillé de et l'autre s'attachèrent à se faire Fauche en rappelant ses négociations avec Pid'Antraigues en invectivant Montgaillard Bonaparte avec une violence que le et temps n'avait pas amortie. Puis ce dernier disserta sur la situation de l'Europe, plaçant tout l'espoir de son parti dans l'armée et (1) L'ami à d'Antraigues, i" mars 180û. I LE XVIII« LIVRE DE POLYBE la nation prussiennes. Finalement, terlocuteur une lettre de donna à son il in- recommandation pour Novo- Fauche devait en user pour remettre siltsov. 011 33» (180o) trois notes apportait sous certaines conditions le concours du il général Moreau à la coalition. On comment sait la Russie, six ans plus tard, accepta, employa et perdit en peu de jours Dans le transfuge qui dès 1806 s'offrait à courant de le elle. deux anciens chefs ven- 180.3, déens, deux lieutenants de Charette, Suzannet et d'Andigné, vinrent frapper à la porte de d'Antraigues. D'An- digné ancien , avait été correspondant récemment en de l'agence Brotier lors se faisait valoir auprès de tous les partis, et haute volée. D'Andigné et Suzannet ment s'informer des pour faire il pro- notes à lui écrites par ce Montgaillard de duisait des la Russie; , relations avec Fouché, qui dès non pas venaient seule- dispositions de l'Allemagne qu'ils et de comptassent sur l'étranger triompher leur cause; car ils se disaient ca- pables de détruire Bonaparte après l'avoir élevé et soutenu, et cela en dehors do toute ingérence étrangère Mieux que ces revenants, représentants d'une faction clandestine, sans organisation réelle, sans immédiates, d'Antraigues appréciait la politique belliqueuse alors ordre de chette ; Note le il lui espérances interprètes de en passe de l'emporter à ménager, mais de ne maintenant lui faisait (1) les Le ministre prussien à Dresde Berlin. (1). avait eu jadis le voir qu'en demandait une entrevue, caet connaître des pièces, des conversations ayant à Vansillarl. (B. M., Add. nis.s. ol230, f. loi.) CHAPITRE SEPTIEME 340 trait à la Louis (le future alliance austro-prussienne. Le prince Prusse, l'ardent ennemi des Français, passant quelques jours à Dresde, se montrait en public dans sa compagnie; Markov à son tour y fut six semaines, vint hommage « On s'asseoir à sa table, et rendit lui faisant l'éloge de Czartoryski : à son crédit en croit, lui dit-il, que j'aspire à sa succession, mais je ne désire plus que lire les gazettes et cultiver les agents anglais, Taylor, mes terres. » Puis ce furent King, Jackson, qui se réuni- rent en conciliabule chez l'émigré français; Fersen, qui renouvela près de lui, au nom de Gustave lY, d'Armfelt. Publicistes et la mission diplomates déblayaient à la sourdine, en ce point central de l'Allemagne, le terrain qui allait être occupé et ensanglanté par les armées. Depuis longtemps, comme écrivain politique, d'An- traigues gardait le silence. Sous le coup des poursuites de Bonaparte, blié depuis il déclarait à tout venant n'avoir rien pu- son arrivée à Dresde : « Je vous jure sur l'honneur, écrivait-il à sa mère, qu'aucun écrit anony- me no sortira jamais de maplume(l).» Malgré ces beaux serments, il et brochures, et, prenait part en 1804, par divers aux polémiques de l'année suivante, pour le il En apparence presse antifrançaise, lançait à l'adresse de la Prusse, compte delà Russie ment du XVIII" la articles et de l'Autriche, son Frag- livre de Polybe. il ne s'agit ici que d'un texte grec im- portant restitué et traduit par un amateur, d'après un (1) A ÎSI'u» d'Anlraigues mère, 19 novembre et 25 décembre 1803. Xamie, 28 dèconibre; à Czarloryski, G avril 1804. Cf. à LE papyrus XVIII» original LIVRE DE POLYBE retrouvé au mont Athos. Ce texte délibération en trois discours contient le récit d'une tenus dans le conseil d'Antiochus rie. 341 (1805) Grand, roi de Sy- le Cette délibération a pour objet l'acceptation ou le rejet de l'alliance proposée par le roi Ma- Philippe de cédoine contre les Romains. Deux conseillers du roi, Polycrate et Callisthène, et son hôte illustre Annibal y prennent part, Polycrate pour recommander la neutralité, Callisthène et Annibal pour pousser à la guerre. Cette prétendue restitution d'un texte perdu était une page allégorique d'histoire contemporaine. Une de V ami de Paris en avait évidemment suggéré Celui-ci, désespéré devoir, comparait la politique la politique de Romains en des Asie après leur conquête de la Grèce, et que le développement de l'idée. avec l'empire français, l'em- pire d'Occident se rétablir, Napoléon en Europe à lettre cette souhaitait il comparaison présenté avec art pùtservir d'avertissemeutauxsouverains(l), La société d'alors, élevée dans le culte des anciens, goûtait ces rapprochements fort qui tournaient historiques, tantôt à la polémique, tantôt à l'adulation; ils paraissent aujourd'hui, selon notre humeur, jeux d'hommes d'esprit ou des (1) « Vous savez vous-même que Sélfucides encore 127 ans après mémoire du 5 (le rapport lu les nous ap- comme des exercices de pédants. Romains ont laissé subsister les de Magnésie. Le résultat du par Talleyrand au Conseil le o février la bataille ISOo) est précisément cet infernal système qui a détruit le monde an- engager l'historien Ferrand par-dessous main à développer sans se compromettre cette époque de l'histoire; il l'a fait; je voug enverrai son écrit dans les premiers jours de juin. » {Vami à d'Antrajgues, 19 février-!" mars 1805.) cien. J'ai fait CHAPITRE SEPTIÈME 342 Lally avait lolinus d'après Tite-Live, Quintus Capi- fait parler, aux Romains Mallet du Pan, d'après Sallusto, et Mithridateauroi desParthesArsace.Un amateur érudit, Héron de Villefosse, par la composition d'une sorte de centon historique, avait mis sous soi-disant « société d'auteurs latins couvert d'une le » le récit des prin- cipaux événements de la révolution française. D'Antraigues s'avisa de choisir Polybe pour interprète de ses rancunes et de ses espérances politiques, et voici la fiction qu'il imagina. Dans sa jeunesse il avait visité les couvents grecs de l'Orient, à la recherche des manuscrits précieux; vraisemblable qu'il fût allé il était au mont Athos, avec deux voyageurs célèbres, d'Ansse de Villoison et Savary,yeùt découvert et acheté à grand'peine un fragment du xvni^ livre perdu de Polybe. d'histoire Il traça donc un soi-disant tableau grecque qui nous semble, l'ingéniosité des allusions mise à part, un chef-d'œuvre de pédantisme. Cet ouvrage met en scène d'une part les Romains (Français), d'autre part les Macédoniens (Autrichiens) et les Syriens (Prussiens), ceux-ci à la veille de la guerre qui doit décider de leur délivrance ou de leur asservis- sement complet. Dans le conseil d'Antiochus (Frédéric- Guillaume), Polycrate (Lombard) recommande assez blement un système de temporisation et veut se persuader que les forces des et fai- de neutralité, Romains s'use- ront d'elles-mêmes. Callisthène(Hardeaberg)au contraire parle énergiquement dans le sens de la guerre, et appelle à son aide, par une prosopopée imitée de Rous- LE LIVRE DE POLYBE XVIIIe seau, le fondateur de la monarchie (Frédéric le Grand), qui représente les idées voque moins que seurs du monde. également, s'écrie-t-il, » Annibal, oii il a trouvé asile les : a Rome vous apprenez enfin à haïr la veille, montre dans il etc. Nicanor oppres- stigmatise la politique insatiable et Il aux vaincus de main, du pays toi, universelle contre du Sénat (Convention) perfide et et Et de l'auteur, in- personnelles intérêts les haine légitime la « grande âme, ta si : 343 (1803) hait tous Rome ; » aux combattants du lende- le lointain coaime des auxiliaires invincibles Arsace et ses Parthes, lisez Alexandre et les Russes « : Lorsqu'on commande aux Parthes, on n'est étranger à aucun des grands intérêts de l'univers. Ce pamphlet, publiée Berlin par les soins de Borel, traduit en allemand et hautement également en anglais par Gentz, traduit fit un certain bruit dans chancelleries.. çaise (1), il cette (2). monde Fauche" recommandé et en italien, salons des et des Sévèrement poursuivi parla police fran- réjouit de debourgeois Prusse le » et les compagnie les hobereaux bran- émigrés irréconciliables restés en approbation par Czartoryski tempéra son remarque à moitié ironique : « Si, au lieu de vous cacher derrière Polybe, vous eussiez parlé clairement, la moitié de vos lecteurs vous eût moins admiré (3). » (1) Arch. Nat., F^ 6458. Cf. une lettre de Fouché (19 décembre 1805) au directeur général des postes. Id, F' 64uo. (2) Mémoires tirés des papiers d'un homme d'Etat (Hardenber^ï), t. IX, Falche-Borel, 3/emoire5, t. III, pp. 202, 217, p. 288. Cf. pp. 117-118. — 227-230, 278-281. (3) Czartoryski à d'Antraigues, 12 avril 1806 (A. France en Saxe, en envoyant l'ouvrage à Paris F.). (22 — Le ministre de novembre 1805). CHAPITRE SEPTIÈME 344 Exalto par son succès factice, d'Antraiguos publia à Londres une seconde, puis une troisième édition de son ouvrage, revues augmentées. et une tion oratoire par Il y continuait sa fic- en traçant les fiction historique, portraits d'Ariarathe, roi de Cappadoce(le ducdeBruns- wick) et du ministre Héraclide (Haugwitz) puis, toujours sous le haine, ce « couvert de Polybe, sentiment céleste de l'abondande du cœur, quentes : il dissertait sur la s'exprimant donnait pour conclusion à il son pénible pastiche deux ou voyance il », et cette fois, trois pages vraiment élo- analysait et décrivait la haine avecla clair- et la passion que le mystique auteur de Vlmi- tation a mises à décrire l'amour sant enfin sous le politique et le l'homme, : se trahis- pédant, faisait valoir l'écrivain. « Bonaparte, lui écrivait alors contemporain d'aucun ou qu'on le tue(l). » Markov, ne peut roi légitime ; il être le faut qu'il les tue D'Antraigues, en commentant celte phrase féroce, non seulement oubliait ses devoirs envers la France, mais il excitait contre elle ceux qui étaient dès lors et devaient rester nos piresennemis.il a ainsi pour sa part donné l'éveil à cette landwehr patrio- « Ces e7o72<e?i/es protestations ne se vendent pas ici, mais se distribuent mystérieusement entre les affidés. L'auteur a eu grand soin d'en faire hommage à l'empereur de Russie à son passage à Dresde, mais on ne dit pas qu'Arsace se soit montré fort sensible à. ces plaies adulations. On m'a parlé d'un autre pamphlet du même auteur qui doit être une réplique à la réponse faite à la note de la cour de Vienne du 3 septembre. Cette pièce est, dit-on, écrite dans le style e avec les expressions dégoii tantes du Courrier de Londres. Je n'en recherche un exemplaire que pour pouvoir entretenir M. de Loss... » (1) B. M., Add. mss. 31230, f. 165. s'exprime ainsi: LE XVIII' LIVRE DE POLYBE 345 (1805) tique qui, au lendemain d'Iéna, fonda sur la haine de la France l'esprit national Aymon allait allemand. L'émigré La Roche- rédiger après ïilsitt cavalerie prussienne, et l'émigré La règlement de le la Maisonfort, dans son Tableau politique de V Europe imprimé en Allemagne en 1813, donner le Napoléon ton aux insulteurs de tombé. Avant eux, l'émigré d'Antraigues, émule de Jean de Mûller et de Kotzebue, eut le triste avantage de développer les sentiments dont Stein et Scharnhorst ont été les plus ardents interprètes. Ce phrases inspirées par et le roi le le de Prusse se jurèrent, le tombeau du vieux fut avec des faux Polybe qu'Alexandre I" Fritz, l'''' octobre 1805, sur une amitié éternelle. L'auteur ne recueillit point de cette publication singulière les avantages qu'il avait espérés; rechef et inutilement qu'il ne le désir d'être il témoigna de- employé autrement l'avait été jusque-là. Il protestait avoir d'autres talents que celui do transcrire les lettres d'autrui (la correspondance de Paris venait de cesser), d'amuser, môme par d'ingénieuses fictions, les souverains ministres. allié et En venant et leurs de Berlin, etenallantrejoindreson l'empereur François, Alexandre s'arrêta à Dresde, y reçut à sa table tous les Russes de distinction. Les personnes attachées à saluer dans nombre, et paroles. Ce la légation l'attendaient son antichambre. D'Antraigues l'empereur lui pour était le du adressa en passant quelques fut tout. Quelques semaines plus tard, la Russie était vaincue, l'Autriche terrassée, la Prusse ramenée pour quelques ins- CHAPITRE SEPTIÈME 346 tants aux pieds de Napoléon, avait travaillé et le hardi intriganl qui à la conclusion de celte alliance fou- droyée à Austerlitz se sentait de nouveau surle continent à la merci Vienne et de amis ou ennemis. tous, à Pétersbourg, importun à Dresde, cé du côté de Berlin, il Ils que yeux, s'excusent à leurs faire de moi, mêmes dans royaliste pour car mena- accusait de ses propres décep- tions les souverains qu'il avait fatigués « Impuissant à doses conseils: disait-il, de ne savoir ne savent que ils faire d'eux- pénibles circonstances. Je suis trop ces être utile à des rois... Ils voudraient bien que je fusse mort, carcelales acquitterait de tout; morts ne parlent plus, les terrerait, puis n'écrivent plus; on m'en- on placerait sur ma tombe grosses calomnies... Si je n'avais tre je vous fît ils avoue que je (1) Fragment de femme ou qua- et enfant, ne serais pas fâché que Dieu leur ce petit plaisir, car d'y exister (1)... trois mon siècle m'ennuie, je suis las » lettre à... (A. F., France, vol. G33, f. 86.) 1 CHAPITRE HUITIEME D'ANTRAIGUES EN ANGLETERRE I. — Dangers du séjour à Etablissement en Angleterre (1806-1807). D'Antraigues autorisé à passer en Angleterre. Visites Arrivée à Londres. à Jean de Mviller et d'Angiviller. Posilion prise entre Nicolaï et Strogonov, Ganning et lord Granville. Disgrâce en Russie, ses prétextes, ses causes. D'Antraigues au serDresde. — — — — — — vice anglais. — Puisaye. Les Bourbons (1806-1811). D'Antraigues et le duc d'OrLes affaires de France. Liaison avec Puisaye. Leurs projets. Intrigues contre Louis XVIII arrivant en Angleterre. D'Antraigues et Fauche-Borel. Complot avorté contre d'Avaray. Correspondance avec Arnifelt. D'Antraigues éconduit par Wel- II. — — léans. — — — — — — lesley. — m. L'assassinat (1812). Période d'isolement et d'abandon.— Le sodu !=' janvier 1812. Nouvelles espérances du cùté de la — liloque — — — Pressentiments d'une fin tragique. Lorenzo. La double catastrophe du 22juillet.— Bruits répandus, causes probables. Jugements des contemporains. Appréciation générale. Russie. — — ÉTABLISSEMENT EN ANGLETERRE « Il 1798, ma n'y a que l'Angleterre, écrivait Malletdu oiî l'on place. Il Pan en puisse écrire, parler, penser et agir. Voilà n'y en a plus d'autre pour quiconque veut continuer la lutte (1) (1806-1807) (1). » Correspondance avec la Mallet du Pan était mort depuis cour de Vienne, t. II, p. 420. CHAPITRE HUITIÈME 348 émules devaient y venir dans cet asile inviolable, et ses l'un après l'autre fuir et braver le maître du continent européen. Un jour de janvier 180G, Moniteur que envoyait lui d'Antraigues, ouvrant le Xami de Paris^ y impérial annonçant à l'Europe letin la chute lut le bul- des Bour- bons de Naples; ce bulletin se terminait par ces mots « : Qu'elle (la reine Marie-Caroline) aille à Londres aug- menter le nombre des intrigants, et former un comité d'encre sympathique avec Drake, Spencer Smith, Tay- Wickham; lor, convenable, traigues Le était elle pourra y appeler, baron d'Armfelt, le MM. si juge elle le de Fersen, d'An- » (1)... trop ingénieux interprète de Polybe comprit; poussé, relégué d'avance sur la Tamise par l'im- placable vendetta de Napoléon. S'il résistait à cette sommation, une nouvelle campagne diplomatique commencer contre lui, n'aurait plus derrière était prévue. Il : pour la soutenir il Czartoryski, dont la retraite « Français à quelques étapes de voyait en perspective des scènes re- il nouvelées de Trieste vous serez lui et les Dresde. Dès lors plus tragique et coltc fois allait savait d'autre part la guerre prochaine en Allemagne, ris, il Si et de Milan, avec un dénouement vous êtes fusillé dans pris, lui écrivait-on de les vingt-quatre heures. Pa» La crainte de tomber entre les mains de ses compatriotes l'emporta sur l'appréhension de ne pouvoir servir (1) 1806. 37e bulletin de la Grande armée, dans le Monileur du 5 ail- janvier ÉTABLISSEMENT EN ANGLETERRE leurs aussi Il écrivit solliciter bien Dresde, son qu'à (1806-1807) 349 pays d'adoption. donc aussitôt à l'empereur (12 janvier) pour un changement de résidence, et il n'eut pas de peine^ on le pense bien, à faire appuyer sa requête par le g-ouvernement saxon. résidence qui comme indiquait Londres convenait davantage, et cette lui était sincère, car Il il en était venu à dire , « fois la il Tout plutôt que de redevenir Français.» L'Angleterre était un pays dont connaissait la langue, où il et il y sollicitait denization, en ce c'est-à-dire les turalisation (1). il avait gardé de vieux amis, moment même privilèges Les ministres anglais, tout prêts à l'accueillir, à lui des lettres de d'une demi-napensait-il, étaient ménager des facilités pour ses travaux politiques. Czartoryski, au moment de quitter les affaires, s'efforça d'assurer après lui la situation de son fidèle et intime correspondant. Il lit autoriser d'Antraigues à s'établir en Angleterre, sauf à vivre à Londres ou dans rons, à envoyer au ministère des mémoires les envi- sur les événements, en y joignant des comparaisons historiques, à publier des brochures et des articles dans les journaux pour éclairer l'opinion publique, à venir même rial (2). Au directement des lettres au cabinet impé- fond, ce qu'onlui donnait, c'était une retraite (1) Yansittart à f. faire par- d'Antraigues, 1" janvier 1806.(B.M., Add. mss. 31.230, 123.) M. d'AutraiyuL's serait chargé d'envoyer tous les mois ou plus s'il le pouvait, un mémoire sur la situation de l'Angleterre et un autre sur celle de l'Europe en général. De plus, M. d'Antraigues devrait fournir un mémoire sur la manière la plus convenable de relever la monarchie autrichienne. » (Gzartorysici à l'empereur Alexan(2) souvent, CHAPITRE HUITIÈME 350 honorable Au et agréable, due, disait-on, à ses services. ce brevet de colonel qu'il attendait depuis lieu de dix ans, on lui envoyait une bague, part à son dé- de Vienne, en signe de satisfaction; de plus sa pension annuelle fils comme était doublée, son voyage payé, et son autorisé à le suivre, tout en restant attaché à la lé- gation de Dresde. Enfin, Çzartoryski le recommandait chaudement au baron de Nicolaï, chargé d'affaires russe à Londres, les et lui adressait à témoignages les plus lui-même, avec ses adieux, expressifs d'amitié et de re- connaissance. Le2 août, d'Antraigues quitta Dresde avec sa famille, laissant croire à ses amis qu'il partait pour la Russie ses papiers avaient déjà passé la paravant. et Il était fusillé, temps, comme s'il ne voulait pas être enlevé allait l'être un pauvre coupable, non Nuremberg, Palm, ; mer quelques mois aulibraire de d'avoir écrit, mais simplement vendu des brochures contre Napoléon. A leur entrée à Dresde, les Français recherchèrent en effet le fugitif, mais celui-ci Londres de revit au passage un (1). Avant de ami de était déjà bien loin sur la route quitter le la veille et continent, un ami Berlin, d'Angiviller à il d'autrefois, Jean de Mûller à Hambourg. Le premier, heureux de le revoir, le conduisit en pèlerinage à Postdam et à Sans-Souci, et en visite chez les illustrations du jour, dre, 8/20 332.) mars {Recueil de la Soc. d'/iist. de Russie, t. XGII, p. à d'Antraigues, 12 avril 1806 (cité dans la lettre de 1806. — Çzartoryski — A. P.). d'Antraigues à Roumianzov, 14 juillet 1809. (1) Saint-Priest à d'Antraigues, 2 février 1807. ÉTABLISSENENT EN ANGLETERRE 3ol (1806-1807) chczHumboldtetchez Ancillon.Le second évoqua devant lui les souvenirs de Versailles et de l'ancien régime. Le présent fut aussil'objet de leurs entretiens. D'Angiviller, émigré irréconciliable n'osait croire au et néanmoins à bout d'illusions, succès de la Prusse, et avouait que Napoléon entendait mieux ses intérêts que tous de l'Europe. Jean de Millier, idéologue par rimagination, voyait déjà les la Sprée au Rhin, et traçait, à la veille d'Iéna, le (1). poléon^ ne pouvait il lui Dans sa haine contre Na- pardonner d'avoir permis la réunion du Sanhédrin israélite à Paris, et son ami de prêcher gés du Corse Juifs plan passage curieux de ses dernières lettres à d'An- traigues mérite d'être relevé. à Allemand peuples soulevés de de campagne des Prussiens en 1813 Un et les rois : « la il demandait croisade contre les Juifs proté- Quel souverain peut ne pas chasser les ou ne pas exiger d'eux de n'avoir aucune commu- nication avec cet institut sous peine irrémissible de la vie? C'est pis que les jésuites. Que de millions de Juifs faufdés dans les secrets de toutes les familles, maîtres d'une grande partie du numéraire, intrigants au suprême degré, fanatiques infatigables, persévérants! Dites cela à nos contemporains qui ont des voir (2) (1) . yeux pour ne point » D'Angiviller à d'Autraigues, 7 octobre 1806. (A. — .Jean de Muller F., France, au même, 30 septembre. (W., vol. 041, « Dans f. 10.) Le 5 octobre, il écrivait encore à d'Antraigues tous les pays je vivrai et mourrai dans et pour les principes que nous nous connaissons. » Le 20 novembre il obtenait une audience de Napoléon, et se mettait à son service. octobre 180G. (A. F.) (2) Jean de Muller à d'Antraigues, vol. 029, f. 192.) : -t CHAPITRE HUITIÈME 352 Le 3 septembre, d'Antraigues arriva à époque de 1804, la retraite Londres. Depuis Simon Woronzov, de la Russie n'était plus représentée en Angleterre que par un chargé fit au nouveau obtenir un agent diplomatique régulier, à de ses trée libre res d'affaires. Celui-ci comme venu, effets à douane, puis la démarches du personnage D'Antraigues se le premiè- les mirent en défiance. do Suède, à la légation glissait l'en- y des paquets à l'adresse du roi Gustave IV, remettait et obtenait par ordre exprès venu de Stockholm l'usage du chiffre de cette légation, alors qu'il demandait à être présenté à la cour comme gentilhomme comme Razoumovsky un flaira à Vienne auxiliaire gênant et russe. Nicolaï, Khanikov à Dresde, dans cet intrigant cosmo- polite, et le tint à l'écart (1). Deux envoyés extraordinaires de Russie se succé- daient alors à Londres, le comte Paul Strogonov, et le comte Alopéus, ce dernier venant de Berlin. Le premier allait rentrer à Pétersbourg, suivi on, par un envoyé anglais, le de près, disait- marquis de Douglas. D'Antraigues parvint sous divers prétextes à se frayer accès jusqu'à cet ami même temps, anglais. sa main Le il de Czartoryski. Il s'offrait en imposait presque ses avis au ministère publiciste à deux faces subsistait en droite toujours active, toujours tendue, lui, dési- rant en quelque sorte ignorer ce que recevait sa mai a gauche. (1) A Venise, Nicolaï à S. il Woronzov, Archives Woronzov, t. s'était partagé 17 septembre XXII, pp. 327 et 377.) entre le roi de 1806 et 27 janvier 1807. ETABLISSEMENT EN ANGLETERRE Madrid et le roi in le cabinet Londres partions de Vérone; àDresde, entre de Vienne il allait 353 (1806-1807) de Pétersbourg; à et le cabinet essayer de mériter à la fois sa pension russe et une pension anglaise, tâche infiniment délicate et promptement équivoque, sa réputation, Dès ici et le fatale à ses intérêts et à comme il allait une fois lendemain de son arrivée, s'était fait valoir il avec son aplomb ordinaire. là croire, n'avait de plusl'éprouvcr. pas de secrets pour La Russie, à l'en lui il ; avait été mêlé aux plus délicates négociations, entre autres à celle du divorce entre femme ; il grand-duc Constantin le et sa correspondait directement avec le cabinet impérial, et certains diplomates usaient de son inter- médiaire pour faire parvenir leurs avis au souverain. Il pouvait enfin se dire à demi Anglais, par son liation à la Société royale de Londres. Bientôt on l'en- déprime abord tendit se targuer d'avoir conquis et affi- l'accès laconfiance du premier ministre lord Granville: mais son passé n'était que trop connu, et cien émule, venait de le dénoncer Foreign Office (1). Le roi et rendre son an- expressément au un autre ministre, Howick, demandèrent à Nicolaï homme Froment, : Que vient faire cet en Angleterre? Cependant l'espérance utile lui fît octroyer sur les fonds pension de 50 livres sterling par mois, lord de secrets le une qui fut plus tard presque doublée, et portée à 1.000 livres par an (2). (1) Froment au sous-secrétaire d'État sir Frederick Vincent, 18 oc- tobre 1806. (R. 0., France, vol. 7a.) (2) Note de lord Howick, 12 juin 1807 (R. 0., France, vol. 76.) 23 — j CHAPITRE HUITIÈME 3S4 Comme il y avait alors entre reur Alexandre rils, communauté le roi George et l'empe- étroite d'intérêts et de pé- d'Antraigues ne croyait sans doute trahir personne en se plaçant au point de vue anglais pour apprécier ce qui se passait sur le continent, de la Vistule à la Neva. spontanément C'est ainsi qu'on l'entend con- faire naître ses préférences sur le choix du diplomate destiné à remplacer S. dres. Il Woronzov redoute ses à l'ambassade russe de Lon- anciens correspondants d'Italie, Lizakéwitch etStackelberg,et insinue au cabinet anglais de demander directement comme persona grata gonov, ministre à Madrid Troubetskoï. En attendant, il de son ami beau-frère et aimerait fort être l'inter- entre les deux pays, et médiaire important Stro- il presse Canning de transmettre par son canal un plan de finances propre à faire qu'ils doivent mieux, il connaître aux Russes encore attendre prend l'attitude d'un de leurs homme les subsides en mesure de désigner des conseillers à Alexandre. Budberg, cesseur de Czartoryski, pondance tère, et pour la le suc- le destinataire de sa corres- quasi-officielle, lui semble manquer de carac- se rendre Suède et la suspect par son antipathie avouée Prusse. 11 faire partager sa conviction à voudrait, et il avec Napoléon ait essaie de Londres, voir Markov arriver aux affaires sous l'influence anglaise, la paix Bien alliés. afin moins de chances de que se con- clure. D'Antraigues au sous-secrétaire d'État Culling Charles Smith, 5 octobre 1811. {U., vol. 88. ETABLISSEMENT EN ANGLETERRE 3oo (1806-1807) Celui qui disposait ainsi des ambassades et des ministères n'hésitait pas à offrir au marquis de Douglas des renseignements rédigés sur le ton de véritables instruc- tions diplomatiques renseignements, une cour, à un pays comment d'autrui. il Il et ces ; qu'il n'avait informations toujours hanté par déclare Alexandre commencement de son règne, renier le partage de laPologne et qu'il jamais vus, montrent savait s'informer et juger les rêves généreux du que des humiliations. Il les prêt à à terminer une guerre désapprouve du fond du cœur et oii voit déjà les n'a trouvé il Vieux-Russespro- testant contre la paix dans leur sanctuaire Moscou, relatifs à national de néanmoins s'empressant d'en jouir dans et l'auberge cosmopolite de Paris. Cette paix malgré tout possible, même prochaine, Pologne tente pas la restauration de la si lui semble Napoléon ne des et l'éviction propriétaires desstarosties confisquées. C'est ce Russes qu'il faut à tout prix éviter. lui rappelait On l'étonnerait bien que dans sa jeunesse, sur place, sur le partage de 1772 et en a flétri les il auteurs on si a gémi (1). Tout en s'acquittant ainsi envers ses nouveaux protecteurs, tres à il n'oubliait pas les anciens. Pétersbourg et Il écrivait des let- des articles dans le Courrier d'Angleterre en faveur de la cause toujours pendante sur les champs debataille do la Prusseetde la Pologne. A cette cause gine; (1) il il y rallia AGaaning ff.l75etsuiv.) recrutait des le vieux champions de toute Dumouriez, et à Granville (nov. 1806). (B. qu'il ori- n'aimaitpour- M., AdJ. mss. 31230, , CHAPITRE HUITIEME 356 Le 14 octobre tant guère. d'Iéna) (jour où se livrait la bataille transmettait un nriémoire clans lequel le vain- il queur de Jemmapes s'ingéniait à battre sur rivaux heureux qui l'avaient la carte les oublier à la tête des fait armées françaises. Quelques jours après, Canning de dépêcher Dumouriez sur il adjurait le continent, au milieu de l'armée prussienne en déroute. La paix de vainqueur Tilsitt, l'alliance le vaincu, et S'il furent pour d'Antraigues espérances et ruine de ses conclue soudain entre le le la présage de sa disgrâce. voyait Kourakine, un de ses fidèles protecteurs, remplacer Razoumovsky à l'ambassade de Vienne, comme devait subir, chef immédiat aux affaires étran- comte Nicolas Roumianzov, gères, le était tout Roumianzov au nouvel ami de son maître. lorsque Caulaincourt, demanda la rupture il et prêt à céder, au moins dans les questions secondaires, gues, il lui à peine en arrivé Aussi Russie, de toutes relations avec d'Antrai- répondu qu'on n'attendait qu'une occa- fut un prétexte. sion, qu'on ferait surgir au besoin Comme preuve de bonne volonté, on montra un ordre préparé, prescrivant à d'Antraigues de congédierson secrétaire, et de ne plus envoyer de lettres; néanmoins jusqu'à nouvel avis Cet ordre ne parvint pas à on ses titres et traitements. destination, et celui qu'il concernait n'en fut que plus surpris quand mois après, sa complète disgrâce Roumianzov, ne conservait lui : « il apprit, six S. M., lui écrivait livre point l'intérêt de son empire aux passions d'un étranger. Elle prescrit à ses ministres de ÉTABLISSEMENT EN ANGLETERRE (1806-1807) 357 correspondance avec vous. Elle vous dé- cesser toute gage de son service ainsi que M. votre vous et lils, retire à tous deux bontés D'Antraigues eut beau protester, affirmer (1). » que son traitement le traitement que vous devez à ses était moins une rémunération de ses services actuels qu'une récompense de ses servicespassés. On le punit de cette réclamation, en lui malgré une promesse formelle, retenant, écbus de les quartiers ses appointements depuis quatorze mois, tant sur le col- lège des affaires étrangères que sur ministère de le l'instruction publique. Que s'était-il passé ? D'après Armfelt, iRoumianzov, qui faisait à d'Antrai- gues l'honneur de l'appeler son plus grand ennemi, s'irrita de ce qu'il avait écrit à l'empereur une lettre qui n'avait point passé par ses mains, et qu'Alexandre lui montra dans un moment d'expansion. Roumianzov lui-même, d'Antraigues Kourakine, le A en croire avait adressé à 12 février 1808, une lettre confidentielle de nature à choquer l'empereur, à qui elle fut niquée par le destinataire. signataires du traité de Kourakine ayant Tilsitt, cette lettre commu- été un des contenait sans doute une critique acerbe, peut-être personnelle- ment blessante pour Kourakine, de que russe, et Kourakine, personnage aussi vain que médiocre, l'aurait pour se venger transmise maître. Quoi qu'il en soit, (i) la nouvelle politi- vu l'absence de Roumianzov à d'Antraigues, 14 juillet 1808 à son la pièce incri- (A. P.). L'année sui. vante, à pareille date, d'Antraigues envoyait une longue lettre de protestation et de réclamations qui resta sans réponse. CHAPITRE HUITIEME ^.^iS minée, est difficile de juger il portion avec le si gues tombait dans un piège où d'autres étaient déjà même tombés sous ses yeux, en pro- la peine était seulement que d'Antrai- délit. L'oîi voit avec sa connivence moin La Vauguyon auprès de Louis XVIII, : té- Panine et à la cour de Russie. Lorsque, quatre ans auparavant, il révélait à Czartoryski l'indiscrétion épistolaire qui avait causé la disgrâce de Panine, il ne se doutait guère qu'il serait lui, serviteur officieux et subalterne, victime d'un caprice du même genre. Alexandre tout libéral qu'il I^'", voulait paraître, ne supportait pas la critique. En lettre définitive, le prétexte de cette exécution fut témérairement écrite au souverain, ou une un ami trop vive adressée à cause ou une était la contradiction indiscret. La qu'on supposait désormais à d'Antraigues entre ses sentiments ses et devoirs. continuait à haïr le nouvel ami d'Alexandre, et tachait à l'Angleterre lettre véritable Il il s'at- devenue l'ennemie du maître qu'il eût voulu garder. Un bruit singulier se répandit alors : il aurait vendu au gouvernement anglais, en retour d'une forte pension, la copie des articles secrets supposition, acceptée les biographes, du traité comme un ne supporte pas fait de Tilsitt. Cette acquis par tous Ce l'examen. n'est qu'à Dresde qu'il eût pu surprendre un secret aussi im- portant : et lorsque les deux empereurs se rencontrèrent sur le Niémen, il était Angleterre, et privé déjà depuis de longs mois en des relations propres à une semblable aubaine. Qui sait d'ailleurs lui valoir si cette lé- ÉTABLISSEMENT EN ANGLETERRE 359 (1806-1807) aux yeux de g-ende n'a pas été inventée pour justifier, certaines gens, la facilité avec laquelle on avait sacrifié d'Antraigues aux Napoléon? Ce qui ressentiments toujours vivaces trahit au moins de la part quelque regret, quelque arrière-pensée, de d'Alexandre c'est qu'il ne voulut jamais ni signer, ni faire enregistrer au Sénat l'ukase qui confirmait légalement la disgrâce de cien conseiller une défaveur apparente, d'un emploi, mais commissions l'an- légation. Mohrenlieim subit aussi de il même et fut privé de l'espoir reçut de l'empereur en secret des et des gratifications. Ainsi détaché malgré lui de la Russie, d'Antraigues perdit aussi le dernier lien qui le rattachait à l'Espagne. Il se vit supprimer (janvier 1807) jouissait à elle Madrid depuis 1793, disparurent pour tion espagnole. Il lui les et la il probablement avec bénéfices de sa naturalisa- n'avait plus qu'à se ment au service anglais, pension dont vouer exclusive- et c'est ce qu'il fit pendant les cinq années qui lui restaient à vivre. Outre ses consultations sur les affaires do France, dont nous reparlerons, outre ses articles dans r'ier cV Angleterre^ journal pour lequel il le Cour- était l'inter- médiaire des subventions ministérielles, on trouve dans ses papiers un exposé des mesures à prendre contre l'éventualité d'une expédition franco-russe en Inde, des lettres sur l'opportunité d'une occupation par les An- glais de Candie et de l'Archipel (1) (1). Mais l'Espagne atti- Ces pièces paraissent l'œuvre d'un de ses correspondants anglais, Leckie. (A. F., France, vol. 039.) CHAPITRE HUITIEME 360 pensée; rait surtout sa qu'il fondées avait se souvenait des espérances il sur l'enthousiasme religieux des Espagnols en face de la France révolutionnaire; voyait s'accomplir contre France impériale, la les il et il essayait d'associer à cette cause populaire la cause des rois de l'Europe et en particulier Nous verrons plus resser le loin vieille et il comment il chercha à y inté- il Demeuré, quoi duc d'Orléans. royaliste et Français, des Bourbons. celle qu'il dît, censurait tout bas, selon une habitude, les maîtres qu'il avait osé se donner, appelait la politique anglaise « un tissu d'inso- lences et de violences pires que celles du Il suffisait qu'il pour devenir pût arriver au seuil 11 était ses compatriotes, les uns implorant pour leurs nombreux, Corse (1) ». des ministres Providence de ceux qui ne parvenaient la pas à dépasser l'antichambre. le priant le protecteur de sarecommandation élucubrations politiques, secours. Disgracié il en les autres, plus de faire passer leurs demandes de même par gardait sa clientèle dans le les rois sans couronne, menu peuple des émigrés irréconciliables. (1) D'Antraigues France, vol. tioo, f. à 34.) Marie-Caroline, 11 décembre 1810. (A. F. , PUISAYE. LES BOURBONS (1807-1811) 361 II BOURBONS (1807-1811) PUISAYE. LES A peine arrivé en Angleterre, d'Antraigues se mit en rapport avec les princes français blis. qu'il y trouvait Sa situation vis-à-vis de Louis XVIII ne point un titre à leur défaveur, au contraire. Il éta- lui était n'était pas à Londres depuis une semaine, que son vieil ami Yaudreuil le conduisait chez lecomte d'Artois. Le duc d'Or- léans vint le voir, et le pria de transmettre en Russie son désir ardent de servir n'importe où européenne. souhaitait rejoindre l'armée suédoise, II ou préférablement être celle de Monténégrins qu'il faut Italie : tion (1). et avec un corps russe flanqué d'Albanais, et « Ce n'est tenter quehjue point en prince, » et qui veut s'y faire une réputa- D'Antraigues savourait presque hommages personnels la paix continentale comme des de telles propositions, auxquelles ne permit pas de donner avait oublié depuis suite. longtemps ses diatribes contre Philippe-Égalité, et se disant qu'il ne fallait qu'un pour donner une àme à (1) coup disait-il, m'envisager, mais en militaire qui aime pas- sionnément son métier, Il de Beningsen, oumieux encore envoyé en Dalmatie, hardi en la coalition la résistance homme des Espagnols, D'Antraigues au général de Budberg, 14 octobre 18UG (A. P.). il CHAPITRE HUITIÈME 3G2 croyait avoir trouvé cet De Palerme, où il était homme dans le duc d'Orléans. venu épouser sa cousine Marie- Amélie, ce prince vint à deux reprises en Espagne, et heurta à l'indifférence des Cortès s'y et au mauvais vou- de l'Angleterre. Grâce àlui du moins, d'Antraigues se loir réconcilia de loin avec la reine Marie-Caroline, s'ingéra dans les affaires de Sicile d'autrepart se fitl'inter- (1), et médiaire officieux du duc auprès des ministres anglais. Les lettres qu'il reçut alors de lui, publiées en 1841, ont pu sur le inopinément trône constitutionnel de France embarrasser leurdestinataire; il ne les acependantjamais désavouées. Lorsque Canning arriva au ministère des Affaires étrangères, d'Antraigues devint son correspondant attitré pour les affaires de France ; il partageait cet emplo^ avec un autre exilé, Henri Larivière, juré comme lui haine aux cial k la tribune. France, le Un qui jadis avait rois et glorifié \Q,Co?ilrat so- de ses mémoires sur l'état de la premier sans doute en date (octobre 1806), est particulièrement curieux. Il est d'une époque on l'auteur se vantait d'avoir la confiance entière do Can- ning, à ce point que chaque matin il allait causer avec lui en tôte-à-tête. Dans cette œuvre, destinée à établir sa réMémoire sur les affaires de Sicile, H août 1810. (R. 0., France, vol. au sous-secrétaire d'Etat Smith le 5 octobre 1811 « Je vous ai confié il y a plusieurs mois des lettres de la reine de Sicile; je n'ai pas eu une seule instruction sur le conseil qu'elle me demandait et (1) 80.) Il écrit : lui donner... J'ai cessé cette correspondance depuis huit mois avec M. le duc d'Orléans, et avec la reine, je l'ai rendue peu à peu inutile, avec respect, mais en lui en faisant sentir l'inutilité par sur ceux à l'insignifiance de mes réponses. » [Ici., vol. 88.) PUISAYE. LES BOURBONS (1807-18H) 363 putation sur ce nouveau théâtre, d'Antraigues reproduisait les vues etles arguments développés deux ans aupa- ravant à Pétersbourg et à Vienne, et posait avec une clair- voyance divinatoire les bases nécessaires d'une restauration royale. Il n'en était plus à dire :Pointd'accommode- ment, etregardaitau contraire l'accommodement nécessaireavec ceux qu'il jugeaitlesplus comme coupables :les régicides et les acquéreurs de biens nationaux. Il ne croyait plus d'autre part que l'Europe pût venir à bout de la France par les armes; la France seule devait se délivrer de son tyran, et ressaisir, social à l'abri d'un pacte nouveau, le cours de ses traditions nationales (1). D'Antraigues avait rencontré à Londres, outre ses hommes qu'il avait jadis comme lui de n'avoir pas vieux amis d'émigration, des haïs et qui se désespéraient occupé ou gardé mapes et le premier rang, le vainqueur de Jem- vaincudeQiiiberon, Dumouriez obtint par le Il le premier accès dans les et Puisaye. bureaux de la guerre, le prôna en revanche auprès de Canning et de Budberg, et s'entendit proclamer par capable de sauver l'Europe Puisaye était, haute mine et de pli lui le seul (2). comme d'Antraigues, un fier homme aventurier do langage, saturéde mécomptes, rem- néanmoins d'illusions, osant dire encore en 1807 qu'il disposait de deux cent mille hommes en Bretagne. aspirait à la direction exclusive du Il parti royaliste; ses ambitions, ses ressentiments, jusqu'à ses vanteries, le (1) V. (2) FAUCHE-BouEr,, Mémoires, la Bibliographie, l, 40. t. III, p. 372. CHAPITRE HUITIEME 3fU moment rapprochaient au moins pour un conspirateur de Venise. 11 le nouveau venu et de d'Avaray,etillui écrivait que l'avait desservi le destinataire eût main pour toute réponse la pu : de l'ancien se plut à oublier comment auprès de Louis XVIII mars 1808 ces lignes le 7 renvoyer signées de sa lui Je crois bien fermement que « dernière heure de l'Europe a sonné, que l'Amérique héritera de ses dépouilles, et que le temps approche curieux du Nouveau-Monde viendront les débris de l'industrie et des capitales, comme nous avons d'Athènes les arts oii chercher les sur les ruines de nos été les chercher sur cel- et d'Alexandrie. Ce temps, ni vous ni moi nous ne le verrons, mais vous savez aussi bien que moi que c'est le cercle tracé à la grande fourmilière que nous avons l'impertinence d'appeler mon monde. Tout chagrin est d'avoir été condamné à une longue vie dans un siècle oii je n'ai ses et de petits esprits. réconcilié avec tice, le car je mon eu à voir que de petites cho- Vous m'avez en quelque façon espèce, mais je vous ai rendu jus- n'ai cessé de vous considérer étranger chez des sauvages (1)... comme un » Fuir les sauvages d'Europe,aller rétablir leur fortune chez les sauvages d'Amérique, fut en agité entre mander des eux vers la fin de 1807. Il effet un projet s'agissait de de- terres au prince héréditaire de Portugal réfugié au Brésil, le seul qui, sur tout le continent eu- ropéen, n'eût pas alors fléchi devant Napoléon. Puisaye (1) f. Puisaye à d'Aatraigues, 7 239.) mars 1808. (A. F., France, vol. 641 PUISAYE. LES BOURBONS les eût mises en culture, d'Antraigues Londres comme représentant de l'autre devaient noms à et titres leurs par eux. Encore un rêve à des domaines créés évanoui aussitôt que conçu, désir invincible resté fût l'entreprise, et l'un et transférer leurs ainsi 36b (1807-1811) céda la place au et qui de poursuivre les vieilles chimères, de satisfaire les vieilles rancunes. Louis XVIII, victime, cié, comme son serviteur disgra- de la paix deTilsitt, venait de quitter Mittau, et se préparait à rejoindre ses derniers fidèles sur le sol anglais. Parmi ceux-ci était raisonnable, conçut celui de réconcilier d'autre projet de Milan le roi et le « traître » par lui Fauche-Borel, qui, à défaut Vivement (1). sollicité d'abjurer ses ressentiments, d'Antraigues remit sous les yeux de Fauche les pièces qui constataient sa disgrâce, parla de sa dignité blessée avec la colère du premier jour, «Il est roi de et laissa France; bon Fauche se cependant échapper cette parole: fût-il retira, tout unebuse, je joyeux de la le servirai.» conversion croyait avoir opérée. Dans sa satisfaction, rebelle pénitent portrait de Louis il Le qu'il envoya au une magnifique boîte en or ornée du XVI. La boîte fut acceptée, mais le donataire n'en consulta pas moins exclusivement Puisaye, lorsqu'il s'agit de parler glais. L'un du roi et l'autre insinuèrent à réléguer Louis XVIÏI, aux ministres an- Ganning comme jadis le qu'il fallait comte d'Artois, 405-408. Cf. (1) Fauche-Bohel, Mé>noires,[. III, pp. 255-257,330-334, Record Office, France, vol. 79, où se trouvent plusieurs lettres de Fauciie, une en particulier du 12 décembre 1809 au ministre des affaires étrangères, qui est une dénonciation formelle contre d'Antraigues. CHAPITRE HUITIEME 366 en Ecosse, dans listes et le palais délaissé ennemis du des Stuarts. Roya- jeu consistait à vou- roi, tout leur loir diriger, sans son chef naturel et légitime, un parti à qui les forces, ressources, les semblaient l'avenir manquer désormais. Alopéus alors était principal représentant de la le Russie à Londres. Par d'Antraigues lui passer à fit Pétersbourg une relation de l'arrivée de Louis XVIII en Selon Angleterre. — lui, et invoquait l'autorité de il son oncle Saint-Priest, un autre disgracié réfugié Stockholm, — ce prince avait cédé aux à sollicitations de d'Avaray, trompé lui-môme par des correspondants Imaginatifs tels que Fauche-Borel et Danican; ceux-ci avaient cru pressentir quelque entreprise du cabinet le sol français, et le roi accourait britannique sur empêcher que Puisaye, son nemi, ne fùtcJiargéde sujet et son intraitable en- la conduite de l'affaire. d'Antraigues disait à demi voix en Russie, dans un article pour il Ce que le publiait (non signé) du Courrier d'Angleterre, faisant bien ressortir l'impopularité de la cause royale parmi les tenir Louis surtout, XVIII absolument à traîné le roi ici (1) cause de sa pétulance sans doute Cet article 21 nov. l'écart. ministère de On en veut sans conseil ni sans en avoir prévenu, dire vrai, ajoutait-il, homme; le M. d'Avaray, qu'on croit avoir en- disait-il, à et aussi à pour Anglais, la nécessité est 1807 (A. P.). et de sa nullité. Mais à on s'exagère ce que il conduit annexe à le roi, mais c'est il que cet n'a ni ta- une dépêche d'AIopéua à Roumianzov, PUISAYE. LES BOURBONS 367 (1807-1811) vues, ni moyens, ni connaissances, et avec des leiils, ni ministres anglais, en deux minutes il serait n'osant ni ne pouvant articuler une parole C'était parler en familier dévoué du quand Fauche le somma aux abois, (1). Foreign Office. Puis de faire honneur à ses pro- messes et de seconder l'établissement près de Londres de leur ancien maître, « et Tout cela ne mourrai il me regarde fidèle sujet répondit avec pas... Je suis désinvolture de l'empereur de Russie. Malgré cette qualité, qu'il allait : Russe, je vivrai d'ailleurs » bientôt perdre, d'Antraigues eût voulu supplanter Fauche dans la correspondance avec tion étrange, tombés si l'on les royalistes français pense à les partisans des l'état de nullité Bourbons en 1808, homme caractéristique que Perlet, leur défîait-il étaient et à ce fait de confiance à Paris, était soudoyé par la police impériale. d'Antraigues se oi^i ambi- : Du moins avec raison d'agents suspects par leur avidité ainsi que par l'étalage de leur jours d'accord avec Puisaye, zèle. Tou- poursuivit en Fauche- il Borel leur dupe, et aussi l'instrument trop docile du cabinet royal. N'ayant pu le décider à passer en rique, il réussit à le faire éloigner de Londres Amé- et relé- guer à Oxford, et Fauche, après avoir dénoncé en vain son implacable adversaire, en était moment delà mort du comte, en au public, dans une brochure, parluiadelapart deMM. encore réduit, au 1812, à faire connaître les persécutions subies d'Antraigues et dePuisaye (2) (1) Fauche-Bohel, Mémoires, (2) Fauche-Borel, Mémoires, t.l\, pp. 26, t. ill, p. 412. 39, 41, 55, 138. ». CHAPITRE HUITIÈME 368 Après Fauche, ce fut le tour de d'Avaray. Les deux amis (on serait tenté de dire les deux compères) ne reculaient pas, pour atteindre le tout-puissant favori, devant la pensée qu'ils appelaient de blesser par-dessus sa tête celui toujours leur légitime souverain. D'An- traigues promit à Puisaye. qui allait publier le sixième volume de ses Mémoires, des pièces destinées à ruiner sans faute, affirmait-il, ray; et le crédit et se mit à l'œuvre, fouillant dans ses dossiers, il relisant de |Vieilles pour en extraire quelques lettres lignes compromettantes (1). somme l'honneur de d'Ava- assez insignifiant, et Ce qu'il découvrit était encore, en son complice, redoutait-il avec raison de confiance; il Puisaye voulait le le confiant à reproche d'abus en vint à protester contre l'usage que faire de telle ou telle pièce en réserver après coup l'interprétation; il chiffrée, et à l'accusa de changer «des conversations en dépositions de justice (1) Voici la liste, dressée par lui-même {A.F., France, vol. 630, des pièces qu'il avait recueillies et dont ses papiers en la f. ». 84), plupart se retrouvent dans : Lettre de d'Avaray pour chasser d'Havre et me mettre à sa place. Lettre de Flachslanden qui m'apprend que l'imprudence d'Avaray a perdu M"« de Tourzel. Lettre de Las Casas sur les intrigues. Id. de d'Avaray pour perdre Puisaye. Flachslanden sur Gamon et intrigues. Id. sur l'offre de l'argent de ma femme. Avaray sur son frère. Id. brouillerie. Id. Éloge La Vauguyon. la cour de Vienne Contre et M. de Noailles. Id. Crussol. Flachslanden sur la nécessité de tout dire contre d'Avaray. Disgrâce de d'Antraigues. Flachslanden pour négocier Gamon. PUISAYE. LES BOURBONS Aussi se brouillèrent-ils avant la 369 (1807-1811) fin de la campagne, qui avorta piteusement. Une enquête fut ordonnée par Louis XVIII ; la prin- cipale pièce produite par d'Antraigues fut déclarée apo- cryphe d'Avaray, proclamé innocent des accusations : lancées contre dont était il lui, fut autorisé à porter le titre de duc, revêtu depuis neuf ans. D'Antraigucs usa de représailles à huis-clos, en écrivant en tête des conqui attestaient la pué- clusions de l'enquête ces lignes, de ses rilité défense attaques On « : comme celles des moyens de voyait l'ombre d'un cocher En la frotter l'ombre d'un carrosse. C'estun chef-d'œuvre de bêtise. Puis ne cessa plus de répandre dans sa conversation il correspondance son et sa appelait sur et le « fiel inépuisable sur celui qu'il Apis, Midas, Vitellius. trône, s'il rait les agit ainsi en Angleterre ?... Comme échafauds est sur la il à donc fait Hartwell, !... peuplerait la Bastille et fertiliseSi haïr est le 11 lant des trames abominables que j'attaquerai moment en sera venu métier mémoire (1) (2) le (2). : le roi » et de Blacas mains des affirmait avoir entre les disait-il, chemin du trône, grande route... Jepréférerais être victime de Bonaparte que sujet de d'Avaray le — Qu'eùt-il envers une vingtaine de sujets qui composent son peuple il i> « (i) lettres ... ». dévoi- C'est avec ces armes, corps à corps quand le Dès 1809 ilavait remis sur qui devait faire valoir, GuiLHEUMY, Papiers d'un émigré, pp. 208-210. Bertrand de Moleviile au comte de la Châtre, 2o avec ses juillet 24 1812 (G. CHAPITRE HUITIÈME 370 propres mérites, l'ingratitude du maître. L'ouvrage, extrait des papiers de Malesherbes, devait avoir six cents pages, et former son testament politique; mais, imprimé, été il s'il a n'a jamais paru. la liste des lieutenants gé- Puisaye avait été rayé de néraux au service royal, et Louis XVIII, ne pouvant at- teindre autrement son complice, écrivit au comte de la Châtre, son agent près du cabinet anglais pas surtout d'informer lesley) du rôle pareil « Ne manquez que M. d'Antraigues a joué dans cette affaire, afin qu'il puisse un : marquis de Wel- le ministre (le homme juger delà confiance que mérite (i). » L'avis fut écouté. Comme Panincen Russie, Canning resta jusqu'à la fin pour l'émigré français un protecteur bienveillant mais Wellesley, qui deux mois aupara ; vaut avait consenti à le recevoir, lui sa porte, et éluda toutes les eût pu, t-il il ferma désormais demandes d'audience. S'il eût supprimé sa pension. Tout au plus toléra- une correspondance intermittente sous-secrétaire d'état Smith. Ce entre lui et l'empressement obstiné de l'officieux éconduit à des avis qu'on dédaignait et des le qui en subsiste prouve offrir moyens d'informations dont on profitait sans en savoir gré à leurauteur. D'Antraigues essaya de se mêler des affaires de Sicile, tantôt dissertant sur l'administration communiquant des (1) Lettre du Rmsie,^. 327. lettres de de ce pays, Marie-Caroline. tantôt A cet 1" mars 1809 citOe par E. Daudet, les Bourbons et la — Toute cette affaire a été parfaitement élucidée dans une étude de M. de Gonlades, composée .d'après les document» originaux. (Correspondant du 10 octobre 1883.) PUISAYE. LES BOURBONS (1807-18H) égard des il 371 recommandait du duc d'Orléans se affaires de Russie, devenu Celui-ci, il au sujet ; recommandait d'Armfelt. se Russe après de l'annexion la Finlande, détaché d'ailleurs delà Suède depuis l'arrivée de Bernadotte, se livrait dans tête-à-tête épistolaire le à des opérations de diplomatie interlope Wasa retour des de Gustave IV. au trône par A la de du conservation rêvait un il fils voulait trouver dans cause déterminante d'une pro- chaine révolution de palais. Russie, le pays il proclamation du la Pétersbourg, française l'alliance ; est Il monde où sociale que la les idées d'autorité et aujourd'hui sont contestées, ait été, au siècle singulier dernier, le moins sous Napoléon comme sous Louis dans pensée des étrangers, à des complots aristocra- la XV, celui qui se prêtait davantage, tiques ou princiers, cause immédiate de grands change- ments politiques. Armfelt était, en somme, un intrigant besogneux, sans scrupules, qui cherchait à extorquer quelques centaines de livres paran à lui être utile (1). l'Angleterre sous prétexte de D'Antraigues, dans sa haine contre le chancelier russe, oubliait qu'il avait été le confident de Gzartoryski; (1) « Sans le il accueillait les on-dit suspects et les con- secours pécuniaire que votre zèle amical m'a procuré, je que les miens dans la misère. » serais à l'heure qu'il est pourri ainsi (Armfelt à d'Antraigues, 13 mars 1810. — B. D.) On peut reconstituer cette correspondance d'Armfelt et de d'Antraif?ues en joignant aux lettres qui sont à nos Archives des affaires étrangères {France, vol. 630,1 celles des 7 et 26 novembre 1810 (R. 0., Russie, vol. 7o, et Vienne, vol. 88). vol. 80) et du 2 septembre IBM (id., France . CHAPITRE HUITIÈME 372 jecLures malveillantes d'Armfelt, avec double espoir de le servir ses propres rancunes et défaire valoir son importance. Il présentait obstacle à Roumianzov comme une politique meilleure; quelques années auparavant pour Kazoumovsky. Les marques grand le plus ainsi avait-il fait Budberg pour et d'intérêt qu'il continuait à recevoir de Canning restaient sans effet. Ses commu- nications de pièces au Foreign Office étaient accueillies, demandes ses d'instructions ne reçurent jamais de réponse. Sur l'une de ses lettres, on écrits lit encore ces mots au crayon de la main de Wellesley None : to be given III l'assassinat (1812) Pendant les dernières années de sa vie, à côté de ce groupe minuscule d'émigrés irréconciliables qui concentré à Londres, d'Antraigues avait un isolé. fini s'était par devenir Son caractère, son mariage, sa disgrâce en Russie, tout avait successivement contribué depuis son exil à faire le vide autour de lui. A moitié brouillé avec Puisaye, en guerre ouverte avec la petite cour d'Hartwell, d'où la mort venait cependant de raître d'Avaray, faire il en était faire dispa- venu, par amour-propre, à se un mérite de l'éloignement qu'il inspirait, et il ren- L'ASSASSINAT 373 (1812) son logement de Londres, son cot- dait inaccessibles tage de Barnes Terrace, ne voulant rien voir des émigrés, rien entendre. Retrouvait-il du moins dans ses courant le passé ou pensation à ses amertumes belle Henriette, vieillie garde champêtre qui fret où elle souvenirs, en par- en errant au ? et loin, Sa mère était morte. avait épousé enlaidie, la battait, et quelque com- ne rouvrait plus La un le cof- avait enfermé les lettres de son seigneur Gamon sur un jadis bien-aimé. siège de magistrat des orages révolutionnaires, avait qui se Napoléon félicité officiellement Maury, i'ami cardinal , reposait ses victoires. Le sur de Prtr/*, convertis à et l'amie de l'entourage leur tour par le succès, faisaient partie En Allemagne, Jean de Millier avait ouverte- trahi sa cause, et venait de mourir conseiller de impérial. ment Jérôme Bonaparte, roi de que avait d'Antraigues les individus conduite. L'Autriche livrait à Napoléon une de ses archiduchesses redoutable a comme servis, aimés, semblaient renier ses idées et accuser qu'il avait sa Westphalie. Les souverains Arsace » La Suède « ; la Prusse Scipion » était abattue aux pieds du dénoncé par le faux Polybe, et aspiraità partager avec lui l'empire du monde. adoptait pour son futur général souverain le qui l'avait arrêté, lui, d'Antraigues, à Trieste, au nom de la république. Ainsi déçu dans ses espérances politiques, le mari de la Saint-Huberty vées. Sa femme, l'était encore dans ses affections pri- vieillie et aigrie, ne se résignait pas à CHAPITRE HUITIÈME 374 n'être plus, môme et les caprices clans le monde, une artiste célèbre, de son humeur retombaient sur l'homme qui n'avait pas réussi à lui donner, hors du théâtre, de On l'importance et de la considération. la disait avare, quoique sa fortune personnelle, jointe à pension du la gouvernement anglais, assurât au ménage une certaine Leur aisance. touchait à sa vingtième année fils ; il échappait à ses parents sous je ne sais quelles influences, et au moment de leur mort n'habitait plus avec eux. D'Antraigues nous a révélé ses tristesses intimes par un fragment de piers, et écrit le l^"" Confessions « trouvé dans ses pa- » janvier de cette année 1812, qui Nous devait être la dernière de sa vie. citons seulement principaux passages de ce soliloque incohérent et les désespéré, page vivante et plus honorable à la mémoire de son auteur que tant de pages de polémiques stériles mortes et oubliées avant lui Je commence cette année en versant des pleurs. « : C'est ainsi à peu près que je les ai toutes 1790 (29 décembre)... Je suis mené sister et ne peux pas ré- aux persécutions... Je ne puis croire que 1813 sans me séparer de ne daigne m'accorder la ma femme, à six mois fait une grande faute en l'épousant sans de ma si rude, si violent, si je voie moins que Dieu grâce de mourir ou une patience surnaturelle. Le ton qu'elle a est depuis finies me donne pris depuis injurieux, que, la si j'ai permission sainte mère, j'en suis cruellement châtié. Elle a de grandes qualités très belles, très rares, mais son caractère est insupportable, et me rend la vie bien amère. L'ASSASSINAT mon et intérieur plus cruel que le tombeau, où laissera au et fils moins en paix. Je prévois ami Jules avec de malheur pour lui et me borne comme s'il Dieu la à de protéger mon fils, résignation, de conserver de mourir sans souffrir, mais en ayant préparer. Je et de me le supplie de ne pas conserver ce qu'il j'ai eu le malheur de servir Le lendemain du jour où tement ses plaintes, lettres de sa mère; il il il temps de me (l).-- et j'ai que j'ai bien dû servir et » avait ainsi exhalé secrè- recherchait dans ses papiers les relisait, toujours en pleurant, la dernière reçue, puis les jours suivants à son réveil il les poursuivant ainsi un examen de repassait une à une, conscience suprême avec ce guide souvent méconnu et réduire à la misère que rois la catholique, ma femme le m'a accordé gagné près de ces misérables que me qu'elle avait six ans... ressources, la grâce d'être bon force, les celle demander à par la tyrannie moi, lui retour de le me mon on sera une nouvelle cause effroi. Il prétendra exercer sur Je 375 (1812) vénéré et jadis si (2). Lorsqu'il recommençait ainsi à vivre solitairement de la vie comme écrivain l'avenir. Au commence- du cœur, d'Antraigues pouvait, politique, croire de nouveau à ment de 1812, personne ne doutait plus de prochaine entre Alexandre était la Russie ramené peu et la la rupture France. L'empereur à peu, par l'ambition exclu- De GoxcouRT, la Saint-Huherly, pp. 243-247. Note de sa main en tête du recueil des lettres de gues mère (B. D.). (1) (2) M'"^ d'Antrai- CEIAPITRE HUITIKME :i76 sive et toujours offensive de MUMiLs el vers les senti- du commencement de son politique la Napoléon, vers règne. Armfelt faisait pressentir à son ami le moment où leurs illusions obstinées se changeraient en espérances certaines. Vers la de lui de 1811, d'Antraigues reçut l'annonce d'une rentrée en grâce probable auprès d'Alexandre. A défaut du maître, qui n'avait pas encore parlé, Panine lui indirecte, tcliine se s'il fin faisait proposer une correspondance dont Armfelt serait l'intermédiaire. Rostopsouvenait hautement de lui, et se promettait, revenait au pouvoir, de l'employer. Ces belles assurances prirent corps en juin 1812, au moment oij la grande armée française pénétrait en Russie, Personne alors n'était inutile pour combattre Napoléon, xllexandre, sur une insinuation faite en temps opportun par Armfelt, parla avec éloges et regrets de son ancien correspondant, services, dès et s'engagea à réclamer de nouveau ses que Roumianzov aurait quitté desaffaires étrangères. On recommandait à le ministère d'Antraigues de ne point prendre les devants, mais on offrait un but immédiat à son lui disait activité Armfelt, pour le : Réunissez toutes vos idées, plan d'un traité de entre la Russie et l'Angleterre. effet Le à cet un bon Russe, bien décoré, que vous dirigerez (1). bruit de cette nouvelle situation fut-il pour quel- que chose dans gues commerce On vous enverra allait les causes de l'attentat auquel d'Antrai- succomber? il est impossible de l'affirmer 1812. (1) Annfelt à d'Antraigues, 1" juin qu'une copio delà main de d'Antraigues. (A. F.) Cette lettre ; n'est L'ASSASSINAT toiijours est-il apparent de que durant la fortune, l'été il 377 (1812) de 1812, malgré ce retour était obsédé par de tristes pensées, et de nnênrie qu'il se sentait opprimé, espionné sous son bles toit, il croyait deviner autour de lui d'invisi- redoutables et années, il avait été la victime d'accidents propres à lui un supposer faire depuis plusieurs ennemis. Déjà, système malveillance de assidu En active organisé autour de sa personne. juillet 1807, des voleurs avaient été surpris dans sa maison et mis en fuite Un peu au moment où ils allaient plus fard, le feu prit, on ne alentours de ce liste Peltier, môme comment, aux un ami, cabinet, et beureusement se trouva son cabinet. piller sait journa- le pour aider à là sauver les papiers les plus précieux. D'Antraigues en vint à supposer un attentat prémédité contre sa per- sonne, parce que son domestique, on oubliant d'abaisser le marcbepied de sa voiture, lui avait chute qui l'avait blessé tains de sa jeunesse, (1). tes femmes neront. » le : il « vieux jours. Dans ce monde jusqu'au bout Il lui traité Un sorcier tu seras lui infâme, prophétie s'accom- ? échappa de dire plusieurs M.) Papiers Puisaye, Mémoires, I. IV, p. 95. (1) (B. loin- avec dureté par l'épouse quelque grand malheur dans sa BoiiEL, temps les seront infidèles et tes bâtards t'assassi- Peu considéré, qu'il s'était choisie, allait-il voir la plir une pouvait retrouver de lugubres avertissements pour ses avait dit en Egypte Jusque dans fait faire vol. fois qu'il pressentait maison. Ce malheur LXXXVIII, tï. 9. et 42. — Fauche- CHAPITRE HUITIÈME 878 arriva le 22 Napoléon venait de juillet 1812. Dresde sa cour plénière de rois pour achever conquête de l'Europe la prodigieuse cueil de sa moins les il descendait son vit pas du et n'eut pas à se partir à la suite déjà montée en voiture, quand un nommé Lorenzo, congédié quelques pas de effleura les il Il allait escalier lui et lui tira de pour Londres de un coupde un poignard, revint dessus du cœur ; il à son la fumée détacha d'une panoplie il maître, frappa au- qu'il se jeta ensuite sur M""^ d'Antraigues le sein. Elle lui tomba à enfonça ses pieds et expira presque aussitôt. D'Antraigues, après avoir quelques pas dans à pistolet qui lui qui rentrait au bruit de la détonation, et son poignard dans italien surgit veille, la \ femme sa domestique cheveux; puis, courant à travers jusqu'à la chambre du comte, l'é- ne victoires: flammes du Kremlin, réjouir de nos désastres. y trouver et D'Antraigues avait fortune. gémi sans scrupules sur nos en Russie entrait il ; tenir à la rue, remonta en chancelant perdant tout son sang jusqu'à sa chambre; face la première sur son lit, où il s'était de son siège à la poursuite de l'assassin, d'un coup de pistolet et en tomba la vécut encore une vingtaine de minutes. Le cocher, qui aux pieds de sa principale victime, il fait le la précipité trouva étendu tête fracassée (1). Ce crime mystérieux, inattendu, mit un instant en émoi (1) le monde politique à Londres. Une enquête Récit de l'abbé Péricaud (Arrh. Nul., F^ 6455). Cf. In judi- Moniteur de 1812, fol. 855, 870, 897, et l'Annual Régis 1er {voL LIV, pp. 94-95). L'ASSASSINAT où comparut ciaire, le 379 (1812) cocher, unique témoin, aboutit à déclarer constant le double assassinat et le suicide de l'assassin. le Le gouvernement mettre provisoirement nombreux papiers entassés dans séquestre sur les maison fit mortuaire; est il permis croire de la que Louis XVIII, prévenu par Bertrand do Moleville, n'avait pas été étrangère mesure. cette Plusieurs se demandèrent quelle avait été la cause première de cet attentat. Était-elle politique, était-elle simplement domestique? Quelques-uns soupçonnèrent les ministres anglais d'avoir fait disparaître dont ils homme craignaient je ne sais quelles révélations com- promettantes ; il suffit imputation cette un de mentionner, sans la discuter, sans preuves et sans vraisemblance. D'autres firent remarquer que Lorenzo, déserteur l'armée française en Espagne, pouvait bien être de un de la police impériale. Jules d'Antraigues n'a ja- affidé mais cessé d'accuser Napoléon du meurtre de son père, mais le sentiment filial parlait plus haut en lui qu'une conviction raisonnée. Tout au plus aurait-il pu dire que l'empereur savait son contre lui pour le rites, et qu'il avait vieil ennemi prêt à reprendre compte des Russes ses armes favovoulu mettre ce revenant importun dans l'impossibilité de nuire. Mais à supposer Wellesley ou Napoléon derrière l'assassin, comment expliquer suicide de l'homme qui leur aurait servi d'instrument Une autre supposition plus plausible se fit le ? jour. Lo- renzo était simplement chargé de tenir l'emploi que d'Antraigues lui-même avait autrefois tenu à Vienne CHAPITRE HUITIÈME 380 Dresde au à et profit de la Russie, de c'est-à-dire soustraire dans les dossiers de son maître et de commu- niquer à la police française, à charge de restitution, certains papiers. Un émigré, qui se tua quelques années après, était son intermédiaire auprès de Fouclié. D'An- traigues ayant un jour cherché inutilement les pièces absentes, Lorenzo se crut découvert et pensa prévenir scandale par un crime qui le commis, dires, 22 et lui fit la mort. A fois l'appui de ces on affirmait l'avoir vu recevoir, l'avant-veille du juillet, une lettre qu'il avait aussitôt brûlée signes d'agitatiou cette donner se une l'épouvanta lettre? On et de trouble (1). avec des Mais que contenait saura jamais n'en savait et on n'en davantage. Ceux qui mettaient la politique hors de cause s'en tenaient à une conjecture aussi probable, et assurément plus vraisemblable. D'Antraigues était bre des le ministre Perceval à la porte de la Communes. Lorenzo pour qu'on s'en le fils défiât. Il avait coup de il C'était de la maison ; avait alarmé tout (J) trois tète avait écrit l'ex- quinze jours avant le monde par un pistolet tiré au hasard, après avoir visé la place où son maître s'asseyait d'ordinaire pour était une paru exaspéré par trême parcimonie de sa maîtresse d'être congédié, Cham- n'avait passé que mois au service de ses futures victimes. à moitié dérangée, et le comme deux mois coup d'une vengeance particulière, auparavant tombé sous donc plus simple (je travailler. 11 ne dis pas plus sûr) de voir Morninrj Chronicle, 28 juillet 1812. L'ASSASSINAT 381 (1812) dans l'assassinat du couple d'Antraigues vengeance d'un Italien exalté, d'un puis affolé au spectacle de cette vengeance ment satisfaite. Les mystères d'une de la l'effet domestique chassé, horrible- si politique sans scru- pules n'ont été pour rien dans ce dénouement vulgai- rement tragique, terminant deux vies jouées plutôt qu'écoulées devant le public des théâtres et des cours. D'Antraigues ne fut guère regretté, même de ses derniers amis. Bertrand de Moleville était brouillé avec lui, et accusa l'infamie « la de ses méfaits et delà conduite » : Puisaye par- de leur sanglante expiation (1). Seuls peut-être, le duc et la duchesse d'Orléans, qui pouvaient espérer de quelques services, manifestèrent leurs lui sympathies. En France, Champagny avec quelques détails Péricaud lui la fin voulut connaître de son ancien ami, et l'abbé envoya une relation du meurtre qui de- meure, sur cette étrange document affaire, le principal à consulter. Quel qu'ait été mobile du crime, le avait disparu dans une mystérieuse de celles la presse à la poléon. Il d'Antraigues embûche homicide, expiation qu'il dressait depuis dix ans dans puissance française et à la gloire de Na- avait combattu par la comme plume, un peu ces guérillas quidéfendaient alors l'Espagne, se gardant d'attaquer en bien tirant sur leur face, ennemi coin d'un bois ou dans (1) Cl l'écart, à couvert. L'Espagnol le et tombé au fossé de la route pouvait du lias atoned for llicir uumerous mischiefs. Davenport, 7 septembre 1812.— G. P.) Their end à R. A. s'embusquant à » (Puisaye CHAPITRE HUITIEME 382 moins croire que sa mort ne pendance de son pays. Bourbons serait pas inutile à l'indé- exilés, puis condottiere politique de l'ancien régime européen, dre le conseiller des D'Antraigues, même témoignage? « forces, de tous mes moyens, pereur Paul je instant (1). ; était-il J'ai intrigué a-t-il écrit perdu n'ai au service en droit de se rende toutes mes un jour à l'em- une occasion, ni ni un » Intrigant donc, et on sait qu'à la racine de toute intrigue il y a beaucoup de vanité et d'égoïsme, oublia il volontairement que beaucoup de ses compagnons défendaient au prix de leur sang la cause des rois féra devenir parmi cien, c'est-à-dire de tions et des d'autant rêts eux le malheurs d'autrui, mieux qu'ils spéculent, qui vivent des ambiet qui les se 11 exploitent au gré de leurs inté- ou de leur imagination, sur de de vaines espérances. pré- type par excellence du politi- hommes ces il ; montra folles chimères ou plein de talents et même temps indiscrci, affairé, et, comme on disait de certains, de ressources, mais en mécontent de tout, trompeur, trompé, trompette s.Néau temps des En- « cyclopédistes, il plume conduisait à-tête avec longtemps persuadé que avait été le monde; son écritoire, il il la s'était figuré qu'en tête- pourrait à son tour <r écra- ser l'infâme », lutter avec succès contre la Convention et contre Bonaparte, et il dut voir, sans se résigner génération nouvelle, avec jamais, les Français de la la guillotine et le sabre, anéantir la vieille France et (1) D'Antraigues à l'empereur Paul, 11 décembre 1797 (A. F.). CONCLUSION dompter la vieille Europe. par donner lui-même à ce et sa vie. Il 383 bien à contre-cœur, Il finit, qu'il appelait sa avait vécu d'illusions, puis cause son sang uniquement de haine. CONCLUSION Après tant de voyages, tant de rela- tant d'écrits, tions avec les maîtres de la rature dans toute l'Europe, France, oublié en un orphelin une constante qu'il Angleterre, laissait derrière avait sollicitude, beaucoup aimé, élevé avec et qui demeurait chargé de protéger sa mémoire, de relever, fortune de leur nom. La proscrit de en Allemagne, disgracié en Italie et Russie, à peine toléré en lui politique et de la littéra- d'Antraigues, vie possible, la s'il était de cet enfant, dans ses tristes vicissitudes, contient, ce semble, toute la rale pratique de la vie qu'on vient de d'Antraigues et lire. Le mo- fils de delà Saint-Huberty se débattit jusqu'à sa mort sous le poids d'un lourd héritage; il paya cher les illusions, les contradictions, les frivolités, les tures qui avaient composé en France et aven- hors de France l'existence tourmentée de ses parents. En 1812, loin de la c'était un jeune homme maison paternelle, qui amenèrent, quelques et, de vingt ans, vivant sous mois après la des influences catastrophe du 22 HUmÈMK CHAPITRE 384 juillet, son mariage avec une Irlandaise proteslanic, miss Fitz-Gérald, Après vit à chute de Napoléon, la l'empereur Alexandre, dont souhaitait redevenir le sujet, mais mer des services de son père A réponse. France; il la se les biens nom eut beau se récla- il sa supplique resta sans se décida à rentrer en de sa famille, et de jouer un rcMe politique Jeune, inexpérimenté, son il il proposait de revendiquer, par tous les moyens légaux, était possible, de 1816, fin : écri- il avait été, dont il même, s'il (1). trouvait à Paris un roi à qui il rappelait les plus désagréables souvenirs. vint dans l'Ardèche, où amitiés dévouées, et il Il savait rencontrer encore des là, s'il se fit rendre par l'adminis- tration quelques biens invendus et les deux canons de parade qui gardaient jadis la porte de la Bastide, put recouvrer la fortune territoriale de perdit les munes, procès intenta qu'il son père. Il com- certaines à ne il en vain de parvenir à la députation, et se flatta sans oser, peut-être sans pouvoir poser sa candidature. Dès lors, comme la destinée ne fut écrasé par la fatalité qui avait faussé de son père, il traîna çà et là une vie qui qu'une longue suite d'expédients, de maladres- Les créanciers du feu comte ses et d'épreuves. quèrent. Dans sa famille même, on lui opposa chéances légales prononcées contre son père émigré (1) D'autres Dumouriez à Jules vol. 632, (2) (2). f. lui l'atta- les dé- comme disputèrent, en rappelant les d'Aiitraigues, 21 juillet _1816. (A. F., France, 157.) C'est ce qui résulte d'une sommation à par sa tante M"' de Viennois, o lui faite le seule héritière de .5 mars 1821 dame Marie-Jeanne- CONCLUSION 385 circonstances du mariage clandestin célébré en mes obstacles à tous écrivait-il cité légitime d'héritier la qualité desseins, Déboires, traverses, « : 1790, même les plus justes, mélancoliquement dès 1818, tout m'a été sus- par des gens puissants, implacables, qui poursui- vent sur En le fils 1823, il leur haine contre le père à Naples réclamer alla » (1)... la pension dont Marie-Caroline avait jadis gratifié son fidèle conseiller: l'ambassadeur de Louis XVIII, le duc d'Avaray homme. Le et fit roi, qui échouer le les tat démarches du jeune jugeait sa dignité intéressée pas pardonner, raya obstinément lorsqu'il le lut sur duc deBlacas, vengea une liste le nom du « à ne traître » de candidats au Conseil d'É- ou à quelque autre place officielle. Jules d'Antraigues eut sa part dans le milliard des émigrés, promptement engloutie, avec ce qui lui restait de fortune, dans des spéculations malheureuses. Dès 1827, le mauvais état de ses finances obligeait sa à une séparation de biens (2), et femme lui-même, l'année sui- vante, voyait vendre par autorité de justice son mobilier ainsi que la bibliothèque paternelle. On le trouve transportant successivement son domicile, sous le coup do je ne sais quelles nécessités, à Montgivroux près de Sézanne en Champagne, à Cachan près de Paris, à Sophie Guignard Saint-Priest, » d'avoii- à payer dans la huitaine la somme de 2oo.l221. 15 sols 14 deniers. (1) Lettre à Tessier (s. date) (Comm. par M. Doize). (2) A cette date, les inscriptions hypothécaires prises contre lui au seul bureau de Largentière (Ardèche) le montrent débiteur de 372.787 fr. 35 cent., dont 70.000 à M" de Viennois, 74.000 au général de BéIhisy et 185.000 au général Guyot. 25 CHAPITRE HUITIÈME 386 Nicc^ puis de nouveau en Angleterre, s'acheva sa vie. où. Il est difficile et enfin à Dijon, de suivre çà et là les traces dérobées avec soin de cette existence qui lui était une perpétuelle humiliation, impénétrable mystère. comprend qu'il ait Au failli et six ans de ma Après 1830, : « voulait faire il l'oubli dans J'ai passé, a-t-il écrit vie sans môme sourire, on de l'ivresse, et quelque part, >> trouvait aux Tuileries il un et devenir fou de chagrin désespoir, qu'il ait cherché songé au suicide dont milieu de ses épreuves, un prince qui avait été l'ami de son père, et qui l'avait accueilli lui- même autrefois ; il ne paraît pas cependant avoir pro- du changement de règne. fité Il dut au contraire subir de ce côté des mécomptes pénibles pour son amour- propre; car ce furent de ses mains que sortirent, par l'entremise d'une aventurière en renom, la Contemporaine, des lettres répandues d'abord à Londres, puis publiées par la Galette de le roi France (1), qui montraient des Français, à vingt-cinq ans de distance, animé contre laFrance nouvelle de toutes les passions de l'émigration. Il aurait fait vers la même époque la connais- sance du prince Louis-Napoléon; en tout cas. après la tentative de Boulogne, craignant d'être procès qui suivit, le il compromis dans repassa en Angleterre, et ne re- vint dans son pays qu'après la révolution de 1848. lia Il se alors à Dijon avec les notabilités bonapartistes, et s'employa, en dépit de ses souvenirs de famille, à la (1> Nodu 18 janvier 1841. CONCLUSION 387 reslauration de la dynastie napoléonienne. en disant que l'avènement de Napoléon de ses vœux Il s'excusait un III réalisait nations les plus cliers, l'union intime des anglaise et française. Quelques légitimistes dijonnais, par égard pour son nom, peut-être aussi par sympathie pour un ennemi de la famille d'Orléans, lui servaient une petite pension. Sous lesecond empire, deuxcompatriotesde son père trouvèrent par un singulier hasard à portée de naître et de compatir à son infortune; l'un, veu du conventionnel, teur des finances avocat do Privas, était et se con- Gamon, ne- venu à Dijon comme percepHenri de Lagarde, l'autre, ; fecture. Ils rédigèrent appuyée était le iils d'un rédacteur du journal de la pré- une pétition à l'empereur qui présentée par un Dijonnais iniluent, le fut ma- réchal Vaillant. Ils rappelaient que leur protégé, plus de soixante ans auparavant, Bonaparte la avait imploré du premier grâce de son père. Jules d'Antraigues se laissa faire, sauf à cacher ( c'était là amis de tion de famille) à qu'il réclamait de ses protecteurs léon III ses encore une tradi- la veille les secours du moment. Napo- accorda une pension de 1.200 francs sur sa cas- sette. Cet héritier d'un nom célèbre, qui avait parcouru dans sa jeunesse presque toute l'Europe, et qui parlait l'italien, l'anglais et l'allemand, était et doué dune intelligence vive, des études variées l'enlevèrent par intervalles aux tracas de ses affaires et au sentiment de ses épreuves. Il inventa ou crut avoir inventé des macliines pour le . CHAPITRE HUITIÈME 388 fonctionnement des moulins fort et la marche des navires, peu pratiques sans doute, en tout cas inutiles à sa fortune. Plus tard il rédigea un Dictionnaire des ho- mophones anglais et français, œuvre bizarre, mais cu- rieuse, où il expliquait dans l'une et l'autre langue les sens divers des mots usités des deux côtés de la et Manche identique par leur composition, leur d'apparence racine ou leur prononciation. Ce singulier ouvrage est resté manuscrit (1) Jules d'Antraigues passa ses derniers jours à Dijon, dans une petite maison du faubourg Saint-Pierre, voué à une solitude farouche sa porte, il per dont il fallait qu'il donné avait sances. Il était Pour et humiliée. reconnût une manière de fraple secret à ses rares connais- déjà souffrant de la maladie qui devait femme mourut il lui survécut Avec ce malheureux homme, mystérieu- l'emporter, lorsque sa quelques mois. qu'il ouvrît ; sement baptisé aux confins de la Suisse et de élevé en Allemagne et en Angleterre, inscrit l'Italie, dans le ^e/^merusse, marié avec une Irlandaise, dont les desseins comme homme politique, comme inventeur, publicistc avaient piteusement avorté, qui mérité sous forme d'aumône (1) II lui avait donné le le sous-titre comme mourut ayant pardon des royalistes suivant : et Préservatif contre les méprises, quiproquos, énormités et coq-à-l'àne des Anglaisen français, et des Français en anglais, résultant de l'emploi tant par les uns que par les autres d'une foule de termes communs aux deux langues, écrits ou prononcés à peu prés de même, bien que leur véritable signification soit très difTérente, comme aux dépens — par un iroquois-canadien, — au profit des races celto-saxonnes et néo-latines des deux côtés de la Manclie et de l'Atlantique. CONCLUSION la reconnaissance sans bruit dans d'un Napoléon, et qu'on la fosse ensevelit commune du cimetière de nom des Launay Dijon, s'éteignit, le 12 août 1861, le d'Antraigues. 889 BlBLIOGRAriIIE OUVRAGES IMPRIMES — Mémoire sur les États généraux, leurs droits et manière de les convoquer. I. la Deux nom éditions de cet ouvrag-e parurent en d'auteur, la seconde troisième, qui est de portant 1789 (279 : p.) par M. porte 1788, la première sans le : comte d'Ant. par M. le . . Une comte D.A.N- T.R.A.I.G.U.E.S. comme député les principes qu'il avait comme publiciste, un certain nombre de bro- D'Antraig-ues ayant renié émis dans cet ouvrage cliures furent publiées contre lui. Avis à M. Nous citerons les suivantes : comte d'Antraigues, député aux États généraux, pour la noblesse, dans la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg en Vivarais, qui peut servir à un grand nombre d'autres députés de la lo le noblesse et du clergé, par un baron en titre de baronnie de la pro- vince du Languedoc (16 p.). 2° Lettre à signées : M. le comte d'Antraig-ues, député de 3» Lettre à M. le comte Un noblesse, 8 p. d'A..., député de la noblesse généraux, écrite par un de ses amis /l" la L'ami du peuple. plébéien à M. chisme de aux États 8 juin 1789, 20 p. le comte d'Antraig-ues sur son apostasie, sur le la noblesse et le sur son arrêté inconstitutionnel du 28 mai 1789.'jo gues Coup d'oeil et les États approfondi sur généraux. le —A mémoire de M. le comte d'AntraiAmsterdam, 1789, 87 p., signées Emile. Les lignes qui précèdent indiquent que l'auteur est bourguiernon. BIBLIOGRAPHIE 392 60 Lettre de M. comte de Mirabeau à M. le le comte d'Antraigues, i5 p. — Mémoire sur la constitution 2. berté publique, quand les des États de la pro- danger qui menace la liprovinces sont régies par des vince de Languedoc, et sur le États inconstitutionnels, par M. le comte imprimé en Vivarais, 112 d'Antraigues, p. Ce mémoire est une réplique à un mémoire en faveur des barons du Languedoc, signé Godescart-Delisle, avocat. Les notes des pages 5o et 76 font allusion à l'arrêté rendu le 17 décembre par les trois ordres du Vivarais Cet ouvrage a donc été publié entre cette date et celle de l'élection des députés aux Etats généraux (avril 178g). : . — 3. Discours prononcé par le comte d'Antraigues, dé- puté aux États généraux, dansla chambre de mai 1789, 28 le 11 Ce discours est suivi d'un autre, des députés des trois ordres de — Motion 4. la noblesse, p. la prononcé la veille, à l'assemblée province de Languedoc. de messieurs les commissaires concilia- teurs de Tordre de la noblesse, portée dans cette chambre, par M. le 1789, i4 comte d'Antraigues, le vendredi 22 mai p. Cette motion est suivie d'un discours prononcé à l'appui chambre de la noblesse, le — Discours 5. dans la 28 mai. prononcé dans la chambre de la nomai 1789, blesse, par le comte d'Antraigues, le jeudi 28 iG p. — Mémoire sur la vérification des pouvoirs, 6. première conférence chez Monseigneur sceaux, par le comte d'Antraigues, 18 Ce mémoire, qui fut lu le 3o verbaux imprimés de la 19® 7. séance, n° — i, la lu à la garde des p. mai, a été inséré dans les procès- chambre de pp. 166 le la noblesse. (Pièces annexées à et sulv.) Discours prononcé dans l'Assemblée nationale BIBLIOGRAPHIE 393 comte d'Antraigues, le dimanche 9 août 1789, au sujet de la forme de l'emprunt de 30 millions. Versailles, par le imp. Pierres, 6 8. p. — Extrait de l'arrêté des représentants delà province de Languedoc à l'Assemblée nationale, du 23 août 1789. Versailles, imp. Pierres, 8 p. députés, a été rédigée par d'Antraigues, Cette pièce, signée de 66 au milieu de ses brochures dans un volume lui ayant appartenu. (Comm. par M. Mazon.) secrétaire de la réunion. Elle figure 9. — Mémoire sur le rachat des droits féodaux décla- rés rachetables par l'arrêté de l'Assemblée nationale, du 4 août 1789, par le comte d'Antraigues. Versailles, imp. Baudouin, 77 p. Daté à 10. la fin — : Versailles, 25 août 1789. Discours sur la sanction royale, prononcé dans l'Assemblée nationale, par comte d'Antraigues, le mercredi 2 septembre 1789. Versailles,imp. Baudouin, 11. — Observations traigues. i3. i8 p. — Mémoire sur les mandats impératifs, par le comte d'Antraigues. Versailles, imp. Pierres, 28 12. le — Paris_, sur le divorce, Imp. Nationale, 55 Observations sur la p. par le comte d'An- p. nouvelle division du royaume, proposée par le Comité de constitution, par comte d'Antraigues, 11 p. i4. — Lettre de M. le comte d'Antraigues à MM. rédacteurs du Journal de Paris, le les 3 p. Datée du 26 janvier 1790. i5. — Lettre de M. le comte d'Antraigues à M. le pré- sident de l'Assemblée nationale, 2 p. Datée de Paris, G février 1790. BIBLIOGRAPHIE 394 iG. Go — Quelle est la situation de l'Assemblée nationale? de Lausanne, 3o p., datée Cette brochure est avril 1790. communément, et avec raison, attribuée àd'An- traiçues. 17. — Lettre de Louis d'Antraigues à M. compte qu'il doit à ses des... sur le commettans de sa conduite aux États généraux. Paris, 1790, 80 p. Cette lettre est datée de Lausanne, 4 août 1790, et l'avertissement do l'éditeur est du 3i août. — 18. A l'ordre de la noblesse du Bas-Vivarais, par le comte d'Antraigues, son député aux États généraux, 53 p. 19. —Point d'accommodement, par M. Henri-Alexan- dre Audainel (anagramme de de Launai), 3i7 p. Froment (Précis de mes opérai ions, oie, p. 69), fut composée à Turin, dans le cabinet et sous les yeux de M. de *** (Sérent). Imprimée à Ncuchàtel, chez Fauche, elle fii^ure dans une facture de cet imprimeur à la date du G octobre 1790. Elle eut cinq éditions. La cinquième (i30 p.), qui est de 1792, porte le sousRevue et augmentée par l'auteur, et nommément du titre suivant nouveau plan d'accommodement que devait proposer M. l'abbé Louis, Cette brochure, d'après : ambassadeur des Jacobinistes, Fcuillantistes l'empereur et le Cette brochure fut traduite en italien par ce titre : Non difficultés, I et autres, à LL. MM. roi de Prusse. un certain Garcia sous v'ha nggiastamenio, et imprimée, après beaucoup de à Ferrare. (Las Casas à d'Antraigues, 17 septembre et octobre 1791-) Parmi réponses qui les lui furent faites, je citerai : A Henri-Alexan- dre Audainel sur sa brochure de Point d'accommodement, août 1 791, lO p. 20. — Dénonciation aux Français catholiques, des moyens employés par l'Assemblée nationale pour truire en France la religion dre Audainel (comte d'Entraigues), 2G7 L'ouvrage 1791- dé- catholique, par Henri-Alexan- est signé à la dernière page et p. daté de Paris 20 mars BIBLIOGRAPHIE 9.1. 395 — Henri-Alexandre Aiidainel (comte d'Antraigues)à Etienne-Charles de Loménie, archevêque de Sens, 34 L'ouvrag-e est daté à la fin Orléans, ce lo : interdite à Venise, à Ferrare, à lieu à Trieste, en français et mai 1 p. 791. L'impression; Bologne, à Reg^^ùo, put enfin avoir en (Las Casas à d'Antraigues; italien. 8 octobre 1791.) Cette brochure, ainsi que la précédente, fut arrêtée tion révolutionnaire — -2.0.. de la persécu- à la frontière française. (J.Sauzay, Histoire et saisie dans le département du Doubs, Protestation f . I, pp. 489-890 de M. Emmanuel-Louis-Henri- Alexandre de Launai d'Entraigues, député de l'ordre de la noblesse du Bas-Vivarais aux États généraux. Imprimée à Milan 23. — Avis et datée du i^'' octobre 1791. aux Suisses sur leur position envers le Roi de France, par Henri-Alexandre Stauffach, du canton de Schwitz, 4o Le chevalier de pour la lui p. la Baume écrit à d'Antraigues (i3 accuser réception de cet opuscule trempe de votre style toujours profond. « : » On décembre 1791) reconnaît bien Las Casas lui là en parle du 5 novembre. La date est indiquée à la p. 9: En quel état est le Roi aujourd'hui 20 octobre 1791 ? » Une autre brochure, intitulée Réponse d'un loyal Suisse à Henri aussi dans une lettre « Alexandre Stauffach, etc. (49 p.), approbation, peut-être partie de la moins une réplique qu'une est même main. — Adresse à Tordre de la noblesse de France, par 24. Emmanuel-Louis-Henri- Alexandre de Launai, comte d'Antraigues, l'un de ses députés aux États généraux de 1789. Paris, 1792, i35 p. Datée du 25 novembre 1791. Elle suscita des Observations sur l'Adresse à l'ordre de la blesse de 25. France de M. — le no- comte d'Antraigues. par M. deMontlosior. Exposé de notre antique et seule légale constitu- tion française. Paris, 1792, 72 p. Daté du iT) Calonne écrit à l'auteur le mars 1792. 12 juillet : « Votre divin ouvrage sur BIBLIOGRAPHIE 396 notre antique et seule lég'ale constitution française m'a fait le grand plaisir. du correcte . Vous avez style plus élevé et 26. . le fait tempéré avec la plus énergique. — Lettre plus voir que vous saviez réunir la pureté brûlante véhémence du style le » du comte d'Antraigues à MM***, commis- saires de la noblesse de B..., sur plusieurs éclaircisse- mens demandés touchant notre antique qui lui ont été et seule légale constitution. Paris, Chalier, 1792, 80 p. La lettre est datée du du 2 juillet. 3 juin 1792, et l'avertissement de l'éditeur est 27. vier, — Mémoire fils sur la régence de Louis-Stanislas-Xa- de France, oncle du roi et régent de France. Paris (Neuchâtel), 179."^, GG p. Fauche-Borel, dans ses Mémoires (t. I,pp. 160-164), en cite d'im- portants fragments. 28. — Rapport fait par Saint-Just au Comité de salut pu- aux dépenses blic à Paris, relativement faites par les États neutres. Mai 1794. Drake écrit à d'Antraigues de j)lus intéressant ((uelc de la plus le grande utilité plus qu'il est possible les puissances neutres, le 25 avril lygA que ce discours ; et ce sera fût «Je n'ai encore rien vu faire l'impression de imprimé et (]u'il elles manière mon qu'il ne de la serait rendu public un moyen d'indisposer de semer entre agents de la Convention... Si vous êtes de moi d'en • discours de Saint-Just... Je crois peut-être défiance des avis, je prendrai sur soit pas possible d'en tracer la source... » Jacob, l'envoyé républicain àVenise, en parle en ces termes: « Lebut de cette satire, plus mauvaise encore que méchante, dirigée contre tous les agents de la République dans les pays neutres, est d'inquiéter les puissances sur les dispositions du gouvernement français à leur égard, et de les pousser par la crainte et par le dépit dans le parti de la coalition. peu d'art, Pour peu que le libelle eût été fabriqué avec un l'abandon très connu où nous sommes, notre détresse que nous ne pouvons plus cacher eussent été très propres à accréditer les que lelibelliste éhonté met dans la bouche de Saint- atrocités gratuites Just contre nous en particulier. Mais le piège est si grossier et la BIBLIOGRAPHIE diatribe platement dégoûtante que personne ne s'y est trompe... si que croit 397 œuvre de ténèbres cette d'Antraigues. . . » (2G prairial an fabriquée s'est — II dans i4 juin 1794). Un l'atelier On de exemplaire fut envoyé quelques jours après au Comité de salut public. 29. — Observations sur la conduite des puissances comte d'Antraigues, député de l'ordre aux Hambourg-, noblesse États généraux de 1789. coalisées, par le — de la 1795, 42 p. L'avant-propos est daté du i^'' octobre 1794- D'Andigné écrit à d'Antraigues (4 mai 179.5) (ju'on en répandra en France 12.000 exemplaires. Mallet du Pan apprécie sévèrement l'ouvrage dans une de ses lettres. — 30. [asas] [Mémoires 1 . Correspondance, t. III p. 173.) Lettre du comte d'Antraigues à M. de L. sur l'état de la France, i8 Ouvrage postérieur à 3 et la constitution [as] C. p. de l'an III (V. p. 12). — Mémoire du comte Emmanuel-Henri-Louis Alexan- dre de Launai d'Antraigues, attaché à la légation de Russie à Venise, arrêté sous les yeux du ministre de Russie à Trieste,le 22 mai 1797, par M. le général Ber- nadette, et détenu dans le fort de Milan. Ce mémoire, daté de «aufort de Milan, logis n»io,Ie4juin 1797 », Souvenirs d'an émigré de ijgj à iSon (par a été imprimé dans Laporte), pp. 295-312. 32. dans — ment de la Directoire exécutif. le portefeuille à Venise sa main. Del'imp. du Directoire exécutif, an V de république, 10 p. Cette pièce, insérée Milan dans il Pièce trouvée de d'Antraigues et écrite entière- proclama corrente au Moniteur des 22 la publication suivante di Direttorio di (settembre 18 : Parigi, relativi fruttidorj e et 23 fructidor, parut à Gl'ordini del gênerai Bonaparte la congiura del 2 et 3 famosa corrispondenza del alla d'Antraigues, trovata a Venezia, scritta intieramente di sua Dalle stampe del cittadino G. Zatta, 33. — Réflexions sur la mano. 1797. conjuration dénoncée à Paris BIBLIOGRAPHIE 398 par le Grand-Juge le 27 pluviôse (17 mars 1804) et les événements siibséquens. Extrait des papiers anglais. — Londres (Dresde), 3G 34. — p. Atlios. On lit fragment du XVIIP livre d?monastère Sainte-Laure au mont Traduction d'un Polybe, trouvé dans — le 1800, 80 p. à la fin mains du comte d'Antrai- L'original est entre les : gucs, auteur de cette traduction. Cet ouvrage eut trois éditions. La première fut imprimée à Berlin chez Decker, imprimeur du roi, par les soins de Fauche (Fauche-Borel Mémoires, t. III, p. 217), et dut paraître vers de i8o5. la fin La seconde porte à la est sous la rubrique de première page Londres et le sous nom la 106 p., plus une note additionnelle de 2 p. La troisième (102 p.), portant le nom et les également datée de d'Antraigues. Elle date de 1806, et contient de Londres, imp. Harper. de l'auteur, est titres Un avis des éditeurs, tout en maintenant la supercherie, indique les clefs. Gentz présida ainsi à la allemande, et traduction qu'Adam Mûller. Une traduction fournit italienne fut des notes^ imprimée à Bas- sano. Boothby est l'auteur de la traduction anglaise. 35. — Requête des bourgeois de la ville d'Anspach à Majesté le roi magistrat d'Anspach. Traduit de l'allemand. imp. Harpei% 1806, 20 Réuni à Sa de Prusse, avec les observations d'un la 3* édition — Londres, p. de l'ouvrage précédent, dans l'exemplaire de l'auteur (Bibl. de Dijon). 36. — Modèle d'éloquence sacrée donné aux écoles pu- bliques par le Noir de la Roche-Mathanasius, ci-devant bénédictin, et Fallot de Barbafoin, évèque de Gand. Imprimé par ordre de Moniteur du n» XXXVII, 8 : bulletin de la grande p. Cet opuscule, ainsi que St-Pétersbourg, du armée l'Institut national, et extrait 5 janvier 1806 et s'y le suivant, fut envoyé par d'Antraigues à retrouve dans sa correspondance. BIBLIOGRAPHIE — 37. p. 106. — 38. du supplément. III —8 de ces articles, envoyés par trois lui en Russie! l'empereur roi des Romains Observations sur l'abdication de 1° p. Articles dans le Courrier d'Angleterre. pu retrouver J'ai (g Extrait des Mémoires de Saint Simon, Avis. Tome 399 septembre i8oG). 2° Observations sur la note circulaire du prince primat de la Con- fédération rhénane (3o septembre i8o6). Sur Louis XVIII (i8 novembre 1807). 3» D'autres documents sig-nalent un article du 3 novembre 1807 trouve un éloge d'Alexandre P"", et un article °"^ ^^ de 1810, sur Louis Bonaparte — Mémoire sur la situation de la France et sur son 3f). avenir, donné à Londres aux ministres de Sa Majesté Britannique, 3i.23o, ff. Mémoires est en manuscrit au British Muséum (Add. i56 et suiv.) a été imprimé par Fauche-Borel (t. III, mss. dans ses pp. 3oi-32i). — Observations sur la 4o. conduite de M.d'Oubril,sur signé le 20 juillet, et le refus de l'empe- le traité qu'il a reur de Russie de « octobre 1806. le 15 Ce mémoire, qui le ratifier (Londres, i8o6j, 32 p. Les Observations sur la conduite de d'Oubril sont de main de maître, et de plus irrécusables, » (Armfelt à d'Antraigues, 10 octobre 1806.) Il OUVRAGES MANUSCRITS — Voyages I. en Orient. Cet ouvrage existe à plaire : 1° le au net en 2 vol. Il se la Bibliotiièque brouillon autographe, 2 de Dijon en double exem- vol. petit in-4°; 2° une mise in-4°, bien plus récente et assez incorrecte. compose de : une introduction sur le gouvernement ottoman j . BIBLIOGRAPHIE 400 une relation du voyage de Marseille à Constantinople et du séjour à Constantinople une dissertation sur les anciens Egyptiens, datée du Caire quinze cahiers de lettres à la princesse Ghika sur l'Egypte dix lettres à un grec nommé Coutouli et contenant le récit d'un ; ; ; voyage de Constantinople à Léopol (Pologne) « La princesse Ghika, moi à Léopol, et Vienne. Il c'est à elle y a ici dit ensuite d'Antraigues, s'étant séparée de que sont adressées les lettres une lacune. Cinq premières sur Varsovie lettres écrites à la mes mémoires elles que des regrets que causait son absence au mortel princesse n'offraient rien qui put faire suite dans n'étaient remplies ; trop heureux qu'elle daignait aimer, et dans ces premiers instants de sa douleur, Enfin les il ne songeait pas à observer ordres exprès de la les pays qu'il parcourait. princesse le décidèrent à continuer ses observations, » Suivent sept lettres contenant Cracovie sur la et Vienne. Deux le récit du retour par Varsovie, Munich et dernières lettres annoncées sur Bavière n'ont pas été transcrites. 2. — Réflexions sur notre position que je soumets au jugement de M. de Las Casas pour être communiquées de toute confiance, s'il le croit utile, à M. le comte de Florida-Blanca (1792). (Archives des affaires étrangères. France, vol. 034, 3. — (1790). (Archives des affaires étrangères. France, vol. 4. — de sa paix Apologie de l'Espagne à l'occasion avec la France Mon i4-25.) ff. 634, ff- 82-108.) opinion sur la manière de profiter des dis- positions de l'intérieur (1795). (Archives des affaires étrangères. Finance, vol. 634, 5. — ff- 74-8i.) Considérations sur l'ordre de Malthe et sur les différents actes émanés du prieuré de Russie le 1798 au sujet du grand-maitre de cet ordre, par 26 août le frère Alexandre Linnos, espagnol de la castellenie d'Emporté ou grand prieuré d'Espagne à Madrid (1798). (Archives des afl'aiics étrangères. France, vol. 034, If- i83-i'o0.) BIBLIOGRAPHIE — 6. Essai sur les motifs qui pourraient former manifeste pour l'empereur et M. V. 401 un d'après les idées de roi, [annelet]. (Archives de Cour et d'Etat. Vienne.) Le ms. est accompag'né d'une lettre d'envoi datée de à Thug'ut, Gratz. 24 octobre 1798. 7. — Épître dédicatoire aux mânes de Louis XVI, etpré- face pour le journal de Cléry (1799)(Archives des affaires étrang'ères. France, vol. 634, 8. — Mémoire sur la nécessité d'un national en Russie. Quel est le meilleur ff. 221-225.) enseignement mode d'ensei- gnement national? (Archives du ministère de l'Instruction publique. St-Pétersbourg-.) Ce mémoire est daté du 16 octobre 1802. L'auteur annonce à la fin deux mémoires complémentaires,' l'un sur « l'utilité des livres qui complètent la grande instruction nationale », l'autre sur les Académies et les Sociétés savantes, et les moyens de les rattacher à l'Université. Il ne paraît pas que ces mémoires aient été envoyés ou même composés. 9. — Mémoire sur la question stances actuelles , la : si, dans les circon- guerre continentale s'établissait contre la France, serait-il utile, nuisible ou dangereux pourlespuissancesde l'Europedereconnaître Louis XVIII? (16 novembre i8o4.) Ce mémoire existe en double aux Archives des affaires aux Archives de Cour et d'État, copie étrangères, à Saint-Pétersbourg, et à Vienne. 10. — Mémoire sur la Russie (British Muséum. — Add. mss. 3i en 4806. . 280, ff. 175 et suiv.) 26 BIBLIOGRAPHIE 402 III OUVRAGES NON RETROUVÉS Parmi innombrables les restés manuscrits, et avons réuni dans écrits de d'Anlraigues, la plupart sont beaucoup paraissent perdus pour nous. Nous la liste suivante tous ceux dont ayant été composés ou entrepris, et dont la trace comme a parlé nous échappe. — Œuvres de jeunesse. Littérature. 1. D'Antraigues paraît avoir mis en roman amours. Il dit, téressait à lui : dont elle lui Parmi « Elle donnait fit traduire une histoire Un cahier de rendus, ma main langue grecque écrite et 3° Mes conversations avec — 2. note I où j'avais mis en notice et s'in- jadis écrite les sentiments dans son portefeuille à Trieste, signale les écrits suivants il de Un cahier de française : sur les différences et les similitudes de 20 Sur de ses premières l'idée. » les papiers qui furent saisis et lui furent ensuite 1° l'histoire dans ses Voyages en Orient, d'une sultane qui en des temps plu heureux, la il moi sur la langue parlée ; ouvrages du P. Houbigant; les J.-J. -Rousseau. Œuvres de jeunesse. Politique. d'Antraigues. V. la Nous en connaissons par son titre au moins Lettre d'an Genevois à ses concitoyens au sujet de la retraite les de premières brochures politiques de la p. 5o. une de M. Necker. (V. une : Montpellier, 28 lettre de Mm« Necker à M. Necker, datée de mars 1782, dans Sainsbury, the Napoléon Muséum, p. i46.) en 3. — Mémoire pour Le 17 février 1789, d'Antraigues écrit lui M""» Moreton (1789). àBernardin de Saint-Pierre, adressant son mémoire sur les États du Languedoc à cet envoi un mémoire pour soutenir sa demande, j'ai Mme Moreton. Mon reçu l'ordre de pour rendre sa Cause intéressante, je l'ai lui ; « Je joins pays ayant voulu prêter ma rendue générale. plume, ..» et BIBLIOGRAPHIE — Mémoire 4. Dans haut II, 403 contre Breteuil (1789). Madrid (V. plus remit au roi un certaines Réflexions adressées à la cour de 2), d'Antraig-ues raconte qu'en juillet 1789 il mémoire contre le baron de Breteuil, devenu ministre : J'y énumérais, tous les torts que Breteuil s'était donnés (probablement dans dit-il, des affaires relatives au Vivarais) en 1 78G . Le Roi me demanda de M. de n'en plus parler; mais je dus lui remettre, par l'entremise de Villedeuil, les pièces orig-inales de 5. — Mémoire mon œuvre. sur la féodalité en Vivarais (1790). de son Mémoire sur D'Antraig'ues l'annonce dans l'avertissement rachat des droits féodaux le 6. — Histoire de la Révolution française (i 789-1 790). D'Antraigues l'annonce dans sa Lettre de Louis d'Antraigues à M. des..., pp.4o-4i. fait passer le Il l'a écrite alors manuscrit en Angleterre i*"" mars 1790, et en a Dans quelques années, je jusqu'au t : relirai la corriger, elle sera publiée telle ma que j'aie qu'elle fut écrite; mais, pré- de sang'-froid... Si la mort termine le pu vie avant voyant cet événement, je ne cache pas, dans une préface que à ce sujet, dans quelle position elle pour l'examiner de sang- froid relire En 1798, il la communiqua, avec la juger. 7. et désir de la » . qu'il y avait longuement dans ses des 21 décembre 1798 et 5 mars 1799. — Compte-rendu Le vicomte de Digoine lui . continuation ajoutée, à Vannelet. Celui-ci lui en parle assez lettres mon fut écrite, et et la j'ai faite à mes commettans écrit à d'Antraigues le 2 (1790). 1 accuser réception de cette pièce. Ceux aux(juels qui l'ont lue, lui dit-il, septembre, pour elle était adressée sont d'avis qu'il faut en ajourner la publica- tion. 8. — Mémoire sur les dangers d'une seconde législa- ture (1791). Vaudreuil, dans une time signale 9. du 3i mai 1791 (Correspondance indu comte d'Artois, t. I, p. 376), le remis à Las Casas, qui l'avait demandé. lettre du comte de Vaudreuil comme fait et et —Discours prononcé au club des Jacobins contre les Suisses. BIBLIOGRAPHIE 404 «M. Ce Suisses. avait composé, confia qu'il fait prononcé au club tendu discours qu'on me baron d'Erlach... le M. d'Antraigues imprimer nous armer à répandre un pré- des Jacobins pour soulever les cherchant à nous faire peur n'est pas, m'ajouta-t-il, en parviendra avait découvert que et contre les révolutionnaires... » (Froment, Précis de mes opérations^ etc., p. 08.) 10. — Lettre à l'abbé de Fontenay (7 avril 1792). Cette lettre au directeur mettait la réfutation, Etats généraux, du Journal général de France, où par lui-même, de son faite fut, dit-il (Arch. nat., AF. III, il pro- Mémoire sur les 44; n° 75), tirée à dix mille exemplaires. 11. — Mémoire sur royalistes français émigrés, les sur leur droit d'asyle, et sur la conduite des puissances à leur égard (1794). Imprimé à Neuchatel, chez Fauche-Borel Deux 12. le — Sur la pape Le A. Bachelin» guerre de religion à faire déclarer par (1796). 7 octobre; Rome. Dans mention du cet écrit. Les additions qui France que lorsque — placardé en cet écrit Lorabardie et à y aura des additions où il sera fait Louis XVIII, dans une lettre du 27 octobre, approuve l'édition française, roi. Vauguyon que d'Antraigues annonce à La sera traduit en italien et en allemand, i3. Cité par . Portraits, p. 84. la il concernent ne devront être connues en le guerre de religion aur a été déclarée. Mémoire sur les relations de la Russie et de l'Autriche en 1799. 8 août 1802, Kourakine, au Le traigues la permission de publier à Vienne et mis en dépôt en nom de l'empereur, octroie àd'An- un ouvrage sur Angleterre. II lui ce sujet, composé conseille de garder l'anonyme. Le i3 septembre, d'Antraigues remercie détails suivants sur son travail les pièces qu'il envoyait le ou : « Il fut fait celles prises Kourakine, lettres donne les 1er sur aux archives, comme vous verrez par la lettre privative de la main de Paul de ses et par l'ordre de Paul qu'on a sûrement conservé, à la I^'", dans date du 7 le recueil décembre BIBLIOGRAPHIE 1800 V. st. Il zoumovsky et s'ensuit que l'ouvragée 405 est spécialement dirii^'é sur Ra- contre lui nominalement ; que les affaires de Vienne s'y trouvent bien nécessairement, mais par accessoire est la conduite de Razoumovsky rends compte à Paul 1er et ses torts. l'objet principal ; Dans cet ouvrage, je en conséquence de ses ordres et lui adresse Dans cette manière il est de toute impossibilité de le publier sans me nommer, car autrement il faudrait refondre l'ouvrag'e pour la parole. donner une autre forme. D'ailleurs, l'ouvrage sans lui serait qu'un libelle, et je n'en ferai jamais. me pour que Razoumovsky sache toujours où faire venir ici par voie sûre, mon nom ne nommé faut que je sois Il prendre... Je vais sùi*ement pas par la poste, ce et ma- nuscrit en cinq cahiers in-folio de 24 pages par cahier. » Dans une du 22 novembre, à Czartoryski, il ajoute qu'il en« Car comme il (Razoumovsky) est le plus vain et le plus impudent des hommes, il faut, puisqu'il occupe une place où il peut m'attaquer, que je conserve de quoi le rendre à jamais muet, s'il lassait par trop ma patience. J'aurais pu lettre voie en Russie seulement une copie l'anéantir en envoyant cet écrit à n'en ai pas eu le courage. tais que j'allais me . Paul l'îi'qui J'eus peur de . venger. L'ouvrage dut être en : . . effet me l'ordonnait; mais je mes remords, car je sen- » envoyé à Saint-Pétersbourg, mais sa publication y fut, sans douteaprès lecture, de nouveau jugée inopportune, et Ce il n'en fut plus parlé. travail est distinct (20 juin 1801) qui est i4- — Mémoire Saint-Priest en du du mémoire cité p. spécial sur la Suisse (1799)- accuse réception dans une lettre Ce mémoire avait été composé sur Kalytchev. (Lettre du même, 6 juillet.) i4 août. 10. — Razoumovsky sur 229. à d'Antraigues la demande de Observations sur lUniversité de Leipzig (i8o3). D'Antraigues en annonce l'envoi à Czartoryski par une 29 août i8o3. iG. Le du — Histoire d'Henri VIII (1791-1803). 3 octobre i8o3, d'Antraigues écrit à Mûller) l'on lettre : « un de ses amis (sans doute mes ouvrages que de Henri VIIL J'ai écrit cet ou- Je travaille à mettre en ordre un de va imprimer à Londres, la vie vrage en 1791 et on m'a fourni des matériaux incroyables par leur BIBLIOGRAPHIE 406 noml)rc cl leur qualité. prendre la . . voulu tout voir, tout J'ai vérifier avant de plume, car je voulais m'excuser à mes yeux de l'audace Hume de traiter un sujet qui avait occupé David eu tout lu que j'ai écrit. J'ai laissé mûrir c'est : lorsque j'ai dormir l'ouvrag-e près de et huit ans. Enfin l'amitié l'exige, et je le censure à présent. J'y ajoute, j'efface, et je pense à y ajouter un discours préliminaire où le tableau se poser à côté de l'histoire du passé et les petits du présent pourra grands 17. « hommes des xviii^et xix^ siècles se comparer à ceux du xvi*.» — Histoire de Cromwell (i8o3). On va imprimer à Londres un ouvrage de moi sur de Cromwell... Je crois que cet ouvrage le protectorat grand bruit fera ; on m'a fourni les matériaux les plus précieux, tels que des lettres inédites et en grand nombre du Protecteur à ses plus intimes amis. La préface sera composée d'une lettre fort longue, mais très intéressante, de mon ami J.-J. Rousseau à moi en 1771, sur l'Histoire d'Angleterre de M. Hume. C'est la seule que je publie du recueil de plus de 200 que j'ai; et la seule aussi que je puisse publier sans nuire ni compromettre personne. » {A l'amie de Paris, 4 septembre i8o3.) 18. « — Mémoire sur la Bavière (1800). L'empereur m'enjoint expressément, exprimer sa pleine approbation mémoire de la et mon cher comte, de vous son entière satisfaction sur votre Bavière. Cela est parfait et détaillé comme on rait mieux. » (Czartoryski à d'Antraigues, i4 janvier i8o5, une lettre 19. « dans de d'Antraigues à Cobenzl, ler février.) — Salluste traduit par J.-J. Mon ne sau- cité Salluste traduit par J.-J. Rousseau Rousseau, que (i8o5). j'ai permis d'im- primer à Londres, va mal, va lentement. Je croyais ces gens-là plus habiles, et, monde. 20. si j'y étais, — serait déjà dans lettre à plan, et ajoute : mains de tout le Cobenzl, du 12 avril i8o5, d'Antraigues en trace « Voilà le plan cette nuit, et qui sera de ce que d'Antraigues a terminé envoyé lundi par estafette par l'empereur Alexandre et par Czartoryski, du pays les Projet de manifeste pour la guerre de 1805. Dans une le cela » (Lettre à..., 8 avril i8o5.) et dans ses divers dialectes. » et pour être corrigé puis traduit en langue BIBLIOGRAPHIE 407 21. — Vie « (l'empereur) accepte volontiers la dédicace de la vie de Louis Il de Louis XI (i8oC). que vous avezachevée. » Cf. le rapport de Czartoryski à l'empereur, de la Soc. d'Hist. de Russie, 22. —Le « J'ai terminé suite au 20 mai's 180O. (Recueil XCII; p. 332.) xviiie livre (180G). du Polybe... J'ai à peu près fin du xviiic. M. Gentz xxive livre que j'annonçais à la le le traduira en allemand ; son secrétaire est manuscrit le t. XXIVe livre de Polybe composé une XI (Czartoryski à d'Antraig'ues, 12 avril 1806.) et la lui porter pour prendre copie sur ici à Prague, où il On est. veut le traduire parmi ceuxqui m'ont demandé d'être mes traduc. teurs, choisi M. James Macdonald, qui a traduit avec le plus grand en anglais... et succès 23. j'ai, le xviiie livre... — Mémoire «(D'Antraiguesà Budberg, 3o décembre 180G.) sur le changement de ministère en Angleterre. Envoyé 24. — le 7 avril 1807. (A. P.) Observations sur le renouvellement du traité de commerce entre la Russie et l'Angleterre. Envoyé 25. i3 le 21 sur l'Autriche. juin 1807. (A. P.) — Mémoire politique à remettre Envoyé le i5 juillet reur Alexandre 27. mai 1807. (A. P.) — Mémoire Envoyé 26. le I*'. à S. M. 1807 à Engel, secrétaire particulier de l'empe. (A. P.) — Sur Louis XVIII et les émigrés (1809). « Je travailleà l'écrit sur mes services pour le roi Louis XVI de 1790 jusqu'à 1797... Ce sera Louis XVI, avec M. Malesherbes, quijugera Louis XVIIII; je n'ajouterai pas un mot à la fin de l'ouvrage.. Avant le i5 mai il sera fini. Cela aura six 5oo exemplaires sous clef. Louis XVIII et les émigrés sont les d'avril . . J'y cents pages. parle l'objet de mon peu travail. J'aurai d'Avaray. de . . » (Lettre 1809, citée dans Guilheu.my, Papiers d'un é/nif/ré, p. 2o3.) BIBLIOGRAPHIE 408 .•>.8. — Histoire de l'Empire de Russie depuis 1792 jus- qu'en 1809. D'Antraigues trouve le ouvrage à travaillait à cet prospectus au vol . LXXXIX la fin de sa vie; on en des Papiers de Piiisaye (British Muséum). IV OUVRAGES DOUTEUX OU APOCRYPHES I. — Discours à ses codéputés. d'un membre — 1789, 38 de l'Assemblée nationale p. Second discours d'un membre de l'Assemblée nationale à ses co-députés. Ces deux opuscules — sont 1790^ 40 p. à d'Antraigues par Barbier attribués [Dict.. des anonymes). 2. —Le pouret le contre sur la Révolution de France, ou fragments des registres d'un club de Paris. — 1790, 35 p. No M. Vaschalde, à 17 de la Bibliographie dressée par la suite de sa notice sur d'Antraigues. 3. — Bon Dieu! qu'ils sont bêtes, ces Français.— Paris, de l'imprimerie d'un royaliste, 1790. Mentionné comme douteux par Vaschalde. — Des monstres ravagent tout. lois. — Paris, de l'imprimerie d'un 4. L'enfer royaliste, N° 20 de 5. — la Bibliographie dressée par Les Cromwels français l'Europe et à tous les royaliste, 1790, 22 p. dicte nos io4p. M. Vaschalde. démasqués, dénoncés à De Timp. d'un bons^ Français. — BIBLIOGRAPHIE Mentionné 6. comme douteux — Manifeste du Lui est attribué par par 409 M. Vaschalde. camp de Jalès(i79i). Froment [Précis de mes opérations, etc. p. O9.) 7. — Lettre de Condorcet à M. d'Aranda. Attribué également par Froment {id.,^. 8. — Justification de 112). la noblesse savoisienne. Attribué également par Froment {id., p. 112). 9. — Lettre d'un émigré royaliste à l'auteur constitu- tionnel du Coup d'œil sur la Révolution française (Montesquieu). — 1790. Cette pièce a été attribuée à Courvoisier, secrétaire Louis XVIII été ; d'Antraigues n'aurait réimprimée 10. la même — Dialogue année, à du cabinet de que prêter son nom. Elle a fait de la suite l'écrit de Montesquiou. entre un général autrichien et un com- missaire en chef de l'armée française en Bavière. Lui est attribué par l'auteur anonyme de V Histoire du Directoire exécutif (Paris, Buisson, an IX, 11. — t. II, note des pp. i5o-i5ij. Lettre d'un ancien curé du diocèse de Paris à ses paroissiens. Londres, 1807. No 34 de la Bibliographie dressée par M . Vaschalde NOTICE GÉNÉALOGIQUE Armes. — D'argent, semé de Jleurs de lis de gueules, au chef de France un écusson en abîme portant d'or à un N" 1 . Louis de Launay, éciiyer, seigneur de Melmont. Antoine de Launay, écuyer, seigneur de Picheron, Lig-ny et Tully, ministre protestant. Ep. le 20 nov. i55o Jeanne de seign. de Fay-Golonne, Pacy en Bourgogne. fdle et lion de gueules. de François, \ / i / du père. NOTICE GÉNÉALOGIQUE 412 111 3 . 4. Henri de Launay, sans postérité. Trophime de Launay, seign. de Picheron I traig-ues, g-entilhomme ordinaire de Roi (i58o), bailli du Gévaudan la et d'Anchambre du (iSgi), gouverneur des villes et châteaux de Marvejols, Chirac, Grèzes (iSgS). Ep., le 2g mai..., Marie de Cayres, veuve de Samuel de Beaumanoir et fille d'Antoine de Cayres, coseigneur d'Antraigues, et de Marie de dame de Peyres. Elle apporta à son mari les terres d'Antraigues, La Bastide, Aizac, Génestelle, Asperjoc, Juvinas, La Champ-Raphaël. Quellenc, Louise de Launay. IV 5. Jacques de Launay, baron d'Antraigues, La Bastide, Asperjoc, St-Lager, Gévaudan (1G20), du bailli capitaine de chevau-légers (1O25), g-entilhomme de la chambre de Louis jols et Chirac XIII, comme qu'il était Combattit vaillamment contre bailli le Gallas, et fut créé maréchal de d'Arpajon, fille du Gévaudan. général autrichien camp en testament est de l'année i664- Ep., Philiberte la démêlés avec l'évêque de Bastille à cause de ses Mende pendant gouverneur de Marve- son père. Fut enfermé à 1647. ^'^^ le 21 déc. i633, de Samuel d'Arpajon et d'Eléonore de Combret. G. Henri de Launay, dit de La Champ, décapité au Pont- Saint-Esprit en iG33, comme complice de Montmo- rency. Jeanne, mariée à Charles seign, de St-Privat, St-Privat, et de fils de Faret de Fournès, de Pierre, premier baron de Sarah Guéri. NOTICE GENEALOGIQUE , Trophime II, seign. d'Antraic^ues, maréchal de au mois de obtint, 413 d'Antraigues au sept. 1 camp, 068, l'érection de la terre de comté. Fut maintenu dans titre sa noblesse, ainsi que ses frères, par jugement sou- verain en date du i6 déc. 1670. Tué le [10 dans un combat près de Cambrai. Ep., Girard de Basoges, 1OG8, Isabeaude de Basoges, procureur général en comptes de Paris, la juin 1676 le 20 août fille d'Henri chambre des de Madeleine Barentin. Ils ne Gaspard, mort à Maëstricht des blessures reçues le et laissèrent pas d'enfants. i*'" juillet Charles, 1O75 au combat de Leuwe. seign. de St-Lager, capitaine au régiment d'Harcourt, mort en 1676 des blessures reçues dans les guerres de Flandre. Louis de Launay, d'un fief situé dit d'abord de Chirac (nom emprunté près de Marvejols et venant de Phili- berte d'Arpajon, sa mère, qui testa en sa faveur en i684). la Néen i643. mort de ses ses aïeux, il Devenu comte d'Antraigues après trois frères aînés. Protestant prit du service dans Guillaume en Hollande. Ep. : les lO le 10 juillet Marie-Suzanne de la "Wespierre fille du marquis de Wespierre la comme gardes du Roi 1677, deLiembrune, et de Claudine- Charlotte d'Aumale, et nièce de la maréchale Schomberg; fille de 2° en 1690, à Paris, t^lisabethdeRoux, de Pierre comte de Trélan ( i ) et de Marie de Retz de Villeneuve. C'est au moment de contracter ce second mariage que Louis dut abjurer le protestantisme. Tous ses enfants firent profession de 1 . 12. la religion catholique. Alexandre, seign. de Pervérange, assassiné en 1708. Frédéric, qui assista au mariage de son frère Louis en 1677. selon l'orthographe moderne, Trélans, est un village à (i) Treslan, ou, 20 kilom. de Marvejols (Lozère). NOTICE GÉNÉALOGIQUE 414 Marie-Marguerite, mariée, de le i5 avril lOSg, à Seguin de Borne, coseiçneur Chirac Marvejols, et d'AIdebert fils Trophime des , villes de de seigri. Rochevallier, et de Marie de Ginestoux de Monldardier. Louise, morte sans alliance. Eléonore, mariée à Nicolas de Leyris, seign. du Bouchel. Marie, née en iGSy, mariée, le 20 mai i685, à Jean de Silhol, seiçn. de St-Vincent-les-Daudrans, Jean de Silhol Philiberte, mariée, fils de de Jeanne de Vesc. et en 1G88, à Benjamin de Micheli, une compagnie franche de né en i64o, qui leva 200 Suisses au service de France, devient comman- Reynold, dant de bataillon au rég-iment de fut et Nerwinde en 1693. Devenue veuve, elle obtint, par arrêt du Conseil d'Etat tenu à Versailles le i5 mai 1694, la permission de jouir tué à la bataille de pour elle et situés en les siens France et de tous les biens adventifs de conserver à son fils la com- pagnie de son défunt mari. VI Alexandre-Jules (du i^"" lit). Testa un second testament le 3o la même année non marié. Frédéric (du i*"" lit), le 28 fcv. 1709. Fit héritier de son frère ment de 1709, mais mort avant Marguerite-Phélis (du et mourut dans le testa- juillet 1732, lui. i«r lit), héritière Alexandre- Jules, mariée à Christophe de Bains de 1702, St- Vidal, mort le çois, marq. de de son frère la Tour des marquis de Choisinet, né en i3 février 1762, Choisinet, Bruget, Laulagnet, Lespéron, fils de Claude-Fran- baron de le Jaujac , le Gros, St-Alban en Montagne et de Françoise d'Hautefort de Lestrange. Ce second mariage du marquis de Choisinet fut stérile, et Phélis de Launay hérita de son , 10 415 NOTICE GÉNÉALOGIQUE mari. Le 26 janvier 1741, le domaine de acheta elle Castrevieille château le et \ Fabras de celui et du marquis de Monten Rouergue. Elle vallat, comte laissa ses biens à Jules-Alexandre de Launay (n" 16), son frère consanguin, et à son neveu pour prix de 55. 000 le liv. d'Antraig'ucs "*" Emmanuel-Henri-Louis i5. 16. Louis-Alexandre (du 2e (n» 17). lit), déshérité à cause de son mariage avec Thérèse d'Ozil de St- Vincent. Il se fixa à Villeneuve de Berg, et y mourut sans enfants en 1750. Jules- Alexandre de Launay, comte d'Antraigues (du 2« lit), capitaine, chev, ;de St-Louis, né en 1698. Dans son testament mystique, en date du 25 mai 1763, qualifie se il Raphaël, Meyras, Nieigles, Souche, Fabras , La Champ La St-Girgues Gros, Sceautres, coseigneur le Mézilhac, Juvinas, Asperjoc, Aizac, Génestelle, Ailhon Colombier, et Montpellier le 18 février 17G5. Ep. Marie-Jeanne-Sophie de dotée de So.ooo 10 baron de Jaujac, seigneur de liv., de Vais, Prunet. le Mort à 25 mars 1752 Guignard de St-Priest, fille de Jean-Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, intendant du Languedoc, et de Sophie de Barrai de Montferrat. Marthe-Marie (du 2^ lit), née le i5 août 1701, mariée, le 8 sept. 1727, à Annet de Rocher^ seign. de Prat et de la Baume. Mariage stérile. VII Emmanuel-Henri-Louis-Alexandre de Launay, comte d'Antraigues, né à Montpellier le 25 déc. 1753. Ep., le 29 déc. 1790, à Castel San Pietro (Italie) ReineAnne-Antoinette Clavel, veuve de Claude Croisille, dit de St-Huberti. Assassinés tous les deux près de Londres, le 22 juillet 1812. Marie-Marguerite-Félicie-Sophie (filleule marquise de Choisinet), née à de a tante, la la Bastide le i5 oct. 16 NOTICE GÉNÉALOGIQUE 416 1755, mariée à Paris, le 17 février 1776, avec une \ dot de lOo.ooo liv., à Jean-Jacques marquis de Viennois, né en 1765, mort le dernier de ce nom à Scptême (Isère), le 10 janvier 1818. VIII Pierre-Antoine-Emmanuel-Jules, né à Milan ou aux environs le 26 juin i792,baptiséle 28 juin dans de Greco. Porté pour la somme l'église de 226.000 fr. dans du milliard des Emigrés. Mort à Dijon le 1861, sans postérité. Ep. en 181 3 LydiaSophia-Rosa-Henrica Fitz-Gerald, dont il fut séparé judiciairement le 25août 1827, morte le i" fé- l'état dit 12 août vrier 1861. / ( 1 16 TABLE DES NOMS PROPRES B Adrial, agent du Directoire, 209. AcKERBLAD, agent Suédois, 294. Albon (M"" d'), 268. Alexandre I, empereur do Russie, 217, 230, 289, 309, 313, 331, 333, 337, 343, 345, 355, 357-359, 375376, 384. Alopébs (çomte\mini.stre de Russie à Berlin, 238,' 336, 352, 366. Amide Paris (V), 247-252, 255-250, 273, 284-285, 287, 290-291, 293, 331, 338. 341, 373. Amie de Paris (!'), 35, 86, 252-254, 279, 281-282, 284-283, 292, 320, 325, 331, 338, 373. Andignl; (d'), agent royaliste, 330. Angelv, agent révolutionnaire 108. Angiviller (d'), 30, 350-351. Anson, directeur des postes, 28C. Antraigues mère (M"« d'),H-13,42, 113-115, 129-130, 153, 171, 178, 316, 328-331, 375. Antraigues (Jules d'), 87, 186, 305, 323,329, 374-375,379, 3S3-389. Apchiek (marquis d'), 118-119. Aranda (d'), ministre espagnol, 100. Arçon (d'), ingénieur, 210. suédois, d'), et 373 33-34, 73, 204, 320. Behry (duc de), 263. Beutiiier (maréchal). 168, 187,208, 260, 262-263, 277-273, 293, 297298. Bertrand de Moleville, 379, 381. BioNVAL, agent révolutionnaire, 209. Blacas (duc de), 369, 383. BoïELDiEu, compositeur de musi- que, 287. BoissY d'Anglas, 175. Bonaparte, 33, 146-147, 152, Iflû168-171, 173-177, 183-184, 208, 222-224, 259-261, 272, 275, 279, 288-291, 294, 301, 303304, 308, 3.37, 378-379. Bonaparte (Joseph), 261, 266, 279. Bonaparte (Lucien), 267. BouFFLERS (comtesse de), 202. 165, 20:5, 119, 12". Breteuil (baron de), 51-52, 101. Brotier (abbé), 103-106, 121, 1::4, 115, 121, 127, 97, 137-138, 148, 189-190, 194, 366, 368-369, 372. Azara (d'), ministre d'Espagne à Rome 261 Bernard (M"), 292-295. Bernardin de Saint-I'ierre, BOUGAINVILLE,203. 193, 361. Avaray (comte Bernadotte (général), 156-159,260- BouLARD (général), 147, 204. BouDou, agent royaliste, 118. 241, 300, 348, 371,376. d'), 104. Beningsen, général russe, 300. 219, Armfelt, minisire Artois (comte Barral (de), évoque deMeaux,246. Batz (baron do), agent royaliste, à Paris, 134, 208, 269. 137. Brunswick (duc de), 314. affaires BuDBEUG, ministre des étrangères de Russie, 334, 363. BCVFON, 31 27 TABLE DES NOMS PROPRES BuxAu, ministre de Saxe à Paris, Durant, premier commis aux 308. BUTTAFUOCO, 117. lations extérieures, 247, 252, 273, 290. Duroc (général), 240, 272, 277. 268, 303, c re- DuvERNE DE Presles, agent royaliste, 105, 124. 132. Gadoudal (Georges), 254, 274. Calon.ne. 31-32, 77, 102. Cambacérès, 246. Campos, ministre d'Espagne ù Ve- m, nise, 135. Caxn'ixg, ministre 336, 362-363, 365. anglais, 3j4, Electeur de Saxe, 304 305. ExGHiEN (duc d'), 226, 274-280. Espic, député aux Etats généraux, 63, 81. Carexcv (prince de), 274. Garnot, 178. Catherine II, 23, HO. GAnLAiNcouRT, 270,276-277,281-282, F Fauche - Borel, 189,308, 356. Champagnv, 221-228, 290, 329, 381. Charette, 127-128. Gharles IV, roi d'Espagne, 99, 103, 136. Chastellux (comte de), 105. Ghodkiewicz (colonel), 287. Choiseul-Gouffier (comte de), 271. agent royaliste, 3.-i!8-339, 343, 365-367. Faujas de Saint-Fond, géologue, 31,41, 210. Ferdinand (archiduc), 123. Fersen, ministre suédois, 340, 348. Flachslanden (baron de), 121,138139. FLORiDA-BLANCA,ministre espagnol, CoBENZL, ministre autrichien, 230239, 337. CoiNi, espion français, 287. CoxDÉ (prince de), 117-118, 193. CoxsTAXTJN (grand-duc), 353. Goxway, maréchal de camp, 83, Copoxs(M'" de), 253, 267, 338. GouTHAUD, adjudant-général, 166. GzARTORYSKi (princc Adam\ 233, 240-i42, 2.50-252, 289, 307, 331333, 337, 340, 343, 349-350. FoNTON, drogman, 251. Foscarini, agent vénitien, 292. FoucHÉ, 267, 282-283,294, 309-310, 339, 379. F0URCR0Y,273. Frank, professeur à Vilua, 317. Froment, agent royaliste, 98, 130 139, 353. Froment (abbé), 100. G B> Decrès (amiral), 280. Delacroix, minisire des étrangères, 171, 183. Delmas, député. 247. Demipov (M""=), affaires 270. Despomelles, agent roj'alis le, 100, 124. Devoxshire (duchesse Divow de), 34. (M°«), 270. (prince), 336-337. DoLGOROUKv DOLGOROUKY (M""=;, 270. DoMBROwsKi, général polonais, 202. Drake, agent anglais, 107, 121, 152, 287, 300, 348. DucLAUx, député, 247. DuFOUR (abbé), agent royaliste, 112-113. (général), 181-182. DuMOURiEz, 203, 353-356, 363. DiMAS Galitzine (princesse), 270. Gai.lo, ministre de Naples à Paris, 268. Gamon, conventionnel, 124-125, 203, 373. Gamon (neveu), 387. Garât, ministre de France à Naples, 209. Gaudran, agent révolutionnaire. .".09. Gentz (Frédéric de), 237-239, 300. 317, 343. (princesse), 20-21, 23-23, 29. Ghika Gleizal, conventionnel, 84. GoDoï, ministre espagnol, 103. GoDiN, secrétaire d'ambassade , 210. Golovkine, ministre de Russie à Naples, 109-110. TABLE DES NOMS PROPRES Goujox, agent roj'aliste, 113. GoupiLLEAu, député aux Etats'géuéraux, 79. Ghanville (lord), ministre anglais, 333. GUEUZE, 31 GciLLEMAUDET, ambassadcur do France à Madrid, 202. Gl-stave IV, roi de Suéde, 2 H, 293. 294. ministre prussien, 333-336, 342. à Berlin, 238. Haugwitz, ministre prussien, 334, 344 d'), 138, 171. Hédouville, ministre de Franco en Russie, 231, 290-292. Helvétius (M"'=), 202. HÉNiN (Félix), ministre de Franco à Venise, 108. premier commis des Hexnin, afTaires étrangères, 31. (la belle) , 43-44 Henriette 373. , 04 3.33. 103, 189. Josiîphixe (impératrice^, 173, 177, 184, 233, 263-267, 273, 279, 2S1, 293-294, 298, 308, 323. Kalytghiîv, envoyé do Russie Vienne, 213-214, 229. à Russie en Saxe, 232-233, 302-303, 307. KiLMAiNE (i^-énéial), 109, 180-182, 199-200, 202. KiNG, agent anglais, 340. KocH, 210. KoscRSKO, 202. KûTCHOUBEY, ministre :i32-233, 336-337. 203, 207. Larivière (Henri), agent royaliste, 362. La Roche-Aymox, général prus- sien, 343. La Rochefoucauld, ministre de 231, 302-303, 307. La Rochefoucauld (M"* de), 268, 306. Las Casas, ministre d'Espagne à Lavalette, 286, 292. La Vauguyox (duc de), 143-146, 192. Lavilleurxols, agent royaliste, 103. Lemaitre, agent royaliste, 100. Lemerer, député, 187. Lemoxnier, lieutenant de gendarmerie, 278. Lexoir-Laroche, 205. Léoxtiev (M""), 321. Lesseps, consul de France à Mos- cou, 231. Lhomoxd, agent du Directoire, 209. Ligne (prince de), 219, 231. LizAKÉviTCH, ministre do Russie à Gênes, 107-108, 334. Lombard, ministre prussien, 231, 334-336. 342. russe, 230, 289. KoURAKiXE, diplomate 176. Lapoype (général), 210. La Réveillère, Directeur, 191. Lascy, gouverneur de Catalogne, 100, 134. Jackson, agent anglais, 340. JoNs (abbé de), agent royaliste, de 286. Laxdrieux, adjudant-général, 170, Venise^ 96-99, 103, 107,109, 113, HuLi.v (général), 279-2Ï0. iiiirii.-;tre France à Lally-Tollexdal, 133, 342. La Maisoxfort, 343. Lambert (de), diplomate russe, France en Saxe, , Héron de Villefosse, 342. HowicK (lord), ministre anglais, Khanikov, Berlin, 234, 251, 300. de), 307. Laharpe, 33, 320. Lajolais, 274. Lagarde (Henri Venise, 116, 149, 131. Harrowby, nunistro d'Angleterre Havre (duc Lacomde-Saixt-Michel, ministre de France à Naples, 209. La Fare, agent royaliste, 193. La Flesselle, 292. Laforest, ministre de France à Lallemant, ministre de H IIardexberg, tl9 LoMÉxiE DE Briexxe, Cardinal, 30, 'JO. russe, 217, LoRENzo, domestique do d'Antraigues, 378-.381. , TADLE DES NOMS PROPRES Loss, ministre saxon, 303, 307. Louis XVI. 56, 58, 68, 78, 99. 140. Louis XVIII, i03, i09-H0, dl2, 121123,127,130-141, 14i-l46, !.j3, J71, 182-1.S3, 188, 190-192, 225227, 242-243, 254, 262-263, 3653G6, 309-370, 379. Louis de Prusse (prince), 340. LoYs DE LA Ghavaxxe, Diaire d'Arles, 118. LuccHEsixi, ministre de Prusse à Paris, 270, 338. MoRDviNov, ministre de Venise, 110, 123, 158, Moreau M 342, 347. (général), 272-273, 339. MûLLER (.lean de), 220, 234, 237, 317, 329, 333, 350-351, 373. JV 386-387. Narischkine (M--"), 321. Nassau-Siegen (prince de), 270, III, Necker, 49, 89. NicoLAï, chargé d'affaires russe eu Angleterre, 350, 352-353. Noël, ministre de France à Venise, 115. NovosiltsoVj 250-251, 336-337. Malosse, prieur de Nieigles,42, R3. Marchi, agent révolutionnaire O 209. Marguerittes (baron de), député aux Etats généraux, 75. Marie-Antoinette, 64, 97, 101. Marie-Caroline, reine des Doux217-218, 143, 362, 370. Si ciles, 23o-2:j6, Markov, ministre do Russie à Paris, 209. 304, 305, 340, 344, 354. jMahhenx-Montgaillard, secrétaire de d'Autraigues, 144, 171,213, 230. Massias, ministre de France à Bude, 293. Mathieu Dumas (général), 247. (abbé), 194, 373. Maydieu (abbé) , précepteur de d'Autraigues, H, 221, 324. Méjean (Etienne), 247. Merlin, Directeur, 202, 205, 207208. Maury Metternich, ministre d'Autriche en Saxe et en Prusse, 231, 238, 270, 333. MiciiELi DE Dullit, 205. MiNojA, secrétaire de d'Autraigues, 113. Mirabeau, 32, 36, 57, 72, 77, 89. (bai'on de), 255, 332- MoHRENHEiM .333, 359. MoNTET (uMjé du), 149, loi, 188. 165, 172, Montgaillard, 147-151, 188. 310. MoNTLosiER (comte Obolensky (prince), 270. Orléans (duc d'), 125, 226, de), 44-45,135- 263, 273,361-862, 371, 381, 386. Orléans (duchesse d'). 123. OuBRiL(d'), chargé d'alTaires russe à Paris, 308. Pahlen (comte), 290-292. Panchaud, financier, 32. Panine (comte), 217, 232,239-240, 291. Paul I, 195, 216. Peltier, journaliste, 377. Perceval, ministre anglais, 379. Péricaud (abbé), 3S1. Pichegru, 273, 280-281, 308. Pierrepoint, ministre d'Angleterre en Suède, 238. PiQUENARD, secrétaire de la préfecture de police, 203. Pléville LE Peley, 203. Pons (abbé de), agent rovaliste, 105,171,178. PopuLus, député aux Etats généraux, 80. PosuEL, secrétaire d'ambassade à Vienne, 2'.'", 234, PoTOCKi (Séverin), 34. PouLPRY (chevalier de), agent rovaliste, MONTGOLI-IER, 31. 136. à, Mortier (général), 277. Mouraviev, ministre de Russie à Madrid, 235. Napoléon Madier de Mon'tjau, député aux Etats généraux, 124. Magallon, 22. Malesherbes, 33, 139-141. Mallet du Pan, 134-135, 150, 152, Russie 134, 144, 155- 19".. 104. PuisÀye (comte de), 126-127, 370, 372, 381. 363- TABLE DES NOMS PROPRES R Stackelberg, diplomate russe, 178, Ramei,, miniaire des Onanccs, 206. Ramon-d, 260. Razoumovsky ambassadeur de , Russie ù Vienne, 195, 213, 216, 229-230, 337. REAL, 273, 282-283. RÉGNIER , 421 238,351. Storl, professeur à Vilna, 317. Strogonov (comte Paul), ministre de Russie à Madrid. 332, 334. Strogoxov (M^'î), 321. SucHET (général), 247, 273. Suzanxet, chef vendéen, 339. grand-juge, 274, 277, 281, 283. Reubell, Directeur, 202, 207-208. RiVAROL, 317. Rouan (princesse de), 321. RoMÉ DE l'Isle, savant, 31. ROSTOPTCHINE, 376. RouMiANZov, ministre des affaires étrangères en Russie, 3o0-3o7, 372. Rousseau (Jean - Jacques), 16-17, 20,92-93, 318. Tallevrand, 32, 89, 183, 202, 247, 251-252, 263-267, 269-270, 275276, 278-279, 28:i, 290-293, 296, 298, 301-302, 305-307, 333. Taylor, agent anglais, 340. TiiUGUT, ministre autrichien, 134, 183, 195, 198-200, 214-213. TiTius, professeur à Vilna, 317. Treilhard, Directeur, 202, 205. TuRcoNi (comte de), 38, 87. S Sagot (colonel), 309. Saint-Hcberty (M""^), 112, !H4, V 3.5-3S, 86-88, 132, 158-159, 1G9, 173, 1S4, 186, 218, 321-323, 176-177, 373-374, 378. Saint-Just, 132. Sain't-Priest (comte de). 14, 18, 38, 139, 183, 192, 194, 366. 202. Saurau, ambassadeur en Russie, 230. d'Autriche Savines, évèquc de '.Viviers, 119. ScHKRER (général), 202. Schulemdourg (comte de), £52. Sémonville, 108, 115. Sexovert, agent du Vannelet, 200-212, 247-248. Vaudreuil (comte de), 30, Séren't (duc de), 100. Shée, préfet du Bas-Rhin, 293. Sieyès, 202, 204, 207-208, 294-297. Simon (frères), employés au ministère de la guerre, 232. Smith, sous-secrétaire d'Etat ani^dais, 370. Soulavie (abbé), 41, 59. Sourdat, agent royaliste, 103. SouzA (M"» de), 288, 336. de), ministre anglais, 370, 372. Venture, interprète, 113. Viennois (M^e de), 11,53. Vignolles (général), 180-182. Viguier, 83, 118. Villetard, chargé d'affaires à Venise, 154-155. de), Vogué (comte Voltaire, 63. 16. W Directoire, 209. 50, 98, 101. 361. Wellesley (marquis 11, Sandoz, ministre de Prusse à Paris, Vaillant (maréchaD, 387. WiNziNGERODE, diplomatc russe, 336. WoRONzov (Alexandre), 233, 289, 303. WoRONZOV (Simon), 239-240, 352. Worsley, ministre d'Angleterre à Venise, 107, 115. Zastrow, diplomate prussien, 336. TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION. CHAPITRE PREMIER d'antraigues jusqu'en 1789 I. — — La Le Vivarais au xvm« siècle. Premières années (1753-1778). Naissance, jeunesse, éducation de d'Antraifamille d'Antraigues. Années de service mi. gues. Son caractère dépeint par sa mère. — — — — litaire. Relations avec les philosophes. — Un ami inconnu Jean- Jacques Rousseau de 10 — D'Antraigues ennemi des prêtres et Voyage en Orient (1778-1771)). Séjour à Constantinople. des rois. Son départ pour l'Orient. La princesse Alexandrine Ghika.— Excursion en Egypte et au Sinaï. II. — — — — Retour récits Caractère des en France par la Pologne et l'Autriche. 18 de d'Antraigues sur l'Orient libertinage et libre pensée. : — D'Antraigues exclu de Vie à Paris et en province (1779-1788). Ses rapports avec les savants, les publicistes, les gens de lettres Montgolfier, Mirabeau, Malesherbes, Bernardin de SaintLa SaintPierre. Ses amis à l'étranger. Ses bonnes fortunes. D'Antraigues en Vivarais. Huberty. Leur correspondance. Le château de la Bastide. Le châtelain, ses occupations, ses reve- III. — Versailles. — nus. : — — — La belle — — — 30 Henriette CHAPITRE DEUXIÈME d'antraigues député I. — Une apologie deNecker. Le Mémoire sur les États Généraux (1788). Origines du Mémoire sur les Élats. D'Antraigues défenseur des franchises du Vivarais contre la Cour, contre les litats du Languedoc. Double caractère de son livre théories générales, revendications pratiques. Sa doctrine du gouvernement direct par le peu- — — — ple. — : — Sa conception traditionnelle et féodale de la liberté 47 — TABLE DES MATIÈRES 424 n. La Chambre de la noblesse (1788-1789).— D'Antraigues mal vu àla Cour: sa popularité passagère. Son mémoire contre les États du Languedoc. L'Assemblée des trois ordres du Vivarais. D'Antraigues rédige le cahier de la noblesse. élu député. Ses Il est premiers actes aux Etats généraux. La vériGcation des pouvoirs; le vote par ordre ou par tête. D'Antraigues commissaire de la noblesse. Conférences entre les ordres. D'Antraigues entre à — — — — — — — — — l'Assemblée constituante 58 — Nombreuses brochures contre d'Antraigues. — Anlénor. — Ses répliques. — Discours à l'As- 111. L'Assemblée constituante (1789-1790). — semblée sur les Droits de l'iiomme, le veto royal. Ses travaux dans Comités. Son attitude passive. — Dernières relations avec Mirabeau. Brochures sur les questions du jour. Lettre du 6 février 1790. Départ pour la Suisse. Débats du 11 mars à son sujet. Royalistes et révolutionnaires en Vivarais. Pillage et in- — les — — — — — — cendie de la Bastide 70 CHAPITRE TROISIÈME D ANTRAIGUES AGENT ROYALISTE I. — — — — Séjour à Lausanne. Mariage. Premières intrigues (1790-1792). Brocliures contre-révolutionnaires. Point Naissance d'unlils. d'accommodement. L'Adresse à la noblesse de France Un manuscrit de Jean-Jacques. Premières menées de d'Antraigues. Las Casas. U Avis aux Suisses Projets d'intervention espagnole. Relations avec Calonne. Jugement sur la cour de Coblence... 85 — — — — . — — — Les agences de Paris et de Venise (1792-179G). — D'Antraigues attaciié àla légation espagnole de Venise. Etablissement dans cette ville. L'agence Brotier àParis. Rapports avec les agents étran- II. — — — gers. — Lizakévitch et Golovkine. — Fin du service espagnol. — D'Antraigues au service russe; Mordvinov. — Les émigrés à Venise. — Vie intime. — L'abbé Dufour, Goujon. — Correspondance avec 102 M'"^ d'Antraigues mère. — Noèl et Lallemant Travail à l'intérieur de la France (1793-1795). — Intrigues en Corse, en Languedoc, en Vivarais. — Tentative sur la frontière du Jura. — Les agents de Paris et Louis XVIII. — Le manifeste de juil1795. — Le roi sera-t-il reconnu? — Fin de l'agence Brotier. — parti anglais en Vendée. — D'AnGamon. — Le parti espagnol et III. let le 116 traigues, Puisaye et Charette — D'Antraigues jugé par sa mère. D'Antraigues et ses ennemis. Le Marat de la conDéfauts de sa situation et de son caractère. Manque de véracité, Le Rapport de Sainl-Just. tre-révolution. Les accusateurs, Montlosier, froment, d'Ade désintéressement. D'Antraigues entre ses deux Opinion de Louis XVllI. varay. 129 maîtres. — Les papiers de Malesherbes [V. — — — — — — — TABLE DES MATIÈRES 42 CHAPITRE QUATRIÈME d'aNTRAIGUES et BONAPARTE — — Louis XVIII quitte .Vérone. Montgaillard (1796). D'Antraigues Intrigues à Naples, dans les Etats pontificaux, La Vauguyon. Le général Boulard. dans le camp français. Montgaillard; son Ses menées auprès de d'Antraiguos. passé, son arrivée en Italie. La conversation du 4 décembre 1796. Départ de Montgaillard. D'Antraigues menacé par Bonaparte. Son refus de rentrer en France, et d'être élu aux Cinq-Cents 144 I. — et — — — II. — — — — — Le portefeuille D'Antraigues guetté par (1797). de Venise devant les Français. —^Son arrestation Bernadette et Mordvinov. D'Antraigues déclare son à Trieste. conduit à Milan. Il est Son entrevue du 1" juin mariage. Ouverture de son portefeuille. avec Bonaparte. La conversaCaractère probable de cette pièce. tion avec Montgaillard. Elle Comment son auteur est traité par Bonaest envoyée à Paris. parte 1 o4 L'arrestation. Villetard. — Sa fuite — — — — — — — — — • — D'Antraigues est-il émigré français ou fonctionSes réclamations, ses protestations au dehors. La Saint-Huberty et M™= Bonaparte. Entrevues de d'Antraigues et du général en chef. Lettre à Boissy-d'Anglas. Colère de Bonaparte. D'Antraigues s'abouche de loin avec Carnot, de près avec Kilmaine. Entretien avec ce dernier 170 III. La captivité. — naire russe? — — — — — — — IV. L'évasion. La disgrâce. Ce qu'on pense au loin du prisonnier Louis XVIII, les ministres Delacroix et Talleyrand. Préparatifs Publication de la. conversation le d'évasion. Sortie de Milan. 18 Fructidor. Accusations de Montgaillard. D'Avaray décide la disgrâce de d'Antraigues. D'Antraigues à Vienne. Ses efforts pour se réconcilier avec Louis XVIII. Ses rapports avec La Fare et le cardinal Maurj'. Comment il est traité par l'empereur Paul I" et l'ambassadeur russe Razoumovsky 182 — : — — — — — — — — CHAPITRE CINQUIÈME d'aNTRAIGUES a vienne et a DRESDE I. A Vienne (1798-1800). Thugut. Vannelet. —Établissement en Au- — Relations avec Thugut. — La correspondance de Vannelet. — Passé de l'auteur, ses moyens d'information. — L'espionnage politique en l'an VL — Le Directoire et son entourage. — Finances et diplomatie de la république. — Sieyés à Berlin, la propagande révolutionnaire en Italie. L'Orient, l'Autriche. — Vannelet, collaborateur triche. de d'Antraigues 197 28 TABLE DES MATIÈRES i2fi II. A Vienne — (1800-180^). rcmjilacc Kalytclic'v — Razoumovsky. Champagny. Razoumovsky. Dcniêlûs — — — Séjourà Gratz et brouille avec Thugut. Travaux pour l'omperour Paul. Disgrâce momentanée. Alexandre I" mystifié. Marie-Caroline à Vienne. Nouveaux amis de d'Antraigucs Armfelt, Jean de Mûller. L'ambassadeur français Champagny. Sonentrevue secrète avec d'Antraigues. 212 — — — — : — . — Retour de Razoumovsky. — Nouveaux démêlés. — D'Antraigues quitte Vienne pour — Panine Dresde. — Ses premières relations dans cette Czartoryski. — D'Antraigues conseiller d'Etat. — Sesrapports secrets avec Vienne. — Brouille avec Marie-Caroline. — D'Antraigues etCobenzl. Rôle de Jean de Miïller de Gentz. — La disgrâce de Panine— Mémoire de d'Antraigues sur Louis XYIII m. A Dresde {! 802-180 4). Czartoryski. CobenzL et ville. et 22'J CHAPITRE SIXIÈME L.V Lami FRANCE EN l8o4 — de Paris. Les amis de d'Antraigues en France. correspondants {"Vami de Paris. Ce qu'on sait de lui. 2" Caractère de ses révélations leur importance pour Czartoryski Vamle de Paris. Ses sentiments, ses moyens d'informations. Mort deYami. Son successeur. Modes de transmission lin de la 2ib correspondance. Mohrenheim I. — Les et l'amie : — — II. — : ; — — — — Bonaparte Le Premier Consul et sa cour. ses violences; deux scènes caractéristiques. Sentiments de son entourage pour lui. Bnithier et les Bourbons. Talleyrand, son caractère, ses passions. L'organisation de la M"= Bonaparte, son attitude, sa conduite. maison impériale. La colonie Les ministres étrangers à Paris. 238 russe. Nassau-Siegen et Choiseul-Gouffier — — — — — — — — ; — ; La conspiration de — Craintes de Bonaparte et de Joséphine. Un récit inédit de Caractère de la conspiration les complices. Comment finit Pil'arrestation et do la mort du duc d'Enghien. cbegru. Rôle de Caulaincourt. Rentrée en grâce de Fouché. 271 Protestation de la Russie. I\é flexions de d'Antraigues III. — 1804. : — — — — — — La politique française en 1804. —ISami, anglomane Yamie, rusContreLe cabinet noir, la police secrète à l'étranger. police de Y ami et de Yamie. Les préparatifs contre l'Angleterre. — Possibilité d'une révolution intérieure en Russie encouragements donnés. Desseins de Napoléon. Le roi de Suéde Gustave IVUn monologue de Sieyès. — Opinions de Berthier et de Joséphine IV. sopliile. — — — sur la politique extérieure ; — — — ; 284 TABLE DES MATIÈRES 427 CHAPITRE SEPTIÈME d'aNTRAIGUES a DRESDE (sulte) — Soupçons de Bonaparte et deTal. La Rochefoucauld (1803-1804). Interdiction du port de la croix de Saint-Louis. leyrand. Présentation de d'Antraigues à la cour de Dresde. Scène du 25 septembre 1803 aux Tuileries. Markov et Bonaparte. D'Antraigues conseiller de légation. Notes des 15 et 25 décembre contre lui. Résistance de Gzartoryski. Scènedul4 février 1804. Essai d'en299 lèvement. Les Mémoires de Montgaillard I. — — — — — — — — — — — Opinion des Russes et des Saxon» sur d'AntraiVie littéraire, gues. Ses services comme correspondant du ministère do l'instruction publique. Son Mémoire sur l'enseignement national. Une Université unique, militante contre l'esprit révolutionnaire. Jugements G ollaboration à l'organisation des universités russes. Un portrail d'Alexandre 1'' et Bernardin de et travaux littéraires. II. — — — — — — 311 Saint-Pierre — Vie de famille et de société. Projet d'établissement à Weimar. Mission du secrétaire Mohrenhcim. La Relations mondaines. princesse Troubctskoï. La Saint-Huberty opinions et conduite. Education du jeune Jules. D'Antraigues a-t-il embrassé la religion grecque ? M'"° d'AnCorrespondance avec l'amie de Paris. 321 traigues mère ses dernièi'es lettres, sa mort III. — — — — — — : — — : — Lu politique prussienneet BonaIV. Le XVIir livre dePolybe (1805). parte. Jean deMulIer à Berlin. Préludes de la troisième coalition. Entrevue avec Fauche-Borel, D'Antraigues à Novosiltsov. Louis de Prusse, Fersen. Un pamphlet érudit et allégorique. Son cadre, ses développements. Son succès, sa part dans l'exaltation de l'esprit prussien. Comment l'auteur fut récompensé. 334 — — — — — — — — CHAPITRE HUITIÈME d'aNTRAIGUES en ANGLETERRE I. — Etablissement en Angleterre (lSOG-1807). Dangers du séjour à Visites Dresde. D'Antraigues autorisé à passer en Angleterre. Position à Jean de Mûller et d'Angiviller. Arrivée à Londres. Disprise entre Nicolaï et Strogonov, Canning et lord Granville. D'Antraigues au sergrâce en Russie, ses prétextes, ses causes. vice anglais 347 — — — — — — II. — D'Antraigues et le duc d'OrPuisaye. Les Bourbons (lSOO-1811). Leurs Liaison avec Puisaye. Les affaires de France. léans. — — — 1 TABLE DES MATIERES 428 — Intrigues — — contre Louis XVIII arrivant en Angleterre. Complot avorté contre d'Avaray. Fauche-Borel. D'Antraigues éconduitpar WelCorrespondance avec Armfelt. projets. D'Antraigues — et — lesley 361 * — m. — Le soPériode d'isolement et d'abandon. L'assassinat (1812). Nouvelles espérances du côté de la liloque <lu l*" janvier 1812. Lorenzo. La Pressentiments d'une lin tragique. Russie. Bruits répandus, causes probadouble catastrophe du 22 juillet. Jugements descontemporains.— Appréciationgénérale. 372 bles. — — — — — — CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE 383 39 , NOTICE GÉNÉALOGIQUE 411 TABLE DES NOMS PROPRES 417 5à O ^ 1 PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF DC me A58P5 1893 Cl ROBA TORONTO LIBRARY